Remodelé, transformé, complètement différent. Je n’étais plus l’homme que je pensais être. Devant le miroir, je découvrais une autre créature. Un être entre l’humain et la machine. Un être non plus de muscles et d’os mais de fils et de câbles. Mon corps tout entier semblait s’autoalimenter. Il était constamment en marche, même lorsque j’essayais de faire le vide dans mon esprit. Je pouvais sentir mon cœur battre sous les impulsions électriques. Je pouvais sentir mon sang blanc s’égrener dans les filaments de cuivre à travers les cavités creusées au tournevis. Même mon visage avait changé. J’avais demandé à Mitriya de me remettre mon ancien faciès, mais à son grand regret, il ne fut pas en mesure de le conserver. Il avait bien essayé, mais ce dernier avait subi l’effet de vieillissement accéléré qui se voulait secondaire à la rapidité de mon métabolisme. Mes cheveux étaient devenus blancs et ils tombaient sur mon crâne. Ma mâchoire quant à elle semblait se refermer sur un goût de métal. Tant de petites choses qui me rappelaient que plus rien ne serait plus comme avant. Tant de choses qui me remémoraient cette promesse que je m’étais faite à moi même. Celle de ne jamais perdre de vue mon objectif premier. C’était pour ça que je n’avais pas souhaité trouver le repos dans la mort, c’était pour ça que je choisissais le sentier de la douleur…

J’avais quitté le labo secret de Mitriya avec hâte. Ce dernier me fit comprendre qu’il était maintenant temps de me rendre à Suna et de commencer à réfléchir sur le comment je comptais m’y prendre pour rester en vie. Je lui demandai à mon tour s’il avait fait sa part du travail suite à quoi il se contenta de me sourire. Il me lança un accoutrement étrange et hop, j’étais parti. L’accoutrement consistait en un gros trench-coat et un foulard du désert. Je serais ainsi capable de cacher mon infirmité « humaine » avait-il même dit. Je devais beaucoup à cette espèce de cloporte mais il allait sans dire que dès que je serais sorti du village après l’accomplissement de mes plans, je me serais occupé de lui.

Longtemps je fis marche dans le désert. Je pus alors me rendre compte, comme au court des nombreuses fois où je l’avais traversé, que j’aimais énormément ce pays. J’appréciais ses vents et ses odeurs mais plus que tout, le sentiment de solitude extrême que l’on pouvait retrouver le soir dans le désert.

Malheureusement, je n’étais pas mort, ressuscité et partis de chez Mitriya dans le seul but d’admirer le paysage. J’avais une mission à accomplir et le premier obstacle allait très certainement ne pas tarder à arriver. Et j’avais bien raison de penser cela puisqu’à peine avais-je commencé à voir le village de Suna au loin que déjà je devinais des périmètres de sécurité intensifs. Inutile de dire que je fis ce que je pus pour passer inaperçu.

Dans un premier temps donc, je pris la longue route piétonne des voyageurs civils. Celle-ci, fortement fréquentée, me mena sans encombre jusque devant les imposantes murailles du village de Suna. J’eus alors à faire la queue longtemps avant d’être reçu par un fonctionnaire qui me demanda ce que je comptais trouvé à Suna. Je restais silencieux, ne sachant que dire.Ce dernier me toisa alors du regard et me demanda d’ouvrir mon vêtement. Il semblait qu’il avait vu à travers mon jeu. Je m’exécutais et ses yeux s’écarquillèrent. Je lui fis alors signe de la main de se calmer.

« Il n’y a pas de raison de paniquer. Envoyez simplement quelqu’un prévenir Satoshi Saibogu que je suis là, ce dernier s’occupera de vous expliquer qui je suis et de quoi cette affaire relève. »

Etrangement, le soldat fonctionnaire se montra bien coopératif, constatant que je ne représentais peut-être pas une menace. Je faisais ce qu'il fallait d'ailleurs pour me montrer diplomate. Il me demanda de passer à côté de la ligne et patienta avec moi tandis que l’un de ses sous-fifres s’étaient surement rendu quérir le chef du clan Saibogu. D’ailleurs, j’avais pensé à lui suite à ma petite conversation avec Mitriya. En effet, le vieux fou m’avait fait comprendre que je trouverais peut-être bien un allié dans le chef du clan.

