Replaçant sa capuche sur sa tête, Akihito sortit de chez lui pour se diriger vers le centre-ville. Depuis qu’il était arrivé au village caché du Sable, il n’avait plus besoin de se cacher, mais il avait encore du mal à supporter le climat local. Depuis l’arrivée de l’été, le Soleil ardent était devenu une véritable gêne pour le jeune homme, habitué au climat bien plus tempéré du pays de la Cascade. Heureusement pour lui, il n’avait pas l’intention de rester à l’extérieur bien longtemps puisqu’il se rendait dans une taverne. Il avait demandé à Akio de l’y rejoindre pour prendre un verre, mais surtout pour avoir une conversation importante.

Il avait décidé de faire cette rencontre à l’extérieur de chez lui parce qu’il voulait commencer à rencontrer les habitants de ce village qui les avaient accueillis, mais plus il marchait sous le Soleil, plus il se demandait si c’était vraiment une bonne idée. Il savait néanmoins qu’il allait finir par s’y habituer avec le temps, surtout si lui et son garde décidaient d’y rester pendant encore un moment. Akihito avait toujours été fasciné par les shinobis et même s’il n’allait pas l’avouer, vivre à Suna était bien plus passionnant que son ancienne vie. Évidement, cela comportait quelques défauts assez désagréables, il était habitué à la présence permanente de gardes autour de lui, mais l’attaque terroriste survenue plusieurs mois auparavant lui avait bien montré qu’il n’était en sécurité nulle part.

En entrant dans la taverne, il retira sa capuche et observa rapidement la salle avant de repérer une petite table de libre et de s’y installer. S’il était sociable et à l’aise avec des inconnus, il n’avait pas encore l’habitude de ce genre d’endroit. Son ancienne condition l’avait conduit à rester éloigné de ces établissements, pourtant il avait toujours apprécié boire un verre de temps à autre.

Après avoir appelé le serveur, Akihito commanda une bouteille de saké et deux verres. L’heure du rendez-vous approchait et il savait pertinemment que son garde ne le faisait jamais attendre. Cela ne l’empêcha tout de même pas de commencer à boire dès qu’il eut obtenu sa commande.

Akio soupira doucement et, sans répondre à l’esprit qui l’accompagnait, se dirigea calmement vers le lieu de rendez-vous. Le village se portait toujours aussi mal malgré tous les efforts liés à la reconstruction – du moins, c’était l’avis du jeune homme. Trop d’esprits perturbés persistaient, et chaque mort était une doléance supplémentaire que ses prières ne suffisaient pas à abroger. Rei et Sei, pour dire, ne retournaient même plus dans son collier, préférant amplement vivre autour de lui pour décourager tout esprit de trop s’approcher et de l’épuiser. C’était un fait : s’il était capable de ressentir leur présence et de les voir, c’est son Chakra qui leur permettait, sans rejoindre le monde des vivants, de reprendre la forme qu’ils avaient avant pour communiquer. Une tâche particulièrement éprouvante et qui n’aidait en rien sa calme convalescence. Une fois sur place, il entra et sans hésiter alla retrouver Akihito à sa table.

« Bonsoir, jeune Maître. »

Il ne s’était pas fait attendre. Kiara, de toute façon, gardait en permanence un œil sur le civil – c’était tout juste s’il y avait des choses qu’il ignorait sur lui. A leur simple rencontre, d’ailleurs, le corbeau perché sur l’épaule de son partenaire s’envola à toute vitesse avant de rejoindre son collier, se regroupant avec sa maîtresse. Dire que, même conscient de tout ce qu’il se passait dans le monde des esprits par le biais de son garde du corps, le noble était incapable de les percevoir… C’était mieux ainsi. Tenu à l’écart d’un monde dangereux, il ne risquait pas grand-chose après tout – tout comme enfermé dans le cocon qu’était censé être Kaze. Echec.

D’un pas gracile, le Mamoru s’installa en face de son comparse et, sans même demander formellement, se servit un verre de Saké à son tour. S’il y avait un deuxième verre, c’était bien pour lui après tout – bien qu’il ne comptait pas réellement boire. Du haut de ses vingt-huit ans, tenir l’alcool n’a jamais été son fort, qui plus est dans l’état de fatigue permanent dans lequel était son corps. Bientôt, et il se le disait chaque jour, bientôt il serait en mesure de récupérer une partie de sa force d’antan. Sa faiblesse était un sur-risque à la limite du dangereux pour son Maître. Une chose dont il se serait volontairement passé.

« Vous finirez dans un bien sale état si vous continuez de boire en attendant vos invités. Quoi qu’il en soit, quel bon vent vous fait préférer ce cadre… Spécifique à chez nous ? »

Tandis qu'il portait son verre à ses lèvres, Akihito aperçut son garde arriver. Celui-ci se dirigea immédiatement vers son maître. Il le salua alors, non sans le qualifier de jeune, ce qui ne passa pas inaperçu dans l'esprit du Ishikawa.

- Bonsoir Akihito, assieds-toi, je t'en prie.

