Cela fait maintenant quelques heures que la nuit est tombée sur Suna. Et quelques heures que mon nom a été rayé du tableau des finalistes de l'examen chûnin. J'ai pris connaissance de ma défaite en sortant de l'inconscience. Et j'ai alors pu constater que je me trouvais à l'hôpital du village où j'ai reçu de nombreux soins. D'après l'infirmière qui me regarde avec un air inquiet, j'ai frôlé de peu la mort. Je n'ose pas lui répondre que ça aurait été sans doute préférable à la honte que je ressens en cet instant. Je me contente alors de détourner le regard car je n'arrive même plus à supporter la pitié qui se lit dans les yeux de la demoiselle. Je me suis ridiculisé aux yeux de Suna. Mais plus important encore: aux yeux de mon clan. Comment Tsukiko me regardera, elle?

"Combien de temps?"
"Une ou deux semaines..." elle s'approche de moi et pose la main sur mon avant-bras. "Le temps de reprendre des forces et de pouvoir tenir sur vos jambes. Mais il faudra peut-être quelques mois avant que vous soyez totalement remis. L'important maintenant c'est de vous reposer. De beaucoup vous reposer!"
"C'est... inacceptable!"
"Je ne crois pas que vous vous rendiez compte de l'étendue de vos blessures. C'est un miracle que vous soyez déjà conscient! Il a fallu retirer de nombreux morceaux d'origine végétale de votre cage thoracique. On a frôlé de peu la catastrophe!"
"Je ne veux pas être rassuré! Je veux que vous me remettiez sur pied!"
"Nous avons fait tout ce que nous pouvions. Comme je l'ai dis, vous avez de la chan..."
"J'ai besoin d'être seul! Sortez! Tout de suite!"

Si l'infirmière est outrée par mon ton agressif, elle ne le montre pas. Je suppose qu'elle est habituée à ce genre de comportement vu le nombre de mauvaises nouvelles qu'elle a du apporter dans sa carrière. C'est qu'elle n'est plus toute jeune... Je l'observe tourner les talons et reporte mon attention sur le bord de la fenêtre. Et sur la plante qui s'y trouve.

"Et dégagez cette foutue plante de la chambre! Je ne veux plus la voir!"

C'est bon hein, j'ai eu ma dose de végétaux pour la journée. Et pour les mois qui viennent. Auparavant je les observais avec indifférence. Mais depuis ce combat je me sens obligé de m'en méfier. Comme si cette plante pouvait me sauter dessus à tout instant pour tenter de me dévorer ou terminer le travail que le konohajin a commencé. Le Konohajin... Comment ai-je pu perdre face à lui? J'aurais du gagner. Je devais gagner! Pour mon clan, pour Kaze mais surtout pour moi. Cette défaite prends des allures de claque destinée à ma fierté. Et c'est bien plus douloureux que toutes les plaies que l'Hayashi a pu m'infliger. Me serais-je trompé? Se pourrait-il que, quelque part, un clan plus puissant que le mien existe? Cette pensée m'aurait arraché un sourire narquois il y a encore quelques heures. Maintenant...

Mais il n'y a pas que mon ego qui souffre de cette situation. Je suis lancé dans un processus de guerre silencieuse et invisible contre les autorités de Suna. Et cette guerre demande du temps et de l'investissement. Comment suis-je sensé jeter à bas nos dirigeants si je ne peux même pas me lever de mon foutu lit d’hôpital. Je suis... inutile. Condamné au rôle de spectateur et non à celui d'acteur que j'affectionne tant. Je continue de broyer du noir jusqu'à ce qu'on toque à la porte de ma chambre. Sûrement Tsukiko ou un autre membre du clan qui vient prendre de mes nouvelles. Je chasse les larmes de frustration qui ont commencé à rouler sur ma joue et tente de me redresser contre le mur qui jouxte mon lit. Mais ce simple effort manque de peu de m'arracher un cri de douleur. Je me résous bien vite à rester allongé.

"Entrez..."

J'aurais pu imaginer des dizaines de visages apparaître dans l’entrebâillement de la porte. Mais certainement pas le sien. C'est une blague ou quoi? Il vient se moquer parce qu'il n'a pas eu le temps de le faire dans l'arène avant que je tombe dans l'inconscience? Je garde le silence et serre les poings. Qu'est-ce qu'il vient foutre ici?

Je semble encore... vivant? Je fronce les sourcils et saisit le verre d'eau à mes côtés. Ou plus exactement: tente de le saisir. Mon bras se lève de quelques centimètres et retombe mollement sur le lit. Heureusement j'arrive à bouger les doigts et à appuyer sur le bouton qui redresse le dossier de mon lit. L'autre parasite a décidé de venir squatter. Et je n'arrive même pas lui balancer un objet à la tronche. Mon regard se balade entre l'intrus puis la porte avant de poser sur la fenêtre. Bon son espèce de plante carnivore n'est pas dans le coin on dirait. C'est toujours ça!

"Comme si des pétunias géants pouvaient buter un Kawaguchi..."

Ou peu importe le nom de ces espèces d'arbres qu'il a jugé bon de planter dans ma poitrine. J'ai une gueule de pot peut-être? Et pour ne rien arranger la demoiselle dégage un espèce de parfum de forêt incommodant. J'y suis tellement peu habitué que j'ai l'impression qu'il surpasse l'odeur aseptisée de la chambre. Quel manque de goût!

"Bon! Tu me rends ma putain de torche maintenant ou tu préfères que je guérisse avant de venir la récupérer moi-même? Ta victoire n'était qu'un simple coup de chance j'espère que tu en es conscient?" Han la mauvaise foi! "La prochaine fois, j't'éclate!"

Là, comme ça c'est dit! On ne viendra pas m'accuser d'attaquer en traître ou je ne sais quoi. Le soucis c'est que je ne suis pas près de sortir d'ici. Setsuna m'a fait parvenir des bonbons. Et je la connais assez pour savoir que ce sont plutôt des petits remontants faits maison. Je devrai peut-être les prendre plutôt que prévu. Je sais que c'est con parce que faire croire au cerveau que le corps va bien, ça a des conséquences. Mais d'un autre côté c'est tentant. La santé ou la vengeance? Le choix n'est pas aisé...

Un léger silence s'installe et je hausse un sourcil. Techniquement ce n'est pas moi le visiteur. Et donc faire la conversation n'est pas le rôle qui m'est dévolu. Il pourrait au moins m'expliquer pourquoi il est ici! J'ai un peu de peine à croire qu'il soit venu me voir, moi. Même si finalement je suis certainement devenu une star grâce à ma prestation empreinte de stoïcisme et de fierté. Même lui doit m'admirer. Si ça se trouve j'ai même un fan club ou deux en train de se former. Et donc des admiratrices qui s'agglutineront à mes pieds lorsque je sortirai d'ici! Classe! Mais pour l'instant il s'agit de faire en sorte que le temps dur moins long...

"En fait... T'es un homme ou une femme à la base?"

J'ai entendu parler de ces hommes étrangers qui se travestissent en femmes. Alors pourquoi les femmes ne pourraient pas faire pareil? Malgré ma vision un brin floue je plisse les yeux pour saisir les subtilités du visage du konohajin. Mouais, dur à dire... Dites-moi pas que j'ai été battu par une femme quand même...