Un jour comme un autre à Suna. Des dizaines de dossiers défilent sous mes yeux, et au coin du bureau trône toujours depuis plusieurs semaines une liasse de documents classés top secrets. A plusieurs reprises mon assistant m'avait reproché de laisser trainer des documents importants à la vue de tous. Que leur place était dans un coffre de l'unité sensorielle... Mais j'avais omis de lui dire que tous les documents qui passaient entre mes mains se retrouvaient inéluctablement affublé d'un sceau particulier... Enfin, ce jour comme un autre, je recevais, comme le jour précédent; un genin ayant demandé à me rencontrer. Je n'avais rien contre les genin, les chuunin ou les juunin; ils pouvaient tous venir, je leur parlerai à tous sans distinction.

Néanmoins comme à chaque fois avant qu'ils ne franchissent la porte de mon bureau, je fis un rapide check-up de leur dossier personnel. Ainsi quand mon rendez-vous -à l'heure- frappa à la porte, et bien son dossier figurait devant moi. Je l'avais rapidement feuilleté, dans les grandes lignes; il n'y avait pas grand chose à lire en fait. Avant qu'il n'entre j'avais écarté tous les autres papiers, dans lesquels je me replongerai dès que j'en aurai le temps. Il entra. Un Saibogu. Comme les jours se ressemblaient, et bien lui ressemblait à ses congénères, excentriques et comme d'habitude en comparaison de ses paires, sûr de lui. J'étais il y a quelques années une adepte de toutes les boissons alcoolisées mais si il y avait bien une chose que je ne supportais c'était la cigarette qu'elle soit de papier ou de métal.

Je fis signe à mon acolyte du moment, Kiridomitoueï, de lui subtiliser sa cigarette, dans un premier temps. Le petit lézard s'exécuta et en éclair le morceau de plastique fut devant moi. Ce fut seulement après ceci que j'accordai de l'attention à ce qu'il venait de dire. Aucun sourire ne fendit mon visage pâle, pas de moqueries, pas de rires. Ce genre de déclarations, je les prenais au sérieux. Les ninjas désireux de rejoindre l'unité spéciale du village n'étaient pas nombreux et je ne pouvais pas m'amuser à descendre le premier venu. Bien que celui-ci était genin et qu'inévitable ma réponse serait négative et sans appel.

"Bonjour. Assieds toi. La prochaine fois que tu entres dans mon bureau avec ça à la bouche, je t'enferme trois jours dans la pire cellule de l'Ergastule, compris ? Bien... Ah... Le Kakumeigun. C'est une annonce intéressante que tu fais. Cependant, tu es encore genin. Tu n'es pas sans savoir que le Kakumeigun ne recrute qu'à partir du grade de chuunin, et seulement des éléments réellement motivés. A défaut d'être chuunin, quels sont tes motivations à rejoindre le Kakumeigun ? Et surtout, que sais-tu du Kakumeigun ?"

Je feuilletai de nouveau son dossier en faisant en sorte qu'il comprenne que c'était le sien que je lisais.

J'écoutais le jeune ninja avec une attention particulière, comme je le faisais pour chaque personne entrant dans ce bureau. Les jeunes générations étaient pour moi plus importantes que le reste, elles étaient la relève et devaient être formées au mieux. Je leur portais donc une grande considération, peut-être trop grande par moment. Peut-être parfois faisais je peser sur leurs épaules de trop lourdes responsabilités. Ce qu'il disait était vrai, enfin, il connaissait bien son cours; preuve que les professeurs de l'académie remplissaient parfaitement leur rôle d'enseignant et précepteur. Cependant une partie de son discours, la fin notamment, me fit sourciller. Que les personnes qui agressent un village ou tout autre individu puissent être folles était probable, mais de là à dire que les raisons les ayant poussé à agir sont stupides... C'est une chose impossible à affirmer.

