Un regard à droite, un regard à gauche. Mes longues jambes foulent le sol de la Forêt de la Brume dans un rythme disparate tellement contraire à l’essence rythmique de mon clan. Sortir était nécessaire, ne serait-ce que pour ces quelques instants, l’atmosphère autour de tous ces idiots devenant rapidement chargée. Je ne sais même pas comment je fais pour les tolérer à force, avec leurs idées stupides ou leurs actions tellement « osée » comme aller sortir le chien de la voisine. Franchement, on est des Shinobis ou des Domestiques ? Je me pose la question de plus en plus souvent… Et puis bon, je pourrais chercher cette plante « siiii spéciale » que les deux autres vieux veulent, comme s’ils n’avaient pas pu y aller tout seul pour la ramener ou payer quelqu’un pour le faire. Ils ont intérêt à se l’enfoncer dans le cul une fois que je l’aurais apportée, sinon elle n’en vaut clairement pas la peine.

Occasionnellement, j’active l’or de mes pupilles – deux orbes chaleureux perçant à travers le froid hivernal et l’obscurité des feuilles. Si je n’arrive à en avoir que des bribes inexactes, imprécises et diffuses dans l’ensemble du temps, je jubile intérieurement aux souvenirs de ces lieux. Çà et là, des arbres détruits que même mon précieux temps n’a pu guérir, vestiges de guerres, d’affrontements, de sang versé avec toute la sauvagerie dont les hommes étaient capables à l’époque. Ah, que de douceurs – seraient-elles une femme ou un homme que je coucherai avec sans la moindre hésitation, me délectant de tout ce désespoir, de ce chagrin… Non. Il faut que je me ressaisisse. Un jour, c’est moi qui porterai cette désolation sur ce monde. Un jour, ils me craindront tous.

Réflexes affutés, j’entends un hurlement non loin et un sourire possède mon visage avec une violence inouïe. Un animal sauvage ? Un bandit ? Un monstre ? Quelqu’un ou quelque chose a fait crier ce débile, et j’ai envie de savoir. De voir. De toucher. De goûter. Il n’y a plus douce mélodie à mes oreilles que ce supplice, et s’il m’est donné de me joindre à la danse… Pourquoi ne pas essayer après tout. Sans réfléchir plus que ça, je me laisse porter par ma curiosité et mon instinct jusqu’à arriver devant le spectacle. Dans une clairière, une jeune femme est en train de donner la raclée du siècle à quelques hommes. Je crois l’avoir déjà vu à Kiri non ? Toujours est-il que mon arrivée impromptu coupe court à la pièce, tous me fixant. Qu’ils prennent un sourire un peu niai alors que je les ignore et fixe intensément la kunoichi.

« Bonjour. Je n’ai pu m’empêcher d’entendre quelques cris dans la forêt, et ma curiosité a été plus forte que moi. Es-tu en mission ? »

Qu’ils sont vulgaires. Exactement le genre de simplets totalement stupides que je méprise le plus – même si elle… Elle me semble déjà un peu plus intéressante. Cette attitude. Cette hargne. Ce coup de poing ! Magnifique. J’aurais presque envie de m’arrêter et applaudir, mais ce serait triste que de ne pas prendre part à ce genre de combat – en un éclat d’or, mes pupilles s’allument de nouveau et je m’enfonce déjà dans le feu de la bataille. N’ai-je pas été pris pour cible ? Ah, si seulement ils savaient ce qui attend. A ma droite, un coup m’arrive dessus mais le temps est dans mes mains, sombres débiles, que voulez-vous faire ? Muscle par muscle, fraction de seconde par fraction de seconde, je vois sa main se diriger vers moi – c’en est tellement ridicule que j’éclate déjà de rire et esquive sans la moindre difficulté avant de dégainer un Kunai de ma poche et de lui répondre en le lui enfonçant dans l’œil.

Bien sûr, mauviette comme il est, il s’effondre sur le sol en hurlant de douleur, ce qui me permet de m’élancer un peu sur lui et, de la pointe de mon pied – il ne manquerai plus que je salisse mes chausses – j’appuis sur le petit bout de métal jusqu’à ce qu’il disparaisse entière, tout comme les bruits. Oups, un de moins. Il ne faudrait pas que ça se termine trop vite non plus. Comprenant enfin que je ne suis pas la petite garce riche pour laquelle je passe si ouvertement, ils se jettent sur moi à plusieurs. Une médaille pour l’intelligence et la ruse, parce que le temps m’a semblé long jusqu’à ce qu’ils comprennent, et pourtant je ne l’ai même pas trop manipulé. Je soupire, exaspéré, alors que je recul d’un pas et laisse deux de leurs poings s’entrechoquer entre eux.

« Vous faites ça depuis longtemps ? Parce que vous êtes pire que des amateurs. Mon pied serait suffisant à tous vous terminer, demander à l’autre là ! »

Du bout de la semelle, je pointe le cadavre, conscient qu’il faudra régler son sort à un moment ou un autre. Eux, ils ne font qu’enrager. De vrais jouets pour un enfant, il suffit d’appuyer ici ou là et ils passent d’un état à l’autre, c’en est pitoyable. Et… Terminé. Ils n’étaient franchement pas assez nombreux. Dommage qu’ils s’attardent tous si fort sur la jeune fille, j’aurais aimé en avoir plus à combattre de mon côté également. Une Kaguya donc, hein ? Ce style de combat, elle ne s’en cache même pas. Trop cool. Ça doit être les seuls dans ce patelin pourri qui respectent encore violence et sauvagerie. Presque machinalement, mes pieds tendent vers elle – ne serait-ce que pour humer la douce odeur du sang d’autrui qu’elle doit véhiculer, pour ressentir toute cette rage de vivre si près de moi, prête à me transpercer le cœur et achever ma vie dans une valse de blessures et de coup. Ah, que c’est doux – pourtant, j’arrête son coup de justesse, attrapant son poing, et la fixe droit dans les yeux alors que son attention se focalise enfin de nouveau sur moi.

