C’était le grand jour pour la demoiselle : son « Couronnement ». Elle ne recevait pas une quelconque couronne d’or, ou d’argent ou de bronze, ni même un quelconque trésor, mais tout simplement le titre honorifique de chef de clan et le signe distinctif qui l’accompagnait, soit un dos entièrement tatoué, retraçant symboliquement l’histoire du clan.

Autant dire, lorsque le futur chef de clan des Kawaguchi se préparait à sa cérémonie, ce n’était nullement une préparation coquette dont la seule préoccupation était l’accord des couleurs. C’était davantage synonyme de souffrance, de douleurs et de chair roussi face à l’intense et à peine interrompue séance de tatouage, à l’ancienne – précisons. Les nouvelles techniques du monde « moderne » étaient impropres à la tradition barbare – ou du plus fort si l’on voulait – de ce vieux clan.

- Ensuite, vous vous présenterez à tout le peuple avec le dos à nu afin de leur montrer que vous êtes bel et bien le nouveau chef du clan Kawaguchi. Après cette première marche, vous aurez également à renouveler le serment des premiers Kawaguchi à la création de Suna, récita « l’intendant » pendant que la demoiselle était rouge pivoine.

Autant dire, ce n’est qu’à cours de renfort d’huile, de crème ou de poudre qu’on cachait cette rougeur … Quant à sa jambe temporairement paralysée, le stratagème avait été plus ou moins astucieux : la douleur avait été masqué sous une quantité phénoménale de drogue médicinale, et on bougeait cette dernière grâce à une fine couche de sable. Evidemment personne ne verrait rien. Peut-être qu’elle avait le dos à nu, mais elle portait encore suffisamment pour cacher tout le reste, et se pavaner dignement.

Au final, à l’approche des coups de 15h, la cérémonie démarra.

***

> Petite Musique <

Elle souffrait le martyr : entre la chaleur, l’aridité, la poussière, le dos en feu et sa jambe immobile qui bougeait malgré tout, pantin d’un manieur de sable … Il faut dire, elle avait rêvé de ce jour-ci, mais pas dans ses conditions physiques là. Ainsi, se traînant dignement de sa maison jusqu’à la place centrale des quartiers Kawaguchi – sûrement l’n des quartiers les plus imposants, à l’architecture beige et sablé impressionnante -, elle fit face à cette foule.

- A partir de ce jour, et jusqu’à mon dernier souffle, je serais votre nouveau chef. Durant la course aux héritiers, où vous avez eu à choisir celui ou celle que vous considériez comme le plus fort, ou le plus ingénieux, le choix a été porté sur moi. Je ne peux que vous remerciez pour votre confiance, et l’honneur que vous m’accordez.

Elle regarda encore autour, finit par sourire tant bien que mal. Il ne fallait pas que tout cela dur trop longtemps, du moins, pour elle. Quant à la suite, elle attendit. Pour la suite, elle aurait besoin du Kazekage. La question était de savoir s’il était là, ou non.

Spoiler:

Le kazekage Yamada Kioshi, alias son professeur, ne tarda pas à apparaître au milieu de la foule pour faire une annonce courte mais significative : on lui rendait son titre de Jonin. Un sourire s’étira sur ses lèvres : si beaucoup pensait que c’était la joie et la fierté, c’était davantage de l’ironie. A bien réfléchir, elle n’aurait pas dû perdre ce titre car elle n’avait rien fait de mal à quiconque à Suna. A contrario, ce qui avait semé le trouble – sur ordre ou non – ne se portait que trop bien. Cependant, à qui se plaindre ? A personne. Elle ne se contentait donc que de recevoir, avec un sourire.

« Et une autre étape de franchi … » se disait-elle, excitée par rapport aux perspectives futures. Jonin signifiait davantage de reconnaissance, et davantage de liberté de mouvement. Cela pouvait être aussi synonyme de peu d’anonymat – chose à laquelle elle tenait – mais elle saura s’y faire. Hormis la mort, rien ne pouvait réellement l’empêcher d’accomplir ce qu’elle désirait. Elle n’avait guère peur, à peine froid aux yeux. Plus que jamais, elle allait jouer sa vie et son honneur, carte sur table.

- Merci Kazekage-sama. Le Clan Kawaguchi promet de défendre Suna, en échange de votre promesse de protéger les miens, dit-elle, en serrant cette fois-ci la main valide du Kage, entourant le tout du sable, terminant par-là cette cérémonie symbolique, où l’accord semblait être marqué par le Sable même, élément fondamental des Kawaguchi.

Si les non Kawaguchi et quelques Kawaguchis applaudissaient furieusement face au renouvellement de cette promesse, un certain nombre de Kawaguchi était peu convaincu. Ce n’était pas un signe de rebellion, mais davantage un signe de manque de confiance. L’enquête sur la disparition des anciens conseillers inachevés, l’enquête sur la mort de la Godaime inachevée au bout d’un an ou encore la mort de plus d’un civil Kawaguchi suite à l’attaque de Kyoshi Rei – tout le monde n’avait pas la chance de maîtriser facilement le sable au sein du clan – ou encore les mesures drastiques aux portes qui les empêchaient de circuler aussi librement qu’ils le désiraient dans le désert commençaient à peser lourd sur l’esprit du clan. En effet, pourquoi continuer à sacrifier des soldats en restant à Suna, lieu de complots et de mystères meurtriers ? Plus important pourquoi continuer à défendre un village qui ne faisait guère confiance à quiconque, même au plus fidèle Kawaguchi ? Effectivement, si à chaque sortie, l’entrée était un passage à un interrogatoire répétitif, fatiguant et à la longue, n’était-ce pas insultant pour ces êtres orgueilleux ? Cependant, Tsukiko avait idée pour bien vite faire taire cette morosité ambiante.

- C’est la fête, en cette belle journée. Tout le quartier a été retravaillé afin de pouvoir vous divertir, et il y a suffisamment à manger et à boire pour chacun, annonça-t-elle.

L'idée fut bonne car très vite, le sourire vint aux lèvres de tous, sans exception.

Si beaucoup allait s’amuser aujourd’hui, pour sa part, elle allait être assise, et discuter longuement avec chaque personne ayant une demande à formuler, ou alors un vœu à dire personnellement – fade copie des milliers autres beaux paroles déjà entendues à des milliers d’intronisation au fil de l’histoire. Assise sur une chef, sous un édifice de sable, elle attendait les premiers qui quémandaient une quelconque reconnaissance.

Que les festivités commencent.