Le spectacle fut déplorable. Un combat de kumojins, certes des repris de justice et autres raclures de la société. Le spectacle en valait le détour, pour qui était adepte de fight club et autres bastons au noir du style. Seulement, pour Kumo, du moins dans sa partie officielle, la chose n’était guère profitable. Enquêtant depuis plusieurs mois déjà sur ce dossier flou, l’Hakushi avait eu l’information, comme presque à chaque fois d’ailleurs. Jamais il n’avait réagi jusqu’ici, flairant que de toutes façons, le véritable commanditaire de toute cette organisation mafieuse qu’il pistait, ne se présentait que trop peu rarement, justement, à ces combats. Pour une fois, à en croire les rapports de ninjas infiltrés, un personnage apparemment important, était présent. Dès lors, l’Hakushi en personne devait intervenir.

Shadis avait vécu, sans broncher, toute la durée du combat, l’effusion de sang à laquelle s’adonnaient les gladiateurs du jour. L’Hakushi n’avait nullement l’intention de satisfaire un besoin inconscient de vivre par procuration des sensations sanguinaires, comme on le ferait en regardant un mauvais film d’horreur. Non. Il s’agissait plutôt de l’attente patiente, dangereuse, risquée du bon moment pour agir. Caché dans l’ombre, contenu dans un inoffensif bout de papier trainant au sol, l’Hakushi avait vu comment ce Kinzoku, adversaire après adversaire, avait su tirer son épingle du jeu. Ce bout d’homme n’était pas intrinsèquement le plus puissant parmi tous ces combattants. Il disposait d’une incroyable foi en lui-même et donc d’une force supérieure aux autres. Dès lors, combattant pour sa survie au même titre que ses adversaires, lui avait en plus ce petit bonus qui au final avait fait toute la différence.

En fin de compte, il n’en restait plus que deux. Deux gladiateurs au milieu de leurs adversaires morts. Tandis que l’on dictait aux maître des céans qui était le Kinzoku et pourquoi s’était-il retrouvé en prison justement, le Kinzoku tenta de s’en prendre au dernier survivant de cette boucherie. C’est alors que les gardes s’emparèrent de lui. Le moment idéal pour frapper ! L’Hakushi finissait par prendre forme à partir du bout de papier sur le sol. Il émergea de là donnant du même coup le signal qui devait permettre à ses collaborateurs de se montrer sous leur vrai jour. Bakushô Law, alors infiltré depuis belle lurette dans cette organisation, ainsi que d’autres ninjas loyaux à Kumo et sa hiérarchie officielle se retournèrent contre les autres ninjas, à présent en infériorité numérique. Chacun se mit à regarder son voisin de façon méfiante, tandis que la tension grimpait en flèche. Le Bakushô justement, Law de son nom, se tenait près du Kinzoku prêt à en découdre avec lui.

_ Inutile de faire le moindre mouvement qui compromettrait votre vie. Nous savons déjà beaucoup de choses sur vous. Et nous souhaitons simplement en savoir un tout petit peu plus…

Le ton du Hakushi était calme et posé. Aucune pointe belliqueuse, aucune intonation laissant à penser qu’il pourrait y avoir du sport. Et pourtant, tous les ninjas dans le coin, hormis peut-être le Kinzoku et l’autre gladiateur, savaient qui était cet homme : un homme qui ne lésinait pas sur les moyens lorsqu’il s’agit de parvenir à un objectif.

_ Voici donc comment je vois les choses : Vous allez gentiment venir avec nous Masaru San et chacun des gardes ici présent s’en retournera à tranquillement à son poste, après avoir nettoyé ce bordel bien entendu, comme si rien ne s’était passé. Il n’y aura pas d’effusion de sang supplémentaire et donc pas de morts inutiles. Le cas contraire…

L’Hakushi relâcha un soupir. Il n’avait nullement envie de parvenir à ce type de résolution, seulement, si les autres voulaient jouer au gugus alors tout ceci finirait très mal.

Spoiler:

Le jeunot débordant d’énergie continuait son petit numéro. Il venait de faire cogner, tête contre tête, deux hommes à la solde de Masaru. Blasé, et stoïque, l’Hakushi ne bougea pas laissant ses hommes mettre au pas le Kinzoku. Ce fut Bakushô Law qui s’en chargea. Un bon coup dans le bide. Tellement fort que celui qui en était victime ressentirait une vive douleur quoique fugace. Tout juste de quoi rappeler un peu les forces en présence si cela peut aider. Puis, exécutant des mudra, Law, kunai à la main tint par les cheveux le genin, offrant sa gorge à la lame qu’il tenait de la main droite.

_ Le spectacle est terminé. Reste tranquille…

Furent les seuls mots prononcés par le Bakushô à l’intention du Kinzoku. Pendant ce temps, une discussion commençait à s’animer entre Masaru et Shadis. Face à face, les deux hommes se dévisagèrent un moment puis Masaru fut le premier à briser le silence :

_ Il allait me rapporter gros le Kinzoku… Une telle abnégation au combat, une telle sauvagerie, aucune once de pitié. Voilà tout ce que recherchent les clients. Rhaaaa…

Il venait d’échapper un râle, comme pour manifester son agacement face à la situation. Puis il reprit, constant que l’Hakushi ne lui répondait pas :

_ Ok rendons nous où vous le souhaitez. Il y a bien assez de place ici pour discuter mais faisons donc ! Néanmoins, j’aimerai que mes hommes soient libérés.