« Moi ? Un Kirijin tout autant que toi à l’évidence. Appelle-moi Yuno ça m’ira très bien et… Disons que je me promenais. J’aime bien cette forêt, il y a plein d’endroit qui rappellent des combats sanguinolents. C’est tellement mieux que de promener des putains de chiens ou surveiller des gosses. »

D’un coup d’œil, je les vois arriver de nouveau et mon regard s’illumine – non pas de mes pupilles toujours actives mais de bonheur, pur et dur, porté par une soif de sang paroxystique que la présence de la jeune femme ne fait qu’augmenter.

« Bon, ceux-là on les partage ! T’en as eu plus que moi avant. »

S’il n’y a guère de colère, ma soif de lutter transparaît dans mon intonation, ayant perdu grand de sa frivolité initiale. Oui, qu’ils viennent tous gouter à mes poings. Qu’ils viennent gouter à mon temps. Qu’ils viennent gouter à une mort douloureuse et brève. Je n’ai pas le temps pour leur agonie ni leurs larmes. Bande de chiens, baisez mes pieds.

D’un geste simple, je relâche son poing et me penche, frappant le premier avec ma jambe, puis j’enchaîne ma partie avec tact et délicatesse, assimilant çà et là un os craquer ou une giclée de sang me caresser le visage. Oh, douce symphonie du désespoir, quand tu résonnes mes genoux fléchissent d’amour pour toi… Pourtant, je surveille toujours du coin de l’œil la jeunette qui se débrouille bien, presque mieux que moi par moment même, notamment lorsqu’il s’agit d’esquiver – si j’y arrive toujours avec ma maîtrise du temps instantanée, elle semble carrément lire dans leurs mouvements. J’ai l’air d’un débutant !

« T’es plutôt douée dis-donc ! Faudra qu’on se fasse ça entre nous un jour, juste pour voir. »

Ses yeux croisent les miens et je la vois – cette fougue, cette légère folie ainsi que cette concentration presque livresque sur le combat. Que nous nous battions tout de suite ? Quelle idée excellente ! Parant son premier coup comme il advient, j’explose quelques secondes durant d’un rire cristallin et pénètre sereinement dans sa danse. La vie. La mort. Tout s’enchaîne. Tout s’approche. Tout s’éloigne. Ces idiots ? Oubliés. Il y a bien plus de passion, de joie de vivre et d’envie de sang en cette jeune femme qu’en n’importe qui d’autre ici sinon moi. D’un mouvement de plus, je recule rapidement et bloque, son corps heurtant le mien avec force. Il y a une douceur presque funeste à l’odeur du sang sur le corps de la belle, et si je rêve ne serait-ce que de tendre ma langue et d’y goûter dans un ensemble de décadence, je m’abstiens volontiers quand une attaque de plus arrive. Si je réponds à ses coups par les miens et qu’arrête les siens ou les esquives, usant encore et encore de l’or dans mes yeux, je vois qu’elle a plus de facilité.

« Oui, faisons-le ! J’aime ta façon d’être ! »

Le fait elle-exprès ? Y a-t-il une raison ? Certainement qu’elle lit à travers mes mouvements dans son entraînement de combat. Que j’aurais aimé être des siens ! Porter cette réputation de sauvage sanguinaire. Porter ce don du combat tellement inné et entraîné par des années de lutte sans merci. Enfin, je ne vais pas me plaindre d’être le plus mal loti non plus, après tout j’ai débuté il n’y a pas longtemps et j’arrive à lui tenir tête avec une facilité peu contestable. Je ne fais que m’épuiser plus vite qu’elle. Est-ce un vrai enseignement ? Une prise sur la durée ? Une fugue douce ? Rapidement, mes neurones se connecte dans ce léger entraînement, allongeant presque naturellement sa durée pour moi là où il n’est que bref – mais chaque mouvement, pour moi, est une infinité d’image, de violence, d’amour. Et si…

J’inspire calmement et m’apprête à essayer qu’elle s’éloigne déjà, brisant mon cœur de jalousie et d’envie de continuer. Reviens ! Reviens-moi ! D’un instant bref, tel une note dans une symphonie annonçant un changement, une phase ultérieure, les traits de mon visage se tendent avec férocité et je me tourne vers mes mécréants qui ne sont devenus plus qu’une gêne d’arrière-plan qu’il serait bon d’éradiquer. C’est visiblement le seul moyen pour que nous soyons calmes, aussi sans hésiter je me relance dans cette bataille qui n’est qu’un simple combat des plus vulgaires désormais. Qu’ils souffrent si c’est ce qu’ils veulent.

« Ils sont quand même bien moins intéressant que toi, tu le sais ? »

J’exacerbe mes pupilles pour éviter une attaque de plus, décortiquant son déroulement à l’image d’une clémentine qu’on ouvrirait, puis je termine sur l’assaillant, mes longs bras enrobant soigneusement son visage alors que d’un geste brusque je lui brise la nuque, me délectant du bruit tellement infâme qui résonne lourdement. Un de plus, un de moins, ça ne fait plus de différence – ils ne sont que des vulgaires et le monde se portera mieux sans eux, non ? Le suivant, je le fais tomber au sol avant même qu’il ne m’atteigne d’un geste de la main et, le voyant peiner à se relever, je m’avance et lui écrase les parties génitales d’un coup de pied animé par tout le mépris que je leur porte – son cri, presque cristallin comme un enfant qu’on égorge, retentit lourdement dans la forêt, créant presque une pause dans le combat tant tout le monde désira se tourner voir ce qu’il advenait. Pauvres idiots. Je me tourne vers eux, sourire étalé entre mes deux oreilles. Venez. Venez à moi ! Qu’on en finisse vite.

