Tsubaki était presque arrivée aux thermes de Doketsu. Elle devait agir vite, et bien. Il lui avait été rapporté qu'une pénurie thermique frappait les établissements des lieux. Le flux de gaz chauffé devait être en phase de refroidissement, pensait-elle, contente de pouvoir aider quelqu'un dans les circonstances qui la persécutaient. Elle avait été forcée de faire du mal à des gens, des gens innocents, qui n'avaient rien à voir dans le conflit qui se déroulait en elle, ni même avec celui qui s'imposait actuellement dans le monde ninja. C'était contraire à son éthique, mais, ici, elle n'avait rien pu y faire. Elle se sentait dépassée par les événements. Elle devait lutter contre les intrusions qui avaient lieu dans son esprit. Elle devait se battre de toutes ses forces. Elle s'entraînerait sur la question, pendant ses méditations.

Pour le moment, il fallait qu'elle fasse ce qu'elle savait faire : aider les gens. L'organisation avait besoin de s'appuyer convenablement, confortablement. Et pour cela, il fallait de l'argent, surtout dans sa situation. Ils ne pouvaient pas se retrouver dans une situation précaire. Bien sûr, elle avait déjà une importante réserve, mais cela ne suffirait pas pour faire tenir tout le monde sur la durée. Elle pouvait faire quelque chose pour aider sur deux plans, et elle comptait bien le faire. Elle n'avait pas beaucoup d'objectifs, ici, à part à leur obéir et s'occuper de Kumo. Son « invitée » lui avait promis la paix et la sécurité des hommes si elle suivait la voie qu'elle lui montrait. Il y aurait des passages difficiles, la jeune fleur en était consciente, mais si la liberté et la paix étaient au bout du chemin, elle ne pouvait que coopérer. Elle voulait juste, en échange, que mal ne soit fait à ses proches sous aucun prétexte. Elle avait eu les paroles qu'elle voulait, mais ne donnait pas encore suffisamment de confiance en celle de son chef. Sa compagne lui faisait confiance, même si quelque part subsistait encore quelque méfiance, mais elle lui ordonnait de croire en lui. Et cet ordre n'était pas discutable.

La kunoichi s'efforça de se remémorer ce qu'elle avait vécu depuis ces derniers jours, et décida de faire intrusion en territoire conquis. Elle reçut immédiatement une réponse, qui se présenta comme un violent mal de crâne, mais qui, quelques minutes plus tard, lui apporta les informations dont elle avait besoin. Elle tâcha de tout récapituler et d'affiner une stratégie, une méthode pour les temps à venir.

Elle jouait à présent sur quatre tableaux, quatre jeux d'échecs qui pouvaient à tout moment basculer en sa défaveur si elle s'avisait de faire un faux mouvement. Le premier était le plus général, celui qu'elle s'était donné à son départ de chez elle : explorer, découvrir, profiter et rencontrer. Mais ce tableau était le dernier dans l'ordre de priorité, désormais. Ensuite venait le tableau d'un dessin plus sombre, qu'on lui avait inspiré. Elle savait que ses deux fous avaient bougé, qu'une tour adverse avait commencé son mouvement, et qu'un de ses cavaliers se trouvait en situation potentiellement dangereuse. Et bien sûr, qu'elle, la reine, avait commencé à avancer, également. Le troisième était autrement plus complexe dans son échelle. Le roi et la reine avait agi, et, à présent, c'était à elle de jouer son mouvement, alors que l'ennemi avait déjà préparé bien des effectifs sur le terrain. Mais rien n'était insurmontable. Elle verrait cette manipulation plus tard. Et le dernier tableau, le plus important, le plus crucial, le plus difficile, le plus vital. Celui qu'elle lui avait montré. Le roi adverse était encore endormi, mais nombres de pions étaient déjà en jeu alors que la seule pièce active de son côté, c’était elle, la reine. Que de mal à remplir les objectifs qui se dressaient devant elle tels des montagnes à conquérir.

La Lune, sous sa forme médiane, était haute, dans le voile sombre de Dame Nuit, alors que quelques partisans de Susanô faisaient leur ronde dans l'immensité des ténèbres nocturnes. Les pousses naissantes avaient formé de nombreux obstacles végétaux qu’elle mettait un certain temps à contourner. La jeune fleur avait laissé Kumo à la base, histoire de ne pas trop fatiguer ce pauvre petit félin. La chambre qu'elle avait commencé à aménager était déjà très confortable, et très utile. Bien entendu, il faudrait qu'elle passe un bon moment à réinstaller le système cristallin originel de la ville. Mais quelle merveille que l'ingéniosité antique dont les humains avaient fait preuve avant la pleine maîtrise de leur chakra. La nature était décidément pleine de ressources.

