Yu no Kuni, quelques semaines après que Mei Lin et Tatsuo aient été kidnappés.

Yu no Kuni, encore une fois.

Nous n'étions à cette petite auberge, de la capitale du Pays du Givre. Point de passage obligé, alors que je m'étais jurée de ne plus jamais y revenir. Et pourtant, m'y revoilà. M'y revoilà, alors que je n'osais plus me rappeler des événements qui avaient frappé la contrée. Mais c'était trop tard. Les choses avaient changé. Et il fallait secourir Mei Lin et Tatsuo, quel qu'en soit le prix. J'exhalais un soupir, infime, élevant des volutes de vapeur froide dans l'air. J'avais laissé Masashi à l'intérieur, et avait préféré le calme extérieur. Envie d'être seule, abandonnée à moi-même. Enfin, presque. Quand j'étais sortie, peu de temps après, une jeune demoiselle m'avait "suivie". Pas vraiment en fait, elle s'était contentée de sortir pour fumer une cigarette.

Pourtant, elle n'arrêtait pas de me fixer, de ses grands yeux dorés. Magnifiques, si vous voulez mon avis. Quand je l'ai vu, elle m'a souri. Je lui ai retourné le sourire, agréablement. Elle était intrigante, avec ses boucles vertes et ses vêtements exotiques, ce devait être une voyageuse comme moi. Mais là, ça commençait à devenir gênant, et je me suis sentie obligée de lui demander.

- On se connait ?

Elle se contenta de me sourire de plus belle, avant de répondre, sibylline.

- On peut dire ça, je suis une amie.

Je fronçais les sourcils, perplexe, avant de répondre.

- Je ne vous connais pas.

Elle se mit à glousser, ses pupilles jaunâtres vrillant les miennes.

- Tu n'as pas besoin de me connaître pour savoir que je suis ton amie.

Cette femme devait avoir un grain. Limite je devinais une leur folle dans ses pupilles. Bah, il ne fallait pas lui donner de l'importance. Elle finirait par se lasser, et me laisser tranquille. Je me contente de hausser les épaules, tentant mon ton le plus neutre.

- Si vous le dites.

Je ne m'étais même pas tournée vers elle pour se faire. Pourtant, je ressentais la brûlure de son regard, intense.

- Je t'observe depuis un moment, tu sais ..?

Et ça, ça m'a refroidi comme pas possible.

- Ah bon ..?

Je devinais le sourire, infime. Et tout d'un coup, je la trouvais beaucoup moins folle. Bien plus dangereuse. Malsaine.

- Oh oui, et c'est osé de revenir ici après tout ce que tu as fait ...

Sans le vouloir, j'ai écarquillé les yeux quand j'ai tourné le visage en sa direction. Elle souriait, aimablement. Pourtant, ses yeux, eux, n'exprimaient aucune joie. Juste de la convoitise. Elle savait. Ce que j'avais fait. Qui j'étais. Merde. MERDE ! Mais elle ne vivrait pas assez pour le conter.

- Je ne vois pas de quoi vous parlez ...

Mais je savais de quoi elle parlait. Elle savait de quoi elle parlait. Et malheureusement, nous étions dans une impasse qui ne pouvait aboutir qu'à une chose. Mais c'est à ce moment là qu'elle a éclaté de rire, comme un carillon de cristal

- Pardonne moi, mademoiselle "Farouche", je ne cherchais pas à t'intimider ... Je suis ton amie, rappelle-toi, et une amie qui compatit à ton malheur ...

J'avais aucune envie de rire, et j'avais aucune envie d'avoir cette fille là comme amie. Ma voix gronda..

- Casse-toi.

Elle gardait son sourire, insolent. Elle se mit à reculer, contre le mur, sans aucune trace de peur sur son visage. Soit elle avait du cran, soit elle simulait très bien, en tout cas c'était impressionnant.

- Tout de suite, mais avant ... Un petit présent, qui te sera utile dans ta quête ...

Sa main se glissa entre ses fourrure, et en sortirent un rouleau de parchemin, qu'elle posa sur le rebord de la fenêtre, avant de s'engouffrer dans les ombres, ses pupilles dorées s'éteignant lentement, trop lentement.

- Au revoir, chère amie ...

Je feuilais, avant d'abattre mon poing contre le mur avec violence. Mais la seule chose que j'arrivais à faire, c'est à me faire mal en heurtant le bois et la pierrre. Putain ! Elle est passée où ?! J'ai regardé à droite, à gauche, en haut et en bas, partout ! Mais il n'y avait pas de trace dans la neige, et il n'y avait aucun son qui pouvait indiquer sa présence. Elle s'était juste volatilisée dans l'air, par l'oeuvre de la magie.

