Deux mois complets ont suivit mon entretient avec l’équipe du Shukai, avec cette Samui Yuki à leur tête. Deux longs mois, que m’avait conseillée la demoiselle, et ce n’était pas du flan. Les problèmes qui s’y passèrent peu après cette balade à Mizu no Kuni fut nettement trop important pour leur permettre d’accueillir des touristes.
J’attendis donc, trainant avec les Kaguya rescapés un petit moment avant de rentrer au Shoraizen. Est-ce que je faisais vraiment bien de courir ainsi après le passé de mon clan ? Après mon propre passé, tout compte fait. Est-ce que ce ne serait pas justement une mauvaise idée ? Comme quand on désire terriblement quelque chose, sur le coup, et puis le temps passe et finalement on est très bien sans.

Non, il le fallait, autrement tout ça n’aurait servit absolument à rien.
C’est donc un bon moment plus tard, huit semaines ou cinquante-six jours environ, que je partis à nouveau de Yu no Kuni. Hey mine de rien, on voyage beaucoup avec eux. Avec ma nouvelle famille. Parce que oui, ça l’est. Fini la solitude, à présent j’ai des amis, des frères, deux sœurs même si on n’a aucun lien de sang, quoi que, concernant Eden ce n’est pas tout à fait vrai. Hey j’ai même une petite amie ! C’est magnifique non ? Bon y a toujours des problèmes, des chamailleries plus ou moins violentes, comme quand je me suis retrouvée avec tous les os de mon corps brisés. Génial nan ? J’en veux d’ailleurs toujours au responsable, m’enfin nous ne sommes pas là pour discuter de ça.

Le temps de prendre un petit sac de change, puis de louer un moyen de transport au petit village civil du coin, et voilà que j’étais à nouveau sur les routes. Mélée aux voyageurs les plus ordinaires, j’avais tout de même pris soin de porter une sorte de cape qui faisait office de manteau aussi, afin ressembler un minimum à une villageoise classique. Tout ce qui a de plus banale. Ça ne servirait à rien d’attirer l’attention plus que le gamin d’en-face. Punaise mais qu’est-ce qu’il braille ! C’est quand qu’on arrive ? Je veux faire pipi. Je veux ma sucette ! Maman j’ai faim …
Il mériterait juste une bonne paire de claque ! Heureusement qu’à la ville suivante il descendit. J’enchainai ainsi une bonne quinzaine d’escale, à changer à chaque fois de transport, de payer à nouveau. Tout ça pour arriver au Shozaichi. Tiens j’avais jamais fais gaffe, mais Shozaichi, Shoraizen, c’est vachement proche phonétiquement parlant.

Enfin bref, j’arrivai ainsi après une bonne petite marche jusqu’aux portes du bastion du Shukai. Et je peux vous le dire, c’est vachement impressionnant. Faire croire que je n’avais ni peur, ni le traque serait un gros mensonge. Inspirant profondément, je m’avançai d’un pas et me racla la gorge une seconde.

« Bonjour à vous ! Je m’appelle Milly Kaguya et je souhaiterais m’entretenir avec un certain Shio Kaguya, s’il vous plait ! » Hurlai-je en regardant le sommet de la double-porte.

Je préférais ne pas la toucher. Vous imaginez, s’ils l’ont piéger avec de l’acide ou je ne sais quoi. Non, avec une dizaine de mètres entre le marbre et mes pieds, c’était très bien. Et surtout, ne pas faire de mouvement brusque, ne pas montrer d’agressivité.

Des cauchemars, les mêmes angoisses durant toutes ces nuits, les mêmes remords incessants. L'impression d'avoir fait le mauvais choix en enfermant Aoji', l'impression d'avoir cassé à tout jamais quelque chose, comme une blessure qui ne se renferme jamais. Et c'était désormais le revers de la médaille, il était temps pour lui désormais de payer de ses erreurs d'antan. Et ces nuits de douleurs, à se réveiller dans des draps trempés par la peur, n'étaient que le début. Lors du réveil c'était les remords cette fois-ci qui prenait place, sans cesse tourmenter par des souvenirs, cette lame qui lui avait planté dans le corps, ce dernier combat, comme un suicide de la part de son ancienne camarade. C'était beaucoup de charge sur ces épaules, beaucoup de douleurs, si bien qu'il ne savait plus comment y remédier, il avait tout essayé et même l'alcool n'y faisait rien. Désormais, il ne lui restait plus qu'à souffrir en silence, ne laissant rien apparaître sur ce faciès fatigué par les combats, marqué par les défaites et les victoires. Shio se sentait perdu dans un monde qu'il ne connaissait plus, tout ses repères avaient disparu et maintenant il se sentait bien seul face à une jeunesse qui ne cessait de monter en puissance. Un jour ils le renverseraient et il sentait de plus en plus ce moment venir, si bien qu'il comptait les jours avant sa mort. Ou alors il lui faudrait déjouer les pièges de ses ennemis, avoir un coup d'avance sur ces derniers, mais cela ne se ferait pas sans mal et sans donner de sa personne. Le Kaguya était totalement perdu et même dans ses songes il ne semblait retrouver son chemin.

On vint alors le chercher dans son bureau, il s'agissait d'un garde de l'alliance plutôt frêle, il osa à peine toquer. Pourtant notre protagoniste était très calme depuis son retour, sa réputation d'homme violent pouvait être remise en doute. Les crises et les colères c'étaient terminées. Ordonnant d'entrer, l'homme lui fit part d'une urgence aux portes. On le demandait et le nom qui retentit juste après parût comme une explosion aux oreilles de notre homme "Kaguya Milly". Ce nom ne lui disait rien et pourtant il avait côtoyé de nombreuses familles Kaguya du fait de son ancienne place au sein du clan. Alors comment cela pouvait-il être possible. Shio s'empressa alors de réunir quelques affaires et quitta son bureau dans la précipitation, maintenant direction les portes du village. Pas besoin d'escorte cela pourrait être mal pris par son invité et autant dire qu'il était préférable de ne pas l'affoler. Même s'il espérait que celle-ci ne soit pas violente, il n'avait pas envie de se heurter à un affrontement une fois de plus, surtout avec une personne de son clan. Arrivant sur place alors au bout de quelques minutes il était devant les portes, au sein de l'alliance, derrière celle-ci se trouvait la fameuse jeune femme. Il regarda les gardes et d'une voix grave et ferme prit la parole, le général donnait les ordres :

- Qu'on ouvre la porte, je me charge de notre invité !!