Shadis lui répondit :

_ Malheureusement, la chose ne sera pas possible. Mais n’ayez crainte, vous les retrouverez très vite…

Faisant un signe de dépit, Masaru demanda à ses hommes de ne pas tenter quoi que ce soit de fou. Il devait avoir une idée derrière la tête ou alors l’assurance de pouvoir se sortir de ce mauvais pas. Qui sait ? Les hommes de Masaru furent enfermés dans une cellule anti chakra, tandis que ceux qui appartenaient aux deux camps, c’est-à-dire les geôliers complices, commencèrent leur besogne, bien conscients qu’une épée de Damoclès pesait désormais sur eux. Masaru, lui, fut mené par une escouade au QG du Satoru, laissant dans l’endroit, les gradins qui se vidaient déjà, les geôliers s’activant à nettoyer tout le bordel ambiant dû aux combats et enfin le Kinzoku et le Bakushô. S’approchant d’eux, Shadis indiqua d’un mouvement de la tête à Law de se pousser un peu. Ce dernier s’exécuta en passant derrière le Kinzoku qu’il venait de frapper aux jambes afin de l’obliger à ployer les genoux. Shadis observa sans mot dire le bonhomme. Les yeux du Kinzoku, leur couleur, leur taille, la mise du shinobi en disaient long sur son état mental. Peut-être même était-il possédé par une entité ? Il ne serait pas le premier au village à l’être. Cela dit, cette possibilité expliquerait bien des choses. Le cas contraire, l’on avait affaire à un dérangé. Tout simplement…

_ Sais-tu que tu dois la vie à Kumo ? Le village a eu la bonté inhabituelle de te laisser en vie… J’espère que du fond de ta cellule tu commences à en mesurer la portée ?

Shadis s’était rapproché du bonhomme de sorte que leurs regards se croisent. Il continuait de détailler le comportement et les réactions du Kinzoku, essayant d’en savoir plus sur la psychologie du prisonnier. La vie carcérale a l’avantage de faire réfléchir une poignée d’homme. Malheureusement pas le plus grand nombre. Habituellement, pour le genre forte tête, surtout lorsqu’ils sont utilisés comme des gladiateurs, la prison n’était presque jamais bénéfique…

Demeurant de marbre faces aux propos déplacés du Kinzoku, l’Hakushi le laissa vider sa colère. Ce dernier récusa le fait que sa vie était aux mains de Kumo et que même le souffle de vie en lui, à cet instant présent, était un pur don du village. Lui qui était prisonnier, lui qui pouvait être éliminé sans traces dans les geôles mêmes ou même séance tenante sans que l’affaire ne s’ébruite… Comment pouvait-il se montrer si… sot ? Pour autant, l’Hakushi ne sorti guère de ses gongs. Il avait déjà eu affaire à ce type de personne. Des gens élevés à la dure par la vie elle-même. Des gens prêts à tout pour matérialiser leurs convictions aussi sanguinaires ou malsaines soient-elles. Généralement, pragmatique, Shadis faisait éliminer ce type de rebus de la société. Les dresser prenait un temps fou, pour généralement un facteur risque quasi perpétuel quant à leur loyauté vis-à-vis du village.

Shadis ne répondit rien lorsqu’on lui cracha quasiment à la figure qu’il n’était qu’une faux-cul, une espèce de bureaucrate bien-pensant. L’image qu’il pouvait renvoyer dans l’imaginaire de ce jeune homme avait quelque chose d’amusant. Comment se gourer en deux secondes en jugeant un individu sur ses apparences. Le Kinzoku de toutes-façon semblait bien trop fou pour que l’Hakushi perde du temps à lui expliquer qu’il faisait fausse route. Jin affirmait avec force toute sa bestialité et toute son attirance pour le carnage gratuit. Alors qu’il venait de terminer son speech et qu’il levait les bras au ciel, d’un hochement de tête quasi imperceptible à l’endroit du Bakushô, ce dernier exécutant deux mudra de la main gauche en un clin d’œil vint frapper violemment le ventre du Kinzoku. La paume de sa main frappa la nuque du Kinzoku pour envoyer Jin au sol, le clouant à terre de douleur. Prenant son rôle à cœur, Law se mit à le rouer de coups le plus froidement du monde possible. Des coups de pieds dans le ventre et dans la tête tout en lui rappelant à qui il avait affaire :

_ TU T’ADRESSES AU MAÎTRE SHADIS ! MODERE TON LANGAGE !

Une petite mise en scène qui en réalité ne faisait que masquer le fait que Jin venait de faire l’objet d’une technique. Les chances étaient grandes qu’il ne se doute même pas du stratagème. D’autant plus que la douleur et la rapidité des coups devait occuper son esprit et son corps.

_ Ecoute le Kinzoku… Ton tempérament pourrait être utile au village pour peu que tu saches te montrer plus intelligent et que tu apprennes à libérer ta bestialité au bon moment. Afficher ton envie de carnage et laisser libre cours à tes pulsions ne feront que te mener à une mort certaine. Que tu suives mes conseils ou pas, dans tous les cas, je peux te fournir de la matière. A toi de voir… Tu croupis dans ta prison, les combats à morts en moins dans ton programme ou tu me fais un minimum confiance.

Tout en parlant, l’Hakushi venait d’exécuter une technique afin de libérer un parchemin d’une certaine ampleur. On aurait dit un parchemin pour invocation. Au centre de ce parchemin, un sceau bien visible sur lequel Shadis appliqua son chakra tout en se prononçant :

_ Quel est ton choix jeune homme ?

Qu’importe qu’il soit en sang ou qu’il ait des difficultés à répondre suite aux coups qu’il venait de recevoir, sa réponse serait certainement déterminante pour son avenir.