En cette heure bien matinale, une jeune femme aux longs cheveux sombres et ondulés était en train de se laver le visage dans la rivière glaciale. Elle se redressa ensuite pour lever la tête, désirant voir le ciel afin de déterminer le temps qu'il allait faire mais la brume était bien trop épaisse en ce début de journée pour lui permettre de voir ce qu'elle convoitait.

Ici, dans la Forêt de brune, cette dernière ne se levait jamais mais au fil de la journée, celle-ci se dissipait peu à peu mais sans disparaitre totalement. Ce qui faisait de l'endroit, un lieu plutôt glauque. Quand en plus le passé sanglant venait se mêler à la description du paysage alors on pouvait tout simplement affirmer que la forêt était maudite. Tant des jeunes Shinobi avaient perdu la vie ici qu'un superstitieux n'y poserait pas les pieds et encore moins y habiter. Et pourtant, c'était ici qu'elle vivait désormais. Elle, était Natsumi Mairu.

Ancienne kunoïchi du village caché de Kumo qui s'était retrouvée incapable d'user de ninjustu du jour au lendemain, après qu'un renégat avait scellé son chakra, elle avait été amené en ce lieu par le nécromancien Shinda Michiki. Être qu'elle considérait à présent comme son ange gardien bien qu'elle le soupçonnait de ne pas être totalement honnête. Il avait été attentionné envers elle et c'était tout ce qui importait à la jeune femme. Sans lui, elle serait certainement en état de décomposition bien avancée actuellement ; après une mort précédée d'une humiliation sans nom. Alors que beaucoup n'auraient pas hésité à l'abandonner à son triste sort, Michiki était venu à son secours puis il lui avait offert un endroit où se réfugier alors qu'elle ne savait pas où aller.

En attendant que la brume lui permettait de voir un plus loin que les trois mètres, la jeune femme retourna à la cabane où elle se terrait désormais. Aujourd'hui elle avait quelque chose de bien particulière à faire mais elle ne désirait pas s'y atteler par un temps si brumeux car cela serait très dangereux. Ainsi, elle laissera la brume se dissiper un tantinet avant.

Tout en pénétrant l'intérieur de son cabanon, la Sauvageonne décrocha l'arc qu'elle portait en bandoulière. Si présentement l'endroit était plutôt accueillant, ce n'était pas le cas à son arrivée. Elle avait dû passer des jours à nettoyer le lieu afin de le rendre vivable par un être humain soucieux de l'hygiène.

La Natsumi s'installa au fond de la pièce principale puis saisit une flèche du carquois, attaché à sa taille, pour en armer l'arc qui était devenu son arme de prédilection. D'une adresse qui démontrait qu'elle n'était pas une débutante en la matière mais qui révélait également qu'elle ne maitrisait pas encore parfaitement son art, elle visa la cible qu'elle avait dessinée à même le mur avec du charbon.

Désirant être minimum capable de se défendre, l'ex-kunoïchi avait sollicité des armes à Michiki qui lui avait alors ramené, quelques jours plus tard, un arsenal composé d'un arc et son carquois ainsi qu'une cinquantaine de flèches, d'un katana et d'un poignard. N'ayant jamais appris à manier un sabre, elle s'était contentée d'admirer le katana qu'elle avait ensuite déposé à côté de son lit dans l'autre pièce. Quant au poignard, il le dissimulait sous sa robe et de temps en temps, elle s'entrainait à l'utiliser alors que quotidiennement elle essayait de se perfectionner au tir à l'arc. En plus d'être son arme de défense, l'objet était également son outil de chasse. Elle devait trouver ses victuailles elle-même alors c'était donc naturellement qu'elle s'était reconvertie en une chasseuse de gibier. Chose qui, étrangement, lui plaisait assez, bien plus que la chasse à l'homme.

La flèche partit pour atteindre le milieu de la cible. Exploit qu'elle arrivait à obtenir presque à chaque coup depuis ce dernier mois. La jeune femme décocha encore trois flèches, qui atteignirent toutes la cible, avant d'aller les décrocher pour les ranger avec les autres, après les avoir inspectées pour voir si elles n'étaient pas abimées. Elle glissa ensuite une main sous sa robe pour sortir le poignard de son support accroché en haut de sa cuisse gauche. Elle jeta l'objet sur la même cible mais contrairement avec les flèches, elle ne réussit pas à viser le milieu. Elle alla alors ramasser l'arme blanche pour recommencer mais une fois de plus elle échoua. Elle recommença alors, encore et encore. La persévérance était l'un de ses points forts. Elle n'abandonnerait pas avant d'avoir obtenu un résultat qu'elle jugerait convenable …

Après une dernière lancée de poignard qui au final n'était pas beaucoup mieux que les précédentes, la Nastumi alla arracher l'arme blanche fichée dans le mur en bois pour la ranger dans son support, sous sa robe, puis elle remit les pieds dehors. Elle guetta une nouvelle fois le ciel qui se présentait bien gris alors que la brume s'était à peine dissipée mais, ayant marre de rester à l'intérieur, elle décida cependant d'entamer son excursion de la journée. Sauf une forte intempérie, il n'y avait pas une journée où elle restait enfermée dans sa tanière bien isolée.