Ils s’exécutèrent aussitôt, pas question de réfuter les ordres d'un Capitaine. Dans un grand grincement les portes s'ouvrirent alors. Il y avait de l'excitation, des questions, des doutes dans l'esprit de notre homme. Pourtant il sentait que cette rencontre pouvait lui être bénéfique, retrouver les siens était important pour lui. Une femme apparut alors devant lui, typiquement Kaguya au vu de son accoutrement ce qui contrastait avec celui de Shio. Plutôt habillé entre le moine et le Samuraï, sa camarade quand à elle faisait guerrière. Elle s'approcha alors et il fit de même, une fois devant cette dernière il la salua puis commença à prendre la parole. Il était plutôt doux et calme, loin de lui l'envie de faire peur. Et de toute façon faire peur à un Kaguya n'était pas une chose facile alors à une femme. Surtout les femmes de ce clan, il l'avait bien vu avec Aoji', elles n'ont peur de rien.

- Milly je suppose ? Il paraît que tu désirais me rencontrer ? Pour commencer je suis heureux de retrouver une membre de mon clan. Je suppose que nous avons tout un tas de choses à nous raconter, que dirais-tu d'une taverne et d'une bonne bouteille ?

Pour être franc, il voulait être dans un lieu avec du bruit, le brouhaha couvrirait la conversation entre les deux Kaguya. Surtout si échange d'informations il y avait, ici les murs ont des oreilles et personne ne sait comment les boucher. Maintenant c'était à elle de choisir la suite des évènements, il se pourrait que les deux protagonistes apprennent énormément l'un de l'autre ...

Il ne fallut pas attendre bien longtemps pour que ça bouge en face. Dans un grondement de cliquetis puissant, les portes de l’enceinte pivotèrent leurs mécaniques et un homme apparut dans l’entrebâillement. Grand, musclé, l’air sombre avec ses cheveux bruns et son visage qui n’a pas l’air d’afficher bien souvent le moindre sourire. Un pur militaire en somme. S’approchant, il se présenta bien comme étant la personne désirée. Curieux, j’aurais plutôt crue qu’il m’aurait fallut prouver quelque chose avant de satisfaire mes caprices. Bon, n’avançons pas trop de conclusion hâtive.
Il était heureux de retrouver un membre de son clan, et proposait d’aller discuter dans une taverne. L’observant attentivement, je cherchais dans un premier à savoir si je risquais quelque chose. Il fait quand même une tête de plus que moi, et je peux mettre mes deux bras dans un seul des siens. Ça a de quoi impressionner. Le mec, s’il me colle une tarte je me relève pas quoi. Mais bon, au ton qu’il emploie il n’a pas l’air méchant. Un style vestimentaire à mi-chemin entre samouraï et moine bouddhiste, pas franchement l’allure d’un combattant non plus.
J’haussai les épaules en souriant :

« Pourquoi pas. On sera certainement assit plutôt que debout. Et puis il me semble avoir vu un établissement qui fait bar dans la dernière ville, là-bas. »

D’un mouvement de tête j’indiquai la direction et commençai la marche. Pourtant, tout le long je ne pus m’empêcher de l’observer, de la tête aux pied. Vous savez, comme les nourrissons qui découvrent le monde avec leurs grands yeux noirs … Enfin ça c’est quand ils ne braillent pas, ni ne pleurnichent. Et puis les miens ne sont pas noirs mais bleus. Mauvais exemple. Oubliez, je passe juste de longues secondes à l’observer, jusqu’à ce que ma conscience me le fasse remarquer.

« Excuse-moi, c’est juste qu’on dit tellement de mal sur le Shukai que je n’aurais jamais crue possible qu’un Kaguya comme moi y soit. Ça fait longtemps que tu es ici ? Je veux dire, dans cette organisation. »

Je cherchais mes mots, il ne fallait pas que ce soit trop agressif non plus, je suis ici pour avoir des informations, pas pour donner des coups de boule.

« En fait, c’est pas pour des prunes que je viens jusqu’ici depuis Mizu no Kuni. Non, c’est une certaine Yuki, du clan Samui. Ça te dit certainement quelque chose. C’est elle qui m’a mit sur la voie et m’a proposée de venir voir par moi-même. Je cherches des informations, le passé de notre propre clan. Selon elle, c’est le Shukai qui a récupérer tout ce qui nous appartenait. S’il y a eu vol ou quoi, je ne sais pas. Mais du coup, avant de vouloir récupérer tout ça, je souhaitais en apprendre plus sur notre famille commune, et puis tant qu’à faire sur le Shukai aussi … »

Je marquai une nouvelle pause, nous n’étions plus qu’à mi-chemin de la plus proche ville et sa taverne. Il faisait beau, il faisait … heu … pas très chaud, mais c’est certainement le climat local qui veut ça. Comparé à Suna et son désert, ou même l’archipel de ce qui reste de Kiri, ça n’a rien à voir.

