Nouvelle journée, nouvelle mission! Je m'en serais bien passé en temps normal avec mon bar à gérer et les différents entraînements journaliers que je m'imposais. Sans parler de ceux en compagnie de l'équipe Bushidan - la meilleure évidemment - et des moments de détentes que je m'accordais de temps à autre pour garder un certain équilibre mental. Ou plutôt pour sauvegarder ce qu'il en restait! Mais cette fois il était question d'un météore qui s'était écrasé quelque part dans le désert! Un rocher tombé du ciel! Le genre de trucs qu'on ne voit que très rarement et un événement que certains n'ont même pas la chance d'observer lors de leur existence! Autant vous dire que c'était plus la curiosité que l'appréhension qui m'envahissait alors que l'heure du rendez-vous avec mes coéquipiers approchait.

Cette fois j'allais à nouveau être en compagnie de la machine Saibogu et de... Yami! Je ne l'avais pratiquement pas revue - tout juste croisé - depuis notre rupture à l’hôpital. J'espérais simplement que notre relation qui tendait au conflictuel n'allait pas entacher notre mission et que nous pourrions travailler en harmonie. Ou quelque chose qui y ressemblait en tout cas... Quant au Saibogu, je l'avais déjà vu à l’œuvre et je savais qu'il serait utile même si je ne savais pas vraiment quoi penser de lui. Sympathique, oui. Mais encore?

*J'espère qu'il va pas gripper sa machinerie pendant le trajet parce que je le porte pas ce truc, moi!* me promis-je avant de réfléchir un instant. "Ou alors limite je le catapulte! Ouais ça, ça devrait le faire!"

Je me rendis ensuite à l'entrée de Suna sans prendre de quoi me droguer pendant le trajet. Le sceau m'empêchait également de boire de l'alcool et j'allais donc être sobre pour cette mission. Ce serait bien l'une des premières fois, tiens! Mais si j'arrivais à tenir peut-être que je pourrais retenter l'expérience à l'avenir. Cette tâche prenait donc également des allures de test. Une clope vissée au coin des lèvres, je sorti le parchemin contenant l'ordre de mission de ma poche pour le relire une dernière fois:

Ordre de Mission:

L'infiltration et moi ça faisait deux... voir carrément quarante en fait! Je savais me montrer discret lorsqu'il le fallait mais mon truc à moi ça avait toujours été de foncer dans le tas et dégommer ce qui se dressait devant moi! Une tactique simple, efficace et qui, jusqu'à preuve du contraire, avait fait ses preuves! Du coup je redoutais un peu l'avis de mes deux comparses sur le sujet: ils allaient sûrement vouloir se la jouer infiltration! Dommage...

D'ailleurs je n'allais pas tarder à avoir leur avis puisque ces derniers s'approchaient du lieu de rendez-vous. Je tirai plusieurs taffes supplémentaires sur ma cigarette avant de l'écraser entre mes doigts et glisser son cadavre dans ma poche. C'est parti pour la chasse aux objets écrasés non identifiés!

J'avais reçu une nouvelle affectation pour une mission et bien que j'allais beaucoup mieux désormais et que mes côtes s'étaient remises de leur affrontement contre Monwa, je n'en demeurais pas moins affaiblie par ma maladie. Heureusement, pour l'heure cela ne semblait pas vraiment important et mise à part quelques douleurs, des migraines que je parvenais à faire taire ou quelques reflux sanguins je m'en sortais bien.

Cela faisait une semaine que j'étais sortie de l'hôpital et j'avouais avoir envie de retourner en mission pour voir autre chose que les dossiers empilés à traiter au Kakumeigun : les tâches administratives m'épuisaient bien plus que d'être sur le terrain. Je devais me forcer à combattre même si les médecins avaient été formel sur le fait d'éviter de me servir de mon sang : j'espérais que je pourrais tenir cet engagement qui attentait à ma vie.

Cette fois-ci, je partais en compagnie de Yu et de Shinji. J'avais rencontré le premier à l'hôpital il y a peu et me languissait de voir s'il avait su tirer profit de mes conseils : cela était aussi l'occasion de lui prouver que je n'étais pas la faiblesse incarnée, j'avais besoin de prouver le contraire. Quant à Shinji ben... c'était Shinji quoi... Nos dernières paroles avaient sonné comme la fin de tout et je me demandais bien comment il allait appréhender la chose... Bien sûr puisque nous étions de la même équipe il était inéluctable que l'on finisse par travailler ensemble et je m'y étais déjà préparé : il fallait laisser nos différents de côté et nous concentrer sur la mission, les ressentis personnels n'étaient pas importants et seule la réussite de cette mission l'était.

Cette tâche nous envoyait récolter des informations sur un météore écrasé qui semblait en fasciner certains... Qu'est-ce que c'était mis à part un caillou tombé du ciel ? Il y avait sûrement des choses à découvrir en y faisant des recherches approfondies pour en apprendre davantage sur la vie dans l'espace par exemple mais en quoi cela nous concernait alors que le monde s'entre déchirait ? Personnellement je n'en avais rien à faire. Le corps médical ne me donnait plus que cinq années d'existence tout au plus de toute façon alors je ne m'en sentais pas vraiment concernée.

J'attachais ma faux dans mon dos et demandait à Méphisto de m'accompagner. Comme à son habitude, il se camouflait et se mouvait à mes côtés, n'étant que l'ombre de moi même. Fin prête, je me dirigeais vers la voie illusionnée pour y retrouver mes coéquipiers. J'apercevais Shinji déjà sur place ainsi que Yu qui s'avançait également dans sa direction. Arrivée à leur hauteur, je les gratifiais d'un signe de tête, le visage neutre et impassible tandis que Méphisto se dévoilait un instant pour montrer sa présence avant de disparaître de nouveau.

« Allons y. »

Là dessus, j'ouvrais la marche sans un regard en arrière : nous n'avions pas de temps à perdre pour des palabres. Après tout, c'était Shinji qui avait voulu que même notre ami n'existe plus, en tant que tel je ne le traitais que comme un simple coéquipier... la route serait longue...

Assis au milieu d’un grand champ de sable, je gardais les yeux fermés et demeurais immobile. Mon esprit vagabondait en dehors de mon corps. Il se perdait dans mon environnement. Mes jambes croisés, mon buste relevé, le bout de métal que je tenais sur mes paumes tournées vers le ciel, rien de toutes les attractions du monde physique ne semblait le ramener dans mon corps. J’avais atteint un niveau de relaxation et de méditation tel que je me perdais moi-même dans les méandres de ma vision projetée et imaginaire. Mais bien entendu, comme dans toutes les histoires qui commencent, quelqu’un vint perturber mon univers de quiétude et de relaxation. Ainsi je ressentis le chakra d’un individu inconnu se rapprocher de ma position. Ramenant mon esprit à mon corps à la vitesse grand V de l’imagination et de la réflexion, je rouvrais les yeux, me redressais et fis mine de regarder l’horizon de sable qui s’étendait à perte de vue.

Un homme, comme je l’avais prévu, entra dans mon champ visuel. Armé de son seul courage, il se rapprocha de ma stature métallique. Il avait clairement sur le visage une certaine gêne et une timidité passablement refoulée. Il tenait dans les mains un bout de papier et faillit bien le faire tomber lorsque je posai mon regard sur sa personne. Il me tendit ce dernier sans mot dire et détourna le regard dans une inclination grotesque. Je saisissais le morceau de parchemin et lui fis signe qu’il pouvait disposer. Il n’avait de toute évidence pas envie de rester et je n’avais pas envie de poser plus de questions. Il avait certainement une bonne raison de se trouver là.

Je pris quelques secondes pour lire l’intégralité de ce qui se trouvait sur le parchemin. Je n’avais pas prévu d’effectuer la moindre mission ce jour là mais le village me demandait expressément de faire abstraction de mon temps libre pour m’occuper de cette tâche ingrate qu’il n’avait pu attribuer à personne. Il m’apparaissait dans cette manœuvre administrative comme un signe que peu à peu, je prenais de l’importance au sein de cette communauté. Si on avait pensé à moi, c’était que forcément, on me considérait comme un ninja capable et travailleur. Je donnais ainsi une image positive, exactement comme je le souhaitais.

Il ne me fallut pas longtemps pour accéder au lieu de rendez-vous. J’y retrouvais Yami et Shinji. Je les connaissais déjà l’un et l’autre. La première avait été une rencontre particulièrement instructive. Alors que je m’étais perdu dans les marécages du doute sur ma véritable présence au pays du vent, elle s’était montré convaincante et m’avait remis sur la voie de la perversion malgré elle. Le second était plus une connaissance qu’autre chose, mais j’appréciais sa manière nonchalante de voir les choses et le fait qu’il fasse tout pour détruire son corps avant que la mort elle-même n’ait choisi de l’emporter dans son monde.

Tout de suite je remarquais une sorte d’ambiance hostile entre les deux compères. Ils semblaient à peine remarquer ma présence, moi qui me faisait tant remarqué d’ordinaire de part ma carrure métallique et ma dégaine de tueur. Cette fois-ci, les deux lurons ne semblaient avoir d’yeux que pour le vide. Or, lorsque l’on est entouré, on ne s’attarde pas sur le vide. Bien au contraire, on s’observe, s’interroge ; ici il n’y avait rien. Je sentais la tension déjà importante monter graduellement. Je les voyais se fuir, ne jamais croiser le regard de l’autre. La situation était cocasse et il me manquait un élément. Clairement, il s’était produit quelque chose entre ces deux individus que j’avais eu la chance de connaître et je me demandais s’il serait bon de poser la question. Mais avant que je ne puisse émettre la moindre interrogation, Yami sonna le début de la marche. Apparemment, elle avait autant envie d’en finir avec cette mission que j’avais moi-même envie de connaître la raison de cette indifférence commune aux deux pseudo coéquipiers.

Néanmoins, même si l’envie d’en apprendre plus était forte, je m’étais promis de caresser tout le monde dans le sens du poil. Ainsi, il fallait converser de choses classiques et ordinaires. Je saisissais donc cette occasion pour interroger la jeune monstre sur l’animal qui, l’espace d’un instant, était sorti de son ombre ; une espèce de chat chauve souris…

« Yami… il m’a semblé voir une créature sortir du sable derrière toi… Peux-tu m’expliquer avant que nous n’arrivions, j’aime avoir toutes les informations en main. »

Je la laissais répondre avant de changer drastiquement de sujet…

« D’ailleurs, pour parler d’autre chose, l’un d’entre vous a-t-il seulement une idée de la manière que nous pourrions choisir pour procéder ? »

Yami me passa pratiquement devant sans me regarder. Je restai un instant immobile avant de hausser les épaules: tant pis! Ce qui comptait pour l'instant c'était la réussite de notre mission et la curiosité que j'éprouvais pour cette météorite dépassait pour l'instant le reste de mes préoccupations. Ce genre de choses nous rappelait que nous n'étions que des insectes parcourant la surface de Yuukan et que mère nature était toute puissante. On prenait également conscience du peu de valeur qu'avait notre vie et que nous étions semblables à du blé attendant que la faucheuse nous moissonne. C'était un brin irritant de se limiter à ça mais il ne fallait pas non plus se leurrer...

Je jetai un regard à l'endroit ou Méphisto était brièvement apparu en me rappelant que cet irritant chat était toujours ans les pattes de sa maîtresse. Tant qu'il ne posait pas de soucis je comptais bien l'ignorer cependant. De toute façon ce dernier ne devait pas avoir une très haute opinion de moi désormais et j'espérais éviter ses remarques qui prenaient plus l'apparence d'énigmes que de véritables propos. Je saluai ensuite Yusuke d'un petit signe de la tête avant que la noiraude sonne le début de la marche. Oui, il était temps d'y aller puisque nous étions tous présents. Inutile de perdre du temps à mettre en place un plan dont nous pourrions discuter en chemin:

- "À la bonne heure!" lâchai-je donc en emboîtant le pas de la demoiselle. "Allons voir de quoi il en retourne!"