« Les personnes agissent pour des raisons plus ou moins louables, réfléchies ou moins réfléchies; mais les raisons, leurs motivations à passer à l'acte sont loin d'être stupides, elles ne le sont jamais et si nous les considérons comme telles, c'est simplement parce qu'on ne les comprend pas. J'ai attaqué Suna à cause d'une autre personne, celle-ci motivée par la haine. Kyoshi Rei a comploté contre le monde lui aussi par haine. D'autres le font par devoir pour libérer les plus faibles de l'oppression, ou encore pour des raisons stratégiques. Est-ce que ces motivations relèvent de la stupidité ? Il en va de même pour un pillard qui s'en prendrait à des nomades. Les raisons et les envies de chacun répondent à un besoin. Elles revêtissent en fait le sens que notre compréhension veut bien leur donner. Enfin, pour te dire que les raisons de chacun sont tout sauf stupides. »

Après cette longue explication sur ce qui devait être une erreur de formulation de sa part plus qu'autre chose, je marquai une courte pause et l'observai un moment. Je lui tendis sa cigarette factice et repris la parole, changeant partiellement de sujet et surtout sans le laisser répondre à ce que je venais de lui démontrer.

« Tu vois, cette cigarette est l'exemple parfait de ce que je viens de dire. Pourquoi te l'ai-je confisquée comme ça ? Il y a deux raisons, la première : j'ai horreur des cigarettes. La seconde : c'est un manque de respect. Suna est avant toute chose une base militaire. Certes il y a des civils, mais tu n'en fais pas partie, tu es un ninja; il me semble. En présence d'un supérieur il y a certaines règles à respecter un minimum. Enfin, tu as le droit de fumer ou faire ce que tu veux avec les autres, mais pas en ma présence. Bien, passons. Le Kakumeigun est sous la tutelle du Conseil et du Kazekage, sans compter le chef de l'unité. Son but est de prévenir toutes menaces se profilant devant Suna, ainsi qu'agir dans diverses opérations à l'extérieur du village. Ceci n'est pas un secret. »

Je ne savais pas si le jeune homme s'attendait à ce je parle autant. J'étais comme ça, toujours aller au plus profond des choses et ne jamais rien laisser de côté, que ce soient des informations, des personnes ou des événements. Peut-être allait il tenter de comprendre le fond de mon discours, mais je n'en attendais pas autant de sa part, tant qu'il comprenait qu'on ne pouvait pas se baser uniquement sur son propre ressenti et se limiter à celui-ci...

« D'après ce que tu m'as dit, et ce qui est rapporté dans ton dossier, tu souhaiterais donc rejoindre le Kakumeigun par crainte de perdre tes proches, mais aussi, quelque part, pour te venger ? Ou est-ce autre chose ? »

Sa réponse n'était pas mauvaise, mais j'attendais qu'il y réfléchisse davantage. Suna n'avait pas besoin d'hommes et de femmes motivés par la haine et la vengeance, nous en avions déjà bien trop souffert.

Je n 'avais pas vu ça sous cet angle. Le Kakumeigun et le village avaient été fondés il y a une petite dizaine d'années, une durée suffisante pour inscrire certaines choses dans les esprits des plus jeunes. Lorsque j'étais à la direction du Kakumeigun, je n'avais jamais prêté une grande attention à l'image que renvoyait l'unité au reste du village. Je ressentais une sorte de fierté et de satisfaction à l'écoute des mots du jeune ninja. Cela prouvait que nous n'avions pas accompli toutes ces missions uniquement dans un but militaire. Certes cette reconnaissance en demie teinte n'était pas l'objectif majeur des ninjas de Suna, mais cela faisait plaisir en gros. Cependant, même s'il portait un intérêt particulier à l'unité spéciale de Suna, je ne pouvais pas effacer son discours : la haine et la vengeance. Ce sentiment et cette aspiration étaient tout deux des moteurs puissants à l'évolution mais demeuraient bien trop dangereux. Enfin, il n'était encore qu'un genin, il avait encore des choses à faire et à vivre avant d'en arriver à ce point de sa vie.

"Je comprends ton désir de rejoindre le Kakumeigun. Cependant, autant être claire, si tu étais chuunin aujourd'hui et que tu postulais à un tel poste; j'aurais à tendance à refuser ton entrée au sein de l'unité. Cependant, tu es un genin aujourd'hui, et tu n'as pas vu autant de choses qu'un... Chuunin, ta vision des choses peut encore changer. Maintenant, si tu étais au Kakumeigun, que tu croisais les meurtriers de ta famille et que ton supérieur te disait de ne rien faire, comment réagirais-tu ?"

