Nouvelle journée, nouvelle aventure. Aujourd’hui il va être question de forains. Vous savez, ces marchands itinérants que la moitié de la population traite de voleurs et d’escrocs, pendant que l’autre moitié les considèrent comme des saltimbanques venus égaillés leur journée et leur portefeuille. Les avis sont de ce fait très partagés et ça peut facilement donner lieu à des dérapages. Par conséquent et même si des troupes de Kiri font la sécurité, j’ai tout de même prit la liberté avec une petite équipe, d’aller superviser ça personnellement. Après tout, Mizu no Kuni est mon pays aussi, et certainement plus que certains arrivistes récupérés par Michiki.
Bref, si on veut faire de ce pays une terre d’accueil, ce n’est pas en relevant les différences et en cherchant qui est le plus légitime qu’on y arrivera. Il faut voir plus loin que le bout de son nez, plus loin dans l’avenir, dans les projets, prévoir plusieurs coups à l’avance, même les plus minimes comme justement cette histoire de fête foraine. Le but étant de se faire voir, et autant que possible de se faire bien voir.

Après la visite quotidienne des différentes personnalités du clan et de quelques familles croisées en chemin, nous partîmes avec notre petite équipe d’une dizaine de volontaire, à bord d’un de nos navires en direction la ville portuaire de Shu. C’est l’un des points de passage principaux pour tout ce qui est commerce et ravitaillement sur l’archipel, et un lieu à forte influence du fait que son port est l’un des plus imposant de Mizu no Kuni. Dernièrement, une sorte de cirque s’y était installé, certainement avec l’accord du Kage nécromancien, en bordure des quartiers habitables. Sur place, la musique installe à elle seule l’ambiance. Un air de fête traine dans le vent, et ça tombe bien le brouillard s’est levé. Pour combien de temps, on ne sait pas mais il faut en profiter.
Une fois l’entrée passée et le petit tampon en forme de panda sur le dos de la main pour attester qu’on a payé, je détaillais mes instructions aux autres Kaguya, puis tous se dispersèrent. Nous devions nous fondre dans la masse, être des gens comme tout le monde et de ce fait, ne pas hésiter à jouer de temps en temps, mais toujours en gardant un œil sur la populace. Interrompre les bagarres, résoudre les conflits avant qu’ils n’arrivent et par-dessus tout, intervenir avant les Kirijin.

Personnellement je venais de m’acheter une barbe à papa bien grosse et ronde, et je me baladais entre les allées des différents stands. Et je ne vous cache pas que ça fait vraiment plaisir de voir tous ces sourires sur le visage des enfants, transmit peu à peu à leurs parents. Pourtant je n’aime pas du tout les gosses hein, mais disons que c’est plus la joie et le bonheur transmit qui me plait, que la personne en question.
Oh, des auto-tamponneuses ! Hum c’est tentant, mais je ne pourrais plus faire mon taff sitôt dans l’un de ses engins. Nan, faut se retenir. Un tir à la carabine ce sera nettement plus pratique.

Spoiler:

Plantée au milieu de la grande ruelle menant vers la fête foraine estivale, la première depuis la reconstruction de Kirigakure no Satô, la Natsumi guetta les vas et viens incessants alors qu'hésitante elle avait trainé en arrière jusqu'à perdre ses compagnons. Ayant vécu plus de dix ans enfermée dans sa bulle, Mairu avait encore du mal à fréquenter un lieu si noir de monde. D'ailleurs c'était la première fois qu'elle venait à un tel festival. À vingt sept printemps passés, c'était invraisemblable mais pas si on connaissait son passé.

Des enfants pressés couraient, tirant leurs parents par la main. Gagné par la gaieté des gens qui l'entouraient, un sourire discret s'esquissa en coin des lèvres de Mairu qui se mit ensuite à arranger ses lunettes comme à chaque fois qu'elle tentait de contenir ses émotions. Puis soudain, elle se fit tirer à son tour. La surprise faillit la faire perdre l'équilibre alors que l'un de ses geta manqua de s'échapper de ses pieds tandis que son yukata l'empêchait de faire des grands pas.

- Par ici Natsumi-San ! Papy nous attend ! Lâcha le jeune garçon qui l'entrainait.

C'était le petit-fils de Monsieur Kato, l'homme qui l'avait incité à venir à cet endroit où elle n'aurait jamais posé les pieds de sa propre initiative. Monsieur Kato était un vendeur de nouilles du Village caché du Pays de l'Eau. Gourmande et friande de ce repas populaire, la Natsumi était devenue un de ses plus fidèles clients et qu'il aimait bien taquiner. Monsieur Kato avait demandé à Mairu de les accompagner à ce festival où son petit-fils désirait tant se rendre tout en appuyant sur le fait qu'il serait rassurer d'avoir la chuunin à leurs côtés pour la sécurité du petit Yota. Après avoir été si longtemps délaissé, l'insécurité subsistait dans certains coins de Mizu no Kuni malgré les efforts du Rokudaime Mizukage pour y remédier. Instaurer la sécurité dans le pays en entier était une tache qui demanderait du temps mais aussi beaucoup d'effectifs mais renaissance à peine de ses cendres, Kiri ne disposait pas encore suffisamment de "soldats" pour sécuriser jusqu'aux moindres recoins le Pays de l'Eau. Néanmoins, les habitants pouvaient désormais dormir en paix et commencer à s'amuser comme durant ce festival. Les plus dangereux restaient les coins reculés comme des chemins isolés.

Ce fut donc pour accomplir en quelque sorte son devoir en tant que "gardienne" des habitants du Pays, que la samouraï avait accepté la proposition du vieux Kato. Comme sa simple présence ne suffisait pas il fallait en plus qu'elle s'accorde au code vestimentaire du papy et son petit-fils qui étaient tous deux habillés en kimono d'été. La voilà donc qui se retrouvait dans un accoutrement loin d'être discret car on lui avait choisi un yukata rouge vif avec des motifs aux couleurs tout aussi chatoyantes et une fleur artificielle avait été glissée dans ses cheveux ramenés en queue de cheval. La tenue seyait à merveille à la Natsumi mais qui ne sentait point à l'aise. Habituée à avoir ses membres libres de tout mouvement, elle se sentait tellement confinée qu'elle avait envie d'arracher tous ses vêtements.