Yusuke s'interrogea sur la furtive présence de Méphisto et je me fendis d'un sourire. Pour sûr, c'était le genre de chose qui en étonnait plus d'un. Je me rappelai alors de notre nuit ensemble et de l'apparition soudaine du chat qui nous avait observé pendant les premiers instants de nos ébats avant de me tourner vers le Saibogu pour brûler la politesse à la noiraude:

- "C'est un Kuchy pervers qui aime jouer au voyeur quand les humains couchent ensemble!" glissai-je, amusé. "Pour le reste Yami t'en parlera certainement mieux que moi!"

Une fois que la Ketsueki eut apporté un complément d'informations - ou non - aux interrogations de la machine, ce dernier nous demanda si nous avions une idée sur la manière de procéder. À vrai dire mon truc c'était plutôt l'improvisation mais je n'avais rien contre une petite mise au point à ce sujet. Par contre je n'aimais pas l'idée de se contenter de faire un rapport à Suna et se contenter d'agir en observateurs. S'il s'agissait de civils, pourquoi trois shinobis ne parviendraient pas à régler cette histoire rapidement? Cette météorite n'appartenait à personne sinon à Suna et il était hors de question de laisser des poignées de curieux se l'approprier. S'ils représentaient une menace ou refusaient l'autorité que nous représentions, nous n'aurions alors qu'à nous occuper d'eux...

- "On pourrait commencer par se métamorphoser comme lors de notre dernière mission en commun, Yu! Ce sera facile de nous mêler dans la masse s'ils sont en grand nombre et ne se connaissent pas tous! On pourrait récolter des informations aisément de cette manière!" proposai-je. "Bien que de mon point de vue on devrait simplement leur demander de s'en aller et faire tomber quelques têtes s'ils refusent! Je n'ai jamais été très patient pour ce genre de choses..."

Je vissai une clope aux coins de mes lèvres avant de l'allumer et jeter un regard à Yami:

- "Tu en penses quoi toi? On respecte l'ordre de mission pour ramener des informations à Suna ou alors on règle le problème par nous-même? Quoi qu'il en soit Méphisto pourrait s'infiltrer facilement dans leurs rangs vu son don pour se rendre invisible!"

Une façon de lui montrer que son avis m'importait malgré nos différents. Je lui avais dis que j'allais me comporter en coéquipier et avec elle et c'est précisément ce que j'étais en train de faire. Je tournai ensuite le regard vers le Saibogu pour lui faire comprendre que j'attendais également son avis sur la question. Quelque chose me disait qu'il n'était pas contre un peu d'action vu la façon dont il s'était occupé des bouchers là dernière fois...

Notre progression commençait donc tout juste. J'avais pris soin d'éviter Shinji et de faire fi de sa présence et c'était mieux ainsi. Quant au cyborg, je n'avais rien à lui dire donc autant nous dépêcher d'en finir avec cette mission et d'être débarrassés de tout ça !

Toutefois, ma froideur avait dû vraiment résonner comme l’amertume que je ressentais puisque Yu ne tardait pas engager la conversation pour savoir qui était Méphisto. Je m'apprêtais à lui répondre lorsque Shinji y allait de son commentaire déplacé et désobligeant qui n'avait rien à faire là. Je serrais le poing convulsivement devant sa remarque sans pour autant rien laisser trahir de mon visage neutre : ce n'était ni le moment ni le lieu pour déballer notre linge sale devant le Saibogu. Pourtant ce n'était pas l'envie qui me manquait de répliquer à ces propos condescendants pour lui rafraîchir la mémoire mais je ne voulais pas m'abaisser à son niveau de maturité frôlant les grains de sables...

« C'est Méphisto, mon Kuchiyose senseur. J'ai lié un pacte avec les chats. »

Sans même le savoir, j'avais pactisé avec des créatures alors même que cela faisait presque partie de la stratégie de combat des Ketsueki. Je savais désormais que mon père avait lié son sang aux chauves-souris alors que ma mère en avait lié un avec les araignées et plus particulièrement avec la veuve noire.

Yu s’empressait de nous interroger sur le cœur de notre mission à savoir la façon dont nous allions opérer. Shinji proposait de se fondre dans la masse sous henge ce qui n’était pas une mauvaise idée – pour une fois – pour le reste ça en était clairement une… Il demandait à faire tomber des têtes si le groupe intéressé par la météorite ne coopérait pas.

« Pour le henge je suis de ton avis en revanche l’ordre de mission stipule de s’en tenir au rapport et bien que vous connaissez mon attrait pour le sang, je me contente de suivre les ordres si possibles. Il est question d’une météorite pas des plans stratégiques du village que ce groupement cherche à obtenir. »

Et il fallait dire qu’avec mon état de santé qui allait en se dégradant, je n’avais pas non plus envie d’en découdre plus que nécessaire.

« Méphisto peut en effet se faufiler à leurs côtés pour observer la discussion mais nous ne pouvons pas uniquement nous reposer sur lui : tu devrais savoir plus que quiconque que son sens de la conversation n’est pas le plus propice pour dresser un constat d’une situation… »

Je regardais notre trio avant d’ajouter :

« De toute façon pour le henge nous n’avons pas le choix où nous ne pourrons jamais passer inaperçus. »

Un borgne mal léché, un cyborg et une femme aux canines effilées… niveau discrétion on avait connu mieux.
 
« Et toi Yu qu’en penses-tu ? »

Je désirais connaître également l’avis de celui qui avait réagi avec efficacité et brutalité face à un aliéné.

Après plusieurs instants de marche sous un soleil de plomb, un attroupement apparaissait sous nos yeux ainsi que des rubans délimitant la zone du crash. Nous étions arrivés : aucun doute…

« Je crois qu’un Henge tout simple n’est pas la solution. Lorsque l’on veut piéger son adversaire, il faut faire preuve de fourberie et le pousser à croire que c’est lui qui prend telle ou telle décision. Ainsi, si nous nous rendons sur les lieux sous une forme quelconque, juste différente de la notre. Tout ce que nous apprendrons, c’est ce que le public peut bien connaître de ces expériences que ces illuminés font sur cette météorite. Il nous faut donc, d’après moi, un plan. Une stratagème suffisamment sophistiqué pour qu’au moins l’un de nous puisse entrer dans le cercle privé de ces individus : qu’il obtienne leur confiance. »

J’exposais avec sérieux et calme ma vision des choses. J’avais plus d’expérience qu’eux dans l’art de la manipulation, aussi je savais comment m’y prendre. Mais dans un sens, j’espérais aussi susciter leur admiration de part mon plan. Le véritable intérêt de cette mission n’était pas de rendre service au village, j’aurais très bien pu le faire en tuant tout ce beau monde, c’était plutôt d’acquérir une certaine notoriété auprès de ces pseudos compagnons. J’étais toujours dans la phase 1 de mon plan qui consistait à me fondre dans la masse. Ainsi, je mettais tout en œuvre pour me montrer le plus utile possible.

« D’après moi, c’est Shinji qui est le mieux placé pour occuper la place du bon samaritain qui vient aider les illuminés. Il est sociable, a un certain charisme et contrairement à moi, il ne fait pas fuir les gens au premiers regards. Yami tu es une femme et je ne pense pas que cela joue en ta faveur, les hommes malins ont trop tendance à se méfier de celles-ci. Pour ce qui est des femmes qui pourraient se trouver dans le groupe, n’en parlons pas. C’est donc comme ça que je vois les choses : Nous passons quelques minutes autour de la météorite, Shinji de son côté et Yami et moi de l’autre. Elle et moi, nous nous présenterons comme des ninjas de Suna, avec toute l’honnêteté qu’il y a derrière cette affirmation, et nous ordonnerons au groupuscule de se disperser ; que l’endroit est désormais sous la tutelle du village du sable. C’est là que Shinji interviendra et se posera comme défenseur des droits de l’homme du désert et s’interposera. Il nous repoussera au cours d’un affrontement léger avant que nous ne fassions mine de devoir décamper. A partir de là, je suppose que le chat de Yami pourra servir de pigeon voyageur entre Shinji et nous. Ainsi nous saurons comment agir. »

Mon plan me paraissait parfaitement rôdé. Il y avait peut-être quelques imperfections ou autres coquilles mais je n’avais pas suffisamment envie de m’attarder sur la question pour les rechercher. Je m’étais contenté de balancer l’information comme ça et c’était à pendre ou à laisser. D’ailleurs au loin commençait à se dessiner une espèce de tour. Je compris un peu plus tard qu’il s’agissait du lieu de crash de la météorite et que c’était elle qui s’élançait ainsi vers le ciel comme un tonnerre venu de la terre. Autour de celle-ci étaient disposés avec grands soin des rouleaux jaunes rattachés par des pilonnes enfoncés dans le sable. A côté du site s’était apparemment étendu une sorte de campement. Je dénombrais une demi-vingtaine de tentes, aussi je supposais que cette confrérie de la météorite était venue avec tous ses effectifs. Je pouvais d’ailleurs déjà apercevoir quelques personnes se mouvoir ici et là. Ils n’avaient certes que l’air de fourmi vu la distance à laquelle je les observais mes tout de même, il me semblait qu’ils étaient particulièrement agités. Aussi je me tournais vers mes deux compagnons et leur proposai de mettre notre plan en œuvre.

« Alors, on procède ainsi où vous préférez la manière plus soft et moins mélo dramatique ? Pour ma part, je n’ai pas de soucis avec le fait de choisir une autre option que celle que j’avais proposé. Mais il faut faire vite, nous n’avons pas beaucoup de temps et si nous voulons mettre tout ce petit plan à bien, il faudra se séparer dans quelques minutes Shinji, avant d’arriver près du campement… »

Je n'avais rien contre le fait d'écouter une personne plus expérimentée que moi et je partais du principe que ça m'aidait à me perfectionner dans mon rôle de Shinobi. Il n'y avait pas de honte à avoir et il s'agissait juste de rendre à l'évidence: on pouvait toujours apprendre de quelqu'un d'autre. Je n'avais jamais combattu Yu mais j'avais vu un échantillon de ses capacités. Et je ne croyais pas trop m'avancer en disant que sa science du combat ou de l'infiltration était plus aboutie que celle de Yami ou que la mienne. Nous étions à présent en vue de la météorite et si nous n'avions pas encore été repérés, il fallait toutefois mettre en place un plan d'action rapidement.

J'écoutai donc la proposition du cyborg en fumant tranquillement ma cigarette, hochant de temps à autre la tête pour montrer que je partageais son point de vue. Nous allions perdre pas mal de temps à obtenir les informations dont nous avions besoin mais parfois il valait mieux jouer la carte de la sécurité que celle de l'impatience. Je n'étais pas vraiment ravi d'infiltrer ce groupe de prétentieux qui semblait vouloir s'approprier la météorite mais je n'avais pas de meilleures idée à proposer. De ce fait je ne voyais pas quel argument opposer au Jônin. Par ailleurs il était plus gradé que nous et c'était déjà une bonne chose qu'il nous offre la possibilité de débattre à ce sujet...

- "Pour moi c'est ok..." lâchai-je finalement. "Faisons ça et voyons où ça nous mène..."