Une question semblant simple mais dont la réponse m'apporterait beaucoup d'informations sur lui et surtout me permettrait de mieux comprendre son état d'esprit. J'avais l'intime conviction qu'il était plutôt du genre tête brûlée, et peut-être même insubordonable; enfin, j'espérais me tromper sur ce sujet. Voilà, j'attendais maintenant se réponse. Le temps qu'il réunisse ses pensées; je feuilletais un autre dossier que je venais de prendre sur la pile croupissant depuis quelques jours déjà sur le coin de mon bureau.

La vengeance et la haine étaient certainement les pires ennemis du shinobi, le poussant à agir pour les mauvaises raisons, conduisant souvent à des drames. J'en avais fait l'expérience par le passé, mais mon problème avait été résolu par quelqu'un d'autre, je n'étais plus habitée par ces sombres envies. De plus, j'avais appris à relativiser et faire fi des différents obstacles pouvant se présenter à moi. Je n'avais qu'une petite trentaine d'années, soit encore assez jeune; et pourtant j'avais certainement vécu plus d'événements que certains des plus vieux ninja de ce monde...

J'avais écouté sa réponse sans l'interrompre. Voilà donc ce qu'il pensait. Une réponse mieux construite qui me laissait entrevoir ses réelles motivations, même si certaines d'entre elles étaient, pour moi, plutôt futiles. Au moins je pouvais espérer qu'il se comporte en ninja responsable par la suite. Enfin, quoi qu'il en soit, aussi belles soient ses paroles; il demeurait aujourd'hui un genin, il devait encore faire ses preuves. Les mots que l'on prononçait n'avaient de valeur que lorsqu'on était capable d'y allier les actes, sans quoi ce ils ne restaient que du vent et de la perte de temps. Bien sûr je n'allais pas lui exposer ce point de vue, le but n'était de le rabaisser et je n'avais nullement besoin de lui faire ouvrir les yeux sur quoi que ce soit. L'avenir me dirait si oui ou non ce Sunajin serait capable d'assumer des tâches plus ambitieuses que la majorité des shinobi du vent.

J'avais refermé son dossier, et l'avais rangé. J'espérais voir ce pli de carton se remplir d'éléments positifs avec le temps. C'était tout ce que je souhaitais à tout les hommes et femmes figurant sur les listes du village. Malheureusement, je ne pouvais pas me permettre d'accorder du temps à tout le monde. En fait, et ça aucun ne le savait; j'acceptais de voir dans ce bureau en entrevue seulement les éléments pouvant s'avérer des atouts pour le village. Ceux que je jugeais inapte à accomplir un dessein plus grand auraient du mal à me rencontrer pour me parler de leur projet. C'était une autre façon pour moi de contrôler le village, ses nouvelles générations. J'étais sûre que certaines personnes du village me trouvaient au mieux étrange dans ma façon d'agir, de procéder. Mais au final ces jugements ne m'effleuraient que de très loin, car j'accomplissais ma tâche sans me plaindre; moi.

Une fois qu'il eut fini, je repris la parole à mon tour; cet entretien allait toucher à sa fin dans peu de temps. En bonne pédagogue, ou pas; je n'allais pas souligner les points négatifs que j'avais pas remarquer, et au contraire mettre en lumière tout ce qu'il y avait de positif. Fort heureusement pour moi et pour lui d'ailleurs, il y avait de positif que de négatif.

"Bien, finalement tu as de bonnes motivations. Faire passer ses camarades avant sa mission; c'est que j'attends. Faire passer la mission avant ses envies qu'elles soient de vengeance ou toute autre; est aussi très important. Bien, tu te représenteras lorsque tu seras chuuni. D'ici là fait le maximum pour progresser, pour te donner les moyens d'atteindre les objectifs. Cela va te paraître cruel, ou peut-être banal... Mais les shinobi faibles arrivent rarement à combler leurs espoirs, au mieux ils vivent dans l'ombre des forts, au pire ils meurent... Alors... A toi de jouer."

Je marquai une courte pause avant de reprendre.

"Bien, je suppose que tu as des choses à faire; quelles qu'elles soient. Je ne te retiens pas."

Ajoutais-je en souriant.