Et mon excitation passée, je me mis à trembler, fort. Je me mettais à ressentir la douleur, à ma main. Et les regrets me prirent, alors que j'étais seule, avec un parchemin pour seule compagnie.

Hi no Kuni, il y a un mois.

- J'pense que je vais l'utiliser.

J'avais dit ça calmement, en fixant la lueur du feu devant nous. Cela faisait plusieurs semaines que nous voyagions, et plus trace des bandits que nous poursuivions. Plus aucune, comme si ils s'étaient envolés. Ce qui n'était pas une piste à exclure, mais qui rendrait notre mission très compliquée ... Masashi, en tout cas, se contenta de hausser un sourcil.

- De ?

- Le truc que m'a passé l'aut' meuf.

Une exclamation dédaigneuse échappa de ses lèvres.

- A Yu no Kuni ? Sérieux ? Mais c'est juste un putain de morceau de pécul, laisse tomber.

Il parlait du parchemin que mon "amie" m'avait laissé. Masashi était au courant, je lui en avais parlé en rentrant à l'auberge, en omettant certains détails naturellement. Il m'avait dit que ça devait être la cinglée du coin et qu'il fallait pas lui accorder d'attention. Je pensais ça aussi au début. Puis après, plus du tout. Je n'arrivais pas à cerner ses intentions, pas plus maintenant qu'il y a un mois, mais en tout cas ... Elle n'avait pas menti. Et c'est ça qui m'effrayait le plus.

Je répliquais, toujours sans tourner mon visage vers lui.

- Nan ... C'est tout sauf du papier inutile, c'est ... un pacte. Un pacte d'invocation.

Oui, j'en avais déjà vus avant ... Pas que ça m'ait intéressée à l'époque, mais là ... Là, ça pouvait faire toute la différence.

- Ah ouais ?

Il semblait intéressé, puis soudainement, il se fit plus méfiant.

- Comment tu sais ça, toi ?

Enfin, mon visage se tournait vers lui. Dur, comme rarement il l'avait vu.

- T'as pas besoin de le savoir.

Je ne sais pas ce qu'il comprenait, mais en tout cas, il comprit qu'il n'avait pas à demander d'explications sur le sujet.

- Bah, whatever. Donc ton truc, tu vas l'utiliser ?

- Aye, pour le meilleur et pour le pire ...

- J'la sens pas cette histoire.

Masashi sentait rarement les histoires, mais il avait raison. Elles finissaient rarement à notre convenance. Qui me disait que ce parchemin n'était pas piégé ? Ou que l'invocation, quelle qu'elle soit, n'allait pas se retourner contre nous ? Rien. Mais j'avais besoin d'elle. Mei Lin et Tatsuo s'éloignaient de plus en plus sans que je n'y puisse rien. Et je refusais. Je refusais que ça arrive.

Silencieuse, je déroulais le rouleau. Tout aussi silencieusement, je me faisais saigner des pouces, et j'apposais ma signature en lettre de sang dessus. Et finalement, je faisais les gestes de convocation. Et là. Là, un immense nuage de vapeur. Il nous englobait, tous deux. Ainsi qu'une ombre. Et quand elle se dissipa ?

- Swagadali était en train de profiter d'une bonne sieste qu'il fut soudainement convoqué dans l'autre plan. Devant lui, il voyait une charmante jeune femme à la poitrine opulente dans laquelle il se blottirait volontiers, et un gringalet visiblement constipé. Intrigué par tant de nouveauté, notre héros salua cette honorable assemblée : Swagada-yo.

La déception, en voyant un petit panda roux d'un mètre de hauteur s'adresser à nous. Il portait des lunettes de soleil, et profitait pleinement d'une petite flasque qu'il tenait à la patte. Sérieux ... What the ..?

Masashi explosait, à la limite de l'hystérie.

- Alors c'est ça qui est censé nous aider ? Un panda roux de MERDE ?! 'tain ane, si j'choppe la meuf qui s'est foutue de notre gueule comme ça, j'la défonce !

Néanmoins, le panda roux, lui, ne s'excita pas.

- Swagadali était en train de boire, paisiblement, sa gourde de liqueur de raisin, onze ans d'âge, arrière-goût prune vanillée, qu'un petit être furibond l'invectiva violemment, le traitant d'animal venant d'une cavité douteuse et d'une valeur peu élevée. Nullement offensé, mais se devant, pour son honneur, répliquer, il se contenta de répondre avec le plus de tact possible : Oui, oui, petite crotte de lama.