« Voilà, du coup est-ce que tu accepterais de m’aider un petit peu ? On n’a qu’à mettre ça sur le plan de la famille. »

Doucement ils se mirent alors en marche, une certaine hésitation peut-être chez la jeune femme qui mit un temps avant d'emboiter le pas. En même temps pouvaient-ils vraiment avoir confiance l'un envers l'autre ? Ça impossible de le savoir, il se contenta ainsi de marcher et de l'écouter quand celle-ci se mit à parler. Elle désirait dans un premier temps savoir depuis combien de temps notre homme se trouvait au sein de cette alliance. Si elle savait ... Même lui ne comptait plus les jours, les mois, ainsi que les années. Le temps défilait et laissait sa patte sur le faciès du Kaguya, c'était comme se laisser bercer par une douce brise. Il eut comme une absence l'espace d'un instant, il se rappela son arrivée au sein du Shûkaï, les efforts qu'il avait du faire. Le tour du monde que ce dernier avait fait pour recruter des gros bras dès le début, Kakeshuou, Kamejiro, Yuki. C'était tout un beau monde qu'il avait rameuté, mais la plupart maintenant lui parlait à peine. C'était de la faute du samouraï certes, ces absences n'avaient jamais joué en sa faveur et il n'oubliait pas pour autant qui restait ses amis. Ils n'étaient plus très loin de la taverne quand la jeune Milly prit la parole, cette fois elle était plus précise et dévoilait enfin ses motivations, ce qui fit sourire notre homme. Avant de lui répondre il l'invita alors à pénétrer dans le bar. C'était le moment de boire et de discuter de tout ça.

Shio était pensif. La jeune femme en demandait beaucoup en fait c'était surtout le fait qu'elle pense déjà repartir avec les documents sur les Kaguya. Si ces derniers étaient ici, ce n'était pas pour rien. Notre homme les voulait près de lui, en sécurité alors pourquoi les donner au premier confrère venu. Et puis les documents étaient plus en sécurité ici. Il était important pour lui d'en savoir plus surtout qu'il n'avait rien à gagner en retour ce qui le chiffonnait. Ainsi au bout de quelques secondes et en reprenant ses esprits il prit place sur une table au hasard et invita Milly à faire de même. Au bout de quelques instants un serveur s'approcha et une bouteille de saké fût commandée. Notre homme se contentait d'observer la jeune femme l'espace d'un instant, cet aspect plutôt dur du fait de son masque, les cheveux dorés qu'elle possédait ainsi que son accoutrement. Une vrai guerrière, mais pourquoi faire surface maintenant. Ah oui apparemment elle venait de la part de Yuki, elle ne pouvait pas tenir sa langue un peu celle là ? D'ailleurs ça faisait un moment qu'il n'avait pas eut de nouvelles de cette dernière, il serait peut-être bon de lui rendre visite un de ces quatre, après tout, ils étaient amis. Shio se décida au bout de quelques instants à prendre la parole, il était temps de négocier :

- Pour répondre à ton premier questionnement, je suis ici depuis la création du Shûkaï et je fus le premier Capitaine de cette alliance, m'occupant essentiellement de l'armée.

Il marqua une légère pause dans son récit, Shio fixa alors la jeune femme droit dans les yeux. Son faciès se fit plus grave et mêmes ses sourcils se froncèrent, en bref il était comme agacé. La suite s'annonçait un peu plus rude à entendre, du moins pour la jeune femme. Et que quelqu'un ose prétendre qu'il avait tort :

- Sur le plan de la famille hein ? Mais dis moi, toi qui sort de nulle part au bout de tant d'années. Où était ma famille lors de la destruction de Kiri, quand Aoji' et moi nous battions contre Tenzô ou ce qu'il en restait. Quand notre beau village se faisait mettre en ruine ! Dis moi où était ma famille quand j'étais seul à vagabonder et à chercher un logis, où était-elle quand je fondais de mes propres mains toute cette alliance. Je n'ai vu personne durant toute ces années et toi tu penses pouvoir débarquer comme cela et récupérer les documents de notre clan, alors que je me suis occupé de les garder en sécurité. Toi qui est de ma famille, dis moi qu'est-ce que j'y gagne ?

Prenant la bouteille de saké qui venait d'être apportée à la table, il servit deux verres à la fin de son discours comme si de rien n'était. Il savait très bien qu'il avait fait mouche et ce qu'il avait dit était vrai. Néanmoins, il ne pouvait se permettre de terminer sur de telles paroles, Shio n'avait même pas apporté d'information sur son clan et encore moins sur l'histoire du Shûkaï. Mais, l'alcool l'aiderait surement à informer la jeune femme, après tout le breuvage ferait parler n'importe quel muet. Au bout de quelques secondes, le Capitaine reprit la parole, comme s'il s'était relaxé avec sa boisson :

- Que veux-tu savoir des Kaguya ? Si ce n'est que nous ne sommes plus que l'ombre de nous même. Je me demande où le reste de nos frères sont passés, qui restent-ils ? Jadis nous étions exemplaires, faisant parti des meilleurs guerriers de Kiri, nous n'avions peur de rien. Mais ... Notre orgueil, notre envie d'être les meilleurs nous a dépasser, nous nous sommes perdus si bien que désormais il n'y a plus aucune cohésion. J'ai rencontré il y a quelques mois une Kaguya, Eden qui se trouvait être ma nièce, alors vois-tu si depuis tout ce temps je n'ai pas eu de ses nouvelles, je ne vois pas comment recontacter tout notre clan. Enfin bref, dis moi ce que tu souhaites savoir et j'y répondrai, mais pour le moment tu n'auras pas les documents, j'en suis désolé.

Prenant son verre il le finit cul sec. Le brouhaha les entoure, mais un certains silence semble s'installer à leur table. Milly comprendrait-elle les propros de Shio ? Les retrouvailles entre les deux Kaguya commençaient fort ...

Le mot famille était de trop … L’homme ne répondit pour le moment pas, préférant d’abord entrer dans l’établissement ciblé et s’assoir à une table. Moi en face, et le serveur qui me dévisage. Il veut quoi, ma photo ? Hum ça pourrait être mal vu non. Je rétractai mon masque osseux qui cachait la moitié de mon visage et lui sourit de toutes mes dents. Il sembla comprendre le message dissimulé et fila sans un mot. Je reportai mon regard sur Shio, il annonça qu’il était dans cette alliance des pays neutres depuis sa création. Ça fait un bail donc. Capitaine des armées du Shukai également, comme l’avait dit Yuki. Bon au moins je suis sur que c’est le bon type. La suite du discours fut bien plus sombre, presque agressive. Ça se voyait rien qu’à son visage. Sourcils froncés et tout ce qui fait un homme renfrogner, avant même que les mots sortent. Bien sur quand ce fut le cas, j’eus presque l’impression de me faire engueuler. Presque.