Le dernier de ma partie, je le fais tomber sous une ruée de coups furieux, chacun prenant de la vitesse offerte par mes yeux pour ne sembler en être qu’un surpuissant aux yeux de la plèbe. Enfin ! Enfin ! Qu’ils disparaissent ! Que des animaux sauvages rongent leurs entrailles ! Qu’ils pourrissent sous l’humidité et les insectes !

« Où en étions nous déjà ? Ah oui… Puis-je connaître le nom de ma charmante partenaire ? »

Si je ne cache guère l’appréciation si intuitive que je lui porte, je ne me garde par pour autant de la dorloter de trop – déjà mon poing se lance vers son visage. Cette fois, j’ai compris. Cette fois, je pense avoir ce qu’il faut. Pourquoi bon m’évertuer à comprendre les mouvements adverses et lire à travers eux ? C’est un comble, mais je n’ai guère le temps à perdre pour ça. Suffirait-il que je maintienne l’astuce de mes esquives à un seuil plus faible et apprenne à composer avec, non ? En un éclat, presque lumineux, mes yeux rompent plus encore l’obscurité des feuillages ambiant alors que notre cacophonie erratique tourne avec la jeune Kaguya.

Quand elle se jeta sur le chef de la bande, mon cœur loupa deux battements. Le premier de rage qu’elle s’en prenne à lui alors que je ne rêvais que de cela, et le deuxième d’admiration devant le sublime sort qu’elle lui réserva. Quelle idée excellente pour obtenir un souvenir à rajouter à sa collection ! C’est presque m’arrêter et applaudir que je voulais faire, mais combat obligeant, il venait à moi de continuer à achever, l’un après l’autre, les sombres connards cherchant la provocation. Il leur en a fallu du temps pour commencer à fuir – à croire qu’ils étaient encore plus stupides que mon jugement initial n’aurait aimé le dire. Toujours est-il que lorsqu’elle m’adressa un geste de la main, je la rejoignis sans hésiter une seconde de plus, une sorte d’ennui morbide me gagnant déjà devant les enfantillages de mes victimes.

A sa proposition si décadente, mon visage se resserre et je baisse légèrement mon front alors qu’un rictus dysmorphique commence déjà à découper mes lèvres. A me ressentir, je dois avoir l’air d’un homme rongé intérieurement par une perversion n’ayant rien de sexuel, seulement nourrie de violence et haine viscérale. Oui ! Ma langue, automatiquement, passe délicatement sur mes dents, saillants dans l’apparence de ma bouche – non, gueule pour l’occasion -tandis que résonne l’or de mes pupilles. Qu’elle vienne. Je suis prêt. Elle est prête. Nous ne sommes qu’un tout, séparé par deux corps mais alimenté par la même soif, la même lubie.

Un à un ses mouvements s’affichent à moi, prenant initialement presque trop de temps pour que je puisse me satisfaire – je le sais, à force de le faire je me viderai de mon chakra sans la moindre mesure et elle aura le dessus. Clignant une fois, je réduis un peu la charge à la recherche du bon équilibre, et lorsqu’elle arrive enfin à m’atteindre dans ma perception si intime du temps, j’esquive avec une facilité bien plus importante que celle que j’avais avant. Tantôt à gauche, tantôt à droite, je m’amuse à batifoler entre ses attaques, cherchant à lui rendre ses coups pour qu’elle ne fasse qu’esquiver tout simplement. Je veux le voir, et je sens qu’elle sait de quoi il retourne. L’art de ceux qui manipulent les os. L’art de ceux qui sont l’emblème de la mort.

C’est presque de surprise qu’elle me prend, finalement, à dégainer une lame osseuse et si je l’esquive une fois de plus, je sens l’entaille discréditer mon bras. Encore un peu plus de pratique. Encore un peu plus de folie. Encore un peu plus de douleur. Je recule, j’avance, et au fur et à mesure, les inhibitions se perdent. Ses coups, de plus en plus erratiques, instinctifs, prennent le dessus sur la raison – elle n’est que guerre. Les miens, à l’opposé, se targuent de plus en plus d’assurance et de plus en plus de force. Elle n’est pas une fleur fragile qu’il conviendrait de piétiner, mais un bouquet sublime que chaque blessure ne fait qu’embellir.

Belliqueuse à souhait, elle s’avance une fois de plus, reprenant la théorie de sa lame – d’un geste vif maintenant, je l’esquive sans le moindre problème sur le côté, et la voyant continuer délicatement sa démarche, je vois d’office qu’elle compte faire un retour bref avant d’attaquer sur l’autre flanc. C’est maintenant. Usant du stratagème que je viens presque de copier comme le pire des voleurs avec l’anticipation des mouvements, je me recul légèrement pour que sa lame atteigne mon second bras, tandis que du premier je porte une frappe, forte de mes convictions et de l’appréciation que je fais du moment, directement dans entre sa poitrine – la prenant de court par le dessous.

Ereinté et extasié du conflit factice ayant eu lieu, nous gisons tous deux sur le sol, haletant dans la barbarie, les entrailles et le sang de tous ces gueux.