Comme il l'aurait fait avec un vieil ami, le garde s'éxecuta avant de se servir également à boire. Même si cela ne respectait pas les conventions auxquelles Akihito étaient habituées, cela ne le dérangeait pas vraiment, après tout, le genin était hiérarchiquement au-dessus de lui dans le village de Suna. L'idée de devoir intervertir sa place avec la sienne lui semblait assez drôle, mais le fait que son ancienne position ne voulait plus rien dire ne le faisait aucunement sourire.

- Ne m'appelle plus ''jeune maitre'', maintenant que mon père est mort, je suis le représentant de la famille Ishikawa, le seul. De nombreuses obligations m'incombent désormais et je ne peux plus permettre qu'on m'appelle ainsi, surtout pas mon garde, même si je ne doute pas du respect que tu as pour moi.

D'un ton sérieux et intransigeant, il devint immédiatement plus jovial, montrant ainsi que sa demande n'était en rien un reproche envers Akio.

- Boire est devenu l'une de mes rares activités depuis quelques temps, tu ne vas pas me l'enlever quand même !

Akihito termina sa phrase avec un léger rire, probablement dû aux effets de l'alcool qui commençaient à se faire sentir. Il n'y avait rien de vraiment drôle dans cette situation, Akihito buvait trop souvent depuis son arrivée à Suna et il le savait.

- Si je t'ai demandé de venir, c'est parce que j'en ai marre de rester chez moi. Cela commence à faire un moment que je planifie mon retour, j'attendais juste que tu sois en état de me protéger, puisque je suis incapable de rester hors de danger. C'est juste dommage que je me décide enfin au début de l'été, avec cette température infernale.

Cela faisait de longs mois qu'il séjournait dans ce village où il ne connaissait personne, il avait essayé à plusieurs reprises de récolter des informations sur les membres de sa famille survivants.

- Et puis, je voulais te l'annoncer autour d'un verre, puisqu'il faut bien le célébrer. J'ai retrouvé l'endroit où vit ma famille à Kaze. Il faudra traverser le pays, mais une fois là-bas, ils devraient normalement pouvoir m'aider. Qu'est-ce que tu en penses ? Tu m'accompagnes ?

Pour lui, il ne s'agissait que d'une question réthorique, puisqu'il ne doutait absolument pas de lui, il était persuadé qu'il le suivrait jusqu'au bout du monde s'il le lui demandait.

Le regard baissé pour éviter de croiser celui de son Jeune Maître, Akio écouta calmement les réprimandes de ce dernier. Ne plus l’appeler « jeune »… Son ton avait beau être amical, ne montrant en rien de remontrances, mais le Mamoru savait bien que sur lui, l’effet serait le même. Il hocha discrètement la tête, se promettant qu’il ferait l’effort d’obéir à cette requête – c’était à ça qu’il servait, de toute façon. Obéir. Pourtant… Accepter n’était pas quelque chose qu’il faisait de plein gré cette fois-ci. Le qualificatif de jeune, outre la position familiale d’Akihito, était rapidement devenu pour le brun une appellation qu’il considérait comme affectueuse. C’était… La marque de tout l’attachement innocent qu’il portait à l’Homme aux cheveux blancs. Quelque chose de candide mais qui lui réchauffait le cœur meurtri de la souffrance des morts de ce pays. Fermant les yeux, le médium nia de la tête à la question rhétorique de l’Ishikawa. Il n’était rien ni personne pour prendre quoi que ce soit à son propriétaire, se permettant tout juste de faire la remarque dans le souci de la santé de ce dernier. Voyager. Aller à Kaze. Akio écoutait d’une oreille seulement la suite des monologues, suivant du regard de façon presque systématique les mouvements d’un homme qui se leva et pris leur direction. Etait-ce une menace, dans cet endroit ?!

« J’irais où vous irez. »

D’un geste discret de la tête, il attira l’attention du précédent sur l’homme – coupant court à son élan loquace. De façon presque systématique, sa main droite se porta sur le Katana au niveau de sa taille. Akio était prêt à dégainer sans la moindre réflexion et, fusse l’envie d’Akihito, trancher la gorge de l’arrivant. Tuer n’était pas une passion. C’était de la souffrance inutile qu’il infligeait à un autre être humain et, surtout, une autre âme. Pourtant, et ça a toujours été une règle, il n’aurait pas une seconde d’hésitation à le faire si c’était requis pour s’assurer de la sécurité de SON civil. Combien de fois avait-il mis sa vie en jeu pour ce dernier ? Beaucoup trop. C’était ce qui justifiait son état actuel et malgré les remarques de son Maître, il ne savait que trop bien que ce dernier ne lui en voulait pas. Non, le Mamoru était le seul à porter le fardeau de sa culpabilité, se flagellant mentalement à chaque fois que son regard osait accepter ne serait-ce qu’une partie de l’homme blanc. A ce stade, ce n’était plus de la simple obéissance – une vérité qu’il refusait ouvertement de s’avouer.

Sans la moindre réaction, Akio écouta les dires de l’arrivant. C’était d’une impolitesse inconcevable que d’arriver ainsi dans les discours d’autrui, mais il n’affichait en parallèle aucune intention belliqueuse – du moins, c’était l’impression qu’il donnait. Sans quitter de sa main le manche de sa lame, le brun continua de fixer le Jeune Maître dans les yeux. Un mot était suffisant. Le moindre signe même : l’arrivant serait un homme mort.