Cela va faire cinq mois qu'elle se terrait dans cette forêt lugubre et, tout doucement, elle commençait à perdre la notion du temps. Loin de la civilisation, elle semblait se détacher de ce monde et la forêt brumeuse qui paraissait si surnaturelle n'arrangeait point la situation. L'endroit était comme un complice qui cherchait à la faire oublier qu'il existait au-delà de ses lisières, un univers qui continuait de tourner sans elle. La Natsumi avait finit par apprécier sa vie d'une parfaite sauvageonne dans cette forêt pourtant bien hostile, au point qu'elle hésitait à la quitter. Elle ne comptait pas cependant rester ici indéfiniment. Elle ne savait pas encore quoi faire de sa vie mais elle savait néanmoins que son être n'aspirait pas à devenir un ermite. Malgré qu'elle savait la dangerosité à fréquenter ses semblables qui pouvaient se montrer bien plus hostiles que les bêtes sauvages qui lui servaient actuellement des voisins, fréquenter des êtres humains commençait à lui manquer. Avant de retourner dans le monde qu'elle avait délaissé, la Nastumi tenait à dompter un animal sauvage qu'elle avait recueilli voilà plus de quatre mois.

Ce fut donc dans l'optique d'accomplir sa nouvelle entreprise, qui s'annonçait assez ardue, que la Nastumi se dirigea vers une niche de misère qu'elle avait construite elle-même, non loin de son cabanon. À son approche, un groin se profila de l'abri et un sanglier d'une taille assez impressionnante en sortit. La bête renifla un moment l'air tout en avançant avec précaution puis finit par se rapprocher des pas rassurés de la Natsumi qui se baissa pour caresser l'animal qui se frotta contre ses mains.

La jeune femme avait sauvé le suidé d'une mort certaine. Elle l'avait trouvé, lors de ses excursions dans la forêt, agonisant des blessures qui commençaient à s'infecter et dont certaines étaient bien profondes. La Sauvageonne avait supposé que l'animal avait été attaqué par une bête bien plus féroce que lui ; par un ours certainement. Elle s'était appliqué à soigner l'animal comme s'il était son enfant. Depuis son plus jeune âge, elle avait une affinité inexpliquée pour les sangliers qui étaient pourtant des animaux loin d'être gracieux qui donnerait envie de les toucher. Bien au contraire, ils étaient plutôt sujets de répugnance des êtres humains. Elle adorait les chevaucher bien plus qu'un magnifique cheval. Activité à laquelle elle s'adonnait presque quotidiennement dans cette forêt où, depuis qu'elle avait été délaissée par les hommes, les sangliers abondaient.

Aujourd'hui elle avait décidé de chevaucher le suidé sauvage qui était devenu son animal de compagnie. Ses blessures avaient suffisamment cicatrisées pour ne pas se rouvrir. Par crainte, Mairu vérifia cependant chaque stigmate dont la plupart étaient déjà recouverts de poils. San inspection terminée elle se releva pour inspirer profondément, se préparant à la grande chevauchée sauvage. L'animal avait peut-être fini par s'attacher à sa personne mais elle savait que la bête ne se laisserait pas monter facilement …

Tout doucement, la jeune femme se mit à caresser la tête puis le dos de l’animal afin de le rassurer au vu de ce qui l’attendait. Avec délicatesse, la Natsumi passa ensuite une jambe par-dessus le suidé sauvage avant de poser, toujours avec précaution, son postérieur sur le dos de la bête. Pour ne pas surprendre la monture bien singulière par une charge soudaine sur elle, la jeune femme n’y mit pas de suite tous son poids mais y alla petit à petit. Au contact, le sanglier redressa la tête puis se figea un court instant, comme pour essayer de comprendre ce qui se passait, avant de pousser un cri strident et détaler à toute vitesse. Mairu qui n’avait pas fini de s’installer complètement fut expulsée en arrière et se retrouva le dos au sol.