Comme Yuki l’avait fait avant lui, il m’accusait – moi et le reste des Kaguya – de ne pas avoir aider à sauver Kiri lors du cataclysme qui ne laissa que des ruines une fois calmé. Un soupire que je ne cachais pas le moins du monde s’échappa de mes lèvres face à tout ça. Fallait se faire une raison, ce n’est pas le premier à me sortir ça, et ce ne sera certainement pas le dernier. Le regard vague, fixé sur lui sans pour autant faire attention à lui, le menton couché dans une paume, elle-même au bout d’un avant-bras dont le coude est nonchalant posé sur la table. Réaction type de la personne qui s’ennuie mais qui reste tout de même, par politesse.
Le militaire termina en demandant ce qu’il avait à y gagner.

« Rien du tout. Si ce n’est de savoir que tu n’es plus tout seul. Et ça va, pas la peine de me faire la morale. Yuki me l’a déjà faite avant toi … Tiens tu veux savoir ? Pendant la guerre qui a détruit Kiri, moi j’étais planquée dans la forêt de Mizu no Kuni. Et ce n’était pas mon choix. Ma mère est morte dans ce combat, et je l’aurais été aussi si je n’avais ne serait-ce que montrer le bout de mon nez … J’étais qu’une gamine à l’époque. Bon d’accord ça date pas énormément non plus m’enfin en deux ou trois ans, les choses changent, et les gens aussi. »

Je me tue quand le serveur apporta un bouteille de saké, que Shio s’empressa de prendre pour nous servir. Là il demanda ce que je voulais savoir sur les Kaguya, expliquant après coup ce que je savais déjà. Qu’on n’était quasiment éteint, qu’on était tous perdu. Il parlait ensuite d’une nièce nommée Eden, et termina en précisant que pour le moment je n’aurais pas les documents, avant d’avaler cul-sec son verre. Le mien je ne le touchai pas. L’alcool n’a jamais été franchement mon truc.

« Non, non … » Fis-je en secouant négativement la tête. « … il vaut mieux qu’ils ne sortent pas du Shukai, à l’heure actuelle je n’ai nulle part où les mettre en sureté donc pas la peine de tenter le diable. Ce que je veux savoir sur notre famille, c’est son passé. Tout bêtement. Je voudrais reformer le clan, redresser les Kaguya. Beaucoup ont déjà répondu à l’appel. Nous sommes une bonne cinquantaine, mais pour le moment il ne s’agit que de familles déchirées et fatiguées de se cacher, ou de types qui ont tout perdu déjà et qui pourraient partir faire une très grosse connerie pour pas grand-chose. »

Comme aux ruines de Kiri, c’est extrêmement difficile d’expliquer son problème sans trop donner d’info mais assez pour convaincre. En plus je suis assez douée pour faire des gaffes …

« En plus nous n’avons plus aucun chef pour nous guider, alors il fallait bien que quelqu’un se bouge. Et ce quelqu’un c’est moi. Sauf que je suis encore très peu au fait de notre propre histoire. Et c’est là que tu interviendrais. Avec ton aide on pourrait se redresser, redevenir les puissants Kaguya d’autrefois, et plus seulement des fantômes. » Je marquai une pause, histoire de bien appuyer mes dires. « Donc oui, y a pas grand-chose à gagner, à part une famille reconstituée. »

C'était compliqué. Et Shio ne savait pas vraiment quoi dire. Depuis la disparition de la plupart des Kaguya il avait prit la tête du clan de manière indirecte. Pourquoi le terme employée était indirecte ? Et bien ... Il avait les documents du clan, il était surement l'un des plus expérimentés et personne n'avait cherché par le passé à vouloir prendre sa "place". Sauf qu'aujourd'hui, cette Milly venait tout remettre en question et apportait avec elle tout un tas de bordel dans la tête de notre protagoniste. Pour être franc, il avait une envie folle de lui faire comprendre qu'il prenait la tête des Kaguya. Mais, si chacun des deux êtres présents ici partageaient le même objectif il allait être très difficile pour eux de trouver une entente. En tout cas pour le moment cela s'annonçait dès plus complexe. Se servant un autre verre, Shio n'avait pas peur du regard de la jeune femme sur sa consommation d'alcool, lui avait tout un tas de visages à oublier et parfois le breuvage restait le seul remède. Lâche certains diront, lassé de tout cela était l'expression la plus adaptée. Il porta son regard sur la jeune femme une fois de plus, sa cause était noble tout comme sa motivation, mais il y avait tant d'incohérences. Tu ne peux pas te pointer devant un aîné et lui faire part de ton envie de diriger le clan, il y à des règles très précises, des traditions à respecter. Le Capitaine porta alors le verre sur ses lèvres, il était en pleine réflexion sur les propos de la jeune femme.

Sous un tel brouhaha les paroles semblaient plus douces et les mots sonnaient mieux dans les oreilles. Du moins c'est ce que pensa Shio l'espace d'un instant, mais une chose était sûre, la petite ne manquait pas de courage. Elle avait du cran, néanmoins le Kaguya ne pouvait pas la laisser diriger de la sorte, elle avait tant à apprendre. Notre homme marqua soudainement une pause dans sa boisson, il était temps pour lui de reprendre les négociations, en tout cas c'est de ce qu'avait l'air l'échange. Ah oui, aussi. La jeune femme ne souhaitait pas les documents, elle désirait simplement des informations ce qui arrangeait tout le monde. Mais ... Elle ne devait pas tout apprendre d'un seul coup et notre protagoniste commençait à voir germer plusieurs idées en tête. Un plan se mit alors en place dans sa tête, cependant pour cela il allait avoir besoin de cette jeune femme et de son envie de se surpasser. Maintenant c'était à lui de proposer quelque chose, lui aussi allait pouvoir mener l'échange comme le souhaitait le faire la jeune fille. Une idée peut-être folle, peut-être stupide, mais à y réfléchir tout de même après tout. Il allait donc reprendre point par point la conversation, c'était normal après tout.

- Désolé pour ta mère, mais la perte de proches se fait de plus en plus fréquente dans ce monde, cela ne me choque plus. Plus rien ne me surprend, moi aussi j'ai perdu les miens ...