Elle se concentra à nouveau alors que les lumières des établissements se dessinaient devant ses yeux gênés par les gouttes de pluie qui avaient commencé leur silencieuse chute. Il ne fallait pas qu'elle reste dehors trop longtemps, sans quoi les cristaux qu'elle transportait perdraient de leur énergie. Elle accéléra la cadence, et arriva devant la porte du premier hôtel. Elle entra rapidement, et pris conscience de la méthode moyenâgeuse du chauffage établi dans le bâtiment. Des cheminées alimentées par des feux de bois tentaient faiblement de remonter la température des lieux, sans pouvoir réussir à la faire avoisiner les quinze degrés. Elle se posta devant l'accueil, et, ne voyant arriver personne pour la saluer, elle décida de suivre les panneaux indiquant le bureau du directeur, et s'en vint le chercher. Elle ouvra la porte après, en bonne fille bien éduquée, avoir toqué à trois reprises à la porte de cerisier du bureau. Elle trouva le pauvre homme emmitouflé dans une couverture de laine épaisse comme les murs de l'établissement. Elle le salua, et lui expliqua ce qu'elle était venue faire ici. Son interlocuteur, ébahi, chercha ses mots pendant quelques interminables secondes avant de remercier chaleureusement, par avance, l'aide de Tsubaki. Elle lui rappela que le bruit courrait qu'une importante somme d'argent était promise à qui résolvait le problème, et qu'elle ne travaillerait que sous garantie. Elle demanda 10 % de la récompense, en tant que preuve de la bonne foi des gérants. Le patron lui demanda d'attendre quelques minutes, le temps qu'il aille trouver ses collègues et voisins pour leur annoncer et présenter à la kunoichi l'objet de ses exigences.

Un quart d'heure plus tard, devant ses pieds, se trouvait une mallette emplie de billets qu'elle observait avec un sourire satisfait. Il y avait bien là le dixième de la somme convenu. Quelles réserves possédaient ses établissements ! Il y avait autant ici que ce qu'elle avait reçu de sa mission à Raiun. Elle se mit immédiatement au travail et entreprit de descendre dans les conduits de remontée de gaz souterrains. Elle ne demanda pas à être accompagnée, préférant faire ce qu'elle avait à faire seule, sans dérangement. Elle trouva le boyau principal qui alimentait les bassins de toutes les stations, et afficha un sourire satisfait. Tout marchait comme sur des roulettes, aussi facile qu'elle l'avait prévu. Jusqu'ici du moins.

A présent venait la tâche la plus complexe, elle devait réussir à faire sauter les cristaux de lave sans altéré le tunnel. Et éviter de tomber dans le vite, bien entendu. Mais il y avait de bons rebords, élaborés par les fondateurs des stations, aussi n'avait-elle pas à prendre de risques. Elle plaça dans les murs quatre structures rougeoyantes, et, à l'aide d'un bâton, fit pendre un long fil où se présentaient encore d'autres corps géologiques. Elle les enveloppa de quelques parchemins explosifs, qui devaient s'activer à leur chute dans la chambre gazeuse endormie, quelques centaines de mètres plus bas. Elle repéra des filons de magnésium, qu'elle s'empressa de gratter et de laisser tomber. Il valait mieux éviter des détonations imprévues à ce niveau. Elle plaça sur chaque cristal implanté un petit parchemin, dont l'explosion serait très limitée et localisée. Ils exploseraient avec la remontée d'une première vague de chaleur, libérant ainsi un contre souffle qui permettrait la stabilisation de l'approvisionnement thermique. Ou du moins l'espérait-elle. Elle s'assura que tout était en place, et trancha le fil. Elle dut alors se dépêcher de remonter, car, bien évidemment, elle ne pouvait pas supporter l'énergie qui allait remonter. Elle entendit, quelques secondes plus tard, une détonation, suivie d'une autre, plus faible, et, arrivée au niveau des bains, elle assista à un changement immédiat de l'état de l'eau. En effet, la moitié du bassin se changea sous ses yeux en vapeur, alors qu'une vague de chaleur la frappait de plein fouet. Heureusement que tout le monde avait déserté les bains, sinon, il y aurait eu de la viande bouillie. Elle savait que la température se stabiliserait par la suite, et se tourna vers le public de gérants qui l'avait rejointe. Elle n'eut pas besoin d'un seul argument avant qu'on ne lui apporte le reste de la récompense. Tsubaki jubilait, sentant dans sa main le poids de son travail, et le confort de l'organisation. Elle repartit rapidement, impatiente d'annoncer la bonne nouvelle à Seitô et de continuer ses travaux dans la base.