« Ha oui, tu veux la jouer comme ça mon coco !? » Lâcha l’affalée qui resta dans sa position, fixant le ciel grisâtre.

La jeune femme se mit ensuite sur son séant avant de chercher du regard l’animal qui s'était défilé. Alors qu’elle pensait que ce dernier était allé s’enfuir dans la forêt pour peut-être ne plus y revenir, la bête ne tarda pas à retourner auprès d'elle qui était toujours assise par terre. Le sanglier avançait cependant des pas méfiants mais, à sa vue, la Natsumi afficha un sourire heureux. La jeune femme était ravie de constater que l’animal ne semblait pas lui en vouloir - car il était revenu vers elle de son plein gré - et soulagée de ne pas devoir lui courir après.

La Natsumi ne comptait pas laisser filer le suidé sauvage mais était déterminée à en faire sa monture officielle. Cela lui éviterait de tenter d’en chevaucher un différent à chaque fois qu'elle s'adonnait à son passe-temps attitré mais insensé en plus d'être très risqué. Jusqu’à présent, elle avait eu de la chance de s’être sortie qu’avec des blessures plus en moins superficielles après une chute durant une chevauchée sauvage. Pendant plus d’un mois, son corps avait été recouvert des ecchymoses qui s’étaient atténuées au fur et à mesure qu’elle arrivait à tenir sur un sanglier en pleine course jusqu’à l’épuisement. Son apprentissage de s'intercepter lors d'une chute sans se faire mal, durant l’époque où elle avait été une kunoïchi, l’avait grandement aidé lorsqu'elle tombait de sa monture bien singulière. Certains de ses plongeons involontaires auraient pu lui être fatals. Une fois, elle s’était tout de même cogné la tête contre un arbre et la violence du choc était telle qu’elle en avait perdu connaissance. Heureusement, l’incident n’avait pas laissé de séquelles.

Le sanglier reniflait à présent la Natumi qui était restée assise à même le sol. La jeune femme grattouilla la tête de l’animal qui se mit alors à se frotter contre elle, réclamant plus de tendresse.

« Toi, t’es vraiment égoïste quand même ! Tu me réclames des caresses alors que tu ne veux même pas me laisser te monter et ce, après tout ce que j'ai fait pour toi ! Fit Mairu d'une voix faussement vexé tout en continuant de grattouiller le suidé. Bon, on recommence et cette fois-ci t'as intérêt à te laisser faire où je te fais rôtir ! Ajouta la jeune femme tout en se redressant enfin.
- Grouik, grouik …
- Oui, je suis sérieuse ! … Avec tout ce que je t'ai donné à manger, tu dois être grassouillet à souhait en plus !
- Grouik !
- C'est parfait si tu as compris ! »

Sur ces derniers mots, la Natsumi effectua une nouvelle tentative de chevaucher l'animal mais contrairement à ce qu'elle avait compris ou plutôt interprété - car elle ne parle pas sanglier - la bête ne se laissa pas faire mais se mit à courir une fois de plus, à peine avait-elle posé son séant sur le dos de celle-ci. La jeune femme réussit cependant à se cramponner rapidement à l'animal pour ne pas se faire éjecter comme la première fois. Après un cri de désaccord, à faire casser les tympans de sa cavalière non désirée, le sanglier détala au cœur de la forêt cette fois-ci, avec une sauvageonne ébahie sur le dos …

Entrainée à chevaucher même le plus révolté des sangliers, Mairu ne tomba pas de sa monture lancée à vive allure. Comme ses congénères qui n'étaient pas habitués à elle, le suidé qu'elle avait pourtant soigné et même choyé, ne voulait pas céder à son caprice qu'elle jugeait pourtant plus que mérité. La révolte de l'animal ne lui suscitait pourtant aucun ressentiment, bien au contraire, la Natsumi appréciait sa désobéissance. Pour la jeune femme, l'insoumission de la bête n'était qu'un signe de son fort caractère. Malgré le temps qu'ils avaient passé ensemble, le sanglier n'était pas devenu un pathétique animal domestiqué mais avait gardé un côté sauvage que la Sauvageonne appréciait grandement. Tout comme avec les humains, Mairu préféraient les animaux avec du caractère. Elle n'échangerait pas une monture qui ne se laisserait pas faire contre une obéissant à tout le monde. Ainsi donc, la Natsumi espérait que son suidé ne deviendrait jamais un gentil animal que n'importe qui pourrait toucher mais restera une bête sauvage que seule elle pourrait approcher, quitte à se faire blesser elle-même par sa propre monture.