L'absence reprit alors le dessus et l'espace de quelques instants il se mit à penser à autre chose. Aoji', il voyait son visage, ce n'était plus celui de Milly face à lui, mais son ancien amour. Shio percevait chacun de ses traits, ses cheveux tombant sur ses épaules, la forme de ses lèvres, ses yeux si particuliers. Il se perdait à la rêverie d'un fantôme, un spectre qui ne cessait de le hanter jour et nuit. Reprenant peu à peu ses esprits le visage d'Aoji disparut laissant place à une plus dure réalité et le faciès de la jeune femme au masque :

- Donc c'est toi qui veut diriger ? Toi qui ne connais pas le passé de notre clan, qui ne l'a pas connu à son apogée, qui ne connaît même pas les plus grandes familles de celui-ci ainsi que les règles qui le compose ? C'est toi qui te présente devant moi et souhaite toutes les informations du clan pour diriger ? Tu penses pouvoir gérer tout un clan parce que tu l'as décidé ? Il faut de l'expérience pour ça, le sens du combat et de la diplomatie et avant tout connaître parfaitement la "famille".

Il soupira juste après cette prise de parole, comme dépité de la situation. C'était vraiment n'importe quoi, néanmoins et même s'il ne laissait rien paraître il appréciait la démarche de la jeune femme qui semblait motivée et prête à se battre pour son clan. Et c'était ce qu'il recherchait, autre point à soulever il ne pouvait pas se permettre de la refouler de cette manière sinon la jeune femme se sentirait offensée et ce n'était pas le but recherché. Prenant une gorgée, comme pour préparer la suite - c'était un vilain tic chez lui- il reprit d'une voix calme, pas besoin de se mettre en colère. Il était temps d'aborder un autre faciès et peut-être de faire naître l'espoir, mais tout cela s'annonçait compliqué :

- J'ai donc une proposition à te faire, laisse moi prendre la tête du clan pendant un an. Pendant cette année je t'apprendrai tout ce que tu dois savoir sur les Kaguya, nous nous entraînerons sans cesse, réunirons les nôtres. Je sais que cela ne t'enchante pas, tu souhaites prendre les rennes tout de suite, mais crois moi, je peux t'être d'une grande aide et t'apprendre énormément. Ensuite je passerai le flambeau, le clan a besoin d'une jeunesse comme toi pour reprendre de l'éclat, mais cela ne peut se faire sans un apprentissage nécessaire... Qu'en penses-tu ?

Ploc, ce fut le bruit du verre résonnant contre la table. Une fois de plus il était vide et la descente de notre protagoniste n'était pas une légende. Observant Milly dans les yeux, son regard se faisait perçant, allait-elle agir comme quelqu'un de censé ou non. Shio sembla alors demander quelque chose au serveur et une boisson non alcoolisée, ainsi que deux assiettes fraîchement garnies en riz et viande, furent apportées à la table.

Je le regardai boire à nouveau. Est-ce qu’il est au courant qu’il passe pour un alcoolique ? Probablement pas, ou alors il s’en fiche complètement, c’est possible aussi. Mon verre à moi, il est toujours intact, posé devant, sage. Puis Shio s’excusa pour ma mère et en profita pour annoncer qu’il avait également perdu les siens. Ouais comme il dit, c’est pas si courant dans ce monde d’avoir toujours ses deux parents. Regardez, mon père à moi, il est sans doute toujours envie mais où ? Ça c’est une très bonne question, il s’est tiré comme un lâche y a des années, et depuis, plus aucunes nouvelles.

« Donc c'est toi qui veut diriger ? » Reprit l’homme après une courte pause. « Toi qui ne connais pas le passé de notre clan, qui ne l'a pas connu à son apogée, qui ne connaît même pas les plus grandes familles de celui-ci ainsi que les règles qui le compose ? C'est toi qui te présente devant moi et souhaite toutes les informations du clan pour diriger ? Tu penses pouvoir gérer tout un clan parce que tu l'as décidé ? Il faut de l'expérience pour ça, le sens du combat et de la diplomatie et avant tout connaître parfaitement la "famille".

- Je l’entend très bien. » Approuvai-je avec un mouvement de tête. « Et je ne pense pas être non plus prête pour prendre la tête du clan … c’est trop tôt. Ce qui s’est passé à Kiri, face à Yuki et son équipe l’a très bien démontrer. »

C’est vrai qu’à ce moment-là, j’y allais vraiment avec les tripes, le culot, rien de plus. De toute manière je ne pouvais jouer que ça. C’est comme au poker quand tu fais tapis, tu pris pour avoir une meilleure main que la personne d’en-face. Pareil, du pile ou face, ça passe ou ça casse. Appeler ça comme vous voulez.
Pensive sur ce point de mon comportement, de ma façon d’aborder les problèmes, le regard fixé sur la surface du saké dans mon verre. C’est vraiment Kaguya en fait. Brutal, on rentre dans le tas et ensuite on voit. On frappe puis on pose les questions. Ça doit être dans les gènes, certainement. Boh, j’ai jamais vraiment été très féminine de toute manière, très loin des petits princesses qui pleurnichent sitôt qu’elles se cassent un ongle … Moi je bute des sangliers à main nue ! Oui monsieur ! Parfaitement ! Et c’est l’estomac qui est content après.

Notre homme du Shukai proposa alors une alternative. Il prendrait la tête du clan pendant un an, année durant laquelle il me servirait de prof et nous réunirons notre famille. Et ensuite il passera la main. Mmh, je pense pas que ça se passe seulement dans les bouquins l’histoire du type qui a tous les pouvoirs en attendant l’héritier, et qui finalement le garde plutôt faire ce qui était prévu. Il faudrait la jouer fine, stratégique … Punaise c’est Tsubaki qui est douée dans ce domaine, pas moi ! Mince, que faire ?
Je lui fis signe d’attendre un moment, il en profita pour prendre une autre commande au serveur. Je me grattai machinalement le front, à la recherche d’une solution appropriée. Voyons voir, je n’ai aucun moyen de savoir s’il ment ou non. Il pourrait tout à fait me la jouer à l’envers. Mais d’un autre côté j’ai besoin de lui ; de lui et de ses infos. Et puis il faut faire attention aussi à cette pouffe Kaguya, avec son sabre. Elle aussi elle pourrait vouloir le poste. Sauf que si ça arrive, nulle doute qu’il y aura beaucoup de perte dans nos rang déjà très amoindrit … Elle avait parler d’une élève aussi. Ça fait beaucoup de monde, tout compte fait.