« Ah… Ah… Ah… Où étais-tu durant le reste de ma vie ? C’est de loin le plus beau combat qu’il m’ait été donné de faire ! Satisfaite, ou remboursée ? »

C’était presque troublant à quel point, non seulement il arrivait à lui donner le change, elle Kaguya, allant même jusqu’à violer cet espace qu’elle défendait si sauvagement. Cela ne l’empêchait de savourer le plaisir de faire couler son sang, dans un filet tiède qui avec une douceur contrastante avec l’action, tachait son visage, au même titre que ce bras. Pas le temps de se perdre dans sa complantassions de son fascié si singulier à cette heure, la gouttelette faisait son chemin au fil de leur mouvement, si bien que trop prise de confiance, la défaite embrassait la brune. Littéralement, elle en avait le souffle coupé alors que ce poing s’enfonçait entre sa poitrine, bloquant ainsi l’assaut qu’elle avait en action et toute volonté.

La surprise ou la douleur, c’était difficile à savoir dans l’immédiat, mais si le combat avait été à mort, ou au milieu des siens, cet homme-là lui aurait sa vie, en même temps que la victoire. Pourtant, l’échec ne l’irritait pas, il ne lui semblait pas vraiment eux, parce qu’au final, il fallait bien s’avouer à elle-même que c’était ce qu’elle espérait. Il était le premier en définitive à l'avoir vraiment battu dans un affrontement singulier. Persistance ou non, ses genoux finissaient par rejoindre le sol, et un bras tenait sa poitrine douloureuse, quand l’autre soutenait son poids. Son visage pâli vendait son manque d’air et quelques gouttelettes de sueurs la difficulté à reprendre ce souffle si précieux. Pourtant, sans hésitation, la fille relevait la tête en l’écoutant parler, elle le fixait un regard fatigué, mais toujours pétillant de vivacité. Trouver ce dernier à son niveau sans avoir à lever la tête lui offrait une maigre victoire, il lui fallait quelques secondes pour pouvoir répondre et la Kaguya ne se prêtait au jeu, qu’une fois ses fesses ayant rejoint le sol pour l’asseoir. Son Kimono était ruiné, encore une fois.

-« Et si je te demandais un remboursement par mauvaise foi, qu’est-ce que tu ferais ? »

Sa respiration revenait un peu régulière et en baissant sa tête vers son buste, la brunette constatait la formation d’un hématome monstrueux qui se plaisait à naître en plein sur ce décolleté dont elle aimait tant user. C’était amusé malgré tout, qu’elle remuait la tête en échappant un petit rire de satisfaction.

-« C’est Hakana, du clan Kaguya, mais tu as déjà deviné ça par toi-même. » Ça, elle en était certaine. « J’étais là où tu n’étais pas encore, qu’en penses-tu ? » Son ton était un peu moqueur, mais quoi de plus normal, cette enfant-là était taquine à tout va. « Et toi alors, d’où est-ce que tu sors pour te jeter comme ça dans les bras d’une enfant des sanguinaires ?»

Elle quittait son regard si particulier pour observer leurs alentours macabres, c’était bien le sort qui attendait en général ceux qui l’avaient approché si près. Peut-être avaient-ils la même politique en fait, pouvait-on considérer que la Kaguya était chanceuse de son état. Elle était loin de s’en soucier pour l’heure, sa curiosité était éveillée et l’épuisement les obligeant à la pause sur le sol. Autant sauver les apparences dans un jeu de verbes.

-« Alors, dis-moi… Ça t’arrive souvent de t’incruster comme ça dans les loisirs d’une jeune fille en pleine forêt ? » Sa bouche faisait un cercle de faux étonnement. « Tu utilises le Taijutsu toi aussi, ton sens de l’esquive est impressionnant je dois dire. Tu t’es bien joué de moi. On devrait s’éloigner de là avant d’avoir à se justifier, rien de pire que la paperasse à Kiri n’est-ce pas ! » N’étaient ils pas aussi shinobi du village de la brume aussi, donner des comptes leur était une obligation, mais que s’ils se faisaient prendre.

Alors qu’elle me pose sa question si innocente et provocatrice, presque insolente, toute confirmation d’une future coopération appréciable entre nous deux se fixe dans mon esprit. Décidément, nous semblons avoir ce même caractère de chien nourri au désespoir et au sang de ses victimes. Pourrions-nous nous croquer ? Je lui réponds par un vivace sourire, tête penchée sur le côté et yeux plissés dans ce rictus malin.

« Désolé, mais je suis ni repris ni échangé. Au pire, tu ne ferais qu’un cadavre de plus, je ne suis plus à ça prêt aujourd’hui. »

Calmement, je porte ma main à l’une de mes poches et en sort un bandage que je lie fort autour de mes bras, bloquant légèrement les blessures, le tout sous le regard de la petite. Il faut dire qu’elle ne m’a pas loupée, et c’est tant mieux ! Pour une fois que quelqu’un ose blesser gratuitement tout autant que moi, je ne vais pas spécialement me plaindre non ? Surtout que quelque chose me dit qu’elle ferait un ajout magnifique à ma collection de connaissances utiles, et je ne parle pas là des liens commerciaux totalement débiles des deux vieux. Et son rire ! Si cristallin. Si innocent. Si enfantin. Agent de tromperie devant la bête sauvage que recèle ce corps d’apparence si frêle, un charme si puissant que je ne saurais y résister. Finalement, lorsqu’elle se présente, c’est un vrai éclat de plaisir qui jaillit dans mes yeux, tel l’orgasme dénué de sa sexualité, de sa folie et de son union humaine !