Calmement, il dévisagea Masahi, qui devait faire presque deux fois sa taille, à quelques centimètres près. Le concerné vira au rouge.

- J'te casse la gueule, sous-race !

Et là, j'me suis dite : Il va écraser le petit renard de feu. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis demandée si ça serait bon en ragoût, mais je crois que c'est pas ce soir que je le saurai : La bête stoppa l'attaque, et retourna mon frère comme si elle pesait deux kilos.

- Le morveux se jeta sur notre héros national, pour tenter de lui faire des choses peu recommandables. Néanmoins, Swagadali n'était pas de ce bord, et alors qu'un poing tentait de l'atteindre, il le para avec une aisance frôlant l'indécence. Ensuite, il le souleva, à la verticale, et le retourna derrière lui comme si il n'était rien de plus qu'un fœtus de paille. Amusé par tant d'entrain, il répliqua : Reviens dans cent ans, petite crotte.

Il porta à ses lèvres la flasque, à nouveau, avant de rôter. Masashi, au sol, faiblement, commenta.

- 'tain nique sa race ...

Boucles Vertes ne s'était pas moquée de nous. Mais la question maintenant était ... Allait-il coopérer, cet intriguant petit animal ? Il n'y avait qu'une façon de le savoir. Je m'approchais de la petite bête, en m'inclinant.

- Pardonnez mon frère, Swagadali-sama, il a le sang chaud ... Mais, auriez-vous quelques minutes à m'accorder ..?

Le panda, me jaugeant de haut en bas, commenta.

- Satisfait de sa basse besogne, la bonasse s'approcha de notre héros afin de lui parler. Après tout, elle devait être impressionnée par sa force titanesque, sa kawainess et sa classe à en faire pâlir un maître plongeur. Celui-ci, alors, acquiesça et répondit : Fais donc, petite humaine.

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- Et voilà toute l'histoire ...

Nous étions posés autour du feu, et j'avais conté les raisons pour lesquelles Masashi et moi-même avions pris la route. Le panda roux s'était contenté d'écouter, silencieux, en sirotant sa flasque. Et maintenant, il allait nous donner sa réponse.

- Swagadali est un mâle viril, il ne pouvait se permettre de se montrer sensible. Néanmoins, voir une soeur et un frère sur les traces de leur famille kidnappée par des ordres de bandit le toucha. Il aurait même laissé une larme rouler le long de sa joue, mais cela aurait pu compromettre l'image de héros qu'il portait. Après tout, il était le symbole derrière lequel tout homme valeureux se rangeait. Alors, il répondit, dignement : Je t'ai écouté, petite humaine, et sache que je te prêterai mon aide dans ta quête.

Masashi ne fit aucun commentaire. Il était boudeur, ou traumatisé. Après tout, se faire battre par un truc aussi petit et inoffensif, ça remettait en cause sa virilité à laquelle il tenait tant. N'empêche que j'adressais un magnifique sourire à notre petit compagnon, enjouée.

- Nous vous remercions, infiniment.

Il but une gorgée de sa flasque, et répliqua.

- Le sourire de cette sublime jeune femme fit rayonner son cœur, néanmoins il prit sur lui pour répondre, impassible : Il n'y a pas de quoi.

Froncement de sourcils.

- Cela dit, j'aimerai savoir ... Pourquoi vous décrivez tout ce que vous faites ?

- La jeune femme ne comprenait pas les tenants et aboutissants de notre héros. Après tout, comment le pourrait-elle . Elle était jeune, si jeune. Mais comme l'aube que l'on peut observer, là tout de suite, pour que l'épopée d'une légende soit contée pour des siècles et des siècles, il faut un narrateur, un ménestrel, qui feront retentir l'écho de ses exploits. A moins qu'il ne soit tout simplement pété. Mais elle ne pourrait comprendre, alors il valait mieux lui dire : Je t'expliquerai en temps voulu.

- Mais il fait nuit d'encre ..?

- La brunette n'avait pas tort, et c'était sûrement les champignons hallucinogènes qui devaient faire effet. Ne souhaitant pas que ses admirateurs le surprennent en bad-trip, ses tripes commençant à se retourner, il décida de faire ses au revoir, classes : Je me retire, mais n'oublie pas ... Appelle-moi, et je viendrai vous sauver.