Le serveur apporta une boisson sans alcool et deux assiettes de riz et viande. Je le remerciai d’un sourire, le regard passant sans discontinuer de Shio, à la bouteille, au repas posé devant moi, puis à mon verre toujours remplit de saké.

« En ce qui me concerne … » dis-je, pensant à voix haute sans trop y faire attention. « C’est clair que c’est trop tôt, je n’ai pas les épaules pour tenir tout un clan, j’ai déjà du mal à me tenir moi-même alors bon … Mais il y a d’autres candidats derrière. Et pas des plus tendres … » Je relevai les yeux sur l’homme. « Nous avons fait une réunion de tous les Kaguya il y a peu, dans le but de regrouper le plus de membre possible. Nous voulions prendre Mizu no Kuni et en faire notre terre d’accueil. Tu n’as pas reçu la lettre ? » Une courte pause de silence suivit. « Je suppose que non, sinon ta tête me reviendrait. Si tu avais vue dans quel état notre clan se trouve … Pas le moindre foyer, nombreux meurent d’une maladie que je ne comprend pas, une partie du reste survie face à la famine et les autres veulent juste que tout s’arrête, quitte à aller attaquer un kage. »

C’était plutôt dramatique dit comme ça, et pourtant c’était bien ça. J’excluais au passage toute présence de Goren dans le lot, au cas où lui et mister Rouflaquette auraient des différends.

« Du coup on a cruellement besoin d’un leader, quelqu’un qui sache gérer des troupes. Mais d’un autre côté, j’ai besoin de toi aussi comme enseignant et tout le bazar. Du coup … heu … quel serait tes projets pour le clan ? Tes priorités. En fonction de ta réponse, j’accepterai ta proposition ou non. »

Les dés étaient jetés. Je clôturai cela en prenant une bouchée de riz, rapidement suivit par un morceau de ce qui ressemblait à des émincés de poulet au curry. Pas mauvais du tout. Je le remerciai d’ailleurs pour le repas en remuant les mains, la bouche étant pleine et c’est terriblement malpolie de parler la bouche pleine.

C'était ça une discussion entre deux Kaguya, de la négociation, des rebondissements. Et un bon repas pour consolider les os de chacun ! Quoi que pour notre homme cela n'était plus vraiment utile depuis la perte de ses pouvoirs, il était désormais contraint de faire confiance à ses lames et non à son propre corps. Au début alors la jeune femme commença à comprendre le discours de Shio, elle semblait même en accord avec ses propos. C'était déjà un bon point et instantanément notre protagoniste commença à bien l'écouter, elle avait attiré toute son attention. En fait il attendait la suite avec impatience, il était prit d'une excitation étrange. Mais, il tenta tout de même de le dissimuler sur son faciès, ainsi cette expression fut transcrites par un sourcil qui se lève. - Pourquoi avoir fait si compliqué dans cette phrase, bref - C'est ainsi que la jeune reprit son discours face à un Shio captivé. C'est alors qu'elle parla d'une réunion, une lettre qui fût envoyée, sauf que Shio n'avait même pas été prévenu. Hmm, après tout qui savait qu'il était là. Il y avait là en fait un manque de communication entre le clan et notre homme. Il semblerait que lui aussi eut quelques problèmes, notamment de santé qui ne lui permettaient pas d'être présent. Mais ça, sa famille ne le savait pas.
Se concentrant sur chacune des paroles de la jeune femme notre protagoniste semblait dès plus intéressés par ses propos. Il ne cessait de dévorer son plat tout en regardant la Kaguya, ne souhaitant ainsi pas perdre une minute de son discours. C'est ainsi que la jeune femme proposa alors à Shio de dévoiler ses plans, elle plaçait ses pions comme on dit. Notre homme resta calme et réfléchit l'espace d'un instant, il était temps pour lui de faire attention avant de parler, car désormais il était plus qu'écouté. Le Kaguya regarde autour de lui avant de prendre la parole, aucune personnes des informations n'étaient présentes dans ce bar, sinon il l'aurait reconnu et mis à pied. Parfois il était important pour un capitaine d'avoir des discussions sans une oreille pour la retransmettre à Homura ou Kakeshuou. Reprenant ses esprits il observait la jeune femme qui semblait attendre une réponse de la part de notre protagoniste. C'est alors que celui-ci lui fit un sourire, ce dernier sincère et il avait enfin trouvé les mots pour répondre à Milly :

- Des projets ? Je pense que la première action à mener est la réunification de notre clan. Mizu est notre terre certes,à voir si nous pourrions y rétablir notre clan. C'est fortement possible, cependant il faudra être très vigilant, de nombreux dangers rôdent sur ces terres.

Il prit alors une pause dans son récit, pour cause il n'avait plus de saké dans sa bouteille. Faisant signe au serveur celui-ci s'empressa de ramener une bouteille au Capitaine, qui d'ailleurs encaissait plutôt bien les nombreux verres qui se succédaient. Il reprit alors son discours d'une voix un peu plus solennel, on sentait tout de même son expérience de dirigeant dans ses propos :

- Par la suite, le but sera de se faire entendre, que le nom de notre clan fasse trembler nos adversaires. Les Kaguya étaient les guerriers les plus féroces leur de la brume sanglante, il est de redonner vie à notre titre ! Pour cela nous allons devoir nous déplacer de village en village, proposer nos services contre des Ryôs, des informations. Tout ce qui nous permettra de nous reconstruire. Et une fois que nous serons prêt ... Nous nous occuperons de Mizu no Kuni, ce qui nous revient de droit !