J'échangeai un regard avec Yami pour connaître son point de vue et je compris qu'elle était aussi partisane de cette méthode. Bon et bien très bien! Je soupirai en jetant un regard à la bande qui gardait le projectile stellaire avant de me tourner à nouveau vers mes coéquipiers:

- "Si ça part en cacahuète, que les choses soient claires: il ne sera plus question d'observation ou de mission! Je massacre ce que je peux et je me barre! Donnez-moi quelques minutes et rejoignez à votre tour la météorite. Je m'arrangerai pour être près de vous lorsque vous annoncerez à ces gens que vous êtes des shinobis..."

Voilà, au moins il n'y avait plus de doute quant à la manière forte que je comptais employer en cas de pépin. Il fut donc temps de nous séparer. Je scellai mon insigne de Suna ainsi que Malaise dans l'un des sceaux qui couvraient mon corps avant de me diriger vers le météore. Je me joignis en chemin à une bande de curieux qui s'en approchait et je restai plus ou moins silencieux avant de me mêler à leurs discussions qui, comme il fallait s'y attendre, tournaient autours de cet étrange rocher venu de l'espace.

On fut refoulé par une barrière de gardes improvisés qui nous empêchèrent de trop approcher malgré les protestations de certains. Nous n'eûmes pas droit à la moindre explication pour nous faire comprendre ce choix arbitraire mais la menace des armes de ces gens poussa la plupart des curieux à ne pas exiger de pouvoir s'approcher de la météorite. Celle-ci était encore rougeoyante et de la fumée s'échappait de plusieurs pores de sa croûte noirâtre. Un sillon profond avait été tracé dans le sable et indiquait la route qu'elle avait empruntée avant de venir s'immobiliser au milieu de nul part dans le désert. Des débris éparses de roches accentuaient un peu plus l'atmosphère de désolation du lieu d'impact...

*Impressionnant et fascinant à la fois...* songeai-je en poursuivant mon observation, clope au bec.

Je la délaissai pourtant à regret au bout de quelques instants pour observer les environs et ne pas manquer l'arrivée de Yami et Yu. Quand je les vis finalement s'approcher je me décalai de manière à me positionner à une dizaine de mètres d'eux. Le moment de passer à l'action approchait...

Yu proposait une idée plus élaborée que la notre ce qui prouvait qu'il était indéniablement un fin stratège. Quel était cet homme sorti de nul part, capable de terrasser des hommes possédés et d'établir des plans détaillés alors même qu'il était semblable à une machine ? Etait-ce sa condition qui lui octroyait des capacités poussées ? Son grade ? Peu importait finalement mais il m'intéressait d'autant plus. Lorsque je lui avais prodigué des conseils sur sa condition monstrueuse, il m'avait bien semblé percevoir sa profonde amertume : quelle était donc cette âme torturée et en peine ?

Il nous proposait d'envoyer Shinji infiltré leur rang pendant que nous resterions en retrait, Méphisto faisant la navette entre nos deux groupes pour nous communiquer les informations susceptibles de nous intéresser. L'Akuzu semblait d'accord mais exposait encore une fois sa réserve sur le sort des malveillants s'ils ne coopéraient pas. C'était risible de voir que c'était moi qui était la plus censée à ce sujet en ne voulant pas spécialement attenter à leurs vies.

« Je suis d'accord aussi. »

Me contentais-je d'annoncer.
Là dessus, Shinji s'engouffrait sur les lieux pendant que Yu et moi attendions quelques instant avant d'intervenir à notre tour.

Plus nous nous rapprochions et plus il était impressionnant de constater de la taille de ce caillou de l'espace. Au vue de sa trajectoire et des lourds sillons tracés dans le sable sur son passage, l'atterrissage n'avait pas été des plus doux et il aurait été problématique de se retrouver en dessous à ce moment là... La Terre avait le don de nous rappeler que notre puissance ne valait rien face à la sienne et qu'elle était libre de nous mettre à mal si elle le désirait. Même le plus fort des hommes ne pouvait rivaliser face à celle-ci.

Finalement, nous arrivâmes sur les lieux, demandant la dispersion de l'assemblée.

« Nous sommes des shinobis de Suna. Cette météorite tout comme le site sont désormais sous la tutelle du village caché du sable. Nous vous prions de disposer. »

Annonçais-je suffisamment fort pour que tout le monde puisse nous entendre.
L'assemblée nous regardait, interloquée, alors que certains dissidents commençaient à exprimer leur mécontentement en proférant des paroles sans fondements sur le droit à la culture scientifique.
Le Saibogu s'approchait de la foule, qui reculait devant son exosquelette métallique, tandis qu'il cherchait justement à les disperser. Shinji, quant à lui, venait à notre rencontre pour s'auto-proclamer porte paroles du groupement fanatique.

Mes deux compères acceptèrent avec facilité mon stratagème et nous faisions toujours marche vers le site du crash qui, à mesure que nous approchions, faisait prendre à l’objet céleste une taille de plus en plus imposante. Il y avait d’ailleurs quelque chose de poétique dans la contemplation de cette roche inconnue et aux dimensions gargantuesques. Elle avait à la fois la force d’écraser un éléphant et la passivité d’une feuille morte dans son immobilité. Quelque part, cet élan de violence sur granite carboné me rappelait étrangement mon ancien camarade de chasse. Le vieux Goren devait être en train de pourrir dans les geôles des pays neutres s’il n’était pas tout bonnement en train de manger les pissenlits par la racine. Oui, j’éprouvais une certaine nostalgie en regardant ce rocher lunaire prendre toujours plus d’ampleur dans mon champ de vision et cela n’allait pas m’aider à camoufler ma véritable nature.

Nous arrivâmes finalement devant l’assemblée près du météore. Yami, dans sa grande diplomatie improvisée incita cette dernière à se disperser et à laisser à Suna le privilège de s’occuper de cette affaire. Quant à moi, bien que j’avais décidé de rester en retrait, une intuition étrange me fit faire quelques pas en avant. Le bras tendus vers le sol, de mon avant bras sortit une lame en métal noire. Elle me rappelait mon ancien sabre et l’incorporer à mon corps n’avait pas été chose facile. Mais les vieilles habitudes avaient la vie dure et je ne pouvais me résoudre à abandonner cette partie de ma personnalité. J’étais sabreur… jusqu’au bout de ma lame. Ainsi, la déployant dans les airs de manière menaçante, je la dirigeai vers le groupe le plus proéminent tout en observant avec contentement les pas qu’ils faisaient tous en arrière.

« Elle vous prie de disposer. Moi je ne demande rien. Mais ceux qui resteront là contribueront à la couleur rouge que le sable ne va pas tarder à arborer… »

J’avais prononcé ma phrase avec une telle neutralité mécanique, avec si peu d’humanité que je me fis frémir moi-même. Quelque part, c’était la machine de guerre qui s’était exprimée et non le ninja derrière. Les plaintes avaient cessés et tous me regardèrent avec des yeux effrayés. Ils voyaient sans doute en moi un monstre, une créature mythique sortie tout droit des labos Saibogu. Certes, je faisais peur, mais le fait de les menacer, je crois, les a poussé à se chercher un leader suffisamment courageux pour les diriger contre cette menace. C’est à ce moment là que Shinji fit son apparition.

De la foule sa voix sortit et c’était comme si cette dernière s’était scindée en deux, chaque homme craignant d’être pris pour l’homme qui avait osé se dresser face à la menace de métal que je représentais. Ainsi je me retrouvais en face de lui, les yeux plongés dans les siens. A cet instant, je pense que le véritable monstre en moi prit le dessus. Mes yeux, jusque là neutre prirent une courbure propice à la colère et à la haine. Mes pupilles s’étaient d’elles même dilatées et un sourire carnassier s’était imprimé sur mon visage. La souche la plus pure du mal qui rongeait mon être était réapparut à la surface et bien que cela devait passer aux yeux de mon collègue pour de la comédie, il s’agissait bien de la vérité vraie ; celle qui me définissait.

Ma lame, étendue de mon bras s’orienta d’elle même vers l’homme en caoutchouc et mes lèvres se délièrent…

« Qui crois-tu être misérable merde ? Ne sais-tu pas qui je suis ? »

Spoiler:

L'arrivée de Yami et Yusuke différèrent dans le style mais l'idée restait la même: il fallait dégager! Évidemment ça ne plu pas à tout le monde, loin de là! Certains échangèrent des regards dans lesquels se mêlaient doutes et incompréhensions. D'autres raffermirent la prise sur leurs armes qui étaient parfois de bonne facture tandis que d'autre s'avançaient vers le duo d'arrivant. Bon et bien au moins on risquait d'avoir un peu d'action...

Yami demanda donc à tout le monde de disposer en suivant une voie plus ou moins légale. Yu, lui, n'y alla pas par quatre chemin: les gens partaient ou mourraient! Voilà, ça au moins c'était clair! Certains abdiquèrent et tournèrent les talons, sûrement impressionnés par la dégaine de la machine. D'autres comptaient bien en découdre malgré tout! Ils allaient se faire balayer et je me demandai un court instant s'il ne valait mieux pas les laisser se faire tuer! Le soucis serait réglé aisément avec la mort des plus téméraires et le départ des autres. Voilà, j'allais faire ça! Yami et Yu n'auraient aucun problèmes à se débarrasser de leurs assaillants...

Mais la question ne se posa pas vraiment puisque le Saibogu décida de me prendre pour cible directement. Sa lame fendit l'air et j'allongeai mon bras en retour pour saisir un vieillard qui me passait devant afin de l'utiliser comme bouclier humain. Je sentis un choc puis vis des gouttes de sang qui s'écoulaient sur le sable en le noircissant. On me jeta des regards étonnés voir agressifs tandis que je relâchais le corps sur le sable.

- "Qui tu es?" glissai-je avec un sourire au coin des lèvres. "Non et j'en ai strictement rien à foutre! Tu débarques comme un charme et tu prétends nous imposer tes règles? On va avoir un problème toi et moi..."

Je m'avançai vers le duo en savourant la situation. J'allais pouvoir tester un peu Yu et voir ce qu'il avait dans le ventre. Et puis en même temps je marquais des points aux yeux des locaux ce qui était précisément le but recherché. J'écrasai ma clope sous mon talons avant de souffler la fumée en direction de mes deux coéquipiers. Est-ce que j'allais devoir affronter Yami aussi? Même si c'était pour rire ça commençait à faire beaucoup...

- "Je commence par qui? La pute? L'abomination?" questionnai-je en massant mon épaule en guise d'échauffement. "Les deux en même temps?"

Ouais allez, les deux en même temps! Je glissai la main à ma sacoche pour en tirer un rouleau que je dépliai après un bond en l'air. Des dizaines de shurikens furent propulsés en direction de mes coéquipiers d'adversaires d'un sceau avant que je lâche ce dernier et découche un coup de poing élastique en direction de chacun d'eux. On allait y aller tranquillement, fallait que je savoure cet instant! Parce qu'ensuite ce serait la phase infiltration et discutions avec un chat complètement cinglé! Super, j'avais hâte...

J'avais opté pour la diplomatie et l'annonce de notre protocole shinobi en ces circonstances alors que Yu avait usé d'une méthode bien plus intrusive et agressive... Au moins le groupe se dispersait à vue d'oeil même si quelques récalcitrants subsistaient.

Yu s'adressait ensuite à Shinji, conformément à notre plan, n'hésitant pas à le provoquer avec sa lame. Soudain, l'impensable se produisit. Shinji venait de se servir d'un vieillard sans défense comme bouclier humain, le laissant s'empaler sur l'épée effilée. J'écarquillais les yeux devant ce spectacle : que faisait-il ? Que venait-il de faire ?! Non mais je rêvais ! Comment pouvait-il se proclamer shinobi et causer la mort de civils volontairement ?! Mon sang ne fit qu'un tour et déjà je serrais les poings sous la colère.

