Il était l’heure, l’heure de rencontrer le régent pour lui faire part de mon rapport concernant l’entrevue avec le Rokudaime. Après quoi je comptais bien évoquer un autre sujet un peu plus « épineux » afin d’obtenir des réponses, des réponses claires. Je ne savais pas encore où cela me mènerait, mais il n’était pas question de faire marche arrière. J’aurais - en effet - pu enquêter derrière son dos pour essayer d’obtenir ces réponses et ainsi tenter de confirmer les « accusations » du Yamada, mais cela reviendrait à aller à l’encontre de mes principes, chose dont je ne me permettrais guère.
Honnêteté, loyauté et intégrité, voilà trois règles que je n’étais point disposé à transgresser ! « Grand-père avait raison, tu n’es pas fait, ou du moins pas prêt à être shinobi » Souffla une petite voix interne, se moquant de ma façon de faire. Et bien soit ! « Ne l’es-tu pas devenu pour apporter la paix et protéger les tiens ? » En effet, c’est exact. « Alors pourquoi n’enquêtes-tu par sur cet homme qui est susceptible d’être possédé ? Dis-moi, à quoi te sert de vouloir protéger les tiens et apporter la paix si tu es incapable de voir et faire face au danger qui vous guette ? » Je ne vois pas de quel danger tu parles, s’il suffit de trois-quatre phrases pour douter de ceux qui nous entourent, alors je crois qu’aucun d’entre nous ne sera capable de faire confiance à son voisin. « Alors pourquoi tu doutes ? » Je ne doute point. « Si, j’en suis la preuve. Je ne suis que la manifestation de tes doutes. » …

Je n’avais pas su quoi répondre ni quoi penser, si ce n’était de chercher à m’extirper des méandres de mes pensées. Agitant la tête à plusieurs reprises, je tentais de focaliser mon attention sur le dossier que j’avais constitué sur le Rokudaime afin d’éviter de me noyer dans mon monde intelligible…

Quelques instants après, j’arrivai - enfin - au palais du conseil souverain pour y rencontrer le régent. Lorsque je me trouvai face à à la porte de son bureau, je frappai et attendit qu’il m’autorise d’y entrer. Puis, j’entrai, dossiers entre les mains, et m’avançai plus près de son bureau. Il était de l’autre côté de la table, installé confortablement sur son siège.

« Bonjour, Ogami-san ! » Fis-je, dans un premier temps. « Je viens pour vous remettre le dossier concernant le Rokudaime. J’ai pu, comme vous me l’avez demandé, retracer son parcours. La plupart des informations qui remontent à avant sa désertion ont pu être vérifiées et confirmées. » Poursuivis-je, déposant les parchemins sur le bureau. « En revanche, comme vous devez vous en douter, je ne peux vérifier ce qui remonte à sa désertion, c’est donc à vous de voir si vous le croyez ou non. » Achevai-je, d’un ton calme.

Suite à quoi je laissai le temps nécessaire aux régent pour réagir et m’interroger sur un point précis, s’il en avait envie. Après quoi, je repris à nouveau la parole pour apporter plus de précisions sur le déroulement de l’entrevue.

« Je ne sais pas si vous avez visionné l’enregistrement, mais sachez qu’il a été très coopératif. Notre échange a - cependant - dépassé le cadre de la limite que vous m’avez imposée, ce qui d’une certaine façon n’est pas plus mal puisqu’il m’a fourni beaucoup d’informations, pour la plupart très intéressantes. » Fis-je, d’un air sérieux. « Dans le parchemin bleu, vous trouverez toutes les informations pouvant mener à la capture de Yogân Yusei, l’homme qui a capturé Yamada Arashi durant les événements à Ki. » Poursuivis-je, pointant le parchemin en question du doigt.

Je doutais que cela soit dans ses intentions, mais ne sait-on jamais…

Spoiler:

Kuzushi était face à moi et il venait me faire un rapport de son interrogatoire avec le déserteur Yamada Kioshi. Nous avions déjà beaucoup d'informations quant à ce dernier, ces interrogatoires étaient présents juste pour comprendre ce qu'était devenu la personne et ce qu'il avait accompli. C'était une chance pour lui de conter ses anciennes victoires, de conter ses prouesses et ses actes de bravoures pour Suna. Pourtant l'ancien général avait laissé cette chance lui glisser entre les doigts. C'était d'une telle idiotie que je me demandais comment il avait pu diriger des armées. Pour moi le bilan de cet interrogatoire n'était pas très positif. Kuzushi n'avait pas tort, j'avais visionné les enregistrements et avais pu juger de la qualité de cette entrevue. J'avais pu aussi voir la vraie face du Rokudaime Kazekage. Un menteur, un manipulateur, un traître-... Comptait-il encore ajouter à cette liste des éléments ? N'en avait-il pas fait assez ? De ma main droite, j'indiquai à mon interlocuteur de s’asseoir face à moi. Une fois fait, je pris la parole.

«  Merci pour le travail effectué, concernant le Yôgan je n'ai que très peu entendu parler de lui. Nos informations ne sont pas précises à ce sujet mais nous allons pouvoir renseigner son dossier, c'est une bonne chose. Cela dit... sa capture n'est en rien notre priorité comme tu as pu t'en douter. »

Je marquai une pause de quelques secondes en feuilletant tout de même le dossier qu'il m'avait transmis. Je décidai d'ailleurs de revenir sur un point que je trouvais dérangeant mais qui n'était pas en rapport avec le sujet de sa visite.