Une flamme semblait briller dans ses yeux, ses paroles comptaient énormément pour lui et c'était sur qu'il ferait tout pour y arriver. Maintenant il restait à voir si la jeune allait rejoindre ses propos, en tout cas c'est ce qui paraissait le plus adapté pour notre homme. Continuant à regarder Milly dans les yeux, il voulait voir la même flamme dans ses pupilles ! Plus rien ne comptait autour de lui si ce n'est le faciès de la Kaguya. Même la bouteille, qui ne désirait qu'être vidée, n'avait plus son rôle principal dans la scène, c'était la jeune femme qui allait décider de la suite. Ce n'était pas fini, avant de lui laisser la parole il reprit une dernière fois, la main tendue vers la jeune femme, c'était important désormais :

- Alors es-tu prête à apprendre comment diriger ? Es-tu prête pour un nouvel avenir ?

Place maintenant à Milly, elle allait reprendre la discussion et ses propos détermineraient presque la suite pour le clan. Tout allait si vite désormais, Shio allait avoir un peu plus de responsabilités sur ses épaules. Aujourd'hui il se sentait prêt à transmettre, ce n'était pas ça le but de tout Shinobis ?

Le Kaguya observa les alentours, comme pour vérifier que personne ne nous écouterait, puis sourit. Attention, l’instant révélation arrive ! Les deux oreilles bien ouvertes, toute l’attention portée sur notre homme tout en muscle.

« Des projets ? » Commença-t-il. « Je pense que la première action à mener est la réunification de notre clan. Mizu est notre terre certes, à voir si nous pourrions y rétablir notre clan. C'est fortement possible, cependant il faudra être très vigilant, de nombreux dangers rôdent sur ces terres.

- Ouaip. » Argumentai-je juste après avoir terminer le contenu de ma fourchette. « Je le sais, j’y ai vécue plus de vingt ans. Je connais l’archipel dans ses moindres détails et je t’assure que pour nous autres kaguya, les plus grands dangers ne viennent pas de la faune mais des autres ninjas. »

C’est vrai quoi, un sanglier ça fait pas si mal. Faut juste bien encaisser le premier coup, après c’est du gâteau, héhé.
Le serveur, sous la demande de Shio, apporta rapidement une seconde bouteille de saké. Dingue, j’avais même pas vu la première se finir. Est-ce que c’est bien de laisser les rennes du clan à un alcoolique ? Probablement que non. Mais il a un bon dossier et puis on sent dans sa voix qu’il sait gérer des troupes, contrairement à moi. J’écoutai avec attention la suite de ses projets, après un énième verre. Tiens je servis également de quoi me déshydrater, mais uniquement sans alcool.
Il souhait faire comprendre au monde que notre clan était de retour, qu’il revenait conquérir son titre de guerrier les plus féroces de Mizu no Kuni. Je n’approuvais pas franchement cette idée. Faire parler de nous, ça reviendrait à annoncer qu’on est capable de se défendre, et c’est très loin d’être le cas. J’eus un petit pincement aux lèvres mais la suite fut bien mieux. Il proposait de faire des petits boulots qui amasser suffisamment d’argent et d’information, pour enfin pouvoir s’installer officiellement sur notre terre d’accueil. J’approuvai d’un mouvement de tête, tout en terminant mon assiette. On sentait bien qu’il pensait ce qu’il disait. Ses yeux ne lâchaient pas les miens, c’était limite oppressant mais bon, rien de méchant non plus. C’est pas comme si je subissais un interrogatoire pour telle ou telle mauvaise action.

Pour finir il me tendis la main et demanda si j’étais prête à le suivre, à suivre son enseignement, à suivre l’avenir du clan selon lui. J’hésitai une longue seconde, le regard un coup sur sa poigne, un coup sur son visage. Puis finalement j’acceptai l’accord, sourire aux lèvres. Cependant je serrai les doigts, plutôt que simplement attraper et relâcher. Je voulais mettre au clair quelques points :

« Ça marche, mais je voudrais deux corrections dans ton projet d’avenir. D’une, tu ralentis sur l’alcool. Avoir un poivrot comme chef, ça la fout mal. Et ensuite, pas question de gueuler sur tous les toits que le clan est de retour sur la scène. Ça pourrait réveiller et attirer toute sorte d’ennemi, et on n’est pas en position de se défendre pour le moment. » Un nouveau sourire accompagna mes dires. « Bon retour dans la famille, chef. »

Puis je me servis un nouveau verre de cette boisson inconnue et sans alcool, franchement pas mauvaise. Sans doute un breuvage typique d’ici. Un petit goût d’agrume en tout genre, bien que l’orange semble dominer. Une couleur aussi jaune qu’un citron bien mur. Une bonne dizaine de glaçon. Une chouette découverte gastronomique.

« Bien. Hum, comment je dois t’appeler du coup ? Chef ? Professeur ? Shio ? C’est bien la première fois que j’aurais droit à un tuteur. Enfin, quelqu’un d’autre que ma mère. Du coup je demande … Et pour le Shukai, les données du clan, on fait quoi ? Parce que je ne fais pas du tout partie de cette organisation, je ne compte pas la rejoindre. »

Elle serra sa main, ce qui constituait un grand acte pour notre homme. Le début d'une relation de confiance et d'apprentissage l'un envers l'autre, il accompagna alors cette poignée de main d'un sourire sincère. Malgré que quelques secondes plus tard la jeune utilisa la force pour le retenir un peu avant qu'il retire sa main. Elle lui fit ainsi comprendre que sa consommation d'alcool allait devoir diminué. Pour ça, cela ne devrait pas être trop difficile, quand notre homme est occupé il met un peu de côté la boisson. La suite par contre il n'allait pas avoir le choix de se plier cette requête, Milly ne souhaitant pas que le clan se mette en avant de la scène, ce n'était pas plus mal pour la sécurité des Kaguya. Néanmoins Shio ne cessait de croire qu'il aurait largement pu les protéger enfin bref, il devait veiller tout de même à ne pas être trop confient tout de même. Il prit alors sa bouteille à la main, elle était à demi-pleine, il fit croire à la jeune Kaguya qu'il allait se servir, tout cela avec un air d'abruti. Quand venu le moment fatal il se ravisa et la jeta loin au fond de la pièce, celle-ci percutant un ivrogne qui faisait un peu trop de bruit. Il avait eut sa cible qui s'était écroulé dans un fracas, quelques visages se tournèrent, certains sourirent même. Hypocrites.