Nous attendîmes ainsi longtemps jusqu’à ce que finalement…

Satoshi travaillait dans son bureau, face à son ordinateur. Des suites de chiffres et de lettres s'affichaient successivement sur l'écran sans qu'il n'eut à presser sur les innombrables touches de son clavier. Le vieil homme demeurait statique, les yeux rivés sur son travail tandis que les lignes de codes apparaissaient d'elles-même pour aussitôt disparaître, remplacées par d'autres. Il travaillait ainsi depuis le début de l'après-midi dans le but de mettre au point un programme qui lui permettrait d'accéder au code-source d'Atifiziel.

Malgré son intense concentration, il ne fut guère surpris que l'on vienne frapper à sa porte. Rien de ce qui se passait dans les quartiers des Saibogu ne lui était désormais étranger. Après l'avoir autorisé en entrer, le Shinobi se présenta avant d'expliquer la situation à Satoshi. Son visage ne laissait rien paraître, mais il était satisfait d'apprendre que son hôte était arrivé à destination. Aussi tendit-il un document autorisant le nouvel arrivant à pénétrer dans le village sous la condition qu'il vienne à sa rencontre. Le Shinobi parti comme il était venu pour aller donner son rapport.

Le chef posa un œil sur l'écran de son ordinateur qui s'éteignit aussitôt. Puis il attendit patiemment, les mains jointes posées sur son bureau. Il profitait de ce pseudo état de pause pour épier tout ce qui pouvait se passer dans le Kenkyuujo. Plus rien ne pouvait lui échapper. Aussi put-il voir arriver à l'avance cet homme revenu d'entre les morts. Ce dernier arriva finalement jusqu'au bureau du vénérable Saibogu qui l'invita à entrer. Les portes se refermèrent aussitôt derrière lui et les caméras surveillant en permanence la salle se désactivèrent. Satoshi ne tenait pas à perdre de temps dans les formalité pas plus que de jouer sur l'ironie somme toute satyrique de la situation. Il avait permit à cet homme-machine de rejoindre Suna dans un but précis. Un instant, ses yeux couleurs aciers toisèrent ceux du cyborg.

-Mitriya m'a parlé de vous. Je connais votre nom. Ceci étant la principale raison pour laquelle vous êtes ici. Dit-il d'une voix neutre.

Ce faisant, il tira d'un des nombreux tiroirs de son bureau une pile contenant une dizaine de documents qu'il « offrit » à l'ancien Nukenin.

-Votre nouvelle identités à été enregistrée dans la base de donnée de Suna. Vous êtes originaire du clan Saibogu, actuellement gradé Juunin et ayant récemment subit un incident vous obligeant à subir une lourde opération. Je présume qu'il est inutile de vous précisez qu'il vaut tout de même mieux que vous vous fassiez le plus discret possible.

Il lui laissa le temps de feuilleter les documents pour mieux se les approprier avant de reprendre la parole.

-Vous vous demandez sans doute à quoi rîmes tout ceci, mais sachez que vous n'en saurez guère davantage. Disons simplement que j'ai mes intérêts à vous avoir ici. Cependant, à partir de cet instant, veuillez considérer que tout ceci n'a jamais eut lieu. Je comptes sur votre expérience pour vous laissez parvenir vous-même à vos fins.

Ces desseins, en soit, il ne les connaissait guère. Satoshi pouvait seulement chercher à les anticiper, choses qu'il savait faire plus que jamais. Il avait décortiqué, calculé et analysé plusieurs centaines d'hypothèses. Et la majorité, selon le plus grand pourcentage de probabilité, ne pourrait jamais l'atteindre quoiqu'il en fut. A partir de cet instant, il savait, dès lors, qu'il pouvait laisser libre cours au Nukenin d'opérer par ses soins. Qu'il y parvienne ou non, qu'il survive ou non, cela n'avait plus grande importance car le chef avait déjà gagné.

-Soyez le bienvenu à Suna, Saibogu Yu.