La Natsumi avançait des petits pas rapides pour suivre le petit Yota qui continuait de la tirer par un bras comme si elle était une enfant qu'il ne fallait pas perdre dans la foule. Le petit garçon se faufilait avec précipitation à travers la cohue, pressé de rejoindre son grand-père qui les attendait un peu plus loin. Soudain le gamin fut violemment repoussé en arrière alors qu'il rentra en collusion dans une femme qui se dirigeait vers un stand de tir. Mairu rattrapa Yota par les aisselles pour l'éviter de s'affaler sur le postérieur puis en douceur, elle remit l'enfant sur ses pieds avant de se baisser pour vérifier l'état du gamin.

- Tu n'as rien ?

Un peu désorienté, Yota se contenta de secouer la tête. Mairu lui caressa alors la tête pour le rassurer avant de se redresser pour accorder enfin de l'attention à la personne qui était rentrée en collision avec l'enfant. Alors qu'elle s'apprêtait à s'excuser au nom du petit garçon qui, toujours sous le choc, n'arrivait pas à sortir le moindre mot, la bouche de la Natsumi resta entrouverte alors qu'elle identifia la blonde à forte poitrine qui lui faisait face. Les lèvres de Mairu s'étirèrent pour finir par esquisser un large sourire.

- Princesse Kaguya, finit par lâcher la samouraï alors qu'elle avait saisi une main de Milly sur laquelle elle déposa un baiser tout en se courbant tel un prince charmant saluant sa belle. C'est un plaisir de vous revoir.

La scène attira les regards. Certains les fixaient amusés - des hommes surtout - alors que d'autres étaient extrêmement choqués. Une femme fit même tomber la friandise qu'elle était sur le point de mettre en bouche alors qu'une autre tentait de cacher les yeux de son enfant.

Mairu lâcha la main de la Kaguya tout en se redressant.

- Désirez-vous quelque chose ? Demanda-t-elle ensuite avec un sourire qui donnait froid dans le dos aux curieux qui s'étaient arrêté pour regarder.

Aussitôt les spectateurs s'éparpillèrent. De nouveau la Natsumi concentra son attention sur le chef des Kaguya. Se souvenait-elle seulement d'elle ? Leur première rencontre remontait à plus de deux ans et elle avait beaucoup changé depuis, mentalement surtout …

Le regard un moment vide, presque pensif sans que pour autant derrière les paupières la moindre pensée ne tourne, j’observai un gosse qui devait avoir dans les dix ans en train de manier un fusil factice presque plus grand que lui, et se plaindre à sa mère qu’il n’arrivait pas à viser correctement. Forcement andouille, t’as vu comment tu le tiens ? Et puis même, t’es bien trop jeune, trop petit.
Une soudaine secousse m’interrompit dans mes critiques mentales. Baissant les yeux et écartant ma barbe à papa du champ de vision, je pu constater de ce qui était arrivé. Un enfant sans doute pas plus âgé que l’autre avec son jouet venait de me rentrer dedans et en était retombé sur le derrière. Oh, ça va oui ? Regarde un peu où tu vas gamin …
Celle que je supposai être sa mère accourue pour lui porter secours, l’aider à se relever et constater des éventuels dégâts. Une très belle femme, aux courbes généreuses bonifiée par un yukata rouge vif et une fleur dans les cheveux. Un peu en retrait, un vieil homme les accompagnait, vêtu comme l’enfant d’un kimono estival. Sans doute le père de la demoiselle. Une petite famille quoi.
La mère se tourna ensuite vers moi, et j’eus la très étrange et désagréable impression de l’avoir déjà vu quelque part. En tout cas elle, elle semblait me connaitre si j’en juge par le large sourire qui s’étire sur ses joues.

« Princesse Kaguya, » Fit-elle, me choquant face à un tel titre.

Elle prit l’une de mes mains et y déposa un baisé sur le dos, comme le ferait un gentleman a sa futur conquête. Je ne pus empêcher mes pommettes de virer au rouge, ni mon cœur de s’emballer. Elle disait que c’était un plaisir que de se revoir. Mais qui est-elle ? Et puis c’est quoi cette façon de saluer les gens ? Jamais personne ne m’avait jamais fait ça.
Bref, pendant que je faisais mon possible pour ne rien laisser paraitre – en vain évidemment – j’observai les traits de son visage et les comparait à ceux déjà rencontrer par le passé. Autour de nous les gens discutaient, murmuraient et il y avait de quoi. Sans parler en plus du côté homosexuel de la scène. Qui pouvait-elle bien être ? Certainement pas quelqu’un avec qui j’aurais partagé le lit, ça non.
La demoiselle se redressa et c’est là qu’un nom vint s’accrocher, alors qu’elle diluait la foule par un sourire peu rassurant.

« Mairu ? » Demandai-je autant à elle qu’à moi, les sourcils froncés. « C’est toi ? » Je clignais des yeux, comme pour analyser chaque image un peu mieux que la précédente, les venant parcourir le dos de la main qui avait reçu ses lèvres. « Mince alors, bah ça pour une surprise. Et quelle allure ! Tu es magnifique dit donc. Particulièrement magnifique. »

Je ne me gênai pas pour parcourir des yeux sa silhouette enfermée dans ce vêtement étroit. Elle avait changée depuis la dernière fois, sur Hone no Shima, vraiment changée et pas en mal. Je me reculai d’un petit pas et entamai un début d’arc de cercle, comme pour l’ausculter mieux, mais ça ne se faisait pas. Et ma libido n’avait pas à s’exprimer, ce n’est clairement pas le moment.

« Comment tu vas ? Tu te balades avec ta famille ? Je ne savais pas que tu avais un fils, surtout de cet âge. La dernière fois qu’on s’est vue, tu étais pourtant seule. Enfin tant mieux, c’est une bonne chose aussi. Bonjour monsieur. » Lançai-je en guise d’interlude au vieil homme, avant de revenir à la demoiselle. « Ça fait quoi ? Deux ans, ou un peu moins. J’espère que tu ne m’en veux plus pour t’avoir jeté dehors à l’époque. En tout cas ça semble avoir été bénéfique, tu es vraiment ravissante aujourd’hui. »

Une fois de plus, la Natsumi n’avait pas pu résister à l’envie enfantine de taquiner une personne qui lui était presque étrangère. De prime, celle-ci avait un statut très important par rapport à elle qui n’était qu’un personnage effacé dans le monde des shinobi. Nombreux sont ceux qui se seraient abstenus une telle familiarité avec celle qui était à la tête du clan Kaguya mais pour la Natsumi la hiérarchie n'avait jamais été une barrière qui freinerait ses ardeurs. Sa personne se pliait à respecter la position de chacun seulement si elle jugeait que là était nécessaire et mérité au vu de la situation.