- Arrêter de boire ça me va, note ça aussi, leçon n°1 : Tu ne laisses jamais le débordement prendre la place sur le calme. Tu contrôles toujours tout, ça t'aidera pour le respect ça.

Le conseil pouvait alors paraître banal et pourtant il était bien réel. C'était une dès leçon primordiale en tant que chef, il fallait savoir se faire respecter et garder le contrôle sur les siens. Une foule attentive c'était toujours mieux et si personne ne vous écoute n'allez pas qu'un croire que quelqu'un ira tendre l'oreille a nouveau. Shio se leva alors et se dirigea vers le bar, il était temps pour lui de régler l'addition ce qu'il fit sans se presser et offrit le repas à la jeune femme. Ce n'était pas par galanterie, mais elle était son invité au sein de cette alliance et puis elle venait de loin après tout pouvoir ce simple Kaguya. Elle demanda ainsi par la suite comment ils allaient faire pour les documents et tout le reste. Notre homme eut envie de sourire, mais il se retenu. Il s'approcha alors de son oreille, ce qu'il allait dire devait se faire dans le silence le plus total, personne ne devait savoir ce qu'il se tramait. Shio avança d'un pas se retrouvant vers la nuque de la jeune femme, il glissa quelques mots :

- Attend moi aux portes dans trois jours, soit là un peu après le midi. Pour la position, tu trouveras un lac un peu à l'ouest à quelques minutes, après la sortie. Sois présente, j'aurai tout les documents, il est temps pour nous d'entamer une nouvelle ère. Un air frais de jeunesse va souffler sur le clan !

Ils se dirigèrent vers la sortie de l'auberge, il était temps pour notre protagoniste de la ramener aux portes du village. Ainsi ils passèrent par le centre ville et il se fichait complètement d'être vue en sa compagnie, personne ne pouvait lui reprocher quoi que ce soit ici. Le regard plutôt évasif, Shio semblait dans ses pensées et non des moindres. Il réfléchissait à comment la Kaguya pouvait l'appeler, une fois arrivée devant les portes et au moment de la quitter il prit la parole, la voix était amicale :

- Shio-senseï sera largement suffisant, tu es d'accord ?

Attendant sa réponse, il espérait que cette jeune femme l'attendrait bien dans quelques jours, même si il ne le savait pas elle avait le clan entre ses mains et ses choix allaient être décisif pour certains membres du clan.

Les yeux dans les yeux, j’attendis sa réponse. Il prenait son temps. Je le vis prendre la bouteille, faire mine de se servir et finalement la reposer. A non, il la jeta tout bêtement à travers la salle, sur le crâne d’un alcoolique inconnu, ce dernier s’écroulant au sol sous la force du choc. Pourquoi ? Aucune idée. Il parait que les hommes ont ce tic depuis la naissance, casser quelque chose ou faire étalage de la violence, même gratuite. Shio n’échappait donc pas à la règle. Espérons qu’il se retienne tout de même devant les autres. Ça pourrait déclencher de sacrées bagarres, et entre Kaguya les dégâts risquent d’être particulièrement sérieux.
Il reprit la parole après son méfait, comme si de rien n’était, accepta chacune de mes conditions et rajouta même une réplique qui sonnait comme un conseil terriblement sage, que je ne compris donc pas le moins du monde. Cela ne m’empêcha pas d’hocher la tête, acquiesçant intelligemment, même si ce n’était pas le cas. Puis il se leva et alla payer l’addition au bar. Le temps qu’il revienne j’avais avaler un nouveau quignon de pain. Je lui souris le plus proprement possible pour le remercier, c'est-à-dire sans montrer les dents. Bah ouais, sinon vous en faites quoi de toutes les miettes hein ?
Lui par contre il sourit, et même s’approcha de mon oreille gauche y glisser quelques mots :

« Attend moi aux portes dans trois jours, sois là un peu après le midi. Pour la position, tu trouveras un lac un peu à l'ouest à quelques minutes, après la sortie. Sois présente, j'aurai tout les documents, il est temps pour nous d'entamer une nouvelle ère. Un air frais de jeunesse va souffler sur le clan ! »

J’acquiesçai d’un mouvement de tête et nous sortîmes sans plus de commentaire. Je me posais tout de même quelques questions. Sa réplique ressemblait beaucoup à une mutinerie. Une petite révolution. Jamais je n’aurais crue ça, je venais simplement pour discuter et me renseigner, et me voilà avec un nouveau Kaguya sur les bras. Avec les documents du clan, certes, mais tout de même !
Oh mince ! Si Yuki apprend ça - et elle le saura certainement - elle va très certainement m’accuser, me détester, et tout ce qui va avec. Ce serait tout à fait logique vu sa réaction à Mizu no Kuni. Et j’aimerai autant que possible éviter de l’avoir sur le dos. Ce n’est pas quelqu’un qu’il faut embêter, surtout quand comme moi on n’a pas le niveau.

Une fois arrivée devant les portes de marbres du Shukai, et juste avant de me laisser là, il précisa que je pouvais à présent l’appeler Shio-senseï. Le suffixe des profs quoi. Je fis une petite moue avec les lèvres.

« Finalement, juste Shio, ce sera très bien. Faudrait pas que tu prennes la grosse tête, héhé. Aller file, à la prochaine. »

Un mouvement de la main et un sourire en guise d’au revoir, et je redescendis au village, à la recherche d’un hôtel. Retourner à Yu no Kuni, ou à Mizu no Kuni, ce serait du gachis autant en temps qu’en argent. Alors autant rester et visiter un petit peu les alentours, profiter du paysage.
Trois jours plus tard, je récupérai le Kaguya et les documents qu’il transportait au lieu de rendez-vous, et nous voilà partit sur les routes.