Filant toujours à toute vitesse, le sanglier mena sa cavalière à travers des sentiers que cette dernière elle-même ignorait l'existence malgré les mois qu'elle avait passés à parcourir la Forêt de la brume. Il avait passé plus du temps à sillonner le bois qu'à se terrer dans son cabanon et pourtant, elle n'avait pas encore tout découvert. Le nouveau paysage qui s'offrait à elle n'était pas plus ou moins intéressant que celui qu'elle connaissait déjà, pour la simple raison que qu'ils étaient similaires, aussi sinistre, humide et brumeuse. La Natsumi prit tout de même la peine d'examiner les alentours, confortablement installée sur le dos de sa monture qui avançait toujours à vive allure. Elle n'espérait rien trouver de particulier mais examinait juste les environs par curiosité. Elle abandonna cependant son observation futile assez rapidement pour ne se concentrer que sur sa folle chevauchée qui lui procurait bien plus de plaisir.

« Aller ! Encore plus vite mon grand ! » Lâcha une Mairu en état d'exaltation.

Elle avait déjà chevauché deux ou trois sangliers bien plus rapides auparavant mais celui qu'elle montait actuellement sortait d'une assez longue convalescence alors celui-ci n'était surement pas au sommet de sa forme. Après quelques jours de grand galop similaire, son suidé gagnerait assurément en vitesse. Et même si cela n'arriverait pas, elle ne s'en plaindrait pas car l'endurance dont faisait preuve la bête actuellement la satisfaisait déjà amplement. Elle était déjà capable de dépasser un bon coureur et même de rivaliser avec la vitesse d'un shinobi de rang moyen.

Après une dizaine de minutes de trot effréné, l'animal commença à ralentir. La bête continua pourtant de courir jusqu'à la lisière de la forêt où la cavalière le força à freiner, en serrant fortement ses jambes contre les flancs de l'animal tout en tentant de lui soulever la tête, alors qu'elle s'était complètement allongée sur le dos sa monture, afin de lui ceinturer de ses bras le dessous du cou de cette dernière. Surpris, l'animal couina puis se débattit, pensant surement que la cavalière tentait de l'étrangler.

« Tout doux ! Tout doux ! Calmes-toi mon grand ! Je ne veux pas te faire du mal ! »

Tout en rassurant sa monture sauvage, qui secouait à présent la tête dans tous les sens, cherchant à se débarrasser du fardeau sur son dos, Mairu ne cessait de guetter l'alentour. Elle ne s'aventurait jamais à la lisière de la forêt pour éviter de se faire surprendre par des promeneurs cherchant des sensations fortes dans cette forêt réputée hantée ou bien par des shinobi qui n'avaient pas peur de la fouler.

« Calmes-toi mon grand ! Je fais ça pour notre bien à tous les deux. Il ne faut pas continuer là-bas sinon tu risques de finir rôti ! … Tu comprends ? »

Tout en parlant, Mairu tentait de caresser l'animal sans oublier de se cramponner. Après quelques secondes, le suidé finit par se calmer. La Sauvageonne le força alors à faire demi-tour, avant qu'il ne soit trop tard, s'aidant de ses bras et de ses jambes.

« Oui, comme ça mon grand ! T'es une brave bê …
- La sorcière ! C'est la sorcière aux yeux rouges ! » Cria soudain un adolescent qui était sorti sans prévenir de la forêt.

Deux autres pubères se précipitèrent pour rejoindre le premier. Ils étaient surement des jeunes venus pour se lancer des défis idiots dans la Forêt de la brume, comme nombreux autres avant eux.

Le cri du gamin avait fait fuir le sanglier. Ce dernier avait détalé sans demander son reste, obligeant celle qui était surnommée la sorcière aux yeux rouges à se cramponner rapidement, au risque de se faire projeter, comme la première fois qu'elle avait tenté de monter la bête sauvage.

Alors que de nouveau, les deux sauvages se retrouvaient à traverser la forêt à toute allure, la Nastumi repensa aux paroles de l'adolescent qui l'avait surpris. Il semblerait que celui-ci était au courant de son existence dans cette forêt. Il était d'ailleurs fort probable que le défi du trio était de la dénicher. Avec ses vas et viens incessants, à droite et à gauche, en long et en large en ce lieu, il n'était pas impossible que des êtres, s'étant aventurés assez loin au cœur de la forêt, avait remarqué sa présence et ses activités peu communes voire totalement excentriques.

Il serait peut-être temps que je quitte cet endroit, pensa la jeune femme alors qu'elle tentait de diriger sa monture vers leur domicile …