« Enchanté ! »

Puis, rapidement sur sa suivante taquinerie je cède. Là où je n’étais pas encore ? L’éclat devient folie et rictus devient rire franc, berçant à travers les feuilles et les cadavres les surplus de plaisir et d’adrénaline que j’ai eu durant ces quelques brefs instants de férocité.

« J’en pense que j’ai été au mauvais endroit tout ce temps ! Et moi… Je sors du village voyons. N’est-ce pas évident ? »

Portant ma main à ma bouche, j’étouffe quelques petits rires innocents et tout autant pervers. Ce lieu… Je le mémorise soigneusement pour l’utilité que je puisse en avoir ultérieurement. Revenir ici et revivre avec mes pupilles la beauté de la chose, c’est une extase que j’apprécie déjà rien qu’à y penser. Don de mon clan, cadeau de mes ancêtres ! Revivre, encore et encore, profiter, décortiquer, digérer, lécher… Mes dents enserrent ma lèvre inférieure jusqu’au sang rien qu’à l’idée de pouvoir me délecter de ces quelques folies pour atteindre mon sommeil. Si seulement mes « ancêtres » n’étaient pas d’autres débiles profonds qui ont choisi de se ranger du côté des villages shinobis, de cette paix nauséeuse et tellement déplacée… Pourquoi ai-je l’impression d’être le seul à voir ces défauts infinis et dénués de la moindre qualité ?

« Parfois, il m’arrive même de m’incruster dans une jeune fille, qu’importe ses loisirs ! Et qu’y puis-je, c’est le seul endroit de ce pays où il y a encore quelques restes de sauvagerie et d’amour du risque… Ce serait le comble pour un Jisetsu de vieillir prématurément d’ennui quand on peut tout bonnement raviver tant de souvenirs sur une simple promenade ! Et puis… Ces hommes avaient l’air d’avoir besoin d’aide, alors je n’ai pas su résister. »

Un bref sourire indolent à sa remarque que je fais suivre d’un soupir exaspéré. Oui… L’administration. Encore une invention totalement débile qui sert à nous rajouter laisse sur laisse afin de nous ligoter dans un système réducteur où l’on n’est plus que les chiens d’autrui !

« je dois te remercier un peu pour ça, j’ai compris que tu lisais les mouvements de tes adversaires dans ta rage de battre et… Disons que j’ai adapté la chose pour moi. Quant à la paperasse… Quel truc merdique pour nous faire chier quand même. Le monde était mieux quand il n’y avait pas de villages cachés. Ne trouves-tu pas ? »

D’un geste acerbe, je me relève péniblement et lui tends la main pour l’aider à faire de même, mes yeux lorgnant sur le bleu à sa poitrine. Voilà qui risque de poser quelques problèmes et quelques questions indiscrètes… D’un geste désinvolte, je lui passe mon bandage.

« T’en veux ? Ça pourrait éviter quelques questions stupides au village… Parce que j’imagine que tu dois faire comme moi, non ? Te cacher sous tes airs gentils d’adorable enfant pour jouer au preux chevalier… J’ai envie de vomir rien qu’à y penser. Ne peuvent-ils pas nous laisser libre de semer chaos et destruction ?! »

L’échange verbal était à la hauteur du physique précédemment, original et brut, sans délicatesse pour annoncer les choses telles qu’elles étaient. Pourtant, ce genre de phrases sortaient bien de leurs lèvres, ça aurait presque pu paraitre pour une normalité. En finissant sa phrase, il usait de son bandage sous le regard attentif de la fautive.

-« Oh un nécrophile… Rien n’est évident à Kiri, c’est un peu le bordel depuis le moment où ils ont abandonné l’archipel et celui où ils reconstruisent finalement… Tous les arrivistes se prétendent Kirijins. »

Quand la situation avait-elle pire ? En fait, les temps se valaient pour la Kaguya, au village d’antan sa vie était rude, sans lui elle avait été tout autant, avec lui, pas de changement. Toujours la même histoire au fond et ça ne faisait pas de grande différence pour elle actuellement, bien que les projets de ses pairs Kaguya présageaient que la stabilité ne serait pas encore de si tôt. La suite du discours la ressortait rapidement de ses pensées troubles, l’heure était à la bonne humeur, plus que jamais quand la première phrase déjà la faisait rire. Un jeu de mot sans subtilité et presque, la brune aurait pu se persuader que qu’importe le ton qu’il avait choisi, il en était bien capable oui. Restait à pencher sur quel sens elle préférait l’entendre, l’esprit sanglant, face au tordu, ils gagnaient tous deux.

-« Pourtant, tu ne les as pas aidés. Moi qui croyais que c’était la gente demoiselle que tu étais venue sauver ! » Elle secouait la tête, faussement déçue. « Il a des endroits bien meilleurs que celui-ci, il n’y a pas si longtemps, j’ai attrapé des pirates. » Elle susurrait la suite comme pour ne pas choquer des âmes sensibles pourtant absentes. « Ils ont appris qu’ils n’étaient pas les maîtres concernant les supplices. » Son ton revenait à la normal et elle poursuivait comme de rien. « Je pourrais t’y emmener peut-être si tu sais être convaincant. »

Elle retenait le nom d’un clan qui en toute sincérité ne lui disait rien, mais pour sa défense, dans son éducation, seuls Kaguya et parfois ennemis jurés Samui étaient cité. Pour eux, les autres ne semblaient pas exister. C’était un clan imbu de lui-même à sa naissance, à ses jeunes années, mais maintenant, pouvait-il avoir la même prétention.