Ma hargne à son encontre était déjà fulgurante depuis quelques temps et à cause de ce que nous avions vécu : il avait même torturé et tué un civil sous mes yeux dans son bar et maintenant ça ?! Il n'était pas digne de représenter les couleurs et les idéaux de Suna.

Je ne le regardais plus, je ne le pouvais plus pourtant, lorsqu'il me traita de « pute » alors même que cela était censé faire partie du jeu, je ne pouvais plus contenir ma rage. Cette insulte alors même qu'il m'avait prise comme un objet quelques semaines plus tôt : c'était impardonnable et ça en était trop. Je n'avais plus que faire de la mission et puisque cette dernière me demandait de me battre contre l'Akuzu en suivant notre plan, je n'allais pas retenir mes coups.

Je dégainais ma faux, esquivant aisément ses projectiles que j'avais venu venir dans sa manœuvre grâce à un écran fuuton. Le poing qu'il décochait n'était pas envoyer avec sa vraie force si bien que je le parais aisément avec ma faux. L'instant d'après, J'envoyais une lame d'air tranchante dans sa direction alors que les civils s'étaient dispersés, ne risquant pas de gêner l'affrontement. Pour ma part, j'y allais à pleine puissance.

« Et tu te prétends de leur côté en ôtant délibérément la vie de l'un des leurs ?! Pour qui est-ce que tu te bats ?! »

Je voulais qu'il comprenne mes propos et que les civils sachent qu'il n'était pas de leur côté non plus et devaient donc se méfier.
J'entaillais mon avant bras, envoyant dans sa direction trois balles de mon sang avant d'effectuer des mudras et lui l'immobiliser avec une technique qu'il ne m'avait jamais vu utiliser. Le sol devenait boueux sous ses pieds dans une grande flaque qui l'empêchait de se mouvoir. Je ne pouvais certes plus bougée mais Yu s'occupait également de son cas : je lui laissais la relève pour le moment.

Sans grande surprise je constatais une fois de plus que Shinji n’était pas un gamin ordinaire. Hormis le fait qu’il avait un sérieux problème pour suivre les directives qu’on lui imposait, il avait une certaine créativité dans l’art de faire des conneries. Néanmoins, et c’était là le point le plus intéressant chez lui, il exerçait cet art sur la vie de ses semblables. Ainsi lorsque je brandis ma lame pour le menacer, il ne trouva rien de mieux à faire que placer un vieux monsieur dans sa trajectoire. Ma lame, composée d’un métal particulièrement tranchant issue de mon propre corps, s’enfonça dans le vieil homme comme dans du beurre. Un mince filet de sang sortit du dos de ma victime avant de laisser place à la pointe de mon arme. Le pauvre vieux venait de se faire empaler d’avant en arrière. Son visage vers moi, je pus voir dans ses yeux la lueur de sa vie s’éteindre. Il venait de mourir. Je comprenais que pour l’homme élastique, la vie des autres n’avait que peu d’importance. Qu’il ne s’agissait au fond que d’outils incroyablement utiles pour parvenir à ses fins. Je ne pouvais pas le juger, j’étais moi-même partiellement partisan de cette doctrine.

Dans un mouvement ample je retirais mon sabre du corps du vieil homme qui s’écrasa sur le sol. De son côté, mon adversaire du jour fit un bond en l’air tout en dépliant un parchemin. Je ne connaissais que trop bien cet enchainement de débutant, aussi je concentrais mon chakra dans mon bras gauche. Les shurikens sortirent du sceau dans le rouleau et au moins cinq foncèrent droit sur moi. De mon bras se déplia alors mon bouclier en carbone. Les hélices du bouclier s’assemblèrent entre elle et je plaçai ce dernier sur la trajectoire des projectiles. Inutile de dire qu’ils valsèrent dans toutes les directions. Fort heureusement, ils n’entrèrent dans la chaire de personne et se contentèrent de s’écraser dans le sable. Mais l’assaut n’avait pas prit fin pour autant. Quelques secondes après, un violent choc vint percuter mon bouclier, mais plus compacté qu’un groupe de projectile. Je me risquais à lever les yeux au-dessus de ma protection et je constatai avec contentement qu’il s’agissait du poing élastique de mon nouvel adversaire. Un sourire en coin s’imprima sur mon visage tandis que je me redressais pour baisser ma garde.

De son côté, Yami elle-même s’était lancée dans la bataille et harcelait son adversaire de techniques futon alliée à sa maitrise du sang. Elle termina son enchainement par une technique d’immobilisation via un marécage. Curieusement, je n’étais pas affecté par les effets de sa technique, aussi je compris qu’il me revenait le droit de terminer notre adversaire. Mais… n’était-il pas question de perdre dans un premier temps ? N’était-ce pas là tout ce sur quoi reposait notre stratagème ? Je lançai un regard inquisiteur à mon acolyte. Elle ne savait pas plus que moi ce qui était en train de se passer. Il y avait dans ses yeux les flammes rouges de la colère plus que la raison sensée dicter les actes d’un ninja. L’espace d’un instant, je voulus partir avec elle dans cette lutte contre notre ennemi commun. Mais la raison me frappa plus fort que je ne l’aurais cru et j’avais envie d’en savoir plus sur ces futurs adversaires. Lentement je me déplaçais dans le marécage jusqu’à me retrouver tout près du météore. Je grimpais dessus et pris une position assise confortable. Je jetai ensuite un regard amusé à mes deux compagnons avant de lancer tout en retirant ma protection qui jusque là me gênait plus qu’autre chose :

« Je ne m’interposerais pas. Que celui qui gagne ce combat obtienne gain de cause. Quant aux civils, le premier qui s’échappe, je le coupe en deux. »

Ma voix était aussi intelligible et sonore que pour un discours en public. Je me mettais donc à l’aise et m’apprêtais à savourer le spectacle. Mais au même moment, un civile, aussi stupide soit-il, tenta de s’échapper discrètement. Alors, avec la grâce et la technique d’un shinobi de haut rang, je balançai un kunaï dans sa direction, il lui transperça la jambe si bien que le pauvre s’écrasa au sol comme une pierre en hurlant de douleur.

« Personne ne s’en va… »

J'avais déjà affronté Yami lors d'un entraînement et j'avais une bonne vue d'ensemble de ses capacités puisqu'elle était ma coéquipière. Pourtant je n'avais jamais vu ce feu ardent qu'elle avait dans les yeux être adressé à une personne qu'un ennemi. Visiblement elle n'avait pas apprécié la mort de vieillard! Je comprenais aisément puisque moi-même j'en arrivais à me demander pourquoi j'avais agis ainsi. J'aurais pu utiliser un jutsu plutôt que de sacrifier un innocent. Mais sur le moment l'utiliser comme bouclier humain s'était révélé être la chose la plus... logique à faire!

Je me mis en position défensive pour me préparer à la contre-attaque que j'imaginais déjà violente et agressive. Et tandis que les civils se dispersaient la noiraude me décocha une lame de vent à l'aide de sa faux. J'activai rapidement l'un de ses sceaux de ma paume avant de tendre cette dernière devant-moi pour absorber le jutsu de mon adversaire. Cette dernière marqua ensuite un temps d'arrêt pour me faire une remarque sur l'honneur. Je poussai un léger soupire d'impatience tout en restant sur mes gardes:

- "Parfois il faut en sacrifier quelques-un pour sauver le plus grand nombre!" glissai-je sur un ton assuré.

La suite de l'attaque prit la forme de trois boules de sang décochées à pleine vitesse dans ma direction. Je fus prêt au moment où la noiraude s'entailla le bras et rendit mon corps malléable avant l'impact. Le sol devint ensuite boueux et mon propre poids me fit glisser de quelques centimètres dans un lac de terre mouillée. Mes mouvements devenaient bien plus compliqués même si quand on est un Akuzu se n'est pas vraiment ce genre de choses qui représentent un problème. Mais c'était malin de la part de la Ketsueki. Malin et salissant...

Je me tournai alors vers Yu puisqu'elle venait de lui offrir une ouverture intéressante. Mais ce dernier préféra décliner le combat pour sauter sur la météorite et se poser en spectateur. Il encourageait ce duel alors qu'il avait certainement pris conscience que Yami mêlait à tout ceci une rancœur personnelle et certainement justifiée. Est-ce qu'il interviendrait si le combat venait à basculer d'un côté ou de l'autre? Je n'en étais pas certain...

J'activai à nouveau l'un de mes sceaux en touchant la boue qui me retenait captif, profitant de l'intervention de Yu sur un civil pour absorber à nouveau la technique de la noiraude. Le sol redevint sableux et j'inclinai rapidement le coup comme pour signaler que l'échauffement était terminé. Quelques mudras plus tard je renvoyais la technique scellée autours de la Ketsueki pour lui faire goûter en retour aux joies de la boue. Puis je décochai un coup de poing qui ne tarda pas à s'allonger pour se diriger vers la noiraude.

*T'es con ou quoi?* fit une petite voix dans ma tête.

Je stoppai mon geste et m'autorisai un regard autours de moi. Les civils me jetaient des regards mêlant suspicion et peur. Un peu comme si j'étais leur ennemi. Il est vrai qu'utiliser l'un des leurs comme bouclier n'avait pas du faire grimper ma cote. Ils ne verraient pas en moi leur sauveur et me faire accepter deviendrait une tâche fastidieuse sinon impossible. Et pour ça il fallait que je vainque Yami puisque cette dernière semblait décidée à se battre. Est-ce que ça en valait la peine? Dans un cas comme dans l'autre il y aurait un blessé grave. J'avais déjà vécu cette situation avec Oniri et je ne souhaitais pas que cela recommence avec la Ketsueki. Dans ce cas...

- "Faites ce que vous voulez!" fis-je m'adressant à Yu et Yami. "Ce sera sans moi!"

Je jetai un fumigène sur le sol avant de tendre mes bras pour attraper les deux extrémités de la météorite et l'utiliser pour me catapulter hors de portée. Je n'étais pas capable d'agir de concert avec Yami pour l'instant et notre association ne mènerait à rien de bon. Autant la laisser elle et Yu se débrouiller par leurs propres moyens. Mon absence ne les gênerait pas plus que ça...

Le combat prenait une ampleur particulièrement intéressante. J’observais avec une curiosité maladive les différentes techniques des deux protagonistes et je dois dire qu’il y avait là un bon spectacle. Tous les deux étaient d’un niveau passable mais on pouvait sentir cette tension ; cette envie d’aller plus loin. J’avais brièvement lu leur dossier à tous les deux et j’étais donc au courant que leur niveau estimé dépassait de loin celui qu’ils affichaient pendant leur altercation. Aussi je prenais mon mal en patience. J’avais soif d’apprendre, de m’instruire sur les techniques propres au village du sable. Mais les hostilités d’un coup cessèrent. En effet, Shinji venait de renvoyer sur son adversaire sa propre technique et, jetant quelques regards autour de lui et comprenant que tous ces civils ne lui accorderaient jamais le moindre crédit, il afficha une mine éreintée psychologiquement. Les bras ballants, le long du corps, il perdait espoir. Ses yeux se remplirent d’un vide infini et il releva la tête vers le ciel. La phrase qu’il prononça alors témoignait à la fois de s grande fatigue et de son désintéressement total pour ce que nous faisions. Il allongea ses deux bras caoutchouteux contre la paroi de la météorite et s’envoya littéralement en l’air à plusieurs kilomètres de notre position.