«  Je t'ai déjà dit que tu pouvais me tutoyer non ? Fais donc, n'hésite pas. » Je fis un bref sourire et repris mon sérieux en plantant mes yeux dans les siens. « J'ai visionné l'interrogatoire et je souhaite tout d'abord parler de ta performance. Tu as été à la hauteur et en effet tu manques d'expérience en la matière mais... Rappelle toi que c'est toi qui interroge un prévenu et non le contraire. Kioshi a tenté à de nombreuses reprises de prendre en main l'interrogatoire et tu as du le remarquer n'est-ce pas ? Fais attention la prochaine fois. »

Il y avait maintenant plusieurs sujets à aborder. Je pouvais parler de Chura, des mensonges de l'ancien Kazekage, de sa tentative de manipulation...

«  Tu vois, cette entrevue était un moyen pour lui de pouvoir s'expliquer. Un moyen pour lui d'aider à ce que la sentence appliquée soit moins lourde... Et pourtant il en a décidé autrement en alignant mensonge sur mensonge, en sortant idiotie sur idiotie. Je ne vais pas te mentir, je ne suis pas déçu car je ne m'attends pas à un comportement exemplaire venant d'un traître. Il est à l'image de son statut de criminel, perfide, manipulateur, menteur et j'en passe... Ce rapport sera transmis aux juges comme tout le reste et ça ne l'aidera pas, je peux te l'assurer. Il a aussi apporté des informations importantes et j'en tiens note aussi. Cela dit... »

L'homme avait beau être exécrable qu'il devait être jugé comme n'importe quel autre homme. Les faits allaient être présentés et il allait avoir les mêmes chances qu'un autre pour se défendre. L'égalité entre les hommes était une valeur que je respectais profondément, théoriquement à Kaze no Kuni nous naissions tous égaux. Si sur le plan militaire je valais bien plus que le traître, en tant qu'humain il disposait des mêmes droits que moi. Certains lui avaient été retiré de par sa détention mais il n'en restait pas moins qu'il pouvait se défendre et répondre de ses actes.

«  Il devra être jugé sur ses actes comme tout autre. La cour martiale saura quoi faire avec cet homme, j'en suis convaincu. Je sais aussi que tu te poses des questions quant à mon sujet et même si tu as confiance en moi, je pense que tu veux obtenir des réponses, je me trompe ? Laisse moi tout d'abord t'expliquer en quoi les réponses du Rokudaime Kazekage n'étaient pas toutes véridiques. Pour commencer, je dois te dire qu'il ne me connaît pas et mis à part quelques entrevues, il ne sait rien de moi ou de mon caractère. Il est le maître du mien, mis à part ce lien il ne peut pas prétendre me connaître. Il y a quelques jours encore, il a avoué n'avoir pas agi pour Suna. Il n'est pas attaché à ce village, il est attaché à certaines personnes vivant en son sein, tout simplement. »

Être Kazekage n'était pas ça à mes yeux, il avait fait passer une poignet de personnes avant l'intérêt de millier d'autres. On disait que Suna était une famille et lui il l'avait lâchement abandonné pour un amour illusoire, un amour qui n'allait certainement pas durer.

« Être Kazekage c'est fait passer l'intérêt du village avant les siens. Un village représente une grande famille qu'on doit chérir et supporter puisqu'ils nous ont donné leur confiance. Il n'a jamais été un Kazekage si ce n'est sur papier, c'est une certitude. Ce traître a fait semblant de s'intéresser à ton sort alors qu'il n'aurait pas hésité à te sacrifier toi et des centaines de civils pour protéger sa dulcinée. »

Il était temps d'aborder le sujet qui était à mes yeux le plus sensible, le démon qui se terrait en moi.

«  Il t'a aussi parlé de Chura. Il a en effet raison et je suis bien le possesseur d'un démon. Il est en moi et je vis avec depuis bien des années maintenant. Laisse moi par contre corriger certaines choses, ce n'est qu'un fragment du démon originel et il est loin d'être aussi puissant qu'Ichibi. Pour l'avoir côtoyé, je peux te l'assurer. J'ai mis longtemps avant de parvenir à contrôler mon démon, j'y suis parvenu et je l'ai même réprimé. En rien il n'a influencé mes décisions et mes actes car contrairement à Yamada Kioshi, si je me suis allié à la capitale pour démettre Kibo de ses fonctions, c'est pour l'intérêt de tous. Je suis le régent et j'arbore pourtant plus les valeurs d'un Kazekage que cet homme. Concernant mon maître, l'exil était la première étape à son rétablissement. Je ne le pouvais pas le laisser à Suna et agir à sa guise, je ne pouvais pas lui laisser le bandeau de notre village. Il aurait très bien agir sous le coup des émotions et mettre d'autant plus en péril notre pays. C'est pour cela qu'il a été démis de ses fonctions et exilé, ni plus ni moins. J'ai longtemps considéré Kibo comme mon frère et c'est encore le cas aujourd'hui... »

J'étais loin d'avoir contredit tous les mensonges du déserteur, il y en avait tellement que je ne savais par où commencer.

«  Kuzushi, je ne vais pas te demander de ne pas douter de moi. Tu me connais déjà et sais pourquoi j'agis de la sorte. Je ne suis pas sous l'influence d'une entité démoniaque mais je t'avoue être tout de même influencé... Je suis influencé par l'amour que j'ai pour mon village et par les serments que j'ai prêté pour ce pays, ça je dois le reconnaître. »

S'il avait des questions, j'étais entièrement disposé à lui apporter des réponses.