-« J’ai cru remarquer oui ! Je suis un peu jalouse, j’ai dû ramasser tant de coups, tant de fois avant de savoir faire ça correctement. Je suppose que tu y étais déjà prédisposé en fait.» Voilà qui soignerait un peu son égo, et bien volontiers, elle attrapait cette main offerte pour se relever. Sanguinaire, mais galant, c’était amusant. « Non, inutile, pas besoin de se cacher quand on est Kaguya, les gens sont habitués, ils ne réagissent même pas, ils t’évitent, essayent même de ne pas te regarder. Et puis, espérons pour eux qu’ils ne soient pas assez bêtes pour le faire.»

Une réalité bien arrangeante et puis qui pourrait venir lui poser la question ? D’autant plus, que cela serait lui avouer ouvertement avoir reluqué son décolleté, une excuse pour taper en fait, ça l’arrangeait. Comme lui en fait.

-« Tu es fier de toi, je vois ! Pourquoi cacher ta réussite, non, non, laisse ça comme ça. Je n’ai pas ton problème d’image, il n’y a personne à qui je dois donner le change ici. Des fois, je me plais à penser que c’est ça la véritable liberté. »

La solitude. Loin d’être un fardeau pour la Kaguya, presque avoir été renié de son clan l’arrangerait bien, plus que jamais face à ce genre de discours, ah comme elle le plaignait d’avoir à jouer avec les dictâtes de la bien séance.

-« Et pourquoi tu fais ça ? C’est si important que cela ce qu’ils en pensent ? » Pas le genre de problème qu’elle pouvait rencontrer, donc elle ne pouvait pas comprendre, mais ce les empêcher de prendre le chemin ensemble pour s’éloigner. « Tu te promènes pour revivre les moments et moi j’aime les créer. Est-ce que ça veut dire que l’on pourrait se suivre de près ? »

Elle tapotait un doigt sur ses lèvres, réfléchissant faussement, alors que la décision était déjà toute prise. Il était d’une agréable compagnie, plus divertissant que n’importe qui qu’elle avait connu, c’était indéniable.

Une secousse transperce mon corps devant la décrépitude de la jeunette, nous nous sommes tellement bien trouvés unis par le hasard que c’en est presque tordant en deux de plaisir.

« La gente demoiselle semblait se débrouiller à merveille, elle m’a même fait changer de côté. Disons que j’ai faussement estimé leur cruauté à supérieure à la tienne, n’est-ce pas triste ? »

Cette fois-ci, c’est à mon visage que je porte ma main comme si une inquiétude obscure me rongeait progressivement, jouant à beauté le jeu du dupe et du stupide. Un peu de comédie, un peu d’exacerbation, un peu de fantasque – qu’ils persistent tous à ne penser de moi qu’au volage que je vends tant, ça m’ira à merveille. Et le jour où mon vrai visage commencera enfin à transparaître… D’ailleurs, il n’en reste pas moins que la minaurde sait ceci de moi, seule la confiance quelque peu illusoire que je porte en sa soif du sang et amour du combat me fait savoir qu’elle tiendra les secrets que je lui confie. Ne serait-ce que dans le but de me détruire avec un jour !

« J’ai vite corrigé mon jugement, tant mieux quand même. Et des pirates dis-tu ?! »

L’or de mes yeux s’illumina presque instinctivement à ces quelques mots. Une si tendre promesse. Tel un gigot bien fumant posé au plein milieu de la table, elle est le plateau d’or qui cherche à le servir – et que diable sait-elle se vendre ! Les deux cons pourraient presque prendre des leçons de sa part, en quelques minutes elle semble déjà me comprendre mieux qu’eux durant tout ce temps. Salope ! Je t’aime presque.

« Je saurais te convaincre, ne t’inquiète pas. En espérant qu’il en reste encore ! »

Ne manquerait-il plus qu’elle ait tout saccagé, tout vidé, tout violé sans même chercher à partager avec qui que ce soit. Bien que tout compte fait, ce comportement ne m’étonnerai ni ne me déplairai pas, je devais rester cohérent dans mes propos et chercher la participation aussi. Après tout, même si j’ai presque envie de compter sur elle… Je dois rester auto-suffisant. Et ce n’est pas ses quelques coups qui me prendront de haut là-dessus, n’est-ce pas ? A sa remarque, je hoche les épaules, désinvolte. Peut-être bien que oui. Peut-être seulement que je suis meilleur qu’elle et qu’elle devrait se ruer à mes pieds, les embrasser et se tortiller comme un vulgaire ver pour que je ne l’écrase point ? Rien qu’imaginer la scène m’arrache un léger sourire sanglant – la suite de ses interrogations… J’ai presque envie de me tordre. Moi qui me croyait brutal et sauvage, la vie en société m’aurait-elle tant corrompu ? Non. Non. Impossible. C’est elle qui est seulement plus. Comme l’apothéose de ce à quoi j’aspire. Comme l’idéal que j’obtiendrai un jour.