Petit à petit le silence revint, le marécage s’estompa dans le vide et la foule, interloquée par ce qui venait de se passer, recommença son brouhaha si propre à sa nature. Quant à moi je me redressais et contemplais pendant quelques secondes l’endroit où avait atterri Shinji. Je n’allais pas le revoir de sitôt. Il avait l’expression d’un homme qui a besoin de réfléchir, qui a besoin de se retrouver avec lui-même. Je descendais donc de ma météorite sans m’attarder plus que ça sur la question de notre petit lâche-fonction et rejoignis Yami au niveau de la mer. Tous les regards, bien évidemment, étaient braqués sur moi. Je n’y fis cependant pas attention et me rapprochais de la jeune fille de la nuit pour petit aparté.

« Je ne pense pas que l’une ou l’autre stratégie puisse fonctionner désormais, je vais devoir tenter autre chose… »

Me retournant vers la foule qui, tel un cocon, s’était agglutinée sur elle-même, je tirais à nouveau mon sabre de mon fourreau et esquissai un sourire. Je pus à cet instant sentir la peur monter d’un cran dans la meute humaine d’en face et avec toute la grâce qu’une machine peut avoir dans ses mouvements, je posais une main à terre. Autour de toute la zone s’inscrit alors un énorme sceau dont le centre était ma main. De ce sceau sortirent des plaques de titanes imposantes qui ne tardèrent pas à former un dôme autour de nous et à nous plonger de ce fait dans le noir le plus total. Une fois les premiers cris passés, j’activais mon dispositif de vision nocturne et pu constater avec plaisir que mes petits civils avaient toujours cette expression de terreur sur le visage. Alors, on prenant soin d’utiliser à mon avantage l’écho de l’endroit, je me mis à dire :

« Je veux les noms de ceux qui ont orchestrés cette expédition ou je me mettrais à faire tomber les têtes, l’une après l’autre. »

Aucune réponse. Je m’attendais pourtant à ce que ces hommes, placés en face de leur propre trépas s’activent ne serait-ce qu’un peu pour demeurer en vie. Mais aucun d’entre eux n’avait visiblement l’envie de trahir son allié de toujours. Aussi, je dû employer la manière forte. Rapidement et sans faire le moindre bruit, je passais derrière l’un d’eux et, lui plaçant ma paume sur les lèvres, je l’emmenai de l’autre côté du dôme. Je m’appliquai ensuite à lui enfoncer légèrement mon sabre dans le pied, là où je savais que le nerf était le plus présent. La douleur insoutenable le fit crier à l’agonie et déjà mes petits prisonniers s’étaient montrés plus coopératifs.
« Il n’y a que lui ! C’est lui. Allez c’est toi qu’il veut pas nous ! »

Tous avaient crié à l’unisson les mêmes excuses flétries par la lâcheté. Je portai donc mon attention sur l’objet de leur accusation et tendis le bras vers lui. De ce dernier sortit un dispositif de chaine qui vint s’enrouler autour de ma victime. Je fis ensuite direction vers Yami tout en laissant mon petit civil agoniser sur place. Une fois près d’elle, je lui confiais l’homme tandis qu’à l’aveugle, elle devait se demander quel était ce curieux contact.

« C’est apparemment le chef, emmène le pour interrogatoire, je te rejoins une fois que j’auras fini de leur faire comprendre une ou deux choses importantes. »

Dans le dôme une porte imposante s’ouvrit derrière Yami ce qui eut pour effet de créer un jet de lumière aveuglant pour tous. Je lui laissais le temps de sortir avant de demeurer dans ce dernier pour terminer mon travail.

Tout devenait insensé, chimérique... Nous nous entre déchirions nous Shinobis de la même patrie. Nous devions nous concentrer sur la mission mais je n'y parvenais pas, je n'y parvenais plus. Pourquoi Shinji avait-il agit ainsi ?! Il n'était pas nouveau qu'il agisse avant de réfléchir mais tout de même ! De là enfreindre l'essence même qui faisait de nous des shinobis et en qui le village avait placé sa confiance en nous gratifiant de ce titre ?! C'était à n'y rien comprendre... Ce que j'avais en face de moi n'était rien d'autre qu'un traître ! Cela me faisait mal de le reconnaître mais je devais bien l'avouer... ce n'était pas la première fois que j'étais témoin de ses excès de zèles mais en cet instant, il dépassait les bornes. Ma hargne était sans nom, mon regard flamboyait de colère alors que Yu décidait de ne pas prendre part au combat et de feindre l'ouverture que je lui avais donné. Il décidait de nous observer et de nous laisser nous entre tuer comme s'il en tirait un certain plaisir malsain...

Je ne m'offusquais guerre de son état, me concentrant sur mon affrontement avec l'Akuzu qui s'écourta précipitamment alors qu'il avait cherché à me renvoyer ma technique de laquelle je me sortais en durcissant la boue sous mes pieds. Après avoir déclaré que tout ceci ne rimait à rien il décida de s'envoyer sur orbite pour disparaître de notre champs de vision. L'assemblée restait sans voix devant ce spectacle et je soupirais : il ne payait rien pour attendre, son acte ne resterait pas impuni.

Yu descendait dès lors de son perchoir, s'avançant vers moi alors que mes yeux étaient perdus dans le vague. Il me chuchotait qu'ils nous faudrait élaborer une nouvelle stratégie et son sourire suffisant lorsqu'il présentait son arme ne me disait rien qui vaille. Des plaques de titanes s'élevaient pour former un dôme tout autour de nous et des civils. Je ne voyais absolument rien mais Méphisto était mes yeux, il voyait dans le noir. Je commençais a avoir peur, non pas pour moi mais pour eux. Ses intentions étaient floues et je craignais qu'il ne les exterminent tous. Sa voix retentissait entre les parois, intimant de dénoncer le coupable responsable de ce regroupement, personne ne parlait, un homme hurlait et le sang coulait, je le sentais. Je devais réprimer cette excitation soudaine, cette frénésie qui me gagnait devant cette scène improbable où je n'entendais que les cris d'agonie et percevais l'arôme du fluide écarlate s'écoulant allégrement sur le sol sans que je n'ai rien à faire.

Bien vite, je secouais la tête, recentrant mes esprits et recouvrant mon humanité ainsi que ma raison. Un bruit de chaînes se faisait entendre tandis que les pas robotiques se rapprochaient de moi. Yu me confiait alors l'homme enchaîné et paniqué, m'intimant qu'il était le responsable et que je devais l'interroger. Il ajoutait qu'il me rejoindrait après avoir régler deux ou trois choses... Je me retrouvais une nouvelle fois en proie à mon plus grand problème : ce que je ressentais et ce que je devrais normalement ressentir. L'idée que le sang allait être versé – car c'était clairement ce qu'il semblait laisser sous entendre – m'excitait tant et si bien que je voulais rester pour assister à cela mais ma raison elle, celle qui faisait que j'étais une shinobi de Suna, me poussait à l'empêcher de tuer ces civils. Une porte s'ouvrait pour me laisser sortir dans un halo de lumière aveuglant mais je demeurais là, maintenant l'homme par ses chaînes d'une main et attrapant le poignet de Yu de l'autre avant de lui dire :

« Nous en avons fini avec eux, viens avec moi : je ne partirais pas d'ici sans que tu ne m'accompagnes. »

Je marquais une légère pause avant de reprendre :

« Ne laisse pas le monstre prendre le dessus sur des innocents. Non seulement il n'y a aucun challenge mais en plus ils sont ceux que nous protégeons et Suna nous accorde sa confiance pour mener à bien cet objectif. Si tu agis de la sorte, tu trahis sa confiance. Alors laisse le monstre derrière pour cette fois, tout comme je suis parvenue à le faire... »

Je le renvoyait à notre discussion à l'hôpital concernant notre monstruosité et le moyen de s'intégrer dans une société qui ne nous laissait pas notre place. Je lui avais alors conseillé de se créer sa propre place. Aujourd'hui, moi aussi je venais de lutter contre mes démons pour ne pas me laisser aller à ma soif irrépressible : il était beaucoup plus simple de céder à ses pulsions mais y résister prouvait une grande maîtrise de soit même. Je venais de voir Shinji ôter la vie d'un civil sans raison, je ne voulais pas que le massacre se perpétue alors que tout ceci allait à l'encontre des valeurs de notre village.

« Nous avons trouvé l'homme que nous voulions : partons maintenant. »

Je l'observais avec un regard pénétrant sans jugement. Je ne pouvais pas juger son envie alors que moi même était assaillie par des sentiments contraires qu'il avait probablement ressenti, mais je pouvais au moins tenter de le raisonner s'il souhaitait conserver la confiance que Suna plaçait en lui et en chacun d'entre nous.

Je ne m’étais jamais vraiment posé la question. Mais y avait-il d’autres personnes comme moi ? Des personnes pour qui la haine était le seul chemin. Des personnes qui n’avaient plus d’espoirs en la vie et qui donc suivait une route de perdition et de souffrance. Des fantômes errants sur terre dans le seul but de demeurer vivant, de faire une quelconque différence dans la matrice. Non, je ne m’étais jamais posé ce genre de question. Je n’en avais pas besoin. A quoi pouvait bien me servir l’expérience des autres. J’étais déjà bien assez encombré de mon propre passé. J’avais suffisamment analysé mes actes et mes erreurs pour combler un livre de remords. Mais lorsque Yami se dressa dans la lumière, qu’elle m’intima de la suivre, qu’elle mentionna le village, les responsabilités que nous avions vis à vis de celui-ci et de notre devoir, sans le vouloir- je m’étais plu à y croire. Pendant quelques secondes alors je n’étais plus le terroriste. Je n’étais plus le traitre et je n’étais plus moi. Je m’étais laissé enrobé par mon mensonge et m’étais mis à croire moi-même à l’illusion que j’avais orchestré. J’étais devenu un shinobi de Suna, me battant pour ma patrie et pour sa sauvegarde.

Sans réfléchir plus longtemps, j’emboitais le pas à Yami pour sortir de mon dôme. Ce dernier commença d’ailleurs à se dématérialiser. Il retombait dans le sceau gigantesque imprimé sur le sol et finit par disparaître. Les civils aux alentours cessèrent de crier et de pleurer. Ils jetèrent bien un regard vers l’homme au sol qui s’était fait torturé mais aucun d’eux ne leva le petit doigt. Il me regardait, tétanisés par la peur. Ils craignaient que je n’abrège leur existence sur un caprice. Aussi ils évitaient de croiser mon regard et lorsque je tournai la tête pour les observer une dernière fois, il n’y en eut pas un qui osa me faire face. Je reportai donc mon attention sur notre captif. Mais alors que je lui pris le bras pour le trainer avec nous, un bruit sourd se fit entendre, tout près de nous. Je baissai la tête et constatai avec effroi que le torse de notre prisonnier venait de se faire transpercer par un objet en métal. A première vue une lance. Tournant la tête par instinct, je découvris l’origine de l’attaque. Un énorme trou dans la météorite laissait transparaitre à travers les ombres deux mains imposantes.

Sans mot dire je laissais le cadavre tomber sur le sol et Yami et moi, nous nous tournions pour faire face à cette nouvelle menace. L’instant d’après, nous assistâmes à une scène des plus impressionnantes. Un véritable golem sortit des profondeurs obscures de la météorite et se dressa dans la lumière. C’était une véritable montagne de muscle. Il n’avait pour vêtements qu’une simple ceinture et son crâne semblait lui-même issue de la pierre la plus dure du monde. N’ayant rien à voir avec le Goren que je connaissais, ce Golem là était véritablement terrifiant. D’instinct je dégainais ma lame de nouveau et me rapprochais de Yami.

