Les étoiles semblent si belles cette nuit. Brûlent-elles plus que les autres soirs ou bien sont-ce mes yeux qui me jouent des tours ? Il n’y a pas qu’un seul soleil : l’adage des Yamada. Non, il n’y a pas qu’un. Mais le plus grand et le plus célèbre de tous dort en ce moment, de l’autre côté du globe. Il fait noir à présent, en omettant la chiche lueur de ces points tout là-haut.
Pas qu’un seul soleil, sous-entendu que nous en sommes un nous aussi. Pourtant, je ne me sens pas chaud. J’ai beau brûler mon corps et faire disparaître toute neige autour de moi, je me sens froid. On me ressent chaud, mais pas moi. D’extérieur seulement. Depuis quand n’ai-je pas réchauffé quelqu’un ? N’est-ce pas là le devoir de tout soleil ? Illuminer la vie. Nos vies.
Ma planète est à des lieux d’ici. Je n’en garde qu’un bocal, contenant de ma précieuse terre. Une poignée de grains glisse entre mes doigts comme autant d’étoiles solitaires. Tous ces points gravés sur la voûte, qui brillent seuls dans leur coin sans éclairer personne. Sont-ce les Yamada déchus ? Ceux qui ont perdu la vie qu’ils devaient illuminer ?
Suis-je un soleil ou une étoile ?
Une vie à illuminer… J’en avais des tas. J’étais un Sunajin aux côtés d’Ema et d’Oniri. Un Yamada aux côtés de mes parents et du désert. J’étais un mentor aux côtés de Tsukiko et de Kibo. Un chef de clan aux côtés de tous les miens. J’étais un Kazekage, père de tout un village. J’étais un homme, aux côté de Zanshi. Un soleil avec Yami.
Et maintenant ?
Maintenant… Je ne suis plus Sunajin, juste un déserteur. Plus un mentor ou un chef, rien qu’un paria. Pas un homme mais un vagabond. Davantage étoile que soleil.
Pourquoi briller si personne n’est là pour profiter de notre lumière ? Mon pendentif est si lourd autour de mon cou. Il porte le nom des défunts qui me sont chers. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il porte tous les noms que je connaisse.
Un bout du collier manque pourtant. Un coin transformé en bague. En alliance. Une femme le porte alors qu’elle en a refusé la demande. Une femme… La seule vie à illuminer qui ait véritablement compté. Et où est-elle à présent ? Je suis devenu une étoile pour la retrouver. Elle m’a rejeté. Je deviens un mercenariat, vendant mon corps et ma vie au plus offrant pour la venger, mais elle n’en a cure. Alors je combats l’Empire pour que son ravisseur ait péri. Alors je négocie avec l’Empereur pour qu’elle soit graciée de ses actes. Je me damne aux quatre veines pour elle sans même savoir où elle est.
Peut-être se trouve-t-elle déjà tout là-haut ?
Ô soleil, comment fais-tu donc ? Illuminer sans rien demander en retour. Es-tu comme moi ? Chaud en-dehors et froid en dedans ? A la lune, tu donnes tout chaque jour pour qu’elle puisse être lumineuse la nuit. T’a-t-elle déjà donné un baiser en retour ? Ma dame me nargue. Trop fière… La fierté est ce qui m’a coûté ma lune d’avant. Comment faire pour ne pas perdre celle-ci ? Et si je ne la perds pas, comment faire pour ne pas me perdre moi ?
Mon oncle a été fait prisonnier à Konoha. Une autre vie, un autre nom, un autre poids… Encore une fois, il me faudra combattre. Mes adversaires brûlent alors que Dame la Mort m’enserre de son venin hivernal, comme une sangsue qui aspire doucement notre chaleur vitale.
Soleil ou étoile ?
Je n’en ai même plus l’envie. J’arrête d’irradier, laissant la neige déverser son flot sans fin sur moi. Mes doigts se mettent à trembler alors que je les pose dans la nappe blanche. Est-ce cela que l’on ressent ? Cela qu’on appelle froid ? J’en frissonne. Je m’allonge dedans, laissant la grande Dame me bercer dans ses bras glacials. Ca picote à présent. J’ai froid… Comment est-ce là-haut, autour des étoiles ? Tremblent-elles aussi ? A présent, ça me brûle. La neige peut donc brûler aussi bien que du feu ? Malgré tout, j’ai froid. Et je brûle. Je brûle de solitude.
Est-ce de là que tu tires ta force, grand astre ?
Une vie à illuminer. Sa vie. J’ai toujours brûlé pour elle. Qu’elle soit à mes côtés ou non n’y change rien. Que je brûle de chaud ou de froid non plus. Elle est mon moteur. De l’espoir et du désespoir. Elle se pose comme ma lune et impose ma raison d’exister. Elle : Ketsueki Yami. Je brûle de tout mon être, et pourtant je ne reçois rien en retour. Ma flamme ne tarie pas pour autant. Elle souffre mais jamais ne s’essouffle.
Ma lune. Es-tu aussi seule que je le suis en ce moment ?
Tu m’as tout pris, jusqu’à mes pensées. Tu occupes chacun de mes rêves. Tu pilles sans rien laisser, mise à part ton souvenir. Ton merveilleux souvenir. Délice de poison et de réconfort. Mon nectar mortel… Tu portes mon anneau mais je ne puis t’appeler ma femme. Cruelle ironie.
Sommes-nous destinés à ne rester que lune et soleil, se courant après depuis l’aube jusqu’à la nuit des temps ? Ou me fourvoie-je et ne suis-je qu’une étoile qui se croit soleil. Un simple grain de sable dans le désert de ta vie ? Toi tu es mes dunes et mon horizon. Mon oasis glacial…
Penses-tu seulement à moi ? Autant que je pense à toi ?
Aucun paradis ne me tendra les bras. Je me suis déchu pour toi dès le premier regard. Il n’y aura que sur cette terre que je pourrais t’avoir. Ou, si je ne le puis, laisse-moi seulement te regarder, comme le font toutes ces étoiles chaque nuit. Juste te caresser de mes pensées. Te désirer de mes vœux.
Ô ma lune, ma Yami, quand te reverrais-je ?
Soleil ou étoile je n’en ai que faire. Je brûle pour toi, l’intensité de la lueur ne compte pas. Tu es l’unique au milieu de mon désert. Un désert si grand sans toi, sans personne. Tu laisses mon corps en hiver et mon esprit à l’agonie. Je brûle pour toi.