« L’image ? Haha. L’image est une arme voyons. La plus efficace de toutes. N’as-tu jamais entendu ce dicton « prétends l’infériorité pour nourrir l’arrogance » ? Qu’ils me sous-estiment tous. Qu’ils pensent tous que je ne vaux que ce que je montre de moi. Cet instant précis. Cette seconde où ils comprennent qu’ils ont eu tort. Qu’ils sont finis pour m’avoir cherché. Je vis pour cette douce fraction d’instant où le désespoir et la panique les dévorent de l’intérieur, sans qu’aucun secours ne soit pas possible. Et quelques millièmes de secondes deviennent des heures pour moi. L’adrénaline. Les pleurs. Les larmes. Le sang. Tout a meilleur goût avec le bon assaisonnement. »

Nous suivre ? Je m’arrête quelques secondes pour envisager sa proposition. Ne suis-je qu’un laquais revivant les souvenirs ? Si seulement elle savait… Si seulement elle comprenait…

« Nous pourrions nous suivre… Nous pourrions… Créer ensemble. Mais déjà, il faudrait faire quelques améliorations. Comme t’apprendre à esquiver convenablement pour que mon prochain coup ne t’atteigne pas. »

A-t-elle de quoi suivre cette nouvelle valse ? Je n’en doute pas.

« Pas d’artifices. Frappe-moi avec ton plus beau coup. »

Et alors qu’elle se lance sur moi, l’or prends à nouveau possession de mes pupilles, son mouvement ne devenant qu’un vulgaire amas de feuilles sur lesquelles un dessin serait accumulé. D’un geste souple, suave presque, j’esquive sans le moindre mal.

« A toi. »

Et aussi évident que cela puisse être avec la fermeté de mon visage, je ne retiendrais pas mes coups.

AH, mais regardez-la la mesquine ! Tant de cachoterie, tant de minauderie ! C’est presque face à un miroir que j’ai l’impression d’être. Un miroir m’enlevant quand même le charme de ma silhouette longiligne et si facilement pliable, mais ça elle n’est pas obligée de le savoir. Je suis certain que quelque part, à genoux, elle doit être au moins tout aussi douée que moi, bien que je n’irais pas jusqu’à tester. Ce serait pour le moins… Etrange. Toujours est-il que c’est efficacement qu’elle me berce de promesses les plus douces, les plus charmantes même. Des pirates. Des citoyens dans la défaite, soumis à l’infamie du complot s’abattant autour d’eux. Alors qu’un vent frais caresse mon visage, je lui adresse un léger sourire, mes cheveux passant calmement sur mon visage dans un placement on ne peut plus idyllique.

« Et si… Ne serait-ce point magnifique de nous faire voir comme héros, sauveurs de ces miséreux, pour leur enfoncer le pieu final ? Imagine-les, tous ces visages, toutes ces pertes, toute cette incompréhension quand les valeureux sauveurs s’avèreront être les pires tourmenteurs ? Que d’extase. Que de brin de folie. Je saurais te convaincre, d’autant plus. »

Une fois de plus détermination prend place sur mon visage, et rapidement nous enchaînons sur la beauté de la chose. Sans aucun mal, combien même cela me fatigue bien plus qu’elle ne doit le voir, j’évite sa vulgaire frappe puis l’enchaine comme beau me semble. Le premier, elle l’a anticipé, pour sûr : ses mouvements étaient trop fluides et trop avancés dans le temps comparé aux miens – pense-t-elle vraiment progressé à la tricherie, et plus encore, tromper mes yeux qui plient le temps comme s’il n’était que leur vulgaire catin ? Non… Il y a autre chose, et je porte presque mes mains à mon visage dans un pur moment orgasmique. Le combat. Il coule tellement dans ses veines qu’elle n’arrive presque pas à s’empêcher de faire. C’est une lutte pour elle. Un effort que de ne pas anticiper. Ah, que sa vie doit être triste à tout dominer comme vulgaire chien en laisse.

Secouant brièvement ma tête, je la regarde ridicule s’élancer de nouveau comme si elle avait le moindre espoir. Sauvage au point d’en perdre la raison dans le feu du combat ? Cela ne fait que rajouter un peu de rouge à ses joues, un peu d’érotisme à ses cuisses et de beauté gracieuse à ses mouvements – mais malgré toute la contemplation artistique que je puisse en faire, je l’évite une fois de plus et riposte, cette fois-ci, abattant mon poing dans son corps enfantin. Son gémissement m’en arrache presque un, de plaisir cependant, et son juron est la cerise sur le gâteau de sa peau blanche telle de la crème. Au prochain, je porterai ma langue sur elle, voir si la beauté immaculée et écarlate porte en elle le goût si sucré du sang impie.

Encore et encore, riposte après ripose, je la frappe comme un vulgaire animal que l’on aurait abandonné au bon vouloir de mes pieds. Tantôt je hume ses cheveux, sentant en eu la sueur d’une folle combattante, tantôt j’approche mon visage dangereusement de son corps comme si je souhaitais en croquer une partie pour en garder un cadeau lorsqu’elle croulera enfin sur mes coups et s’avouera non pas vaincue mais morte. Et cette perversion. Cet amour du laid. Je sais qu’ils sont inscrits sur mon visage à chaque emportement successif, écarquillant mes yeux et accélérant le rythme de mon cœur. Et finalement, le moment tant attendu arrive. Tel un théâtre majestueux. Tel un applaudissement médiocre clôturant le meilleur des chefs d’œuvres : elle esquive, et tout cesse devant sa remarque.

« Oh, mais me prends-tu pour un sauvage ? Je me garde de te goûter ultérieurement, disséquer tous tes secrets ce jour n’a aucun plaisir pour moi. Parfois… Parfois il faut savoir faire durer le supplice. Et plus encore ! Je ne suis guère un monstre – nous iront à deux. Qu’y a-t-il de plus sympathique que d’admirer tout en détruisant ? C’est ta réputation et tes tentatives de t’en forger une, et si j’ai mérité mon intérêt… Tu as mérité au moins assez de respect pour que je ne te prive pas d’un terrain de jeu lâchement. »

Je passe ma main dans mes cheveux, les teintant finement de reflets tantôt rouges, tantôt noirs, accordé au sang qui s’y dépose. Il me faudra une douche avant d’être vu par les cons.