« Il faut croire que les ennuis ne sont pas terminés. »

La créature –car il faut bien la distinguer de l’être humain ordinaire- sourit de ses dents carnassières. L’instant suivant, deux couches de roches, l’une venue du ciel et l’autre sortant de terre écrasèrent le groupe de civil qui n’avait pas bougé depuis. La marre de sang qui découla de ce sandwich humain avait déjà commencé à remplir le sable de sa couleur pourpre et nous n’avions même pas eu le temps de réagir.

« Je vais m’amuser… »

C’était terminé, le sunajin en moi avait de nouveau disparu. Je n’étais plus animé par cet élan patriotique et le besoin de protéger mes semblables ne m’animait plus. Je n’avais plus que l’ivresse du combat à l’esprit. Le monstre avait repris le dessus. N’ayant plus la contrainte de vies à préserver, je me lançais corps et âme dans une charge rapide vers mon adversaire. Il esquissa quant à lui un sourire et s’appuya sur le sol de l’un de ses bras. Je crus d’abord qu’il s’apprêtait à attaquer. Mais alors que mon coup aurait dû le pourfendre, il disparu de mon champ de vision. Sentant le mouvement d’air vers le haut, je levais la tête. Le bougre avait effectué un bond de plusieurs centaines de mètres en altitudes. Je m’apprêtais à recevoir le contre coup de sa descente mais alors qu’il tombait, une pierre à la vélocité incroyable le percuta en vol et, sembla-t-il, lui servit de monture aérienne. Le Golem s’effaça ensuite dans l’horizon, me laissant sur ma faim.

Je me tournai vers Yami, mes yeux étaient emplis d’une incompréhension des plus totale. Je constatais avec flagrance notre échec total. Nous n’avions pas pu ramener le chef du groupe de chercheurs et le dit groupe avait été massacré. Mais nous avions tout de même découvert quelque chose de particulièrement troublant.

« Qu’est ce que c’était que ça ?! »

J'étais parvenu à convaincre Yu de me suivre, ce qui m'ôtait un poids non négligeable. Nous quittions sans plus attendre son dôme qui finissait par disparaître, laissant les civils soulagés et rassurés. Je soupirais. Cette mission ne s'était pas passée comme prévue mais nous nous en sortions... Du moins c'était ce que je croyais... Notre prisonnier venait de se faire transpercer par une arme étrange. Le corps sans vie s'effondra au sol alors que la panique gagnait de nouveau les civils. Je tournais la tête dans la direction opposée d'où était arrivé le projectile et je vis une sorte de golem de pierre sortir de la météorite... Qu'est-ce qu c'était que ça ? Quel était ce monstre étrange sortie tout droit d'une pierre issue de l'espace ?! Etait-il une race démoniaque ? Une entité supérieure ? Aucune idée mais sa force était colossale !

Il n'eut aucun mal a écrasé l'amas agglutiné des civils sous nos yeux. L'écho des corps déchirés et des os broyés était tout bonnement abominable et pourtant, malgré cette vision d'horreur, je ne pouvais m'empêcher d'en ressentir du plaisir et du désir devant toute cette hémoglobine qui souillait désormais le sable chaud. Ma respiration se montrait plus rapide alors que je réprimais mon envie, me concentrant sur la chose de pierre sur laquelle Yu s'élançait seul. Javais peur qu'il ne subisse le même sort au vue de la puissance de ce monstre mais heureusement pour nous, dans un saut prodigieux, il usa d'un rocher comme moyen de transport pour s'éloigner rapidement de notre champ de vision.

Totalement décontenancés par la scène, nous nous observions un instant, surpris alors que Yu tentait d'éclairer sa propre lanterne.

« Je n'en ai pas la moindre idée... Tout ce que je sais c'est que c'est une menace et que nous ferions mieux d'essayer d'en apprendre plus... »

J'invoquais Crazy, mon chat messager, et lui donnait une missive pour le village qui comportait le rapport de cette mission, notre échec cuisant, le comportement de Shinji, et notre déplacement vers la zone où le Golem s'était rendu.

« En tant que membre du Kakumeigun il est de mon devoir d'aller enquêter sur cette chose. Tu viens avec moi ? »

Demandais-je à mon coéquipier en l'avisant d'un sourire malsain. Je sentais qu'il avait tout autant envie que moi de traquer cette chose et de la réduire au silence. Il nous faudrait faire preuve d'une extrême vigilance alors que nous avions pu observer de quoi il était capable. Je sortais l'arme du corps de notre suspect désormais mort, observant de plus près sa constitution étrange. Je la tendais dès lors a Yu qui avait l'air d'être un habitué des lames, peut-être en saurait-il plus.

« Nous devrions l'emmener avec nous dès fois que ce soit la seule chose qui puisse l'atteindre. »

Je m'approchais un instant devant le carnage, avisant les corps déchiquetés et leur fluide écarlate qui s'était fait absorbé par le sable ou séché par la chaleur. Mes iris luisaient d'intensité devant ce spectacle. Je n'avais pas le droit de ressentir cela : je le savais, mais je n'y pouvais rien. Je soupirais et me détournais à regret de la scène, rejoignant Yu tandis que nous nous rendions dans la direction qu'il avait emprunté depuis les cieux. Rien n'était garantie que nous retrouvions sa trace toutefois cette chose représentait une menace qu'il ne fallait pas négliger !

Nous étions tous les deux sous le choc. Il faut dire que ce n’était pas tous les jours qu’un golem de pierre sortait d’une météorite pour nous provoquer directement. Je m’étais rapproché de Yami et avait posé ouvertement la question qui nous tramait dans la tête : qu’est ce que c’était que ce monstre. Ma partenaire n’avait pas l’air plus avancée sur la question que moi. J’en conclu donc qu’il ne s’agissait pas d’un événement localement courant. Cela me rassurait quelque part, je n’avais jamais entendu parler d’hommes tombant du ciel dans le désert de Suna. Toujours était-il qu’il nous fallait prendre une décision. Rentrer au bercail et faire un rapport détaillé ou continuer la mission qui prenait donc une tournure inattendue ? Yami prit la décision pour nous deux. Nous avions déjà perdu Shinji, il était hors de question de rentrer au village avec un sentiment de défaite totale. D’un côté j’étais d’accord, de l’autre il me semblait urgent de rendre un rapport aux instances supérieures. Aussi Yami s’occupa-t-elle de ce dernier point en confiant à l’une de ses petites bêtes son rapport de mission. La manœuvre me fit légèrement sourire et me fit oublier quelques secondes que nous allions partir à la chasse aux monstres. L’excitation montait graduellement dans mon corps.

Yami se pencha sur le cadavre tout près de nous, celui de notre prisonnier. Elle en extirpa la lame et me la tendit. Elle avait dû remarquer que je maitrisais un peu mieux cet art qu’elle, aussi elle n’eut pas à poser de question ; je comprenais de moi-même qu’il me revenait la tâche d’analyser ce bout de métal. Sans grande difficulté, je pus remarquer que celle-ci était parfaitement équilibrée. Elle ne possédait cependant pas de manche ce qui me fit précédemment croire qu’il s’agissait d’une lance. Mais non, c’était juste une lame, sans être dotée de quelconque autre artifice. En l’examinant de plus près et en m’attardant sur les détails de sa structure, je pus cependant remarquer quelques grosses particularités :

« Cette lame n’est pas faite d’un alliage d’acier classique. Il y a des micro-grains de sable à l’intérieur. Mais pas le sable classique du désert, plutôt du basalte volcanique. Si tu veux mon avis, ça vient d’un volcan. Et je ne pense pas que ce soit une arme forgée… plutôt une création chakratique. »

Pendant quelques secondes j’avais repris le silence. Ma partenaire me demanda de conserver la lame, aussi je la plaçais dans un fourreau improvisé dans mon dos, en utilisant l’une des fonctions de mon corps qui était prévue à cet effet. Jetant un dernier regard à ma compagne qui se relevait et semblait perdue dans ses pensées, je décidais de rompre le silence une nouvelle fois, j’avais une information importante à communiquer.

« Si cette lame n’est pas issue d’un travail de forgeron ça ne peut vouloir dire qu’une seule chose : notre homme maitrise le fer et la roche basaltique, ou du moins sait l’utiliser. Il y a fort à parier que si c’est un combattant –ce que nous avons pu constater- il sera extrêmement puissant côté défense et sera enclin au combat au corps à corps, vu sa carrure de monstre. »

Je savais que mes explications n’étaient pas tombées dans l’oreille d’une sourde, néanmoins nous reprîmes la marche, axée vers la dernière position connue du golem de pierre. Il nous fallait maintenant retrouver sa trace et mes dons en sensorialité n’étaient pas extrêmement poussés dans ce nouveau corps. Je les poussais cependant autant qu’il m’était possible de le faire. Ainsi je retenais l’empreinte chakratique de mon adversaire et tentait de la faire coïncider avec notre axe de marche. Cependant nous lavions vu voler, nous étions donc certain de la direction première qu’il avait prise.

Nous marchâmes longtemps dans le silence. Il n’y avait rien dans ce fameux désert et tout ce que nous pouvions apercevoir en face de nous, vers l’horizon, c’était des dunes de sables. Des dunes à en perdre la vue. Mes yeux se portèrent un moment sur Yami et je ressentis le besoin de converser avec cette créature qui faisait tant d’efforts pour se contrôler.

« Si nous continuons dans cette direction, nous allons nous rapprocher du Lac Kaze… peut-être notre homme cherchait-il une source d’eau. »

Je marquais un temps de silence. C’était soit le lac soit le mon Kaze. L’un dans l’autre, ce serait un environnement différent. Tout ce que j’espérais, c’était que notre golem ne se soit pas habrité dans une grotte des montagnes ou nos recherches prendraient vraiment des heures.

« Sinon, je t’ai vu changer de couleur quand les civils se sont fais écraser. Et ce n’était pas de la peur dans tes yeux… »

Comme je m'y attendais, Yu parvenait à comprendre de quel alliage était faite la lame qui avait transpercé notre captif : de la roche volcanique selon lui. Si notre Golem était capable de façonner une telle arme chakratique c'était qu'il était encore plus redoutable qu'il ne nous l'avait laissé paraître et pourtant... Puissant au corps à corps et fortement résistant voilà ce qu'était notre ennemi.

« Je vois... Pour le coup je ne pourrais pas utiliser son sang contre lui mais je pourrais tout de même être en mesure de lui faire du tord à distance. Puisque tu as l'air d'être un combattant au corps à corps, je te laisserais t'occuper de lui pendant que je le martèlerais de ma position. Je pourrais aussi te soigner au besoin. Il va falloir nous montrer très prudent... »

Après quoi nous reprîmes notre marche, tachant de se rendre dans la direction qu'il avait prise. Si nous parvenions à nous rapprocher suffisamment de lui, mon Kuchoyose serait en mesure de détecté la position de son chakra. La marche était longue et harassante. Pourtant, nous devions économiser nos forces puisque nous allions avoir affaire à un ennemi coriace.

Yu m'avisait d'un regard insistant depuis quelques temps, tant et si bien que je détournais la tête vers lui pour savoir de quoi il retournait ais il se contentait de situer notre position. Il n'était pas impossible que le colosse se soit rapproché d'un point d'eau mais pourquoi faire ? Je doutais que cette chose tout droit sortie de l'espace avait besoin de boire... Les montagnes étaient déjà plus probables mais comment était-ce possible ?