L’attente fut longue mais j’eus finalement le droit de voir arrivé un nouveau messager. Celui-ci tendit un document à mon pseudo-geôlier et ce dernier écarquilla les yeux. Pour moi, cette réaction devait signifier soit ma perte soit mon salut. Il me semblait cependant qu’il s’agissait de la deuxième option. Mon garde se leva et je fis de même, il se plaça sur le côté de la porte et ouvrit celle-ci. Il me dit alors avec révérence qu’il était désolé de m’avoir ainsi fait attendre, que je connaissais surement ces troubles du métier. Sans me poser plus de questions donc, je fis un signe de la tête et m’engageai rapidement dans l’ouverture qu’il m’offrait. Là je suivis le messager Saibogu qui me mena à ce que je considérais être la demeure du clan. Nous montâmes quelques escaliers et j’arrivai finalement en face de la porte d’un bureau sur laquelle une plaque affichait le nom de Satochi Saibogu. J’hésitai quelques secondes à frapper mais mon accompagnateur, dans son grand sens des convenances, le fit à ma place et ouvrit la porte pour me laisser entrer.

Je m’exécutai et remarquai avec surprise que la salle était truffée d’éléments futuristes en parfait anachronisme avec le reste du village. Une fois passé le seuil de la porte, cette dernière se referma avec violence, me laissant seul avec le grand maitre des machines. Ce dernier avait d’ailleurs une carrure de chef et un faciès propice à ses fonctions. Je ne l’aurais pas imaginé différent. Je fis néanmoins avancer ma carcasse de robot jusque devant son bureau sans qu’il ne me le demande et me suis assis sur le siège en face du sien.

Le vieux bricoleur prit alors la parole. Il me rappela brièvement le pourquoi je me trouvais dans son bureau et le comment. Il savait qui j’étais. Il connaissait ma véritable identité. Derrière mon costume de machine, il y avait un nukenin recherché dans le monde entier et que tous croyaient mort. Le fait que ce dernier soit au courant confortait mes doutes sur la fiabilité de Mitriya et sur l’inévitabilité de son trépas futur. Mais je demeurais concentré sur ma conversation et pus remarquer que mon interlocuteur s’empressa de se saisir de quelques dossiers qu’il me tendit. Une profonde analyse de ma situation fictive actuelle s’en suivit et j’enregistrai avec sérieux les informations que mon nouvel ange gardien me procurait. J’étais donc revenu au grade de Jonnin et devrais soutenir l’histoire d’un membre du clan ayant subi un grave accident. Je feuilletais néanmoins les documents dans le silence, lisant en diagonal les rapports de médecins et de chirurgiens. Il était clair qu’il n’avait pas dû être aisé pour mon interlocuteur de préparer ma venue au village.

Je ne répondis rien à ce cadeau mais Satoshi, lui, se sentit obligé de m’expliquer davantage ce qu’il attendait de moi : rien du tout. Apparemment, il avait certain intérêt à m’avoir dans les environs. Aussi, je me contentais d’un signe de tête tandis qu’il m’énumérait une centième fois les closes de confidentialité de notre accord. Il devait me prendre pour un nukenin bavard. Après tout, j’avais bien fais parler de moi ces derniers temps. Je n’avais pas su rester discret et s’était la raison principale de mon trépas. Mais désormais, je l’avais décidé, je serais un chasseur qui chasse dans l’ombre.

Une formule de bienvenue… Je me levai, toujours dans le silence et fis un nouveau signe de tête. Je plongeai quelques secondes mon regard dans celui de l’imposante créature mâle en face de moi et je pris finalement un ton solennel.

« J’ai une dette, si un jour vous avez besoin de mes services, faites le moi savoir. Sur ce, nous ne nous sommes jamais vu… »

Je tournai les talons et pris le chemin de la porte. Celle-ci se déverrouilla juste avant mon passage et lorsque je sortis, je compris soudain que j’avais eu affaire au père d’une très bonne connaissance à moi. Je l’avais vu dans les derniers moments, lorsque nos regards se sont livrés une joute spirituel. Je m’arrêtai quelques secondes devant les portes closes pour réfléchir… Bienvenu qu’il avait dit. Je venais cependant d’entrer dans un nid rempli de serpents.