La Kaguya l’avait autrefois reproché son manque de joie de vivre alors qu’à l’époque elle souffrait encore des séquelles de la perte de l’être qui lui avait été le plus cher, son grand frère Haru. Une disparition qui avait fermé son cœur dans une armure de glace la privant durant des longues années de son sourire et de sa capacité à aimer une personne. Une barrière aujourd’hui brisée grâce à un homme dont elle était tombée éperdument amoureuse au point qu’elle avait décidé de servir le Village Caché que celui-ci dirigeait alors que la Natsumi s’était promis de ne plus servir de « patin » à un kage.

- Merci. Quant à vous, vous êtes toujours aussi rayonnante ! Fit la Natsumi dans un sourire un peu forcé bien que ses paroles étaient bien sincères car il fallait être aveugle ou avoir un sens d’analyse erroné pour ne pas remarquer le charme de la blonde à forte poitrine qu'était la Kaguya.

Se complimenter sur la beauté n’était qu’une réelle futilité pour la Natsumi qui n’accordait aucune importance aux apparences d’autrui. Tout comme elle n'en avait cure des compliments sur la sienne elle s'attelait rarement à faire des éloges sur celle d'un autre. Si elle prenait cette peine, c'était en général pour ne pas froisser ou par intérêt.

Un compliment ou une insulte ne pourrait l’atteindre que venant de l’homme qu’elle aimait. Celui dont elle voulait plaire à tout prix. Elle voulait être parfaite en tout point à ses yeux alors qu’à ceux des autres, qu’elle fût un être totalement abject ou complètement invisible ne la dérangerait aucunement. Ainsi donc, les compliments de la Kaguya ne l'avaient point atteint en réalité.

- Sinon, ce petit n’est pas mon enfant. Du moins pas de sang même si je l’adore comme tel, poursuivit la jeune femme aux prunelles sanguines tout en posant une main sur la tête du petit Yota qui lui tenait fermement une main comme s’il avait toujours peur de la perdre.
- Viens faire un tour avec grand-père Yota ! Lâcha Monsieur Kato tout en tendant une main au petit garçon qui délaissa aussitôt celle de la Natsumi pour attraper celle de son papy.

L'homme avait fini par rejoindre son petit-fils et la samouraï alors qu’ils s’étaient arrêtés non loin de l’endroit où le vieil homme les avait attendu. Ayant reconnu celle qui dirigeait le clan Kaguya, par respect, le vieil homme préférait donc laisser les deux jeunes femmes converser seules tranquillement.

- Je ne peux pas vous laisser ! Je suis venue ici pour vous accompagner ! Lâcha Mairu qui était contre l’idée d’abandonner le grand-père et son petit-fils.
- Ne vous inquiétez pas, il ne nous arrivera rien ici ! Lâcha le vieil homme d'une voix rassurante avant de s’éloigner aussitôt avec le petit Yota.
- Je crains fort qu’on vous ait imposé ma présence, lâcha Mairu à l’intention de Milly avec ironie. Un petit tour en ma compagnie vous tenteriez-t-il ou bien avez-vous mieux à faire que trainer avec une femme que vous avez chassée de votre île autrefois ? Ajouta la samouraï sur un ton dénué de reproche …

Seulement la jeune femme en kimono dissipa sans attendre le malentendu. Non ce n’était pas son fils et non ce n’était pas non plus son père. Enfin, il s’agissait bien du grand père du petit, mais Mairu n’avait aucun lien de sang avec les deux protagonistes. Cela fit cependant bizarre de l’entendre dire qu’elle adorait ce très jeune garçon. Il faut dire que notre dernière discussion sur la plage d’Hone avait été particulièrement froide.
Je ne vous rappelle pas comment ça s’était passé hein ? Avec mon offre d’hospitalité qui n’a eu droit à aucune gratitude. C’est dire, elle aurait pu avouer se faire royalement chier que ça aurait eu le même résultat. Donc vous comprendrez aisément que ne serait-ce que la voir sourire, c’était déjà étrange. Enfin ! Ce n’est pas plus mal non plus, ça veut dire que quelque soit son état de l’époque, ça va mieux.

A les voir tous les trois pendant que je mangeais ma barbe à papa, Mairu semble avoir été assignée à la protection de ces deux personnes, mais pour quelle raison ? Qu’ont-ils de si important ? Les apparences sont aisément trompeuses, surtout dans notre monde, je ne peux donc pas m’y fier pour avoir une idée. Et demander à la demoiselle ne servirait à rien.
Voilà qu’elle se fait littéralement abandonnée par eux, se retrouvant à presque s’excuser de me tenir compagnie. Tss. Je gardai cependant un visage absolument neutre, dénué d’expression, mâchouillant continuellement cet amas de sucre nuageux.

« Un petit tour en ma compagnie vous tenteriez-t-il ou bien avez-vous mieux à faire que trainer avec une femme que vous avez chassée de votre île autrefois ? » Demanda-t-elle.

« C’est un reproche ? Nan parce que si tu … hum si vous vous souvenez bien, j’aurais dû vous chasser aussitôt votre arrivée sur l’île. Parce que c’est comme ça que ça marche par chez nous. Mais je ne l’ai pas fait. Non je vous ai offert l’hospitalité, même d’une nuit sur la plage et pas la moindre gratitude en retour. » Expliquai-je calmement, en détaillant bien chaque point. « Donc je vous prierais de ne plus recommencer en disant que je vous ai chassée, ce n’est pas vrai. Maintenant et pour une raison qui m’échappe totalement, vous semblez aller nettement mieux et j’en suis ravie. Vous avez un visage qui correspond nettement mieux à un sourire qu’à faire la tronche. »

Je lui tendis ma barbe à papa, ou ce qu’il en restait, et entreprit de me lécher les doigts. Le sucre ça colle et sur les vêtements ça tache, sans parler de la gêne que ça pourrait provoquer en cas de pépin.

« Bien, et du coup vous êtes là pour veiller sur des deux-là ? J’ai vu quelques soldats kirijin patrouiller ici et là, avec des petits lots du shukaï aussi. En plus de la sécurité à l’entrée, c’est pas mal. C’est presque trop pour un si petit évènement … vous ne croyez pas ? Mais au fait, quoi de nouveau pour vous ? C’est assez surprenant de vous revoir ici. Vous qui n’aviez aucune attache à l’époque, vous auriez pu aller n’importe où. Le monde est vaste. » Je remuai les doigts comme pour illustrer rapidement la notion de grandeur. « C’est Michiki qui vous a tapé dans l’œil ? Ahah. Un type aussi froid et égocentrique, impossible. Je me demande comment il va ce crétin d’ailleurs … »

Rajouter narcissique pour parler du kage aurait été de trop, sans doute. Je ne l’appréciais pas et je ne le reconnaissais pas en tant de dirigeant de village, mais ce n’était pas pour autant qu’il fallait lui cracher dessus. Après tout, il a bossé un max pour faire renaitre Kiri aussi. Bon il a un peu trop mouillé sa chemise au passage, mais c’est son choix. Après tout on ne peut pas être bon partout hein.

« Aller, pendant qu’on est là, parlez-moi de vous miss. Quoi de neuf depuis notre dernière discussion ? Vous vous en sortez maintenant avec les crabes ? »

Un bref instant, le désenchantement se peignit sur le visage de la Natsumi face aux propos de la Kaguya. Venant de celle qui l'avait accusé autrefois de ne pas savoir profiter de la vie, elle s'attentait à un peu plus d'ouverture d'esprit mais au final celle qui s'était permise de lui donner des leçons sur le bienfait de la vie se révélait au final n'être qu'une personne qui n'avait aucun sens de l'humour et bien prompt à monter sur ses grands chevaux.

Déception. Le mot était peut-être un peu fort pour qualifier le sentiment qui s'était emparé un instant de la Natsumi mais ce n'était pas bien loin.

Rapidement, la samouraï retrouva son visage serein mais le sourire s'était définitivement évanoui de son faciès qui arborait à présent une expression bien sérieuse. La Kaguya avait réussi à tuer toute son envie de la taquiner. Mairu aimait s'adonner à des plaisanteries qui parfois, non souvent même, bien enfantines mais elle jugea qu'il était plus raisonnable de ne pas pousser le jeu plus loin au vu de ce qui venait de se passer. Elle ne désirait guère froisser la dirigeante des Kaguya alors elle préférait donc éviter de lâcher une nouvelle ânerie que son interlocutrice pourrait de nouveau mal prendre alors que là n'était point son intention.

- À aucun moment je ne vous pense ingrate, ni à l'époque, ni maintenant. Mes propos n'étaient point sérieux. Je m'excuse donc s'ils vous ont offensés, lâcha la Natsumi d'une voix refroidie mais loin d'être hostile tout en refusant d'une main la barbe-à-papa que la Kaguya lui tendait.

La Natsumi ne mangeait jamais le reste des autres même lorsqu'elle mourrait de faim. Elle aurait accepté de manger la friandise déjà entamée seulement si celle-ci venait de l'homme dont, par le biais des baisers échangés, elle avait surement déjà gouté la salive. Chose qui l'aurait répugné venant de n'importe quel autre être donc le refus n'avait rien à voir avec la Kaguya. Elle aurait refusé même si c'était de la part de quelqu'un d'autre sauf si c'était Michiki.

- On n'est jamais assez prudent. Surtout dans un pays qui a été si longtemps livré à lui-même. Monsieur Kato m'a sollicité pour les accompagner mais je pense surtout qu'il voulait que je m'amuse un peu … Vous ne semblez pas porter le Rokudaime Mizukage dans votre cœur, ajouta la Natsumi calmement alors que les deux femmes se mirent à marcher. Personnellement, je le trouve bien charmant. Je reconnais que c'est une personne pas très commode à cause de cette froideur dont il fait preuve mais je pense qu'au fond ce n'est pas une mauvaise personne.

Les propos de la Natsumi répondaient indirectement à certaines questions que se posait la Kaguya et lui révélaient implicitement qu'elle le connaissait assez bien. Ne désirant pas s'atteler sur le sujet, la binoclarde aux prunelles sanguines s'était abstenue de donner des détails pour justifier ses opinions sur Michiki grâce à qui elle était toujours en vie.

La samouraï ne tenait pas à défendre le Mizukage quand bien même c'était l'homme qu'elle aimait. Elle jugeait que chacun avait droit à sa propre opinion sur une personne alors même si intérieurement elle se sentait irritée d'entendre celui à qui elle avait offert son cœur se faire traiter de "crétin" elle ne montra aucun signe d'exaspération. Gardant son sang-froid, elle ne défendit même pas le Shinda mais s'était contentée seulement de donner ses avis personnels sur celui-ci. La Natsumi s'était même abstenue de sortir la moindre remarque sur la façon de parler de la dirigeante des Kaguya qu'elle trouvait dénué de délicatesse - pour ne pas dire vulgaire - pour une personne de sa stature. Chacun avait sa façon d'exprimer après tout.

Mairu s'arrêta sur un stand pour acheter deux pommes d'amour dont elle offrit une à sa compagne d'excursion du festival.

- J'espère que nous réussirons à nous entendre cette fois-ci, lâcha la jeune femme tout en arborant un visage amical.

Le différend entre la Kaguya et le Shinda ne la regardait pas. Ne connaissant pas réellement la cause de cette hostilité, elle ne tenait pas à prendre la partie de quelqu'un …

Elle qui avait été si froide et distante à l’époque, je ne vous cache pas que même si c’était étrange, ça faisait plaisir de la revoir pleine de vie. Elle était si austère, si obscure et fuyante, tout l’inverse de la ravissante et attirante – ne le cachons pas – jeune femme d’aujourd’hui. Mais malheureusement, il sembla que ma remarque l’eut complètement stoppée dans sa joyeuseté. Pourquoi ? Je ne tenais qu’à être claire, et ne pas stupidement accepter tous les tords. Elle s’en excusa platement et refusa ma barbe à papa, avant d’enchainer sur la sécurité de la fête foraine. J’haussai simplement des épaules avec un petit sourire amical, ça en fera plus pour moi, et puis ça ne servirait à rien de recréer des tensions inutilement.
Sa remarque à propos du Mizukage me fit cependant bien sourire, j’en laissai presque échapper un son. Presque.

« Vous ne semblez pas porter le Rokudaime Mizukage dans votre cœur. Personnellement, je le trouve bien charmant. Je reconnais que ce n’est pas une personne très commode à cause de cette froideur dont il fait preuve mais je pense qu'au fond ce n'est pas une mauvaise personne.

- C’est bien ça il vous a tapé dans l’œil, héhé. » Taquinai-je en terminant ma sucrerie. « Vous avez vu juste, je n’aime pas ce type. Vraiment pas. Non seulement il m’exaspère au plus haut point avec son air suffisant, son côté narcissique et comme vous dites, son côté très froid, très détacher. Mais en plus il a un hobby particulièrement immorale … » Je baissai la voix et me rapprochai légèrement de la demoiselle, comme pour lui dire un secret. « Il ramène les morts à la vie. »

Brr, rien que d’y repenser ça me donnait des frissons. Et revoir mentalement ce type au teint terriblement blafard, immobile à côté de Michiki la dernière fois qu’on avait discuté sur le toit de son nouveau palais, c’est réellement dérangeant. Malsain même.

« Je ne sais pas ce que vous, vous en pensez de ce genre de pratique, mais pour moi un mort doit rester mort. Et c’est tout. La personne en question en a besoin assez bavé durant sa vie, surtout le mec qu’il avait avec lui l’autre fois, qui doit lui servir de garde du corps … Ça se voyait qu’il avait eu une vie bien riche et mouvementée. Retirer le repos éternel c’est une insulte aux morts. Pire encore c’est immoral ! Comment vous pouvez apprécier un type comme ça ? » J’agitai en plus les mains, que pour évacuer mon exaspération. « Ça ne m’étonnerait même pas qu’il fasse des trucs de couple avec ses cadavres … »

Ouais ce serait carrément le genre, dans le style limite nécrophile, à s’organiser des jeux de rôle avec les morts. Ce serait pour ça qu’il est si péteux avec les pauvres vivants que nous sommes ! Il ne peut pas nous contrôler comme des marionnettes ! Rah ! Et en plus de tout ça, si on rajoute qu’il a vendu Mizu no Kuni au Shukaï !
Moi je l’aime bien cet humain. Il semble très intelligent et proche de mon monde.
Toi fermes-la, personne ne t’a sonné. Et puis je doute que tu puisses survivre en squattant un corps décédé.
Détrompes-toi humaine, posséder un mort est nettement plus facile que posséder un vivant. Pour la simple raison qu’il ne se débat pas. Mais entretenir un cadavre est trop épuisant. Vous pourrissez beaucoup trop vite, vous les humains.
Ooooh, faut peut-être que je retourne le voir, il saura sans doute comment me débarrasser de toi.
Ton corps et ton esprit seront à ma merci avant que cela n’arrive humaine.

Ignorant cette énième remarque sans fondement, je remerciai Mairu et pris possession de la pomme d’amour qu’elle me tendait, tout récemment achetée. La refuser comme elle avait fait pour ma barbe à papa n’aurait rien apporté de positif, et puis ce n’est ni le moment, ni le lieu pour une querelle.

- Un hobby ? Je ne pense pas qu'il considère la nécromancie comme un loisir. C'est plutôt une arme qu'il a appris à manier afin de survivre dans le monde impitoyable des shinobi. Vous, vous avez votre capacité héréditaire d'utiliser vos os pour défendre votre vie, lui, il a l'edo tensai. Vous êtes en droit de trouver son art immoral mais je me demande si c'est plus sain de s'arracher ses propres os pour en faire des outils. L'un comme l'autre me répugnent personnellement mais je ne tiens pas à vous juger là-dessus. Ce sont vos armes que vous usez comme bon vous semble.

La Natsumi n'était pas en train de défendre le Shinda car elle n'y voyait pas l'intérêt mais elle donnait juste ses avis sur le sujet comme l'avait sollicité sa compagne de marche. Elle s'était exprimée sur un ton totalement neutre alors que de temps à autre, elle s'interrompait pour suçoter sa pomme d'amour. Les propos de la Natsumi n'étaient pas cependant dénués de subjectivité car après tout, Milly était en train de "cracher" sur l'homme qu'elle aimait. Un être à qui elle vouerait sa vie.

La samouraï était d'accord avec la Kaguya sur le fait qu'un mort méritait le repos éternel. Elle-même s'offusquerait de voir le Shinda user un de ses proches comme une arme sans le consentement du défunt mais la jeune femme était certaine que l'homme qu'elle aimait n'utiliserait jamais les cadavres de ceux qu'il avait réussis à apprécier de leur vivant sans leur accord au préalable.

Malgré les propos de la Kaguya qui le faisait passer pour un être de plus abject, la Natsumi avait une vision tout à fait contraire de Michiki qui grâce à qui elle était toujours en vie. D'ailleurs, si le nécromancien affectionnait tant que ça jouer avec les morts comme le prétendait la cheffe des Kaguya, alors il l'aurait certainement laissé se faire tuer avant de ramasser son corps mais au lieu de cela le Shinda avait pris le risque de la sauver et pas qu'une seule fois. À cette époque, il ne connaissait même pas l'identité de la Nastumi alors on ne pouvait avancer que son acte de bienveillance avait été motivé par un quelconque intérêt mais cela prouvait juste qu'au fond le nécromancien n'était pas un si mauvais homme.

Pour la Natsumi, le Shinda n'était pas un tendre - une évidence que personne ne pourrait nier - mais il savait se montrer clément envers ceux qu'il jugeait mériter cette attention de sa part. C'était également un homme très méfiant et Mairu lui donnait entièrement raison de l'être car autrement il ne survivrait pas longtemps dans ce monde cruel dans lequel ils vivaient, surtout avec le statut qui était le sien.

Bien qu'elle n'ait pas souhaité défendre l'Ombre actuelle du Mizu no Kuni, les idioties qui agressaient ses oreilles finirent par pousser la Natsumi à prendre à partie. Elle trouvait bien lâche de la part de la Kaguya de rabaisser autant un être dans son dos. Mairu qualifiait l'acte de Milly d'une jobarderie loin d'être méritante. Celui-ci souillait son statut de chef d'un clan. Personnellement, la samouraï ne suivrait jamais un être qui se rabaissait à un agissement si peu louable.

- Copuler avec des cadavres !? ... Ne croyez-vous pas que vous allez un peu loin dans vos accusations ? C'est vraiment bas d'accuser une personne d'un acte aussi ignominieux sans avoir une preuve de ce que vous avancez même si cela concerne un être que vous méprisez. Venant d'une personne de votre stature, je trouve cette accusation bien lamentable. La samouraï prit le temps de croquer dans sa pomme d'amour alors qu'elle avait réussi à révéler une partie du fruit qui avait été enrobé de sucre. J'ignore ce qui s'est passé entre vous mais on dirait qu'il se comporte bien différemment avec vous et avec moi. Il me traite comme son égal malgré notre différence de statut et je ne suis pas la seule à qui il fait preuve de cet égard. Il doit avoir ses raisons pour ne pas vous accorder cette considération tout comme vous avez vos propres jugements pour ne pas l'apprécier. Nous sommes après tout dans un monde où les différends prônent sur la confiance. Autrement, le monde ne souffrirait pas de la guerre. Mairu descendit quelques bouchées de la pomme à présent entièrement dénuée de sucre avant de reprendre d'une voix totalement sereine. Je trouve fort regrettable que celle qui dirige un des clans les plus importants du pays et celui qui dirige le Village Caché de ce même pays n'arrivent pas à s'entendre. Une fois de plus, la Natsumi s'interrompit pour finir sa pomme d'amour avant d'en jeter le cœur et le bâtonnet dans une poubelle qui se trouvait sur leur passage. Dites-moi, n’apprécieriez-vous vraiment pas de se faire obéir par celui qui avait été autrefois votre ennemi ? Personnellement, je n'aurais aucun scrupule à exploiter les corps de ceux qui m'ont méprisé de leur vivant. Imaginez que le Rokudaime Mizukage soit forcé de vous obéir ! Ne trouveriez-vous pas cela jubilatoire ? …

Portant la sucrerie à mes lèvres j’observai avec un certain amusement la jeune femme défendre le Mizukage sans jamais l’avouer clairement. C’était intéressant, elle réfutait comme moi la pratique de la nécromancie mais ripostait en considérant que manipuler son propre squelette n’était pas mieux. Bah pardon miss, mais moi au moins je ne manque de respect à personne en faisant ça.
Elle concluait en demandant sans vraiment le cacher, que je cesse de dénigrer les pratiques pourtant immorales et inhumaines de Michiki. C’était intéressant à observer, elle était nettement plus bavarde qu’à l’époque, et elle n’hésitait plus à apporter son point de vu mais manquait encore d’expérience pour dissimuler ses pensées. Comme moi d’ailleurs, dans le genre à balancer ce qui me passe par la tête sans le moindre filtre.

Alors que nous nous promenions au sein de la fête foraine, le regard tantôt sur sa voisine, tantôt sur ce qui se passait autour de nous, je dû me forcer pour ne pas sourire quand la demoiselle haussa le ton, considérant que j’allais tout compte fait bien trop loin dans mes accusations. C’était bas, lamentable et même méprisable. Et bé, quel être abject je fais, ahah. Il est vrai que ce n’est pas la plus belle camaraderie qui règne entre l’actuel dirigeant de Kiri et moi, et il est fort probable que ça ne change pas avant un bon moment. Mais je ne le déteste pas. Après tout c’est grâce à lui que Kiri renait. Ce que Mairu semble ne pas comprendre c’est que la mésentente est surtout basée sur l’égocentrisme du Mizukage, le plaisir qu’il prend à me rabaisser, ses projets pour le village et évidemment son absence total de respect pour les défunts.
Je croquai dans ma pomme pendant qu’elle terminait la sienne. A côte de nous, des enfants s’amusaient à essayer de pécher des poissons avec des bouts de papier. Quel activité étrange … Et plus loin, d’autres lançaient de toutes leurs forces des balles en mousse dans des bouteilles métalliques. Voilà ça c’est un vrai jeu ! J’essayerais bien d’ailleurs, mais je risque de faire un peu trop de dégât …

« Dites-moi, » reprit la Natsumi « n’apprécieriez-vous vraiment pas de se faire obéir par celui qui avait été autrefois votre ennemi ? Personnellement, je n'aurais aucun scrupule à exploiter les corps de ceux qui m'ont méprisé de leur vivant. Imaginez que le Rokudaime Mizukage soit forcé de vous obéir ! Ne trouveriez-vous pas cela jubilatoire ?

- Est-ce que vous êtes réellement sérieuse dans vos propos ? » Demandai-je en haussant un sourcil. « Vous me tanner pendant un quart d’heure comme quoi c’est pas bien, que je ne devrais pas dire ça, pas dénigrer ça, et blabla et blabla. Et maintenant vous me sortez que vous adoriez avoir ce pouvoir ? »

Je soupirai, l’air exaspérée par la situation. J’en venais à me gratter les coins de lèvres tellement j’étais perturbée par la situation. Voyons voir, réfléchissons une seconde et choisissons les bons mots.
Je reportai mon regard sur la jeune femme après quelques instants de réflexion.

« En aucun cas je ne souhaiterais ça, même pour mon pire ennemi. Tout autant que je ne souhaite pas que mon adversaire meurt dans de longues et atroces souffrances. Il s’agit là d’actes purement cruels, et dans le cas de votre délire c’est en plus terriblement égoïste. C’est ça, égoïste et égocentrique. Un mort est un mort, et ça doit rester ainsi. Que savez-vous de tout cela miss ? Vous êtes pourtant magnifique dans cette tenue, et je ne doute pas que votre compagnie dans une relation plus poussée qu’une simple conversation doit être des plus exquises. Et pourtant voilà que vous cherchez à devenir aussi écœurante que Michiki … Vous valez tellement mieux que ça. »

Je marquai une petite pause, terminant à mon tour ma pomme sucrée pour en jeter le bâtonnet dans la poubelle la plus proche.

« Je vous le dis très sincèrement, ce que fait cet homme ce n’est pas bien. Il a pourtant réalisé de très grandes choses, et la plus fameuse est sans nul doute la renaissance du village. Il n’a pas hésité à se jeter dans la merde pour ça, et c’est remarquable même si je n’approuve pas les méthodes employées. Tant que ça fonctionne hein … Seulement ses projets pour le village, ses liens avec le Shukaï, tous les coups-bas, le fait qu’il refuse tout ce qui peut lui être proposé, toutes ses cachoteries … Ne ditons pas qu’on ne cache que ce qui pourrait nous faire défaut ? Cet homme est un solitaire. Ce n’est pas un mal en soi, mais il n’a pas sa place dans un village, et encore moins à un tel poste. Ses années en tant nukenin l’ont forgé et façonné à tel point que le titre de Kage ne lui correspond plus du tout … »

Un groupe d’enfant m’interrompit en passant soudainement entre nous, au pas de course comme s’ils jouaient à chat. Je marmonnai quelques jurons entre mes lèvres en les observant avant de revenir à Mairu.

« Pour clore ce monologue, je rajouterais simplement que vous ne devriez pas suivre un tel personnage. Ce n’est qu’un avis personnel, et encore une fois je vous rappelle que je n’ai rien contre lui. Mais j’ai un très mauvais pressentiment vis-à-vis de lui, et pas simplement parce qu’il joue avec les morts … »

- Je me suis mal exprimée. Je ne souhaite aucunement m'adonner à la nécromancie mais j'affirmais juste que je ne cracherais pas sur la possibilité de manipuler mes ennemis, morts ou vifs. Je vais casser l'image qui semble si positive que vous avez de moi mais contrairement à vous je n'ai aucune pitié à piétiner ceux qui cherchent à me nuire ou qui s'en prennent aux plus faibles ou à des innocents pour arriver à leurs fins. Ceux-là, je les exploiterais même jusqu'à l'enfer si j'en avais le pouvoir. Pourquoi donc accorder le repos éternel à un être qui à mépriser ses semblables de son vivant ? La Natsumi laissa planer un court silence, le temps de profiter visuellement de ce qui les entourait avant de reprendre sur un ton toujours bien calme. Kaguya-san, ne pensez-vous pas que vous reprochez bien trop de choses au Rokudaime Mizukage pour pouvoir affirmer que vous n’avez rien contre lui ? Vous êtes CONTRE sa maitrise de la nécromancie, vous êtres CONTRE sa façon de diriger Kirigakure no Satô, vous êtes CONTRE sa façon d’être donc ce qui fait de lui une personne à part entière. Tant de reproches et pas des moindres me poussent plutôt à croire que vous le détester et pas qu’un peu sinon … sans vouloir vous vexer, je dirais que vous avez un sérieux problème de discernement de vos propres jugements. C’est comme si vous ne saviez pas sur quel pied danser vis-à-vis du Mizukage.

Malgré la rudesse de ses propos, la Natsumi s’était exprimée sur un ton détaché qui indiquait clairement qu’elle ne faisait qu’exposer ses points de vue sans chercher à vexer sa compagne d’excursion festive mais la franchise blessait souvent et la jeune femme aux prunelles sanguines n’étaient pas du genre à mâcher ses mots.

Mairu ne prenait aucun plaisir à juger ses semblables. Acte qu’elle qualifiait d'immature en plus d’une perte de temps mais parfois la situation – comme présentement - poussait son être à exprimer à vive voix le fond de ses pensées et sans recourir au moindre filtre.

La discussion commençait un tantinet à lasser la samouraï qui ne s’attendait pas devoir subir un débat sur la personnalité de Shinda Michiki. Un sujet dont elle se serait passé volontiers. Ce que pensait la Kaguya du Mizukage elle n’en avait cure en réalité tout comme elle s’en fichait de ce qu’elle pouvait bien penser d’elle. La Natsumi tenait cependant à mener la discussion - bien que dénuée d’intérêt pour sa personne - jusqu’au bout maintenant qu’elle y avait pris part. De plus, un débat sur un sujet de plus futile permettait souvent de mieux cerner son interlocuteur. Sur un sujet léger les gens avaient tendance à moins être sur leurs gardes donc à exprimer ouvertement même si dans le cas présent, outre le fait que la Kaguya n’appréciait pas le Shinda, la Natsumi n’apprenait rien de nouveau sur la personnalité de Milly. Ses propos ne faisaient que réconforter les données qu’elle avait déjà récoltées lors de sa première rencontre avec la dirigeante des Kaguya : une gentille personne mais si prompt à sortir les griffes en plus d’être hyper susceptible. Elle semblait également avoir un sérieux mal à discerner une réelle agression et un pique ou un acte lâché juste dans le but de la taquiner gentiment. Chose que la Natsumi trouvait fort regrettable.

- Navrée de vous décevoir mais je ne partage pas du tout votre opinion sur le Rokudaime. Vous le considérez comme un mauvais exemple à suivre mais j’ai un avis tout à fait contraire. N’étant pas présente lors de la destruction ni de la reconstruction de Kiri, je ne connais pas les détails de ses actions durant ces moments passés mais son dévouement actuel pour la prospérité, non pas uniquement de Kiri mais de Mizu no Kuni tout en entier, fait de lui une Ombre digne de ce nom. Je ne suis pas la seule à le penser d’ailleurs car sinon les shinobi sous ses ordres ne le suivrait pas avec autant de dévouement. Ils croient au Mizukage actuel. Je suis certaine que Shinda Michiki redorera le blason du Village Caché du Pays de l'Eau mais là est une tâche qui demandera du temps et de beaucoup de prudence mais j'ai foi qu'il y parvienne.

La samouraï pensait réellement à ses propose et ce n’était pas parce qu’elle était éprise du Shinda mais là était une certitude qui lui aurait effleuré l’esprit même si pour elle il n’avait été qu’un simple étranger. Shinda Michiki était un homme intelligent et très réfléchi. La Kaguya lui reprochait sa froideur et son inflexibilité mais Mairu pensait que là sont au contraire des prédispositions qui feront du nécromancien un grand kage car dans ce monde cruel il n’y avait pas de place pour les tendres au sommet. Ceux-là finiraient par chuter rapidement si par chance ils parvenaient à se hisser jusque-là haut …

Il était important de préciser la chose, car les mauvaises interprétations ne manquaient pas. Et parfois, même avec la précision il arrive que l’idée qu’on voulait faire passer s’en retrouver totalement transformer. Un peu comme avec le téléphone arabe vous voyez ?
Ici c’était le cas, Mairu semblait avoir à la fois compris mon point de vue, et en même temps du tout. Elle exprimait son absence d’empathie pour utiliser ses ennemis même après leur mort, et s’emmêlait les pinceaux à propos de ma relation vis-à-vis du Mizukage, de quoi me faire osciller négativement de la tête en soupirant. Que c’est lassant … et se laisser dire qu’on a un problème de discernements, bah voyons.

Évitons d’être trop agressive et trop vite énervée, ça ne vaut pas le coup et les lieux ne s’y prêtent pas. Et puis on est tous libre d’avoir notre propre opinion, notre propre façon de voir les choses.
Mairu donnait la sienne. Elle soutenait Michiki malgré le manque de détail dans tout l’histoire, et elle avouait elle-même ne pas être au courant de tout. Pourtant ce serait son dévouement dans l’immense projet de remettre Kiri sur pied qui l’aurait convaincue. Pourquoi pas ? Hein c’est vrai ça, pourquoi pas ? Après tout on ne pouvait pas retirer au nécromancien son don pour parler. Red a ce même talent, celui qui fait que peut importer son avis, son jugement, on fini par l’écouter et acquiescer. Cette faculté que malheureusement je n’ai pas, et que je n’aurais très probablement jamais …
Je levai les mains, comme en signe de capitulation.

« Je vois que vous êtes fixée, et que rien ne vous fera changer d’avis. Ou du moins rien venant de ma part. Ce n’est pas un problème, après tout nous ne sommes pas dans une dictature, obligé d’avoir tous la même opinion. Vous avez le vôtre, très bien. Seulement ne venez pas pleurnicher ensuite. Et je vous le répète, je n’ai rien contre le Mizukage. Je ne l’apprécie pas ; clairement pas, mais comme souligner précédemment cela n’est que la conclusion de mes propres sentiments à son égard. Je veux le bien de Kiri, je veux également lui redonner toute sa splendeur d’autrefois, ça se fera sans la Brume Sanglante. S’il faut en venir à s’occuper de Michiki pour ça, alors soit. Tenez-vous le pour dit. Il ne s’agit en rien d’une menace, garder vos crocs et vos griffes pour vous, je ne tiens pas non plus à provoquer un affrontement ici. »

Je balayai un moment du regard les alentours, la joie qui régnait en ces lieux. Les familles, les enfants, les commerçants, c’était au finale devenu quelque chose de rare, voir autant de visages détendus et joyeux. Autant que possible je ne voulais pas que cela cesse.

« Tant que Michiki se tiendra tranquille, il n’y aura pas de problème. Ni pour lui, ni pour vous, ni pour moi … vu que vous semblez prête à vouloir le défendre corps et âme. » Un sourire s’afficha sur mon visage. « Il a de la chance, il ne vous mérite clairement pas mais bon ! Sur ce, voyant que de toute manière nous ne pourrons très probablement jamais devenir super copines, je vous laisse à votre escorte et je vais rejoindre mes amis. Bonne journée à vous mademoiselle, je vous souhaite sincèrement une bonne continuation. Essayez simplement d’éviter qu’on se retrouve dans des camps opposés, hihi. »

Un petit clin d’œil en plus d’un sourire taquin, et je repris ma route dans les nombreuses allées festives de ce rassemblement forain. Pour autant j’activai tout de même une petite technique d’anticipation, parce que ce n’est pas que je n’ai absolument pas confiance en cette fille, mais en fait si.

Spoiler:

Têtue, la Natsumi l'a toujours été. Dès son plus jeune âge elle n'en faisait qu'à sa tête et ce n'était pas aujourd'hui que les choses allaient changer. Son opiniâtreté lui avait déjà d'ailleurs valu bien des coups et blessures par le passé car elle était du genre à désobéir même à un supérieur si elle n'était pas d'accord avec l'ordre donné. La jeune femme aux prunelles sanguines n'écoutait que les raisonnements de ceux envers qui elle avait une grande estime et entièrement confiance et c'était loin d'être le cas vis-à-vis de la dirigeante de la Kaguya qui présentement n'était pour elle qu'une presque étrangère. Une presque inconnue avec qui elle avait bien du mal à s'entendre qui plus était.

Mairu n'avait personnellement rien contre la Kaguya car, malgré la joute verbale qui avait fini par éclater entre elles, jusqu'à présent la samouraï n'avait fait qu'exposer sa position sur les divers sujets soulevés sans chercher à attaquer réellement son interlocutrice. Si la Natsumi avait eu l'intention de blesser réellement la Kaguya, elle se serait exprimée sur un ton bien méprisant tout en laissant pleuvoir des mots voire même des mensonges bien plus blessants. Chose qui aurait pu très bien faire sortir Milly de ses gonds et les aurait poussé alors à en venir aux mains. Incident non désirable car ce n'était ni l'endroit adéquat, ni le souhait de Mairu.

Malgré sa retenue, la Kaguya semblait pourtant avoir pris mal les propos de la binoclarde aux yeux rubis. Elle qui avait espoir qu'elles finiraient enfin par s'entendre se retrouva à être traitée comme une ennemie par celle qu'elle avait approchée pourtant dans l'espoir de pouvoir créer une relation de bonne entente entre deux adultes. Souhait que le destin ne semblait pas être enclin à les concéder car une fois de plus les deux femmes finirent par se séparer sur une mésentente et bien plus sérieuse cette fois-ci. Le sujet de la discordance n'était plus une simple divergence de la personnalité mais était bien plus profond. Celui-ci les mènerait certainement à croiser le fer dans le futur.

Enregistrant la mise en garde de la Kaguya qu'elle avait écoutée sereinement sans l'avoir interrompu une seule fois, la Natsumi la regarda s'éloigner. Même lorsque la jeune femme disparue de sa vue, Mairu resta plantée là à regarder dans la direction que la Kaguya avait empruntée. Bien qu'elle ne ressentît aucun regret, leurs retrouvailles lui laissaient cependant un arrière-goût amer car elle aurait préféré que celles-ci finiraient autrement. Elle ne s'attendait pas à devenir la meilleure amie de la Kaguya car elle avait cessé de croire en amitié mais elle avait osé espérer qu'elles se sépareraient au moins sur une bonne entente. Si Milly n'avait pas engagé cette conversation sur le nouveau Mizukage, peut-être qu'elles auraient pu profiter ensemble de ce festival mais ce qui a été fait ne pouvait plus être défait. Et puis, elle avait été sincère dans ses propos concernant le Shinda qu'elle aurait défendu avec autant d'entrain même s'il n'était pas son amant. La Natsumi avait parlé au nom de l'homme qu'était le Rokudaime Mizukage et non pas en tant que celui qui avait su conquérir son cœur.

Mairu finit par partir rejoindre le vieux Kato et son petit fils dont elle sentait la présence dans les environs grâce à sa capacité à ressentir les auras et à identifier la signature auratique d'un être qu'elle avait déjà croisé. D'ailleurs elle ressentait celle de la Kaguya qui était surement restée dans le coin pour profiter de la fête foraine. Chose que Mairu comptait également faire pour oublier la rencontre qui s'était mal terminée malgré elle …