« Lorsqu'il a pris la voie des airs, il avait l'air de savoir où il se dirigeait : il n'a pas hésité a choisir une direction. Est-ce que ça signifie qu'il est déjà venu ? Ou pire encore, que ses copains se trouvent déjà là... ? »

Si tel était le cas c'était une sacrément mauvaise nouvelle. Nous aurions du challenge à nous débarrasser de lui mais de plusieurs en même temps c'était carrément du suicide. Il nous faudrait rebrousser chemin pour en aviser le village et conduire une attaque si c'était ainsi. Je me terrais une nouvelle fois dans mon mutisme, me complaisant au silence alors que nous progressions toujours plus vers notre monstre. Toutefois, Yu y mettait bien vite un terme en annonçant l'inavouable. Non... ce n'était effectivement pas de la peur dans mon regard face à la mort de tout ces civils... de l'horreur oui mais pas seulement et surtout bien plus de plaisir que tout le reste... Je serrais le poing et détournait la tête un instant avant de me rendre à l'évidence : cela ne servait à rien de le nier. Je me détendis donc, observant le cyborg dans les yeux :

« En effet... Tu as pu assisté à la malédiction des Ketsueki... Je ne parviens même pas à me repentir de ce que je ressens face au sang versé et à la souffrance parce que... j'adore ça. »

A quoi bon feindre le contraire ? Cet état extatique qui m'assaillait face à l'affliction et ce désir irrépressible de goûter au fluide écarlate pour assouvir ma soif insatiable si délectable... J’exerçais aussi la médecine dans ce but : amoindrir mon attirance pour le sang et parvenir à m'en détacher et ne pas m'y focaliser mais c'était plus facile à dire qu'à faire.

« Pourquoi tu me demandes ça ? Cela t'étonnes tant que cela ? Ne t'avais-je pas dit que je faisais partie des monstres ? »

Ce n'était pas simplement ma maîtrise ou le nom de mon clan qui suscitait cet élan de méprise à travers la population. Nous avions beau être un clan noble et imperturbable, nous ne pouvions pas résister à l'appel du sang ou alors au prix de grands efforts et un supplice détestable.

Nous parvînmes finalement devant le lac de Kaze, un nouvel environnement s'offrait à nous, semblable à une oasis mais en beaucoup plus grand : un petit coin de paradis en somme. Méphisto analysait la zone mais m'affirmait qu'il n'y avait nulle présence de chakra ici... Nous n'étions pas plus avancés... Je soupirais tout en m'asseyant sur un gros rocher face à l'eau, y contemplant mon reflet. L'espace d'un instant, il m'avait sembler voir un mince filet écarlate se fondre totalement dans la mare aqueuse et je clignais même des yeux plusieurs fois pour être sure. Soudainement, un carmin bien plus prononcé suivait le léger courant de l'étendue d'eau et j'en avisais Yu avec un regard perplexe.

« Ce n'est pas du sang humain en tout cas. L'odeur est différente. Cela ressemble davantage à du sang animal mais la trace olfactive est effacée avec l'eau alors je n'en suis pas certaine... En tout cas, quoi que ce soit : c'est mort. »

Je ne pouvais m'empêcher d'adresser un léger sourire au Saibogu alors même qu'il n'était pas du tout propice aux circonstances. Je n'avais aucune idée si c'était l'autre de notre Golem mais cela semblait assez récent alors ce n'était pas exclus. Il nous fallait remonter le lit du cours d'eau pour tenter d'obtenir des informations.

La déclaration de Yami me laissait pantois. Je n’avais alors jamais rencontré de personnes particulièrement excitée par le sang. Bien sûr il y avait eu ces psychopathes qui aimaient torturer leurs semblables et tout le rituel du saignement faisait partie de leur jeu pervers. Mais de manière plus spécifique, je n’avais jamais connu de personne ayant une attirance profonde et incontrôlée pour ce liquide vermeil qui nous maintient en vie. Aussi je toisais Yami d’un regard rempli d’intérêt. Elle avait éveillé ma curiosité et je ne parvenais plus à me détacher de son visage. Or lorsqu’elle me demanda si cela me surprenait vraiment, je baissai les yeux d’un coup. Réfléchissant quelques secondes à la meilleure manière d’exprimer ce que j’avais en tête, je pris quelques secondes pour respirer tranquillement tandis que nous continuions à progresser dans le sable. Finalement j’expirai une dernière fois avant de lancer, presque de manière lassée et fatiguée :

« Il nous faut vivre avec nos fardeaux jusqu’au bout… »

Nous marchâmes encore longtemps avant d’arriver au lac Kaze. Dans un contraste parfait avec l’environnement aride qui l’entourait, il resplendissait de majesté. Aussi nous ne pûmes réprimer l’envie de nous rapprocher de l’eau. Yami se pencha au-dessus de celle-ci tandis que fidèle à mes sens, je tentais toujours de traquer le chakra de notre golem qui n’était visiblement pas présent. Soudain la voix de Yami vint me perturber dans mon exercice psychique et je tournai la tête avec curiosité. Elle avait découvert quelque chose. Dans l’eau se déplaçait en ondulation peu élégantes des filets rouges pourpres que nul n’aurait pu confondre avec quelque chose d’autre : c’était du sang. La jeune spécialiste s’empressa de me faire parvenir ses conclusions et, comme je l’avais fait avec la lame, elle partagea avec moi ses impressions. C’était vraisemblablement du sang animal, un animal mort récemment.

Je lançais un regard pensif vers Yami lorsque je me rendis compte que la jeune fille me souriait. Elle était soit heureuse de sa trouvaille, soit si excitée à la vue de ce mince filet vermeil qu’elle ne parvenait plus à camoufler sa candeur. Je ne lui tins pas rigueur de ce rictus inadapté à la situation. Je lui fis plutôt signe de me suivre tandis que je décidais de remonter le cour d’eau. Le lac trouvait sa source dans les grottes des montagnes adjacentes au mont Kaze, aussi il n’était pas aisé d’apprécier visuellement toute son intégralité. Et c’est en cherchant justement aux alentours de celui-ci que nous trouvâmes finalement l’un de ses points de versements. Le courant calme ruisselait de l’entrée d’une caverne dont l’obscurité ne cachait rien quant à sa profondeur. Jetant un regard sur ma gauche, puis sur ma droite, je conclu que cette excavation était la seule aux alentours et très certainement le meilleur endroit pour progresser dans nos recherches.

« La grotte là-bas, c’est surement de cet endroit que découle toute le lac. »

Lentement nous nous rapprochâmes et tout aussi lentement nous fîmes notre entrée dans la grotte. L’obscurité était aveuglante, handicapante. Tout en continuant de marcher donc, j’activais mon module de vision nocturne. Les ténèbres se firent alors aussi clairs que la lumière et je gardais un petit œil sur Yami pour m’assurer qu’elle demeurait bien derrière moi en permanence. Soudain, alors que nous progressions encore plus en profondeurs, mes sens aigüe de la détection captèrent quelque chose. Une masse énorme de chakra se déployait au fond de la grotte, à quelques centaines de mètres.

« Quelque chose se prépare ! Reste sur tes gardes. »

J’eus à peine le temps de terminer ma phrase qu’un cri viril et rauque jaillit des profondeurs de la caverne et qu’on commença à entendre des bruits de pas de course. Je ne savais que trop bien ce qui était en train de se passer, aussi je saisis Yami par la main et me mis à courir vers la sortie. Il nous fallait impérativement sortir de là au plus vite, il fallait se placer dans la lumière ou du moins dans un endroit en plein air où le combat ne serait pas réduit à une arène aussi restreinte.

« Cours, cours ! »

Mais c’était trop tard. Nous arrivâmes à l’entrée de la grotte et tout ce que nous trouvâmes était un amas de gravier et de rochers imposants. Le golem nous avait enfermé dans sa tanière et nous étions maintenant piégés, condamnés à nous battre. Les pas du monstre s’arrêtèrent alors que nous nous trouvions toujours en face du mur, ahuri par notre propre bêtise. Je tournai la tête et le vis, imposant et en colère.

« Vous être pas bienvenu ici. Moi tuer vous ! »

Le combat allait commencer. Je ne l’avais pas voulu mais au fond, je ne m’en plaignais pas plus que ça. Je chargeai une quantité importante dans mon corps ce qui eut pour effet d’allumer quelques lanternes sur mon corps, je croisai le regard avec mon golem.

« Tu peux toujours essayer, je n’y arrive pas moi-même ! »

Nous remontions tout deux le cours d'eau escarpé. A mesure que nous nous approchions le filet de sang se transformait en un flot bien plus important. J'ignorais si notre piste était bonne mais cela valait le coup d'essayer. Finalement, nos recherches nous menèrent à l'entrée d'une caverne où le lit du lac poursuivait son cheminement calmement. Si nous nous y aventurions il nous faudrait faire preuve de la plus grande vigilance : nous ne pouvions voir grande chose dans cette épaisse obscurité et il nous serait difficile de combattre dans un endroit aussi escarpé et rocheux... Quand on repensait à ce que ce Golem avait fait au civil en plein milieu du désert, nul doute que cette grotte pentue s'avérerait profitable pour lui...

Nous y pénétrâmes finalement. Méphisto était toujours camouflé devant moi et je savais qu'il avait activé sa vision nocturne tout comme Yu qui semblait en être capable. Je marchais donc a l'aveugle, cherchant simplement à me guider par le bruit de nos pas sans rien pouvoir anticiper : un comportement suicidaire en somme... Néanmoins je me laissais guider par mon coéquipier qui m'informait de rester sur mes gardes et Méphisto venait de me faire comprendre la même chose : ils avaient dû déceler la présence de chakra.

Soudain, un hurlement tonitruant se fit entendre et il y avait fort à parier que cette voix rocailleuse appartenait à notre envoyé de l'espace : il nous chargeait. Yu attrapa dès lors ma main et nous rebroussions chemin avec vélocité alors qu'il me sollicitait de courir toujours plus vite : nous n'avions pas l'avantage du terrain il nous fallait sortir pour espérer un affrontement plus équitable. Cependant, nous étions désormais emprisonnés dans la grotte, dos contre la paroi rocheuse qui avait auparavant fait office d'entrée : nous étions faits comme des rats si nous n'agissions pas et vite !

Le Golem s'arrêtait à notre hauteur, clamant que nous n'étions pas les bienvenus et qu'il voulait nous tuer. Je souriais face à sa remarque, la situation semblait bel et bien désespérée mais je ne mourrais pas si facilement... Yu avait l'air du même avis pour sa personne puisqu'il répliquait tout en se servant de son chakra pour illuminer son corps métallique et ne plus me laisser à l'aveugle. Je voyais donc notre imposant extra-terrestre visiblement très énervé et près à nous écrabouiller. Je touchais dès lors la roche imposante qui nous barrait la route vers la sortie, laissant ma paume diffuser mon chakra pour la fissurer et ainsi la fragiliser après quoi je dégainais ma faux a double lames, et envoyais une lame fuuton achever de la détruire. La roche se brisa par endroit, nous laissant aisément la possibilité de rejoindre l'extérieur alors que nous percevions de nouveau la lueur du soleil. Méphisto, joua de son effet de surprise pour apparaître devant le Golem pour le destabiliser de sa présence avant de cracher un jet de boue au sol qui ferait glisser notre ennemi pour nous faire gagner de précieuses secondes. Dans le même temps j'intimais Yu de me suivre :

« En arrière ! »

Lui disais-je tout en m'engouffrant dans la sortie pour retrouver un terrain plus propice à l'affrontement. Méphisto quant à lui, se camouflait de nouveau et poursuivait son ascension dans la grotte, il pourrait dès lors nous informer plus tard – si nous étions toujours en vie – de ce qu'il avait pu y trouver. Je savais qu'un combattant supplémentaire ne serait pas de trop et que plus nous serions, plus notre ennemi en serait déstabilisé. Je me mordais donc le pouce et apposait mon sang au sol tout en effectuant quelques mudras qui firent apparaître Hotep : mon chat bipède de la taille d'un homme. Si Yu semblait aguerrit au corps à corps, je pourrais attaquer cette chose à distance et de depuis deux positions différente puisque mon félidé se plaçait à mon opposé. Je pourrais également nous soigner au besoin. Mon sang virevoltait autour de moi dans un mince filet, se tenant prêt à fuser son notre ennemi.