« Le jour où je voudrais m’amuser seul, j’aurais la décence de te distraire mortellement avant. »

Je secoue la tête, désolé de devoir expliciter de telles évidences. L’élancement de mon corps ressemble à celui du lapin, alors qu’elle cherche à faire de moi un buffle, mais que m’importe. Au moins une personne mérite de vivre dans le monde que je veux créer en plus de moi, et dire que c’est en cet enfant qu’elle se trouve… Un demi-sourire fend mon visage rien qu’à la vision qui me pénètre à cette idée. Je lui tends la main une fois de plus.

« Puis-je au moins t’amener jusqu’au village ? Il serait triste que l’on s’achève à la fatigue alors qu’il y a tant plus que l’on pourrait faire… »

Un jour, l’envie me prendra. Un jour, je lui dirais tout. Un jour, elle fera partie des miens, le monde tordu en deux à nos pieds comme de la vulgaire merdasse qui ne possède même pas le mérite de regarder en notre direction. Je serai Dieu et elle sera reine. Qu’en dira-t-elle ? Je me croque la lèvre une fois de plus, forçant ma curiosité à mourir sous ma patience. Plus tard… Plus tard.

Leur prochaine escapade lui était du plus grand effet à ce que la brune pouvait entendre, voilà qui la réjouissait elle aussi en fait. D’autant plus que la provocation qu’il usait avec un talent rendait presque pour elle ses dires poétiques, elle attrapait sa main sans se faire prier comme pour répondre à quel point une de ses réponses était erronée.

-« Un amusement mortel pour la solitude ? Je regretterai de te tuer, je perdrai un si merveilleux compagnon de jeu ! Évitons, je suis sûre que l’on pourrait trouver bien des terrains où s’achever de façon moins irréversible. » Forçait-elle l’intonation pour jouer de la scène, une âme peut-être aussi un brin comédienne. S’ils étaient au théâtre, nul doute qu’ils seraient dans le rôle des… « Monstre est plutôt compliment je trouve. Tu devrais te sentir flatter. »

Puisqu’il usait sa galanterie, c’était la fille qui choisissait la cadence du pas et combien même cette chose était si peu familière à une Kaguya, elle ne semblait pas la déranger. Probablement, car elle était incapable de la déceler, pour elle c’était davantage une trêve, comme quand elle et sa sœur, après avoir manqué de s’arracher le cœur pour la victoire, se retrouvaient pour rentrer en se soutenant, jusqu’à la prochaine fois. Aucun doute qu’il y aurait d’autres coups s’échangeant avec deux là, pas que, une longueur d’onde sadique et pervertie en dégoulinait, simplement recouverte d’un manteau assez frais pour la camoufler. Quelque chose qui n’était pas fait pour durer, mais pourtant l’un comme l’autre à leur manière se devaient de se soumettre aux exigences de leur patience.

-« Oh il nous faudra y revenir bien des fois pour être acclamé, et qu’au moment propice pour les abuser. J’en ai besoin des civils pour les prochains mois, ils ont un rôle important à jouer, d’ici qu’ils perdent toute leur valeur, sois assez compréhensif pour ne pas me les abimer, même mieux, nous faire adorer. Tu as l’air talentueux pour ces jeux-là. » Un peu trop même, aussi dangereux que fascinant. « Je te promets les premières loges pour le jour des grandes festivités en échange. »

Elle lui laissait entendre une invitation bien plus conséquence encore qu’un simple carnage chez de vulgaires pirates, mais il était encore bien trop tôt pour dévoiler toutes les cartes. Il était bien prématuré assez déjà d’avoir ce genre de conversation avec un individu non seulement en dehors du clan, mais en plus rencontrer il n’y avait même pas une heure passée. La réalité la frappait de plein fouet, comme quoi, les relations ne se commandaient pas, tout comme l’alchimie qui pouvait s’opérer entre deux êtres, opposé et identique ou presque à la fois. Trop fatiguée pour relancer la machine, il avait été la chercher dans de lointain retranchement mine de rien, la brunette préférait laisser le chemin les porter. Sa main se refermait sur la sienne comme pour qu’il ne puisse pas s’échapper au cas où, la marche s’entreprenait et sa dernière remarque la laissait ricaner.

-« Ah oui ? Comme quoi ? Je te sens inspiré, à quel genre d’activité tu pensais ?... »

Et si la réponse avait fait un son en venant, il s’était étouffé au milieu de la forêt parce qu’ils s’étaient éloignés de la mare de sang pour de bon, laissant gisant les témoins de cette rencontre, eux qu’ils avaient déjà oublié tant leur valeur était moindre à leurs yeux. D’étranges créatures qui allaient bien ensemble, aucun doute. La seule différence si on avait pu en relever une flagrante, c’était le temps qui n’avait pas encore donné la même expérience à la fille, son train à elle, l’avait mise au monde plus tardivement. Sa naïveté avait beau être pas mal faussée déjà, elle persistait encore un peu, innocente sans l’être, c’était un dosage complexe. Lui c’était tout l’inverse, de l’innocence, il n’en avait qu’une parfaite imitation totalement maîtrisée, la réalité voulait que ça serait aussi lui qui déteindrait sur elle à trop de proximité. Et c’était surement ça qui l’attirait, comme un papillon de nuit vers une flamme apte à le brûler vif…

Non, non, aucun d’eux n’avait fini par tué l’autre dans un détour de leur forêt.