L’intensité de mon regard se faisait plus intense. Mes yeux ne bougeaient pas d’un millimètre. La tension grimpait à la vitesse de la lumière et bientôt, mes muscles, tout autant que ceux de mon adversaire, se contractèrent violemment ; signant la dernière menace avant les réelles hostilités. Dans un élan puissant et rapide dû à une projection de mon corps par ma jambe droite je m’élançais vers mon adversaire. Lui se contenta de se placer en position défensive. Il devait surement conjecturer que je l’attaquerais avec mon sabre plutôt qu’à mains nue. Sans doute allait-il se contenter de solidifier tout son corps. Mais alors que j’arrivais à sa hauteur, je demeurai immobile en face de lui. Une seconde entière passa sans que ni l’un ni l’autre, nous ne bougions.

« C’est ton dernier jour ici. »

Les yeux de mon adversaire s’écarquillèrent encore plus qu’ils ne l’étaient déjà et ses bras, projetés vers l’arrière, allaient s’écraser contre moi dans une force herculéenne. Sentant cependant venir l’assaut, je chargeai une quantité astronomique de chakra dans mes jambes et passai derrière le golem en un instant éclair. Saisissant ses deux mains par les poignets, je m’appliquais à lui faire une béquille qui lui fit plier les genoux. Mon homme était dans les filets.

« Moi, pas aimer toi ! »

Je pensais l’avoir neutralisé. Cette affirmation ne comprenait cependant pas le risque que mon adversaire soit beaucoup plus puissant que ne le laissait penser dans un premier temps sa carrure de monstre. La force qu’il déploya était titanesque, proche de la catastrophe naturelle. Sans que je puisse savoir de quelle manière, il tira si fort sur ses bras que ceux-ci commençaient à prendre l’ascendant sur les miens. Dans un mouvement extrêmement puissant et dégoulinant d’énergie, il réussit à refermer ses bras violemment sur lui même, me faisant voler en avant. Fort heureusement, la sortie avait été débloquée par mon acolyte pendant l’affrontement et j’allais tomber dans le lac au-dehors. Néanmoins, je profitais de cet envoi en l’air inattendu pour me repositionner en position de réception sur mes jambes et tendre un bras vers mon adversaire.

« Prend toi ça ! »

De mon bras s’extirpa un canon de taille imposante. Un instant et la détonation éclata, laissant la balle s’enfoncer dans le corps de notre ami. Je passai quant à moi un peu plus loin sous l’effet de recul de mon attaque et me retrouvais au milieu de Yami et de son nouvel allié.

« Les choses vont se compliquer… »

Nous étions tous à l’extérieur, l’arène de combat prenait donc des proportions nouvelles et plus propices à notre style de combat. Néanmoins, et je le percevais parfaitement, notre adversaire était encore en état de se battre. Il était certes diminué mais aurait surement encore assez de chakra pour nous écraser s’il en avait envie et que nous n’opposions aucune résistance.

Je regardais l’entrée de la grotte avec une certaine fascination. Je me demandais ce qui allait en sortir. Le golem de pierre allait-il en sortir avec un bras en moins, le corps mutilé ? Ou est-ce qu’au contraire il allait ressortir indemne de notre échange de coup. C’était un pari risqué et véritablement intéressant. Car si j’avais pu me battre quelques secondes avec lui, je n’avais pas encore réussi à comprendre dans quoi se trouvait domaine se situait réellement sa force. Etait-ce dans le physique, le ninjutsu ou encore le fait de pouvoir se déplacer rapidement ? Soudain un pied énorme sortit de la pénombre, précurseur d’une carrure encore plus imposante. Le corps rempli d’hématomes et d’un trou, le golem suait à grosses gouttes. Tout d’un coup son côté mortellement menaçant avait perdu de sa superbe et il avait plus l’air d’un énorme monsieur qui tente désespérément de perdre du poids.

« J’ai besoin d’un instant pour l’attaquer, occupes toi de lui en attendant… »

Dis-je à Yami. En réalité, je souhaitais savoir comment elle allait se débrouiller dans ce genre de situation. Je voulais comprendre sa manière de se battre. Je voulais comprendre comment elle allait agir. Le système de réflexion des rayons s’activa alors sur mon corps bionique et d’une seconde à l’autre je disparu du domaine visible. Devenu aussi transparent que de l’eau, je m’appliquais à me déplacer sans le moindre bruit dans une zone moins propice à une attaque chargée de notre ennemi. De son côté, il leva les bras au ciel et nous intima d’une voix sanglante :

« Vous partir, ou moi tuer vous !"

En tout cas, une véritable danse funèbre allait prendre place sur cette nouvelle aire de combat. Aussi j’allais me trouver aux premières loges.

Yu était parvenu a loger une balle sur notre adversaire de pierre. Je pestais intérieurement. Cette chose ne devait pas avoir de sang et je ne pouvais donc pas tirer profit de mes capacités de clan : il ne ma restait que le ninjutsu à moi et mes kuchiyoses ainsi que la sensorialité pour eux... La situation s'annonçait périlleuse... Mon doton, aussi puissant pouvait-il être, ne me serait pas d'une grande utilité contre cette chose qui en était entièrement constitué : le fuuton restait ma meilleure arme... Néanmoins, à défaut de prendre le contrôle de son corps via son hémoglobine, je pouvais toujours l'atteindre avec la mienne.

Le Saibogu se retrouvait entre moi et Hotep et donc au centre de nous deux avec le Golem, fraîchement sorti de sa tanière. Yu était parvenu à l'atteindre et la bête semblait surprise de son état et de son trou imposant dans le corps : elle était déstabilisée. Cette vision me faisait afficher un sourire : il avait l'air nettement moins imposant tout à coup...

Yu me demandait un instant pendant lequel je devais l'occuper et mon regard témoignait de mon excitation à en découdre avec cette chose. Le Saibogu disparu du domaine visible même si je savais que mon chat senseur pourrait le détecter au besoin mais je ne le lui demandais pas car je parvenais à faire confiance au cyborg, signe que je l'appréciais bien.

J'avais désormais le champ libre et je comptais bien me défouler. D'un geste rapide, je m'entaillais les avants bras avec la bague à point que j'avais toujours au pouce, laissant mon sang s'écouler allègrement avant que je n'en prenne le contrôle, le faisant léviter puis tournoyer autour de moi dans de fins mais nombreux filaments écarlate. Pendant ce temps là, la grosse bute leva ses bras vers le ciel tout en nous ordonnant de partir sans quoi nous allions mourir.

« Désolé mais le seul qui va mourir aujourd'hui : c'est toi ! »

Lui disais-je avec une satisfaction non dissimulée.
Au même instant, Hotep concentra son chakra fuuton et envoya une lame d'air condensée à l'aide de sa patte qui fouetta le vide, toutes griffes dehors. Cette attaque provenait de son dos et s'il ne l'esquivait pas il n'en ressortirait pas indemne. Cette technique avait plus pour but de le focaliser sur mon chat une fraction de seconde suffisante pour relâcher ma technique et c'est ce qu'il ce passa. L'ouverture que m'avait permis mon félidé avait porté ses fruits, lorsque je relâchais brusquement mes filaments de sang tranchant sous la vitesse, il n'eut pas le temps de l'esquiver, se faisant entailler de toute part en tentant de se protéger avec ses bras de pierres dont il fut amputé. Il était tout en force physique mais ne possédait pas ma rapidité de réflexion : puisque la force brute me manquait, je savais saisir les opportunités qui s'offrait à moi.

Je ne voulais pas lui laisser de répit et je faisais bien puisque ses membres commençaient à repousser tandis que je grimaçais de hargne à cette vision. Hotep composa quelques signes pour modifier la structure du terrain face à lui et donc sous les pieds du Golem, des roches se craquelaient et ressortaient hors du sol d'une façon totalement irrégulière, pour gêner l'élémentaire. Je décochais pour ma part trois balles de mon sang imprégnées de fuuton qui fusèrent sur mon adversaire pour le trouer ici et là pour lui infliger des dégâts mineurs. Plus que pour le toucher, il possédait désormais mon sang sur lui et il ne s'attendait sûrement pas à ce que je fasse mouvoir se dernier pour sortir de ses blessures et remonter le long de son corps pour frapper d'un coup à hauteur de son visage, mon sang pénétrant dans ses yeux, sa bouche, son nez et ses oreilles.

Il était à notre merci et je savais que le Saibogu voudrait porter le coup de grâce : j'avais bien vu avec quelle défiance il avait toisé le Golem. Sans le voir je m'exprimais donc :

« Yu, vas y ! »

Nous venions à bout de l'imposante roche vivante. Même si c'est bras c'étaient tout juste reconstruit, je me doutais que de lui couper la tête lui serait fatal, comme pour nous tous. Il n'était finalement pas si différent de nous.

Spoiler:

Le Golem était finalement tombé après le coup net et précis de Yu. Sa tête tombait lourdement sur le sol sans aucune gerbe de sang comme si un simple rocher venait d'être découpé. Finalement, seule l'expression ahuri sur son visage pouvait nous rappeler que cette chose avait été vivante.

Le Saibogu m'observait, me demandant si j'avais la moindre idée de ce qu'il était venu faire ici mais je tournais la tête à gauche et à droite en signe de négation.

« Aucune idée. Il avait l'air de connaître l'endroit. Il n'est pas aisé de se diriger dans le désert lorsque l'on ne le connaît pas. Pourtant le Golem avait l'air de savoir où il allait, mon chat pourra peut-être nous apprendre un peu plus. »

J'observais l'entrée de l’excavation, attendant le retour de Méphisto qui tardait à revenir, craignant qu'un autre individu du genre se présente à nous. Lorsque je détournais la tête vers Yu pour lui parler, je remarquais qu'il n'était plus là. Je me redressais, cherchant aux alentours, ne comprenant pas où il était allé tandis que Hotep me pointait une direction : il l'avait vu partir. Je soupirais. Je n'avais aucune envie d'aller lui courir après, il savait ce qu'il avait à faire et j'imaginais que parfois lui aussi avait besoin de se retrouver seul avec lui même...

Finalement, Méphisto revenait tranquillement, l'air de rien, m'expliquant que la chose n'était pas la seule... Je sentais mon cœur manquer un battement à cette annonce mais il ajoutait que l'autre n'était pas dangereux, du moins pas encore... Je me rendais donc prudemment dans le fond de la grotte obscure jusqu'à sentir une sorte de boue visqueuse sous mes pieds. Je me raidissais instantanément avant que Méphisto et Hotep ne m'annonce qu'il n'y avait personne. Je ramassais ce qu'il me demandait, une sorte de gros caillou ovale assez lourd, et sortais à l'air libre. Ce que je voyais me stoppa net : j'avais entre les mains une sorte d’œuf, qui, j'imaginais, contenait un futur Golem. Je déglutissais. Si une telle chose pouvait être étudier et nous écouter, cela pourrait faire un grand plus pour le village que de le compter parmi ses défenses...

Là dessus, je glissais l'oeuf dans mon sac avec la ferme intention de le faire analysé et reprenais la route vers Suna, seule. Nous étions arrivés à trois et désormais je rentrais seule : quelle indélicatesse de la part de mes coéquipiers... Aujourd'hui, trop de gens étaient morts...

Spoiler: