Soulagement ou confusion, Namiko ne savait pas vraiment ce qu'il avait ressenti en passant les portes de Kumo. En ce qui concerne les gardes, c'était la stupéfaction. En effet, d'après leurs dires, le médecin était déclaré comme disparu depuis si longtemps que plus personne n'avait d'espoir. Tant d'années loin de sa patrie l'avaient perturbé. Le village n'avait pas beaucoup changé, mais il avait l'impression d'être parti pendant une éternité. Son physique est plutôt atypique, ainsi il n'avait pu empêcher d'attirer l'attention en parcourant les rues. Avant de signaler sa présence et faire son rapport au nouveau Raikage, il avait informé les gardes qu'il souhaitait mettre un terme à la peine de sa famille en leur rendant visite.

Après des retrouvailles pleins d'émotions et de larmes, il se dirigeait maintenant vers le palais du nouveau Raikage. Ces mois passés dans cette prison qui lui bloquait le chakra n'étaient pas sans conséquence, il n'avait pas encore recouvré la totalité de sa puissance. Qu'allait-il devenir ? Namiko se posait un tas de questions. Ce nouveau Kage, il ne semblait pas le connaitre, qui était-ce ? Mais surtout il s'interrogeait sur son ancien supérieur, Kadoria Urio. Les informations que les déserteurs lui avaient rapportés étaient vagues. Pour eux, ces détails étaient superflus car ils étaient persuadés que n'importe quel homme à la tête d'un village aurait les mêmes intentions que le précédent : faire la guerre. Mais le médecin voyait cela d'un oeil différent, il voulait comprendre. Comment un homme de sa puissance avait-il disparu ?
L'autre question qui le démangeait portait sur un ancien camarade à lui. Celui avec qui il avait tissé des liens depuis l'académie, son frères d'arme, le ninja qui lui avait fait le cadeau le plus précieux qu'il puisse avoir. Seki Raiken, désormais regretté Sennin. Il semblait avoir mal tourné, mais Kuroishi ne savait pas les enjeux de ces événements.

D'un pas lent, comme à son habitude, il grimpait les marches menant au bureau. Les nouvelles vont vite et la plupart des ninjas avaient été prévenus de son retour. Namiko ne cessait de remercier les personnes qu'il croisait pour leurs messages de soutien. Même s'il ne le montrait pas vraiment car il sentait qu'à tout moment il pouvait être dépassé par ses émotions, cela lui faisait chaud au coeur. Autrefois dirigeant de la section eisei-nin de Kumo, quelqu'un avait probablement pris sa place, mais tout le monde le reconnaissait. Néanmoins, son physique avait pris un petit coup. Son visage était un peu plus creusé qu'à l'habitude et il avait le teint encore plus pâle que d'habitude. Pas de doute, il allait devoir passer par la case hôpital ninja.
Quand il arriva devant les portes des quartiers du Raikage, deux gardes l'arrêtèrent.

- Bon retour Namiko, j'imagine que vous souhaitez rencontrer le nouveau Raikage ?

Le médecin fit un signe d'affirmation de la tête.

- C'est en effet la raison de ma visite.

Il fallait avouer que malgré son titre de Raïkage, certains de ses hommes l’intéressaient plus que les autres. En particulier les hommes qui avaient du vécu ou qui avaient eu des connaissances dans les services secrets, les renseignements… Ceux-là étaient au cœur même de la politique de Kumo voire au-delà. C’est pourquoi lorsque l’on prévint Tsumei d’une demande d’audience de la part d’un dénommé Ryukuu Namiko, il fut quelque peu satisfait. Bien entendu, cela s’était ressenti après avoir lu le dossier de ce dernier.

Jônin de Kumo, il avait su être un homme fort. Un homme de main relativement complice avec le Shodaime Raïkage, qui était bien entendu son prédécesseur le plus respecté pour le Karasu. Un médecin qui avait disparu il y a tellement longtemps que l’espoir n’était plus permis. Mais apparemment il était de retour, et il n’y avait rien de dangereux ou de suspect à signaler.

Du vécu, il en avait de fait beaucoup à revendre. Lui qui avait connu le « premier » Kumo tout comme Tsumei, lui qui avait fréquenté Kadoria Uriô. On disait même qu’il avait affronté le grand-père du Shodaime aux côtés de ce dernier lorsque la Nécromancienne avait attaqué le village. Beaucoup de lignes dans un dossier qui ressortait d’un placard. Un bon retour.

Lorsqu’on frappa à la porte, l’Ombre de la Foudre comprit immédiatement de qui il s’agissait.

Entrez.

Et c’est ce qu’il fit. Rapidement, le Yondaime se leva de sa chaise. Une politesse qui lui était accoutumée depuis longtemps maintenant. Simple, mais efficace et suffisante.

Bonjour Ryukuu Namiko. Tu souhaitais me voir ? Je t’écoute.

Même s’il ne manquait pas de questions, ce n’était pas au Raïkage d’engager les sujets mais plutôt son interlocuteur. C’était lui qui avait demandé cette entrevue. C’est pourquoi le Karasu s’assit silencieusement, sans lâcher le Kumojin des yeux.

Lorsque la porte s'ouvrit, Namiko entra lentement dans la pièce, ne sachant pas vraiment à qui il avait à faire. Le nouveau Raikage se tenait devant lui, debout. D'une voix posée, il l'invita à justifier sa venue. Pendant ces quelques secondes d'introduction, le médecin n'avait pu s'empêcher de remarquer plusieurs détails. Tout d'abord, comme le regretté Urio, l'homme qui lui faisait face était jeune pour occuper un poste comme le sien. Néanmoins, il ne fallait pas juger sur cela. Le vécu, le potentiel et la compétence sont des critères bien importants également, et sur ces points, Kuroishi ne savait que très peu de choses sur lui. A première vue, ils avaient un point commun. Hormis les multiples piercings, les deux ninjas se ressemblaient assez, des cheveux foncés, des yeux extrêmement claires et une garde-robe sombre. Tsumei avait l'air d'être une personne respectueuse aussi, réfléchie, peu extravertie. Le genre d'individu que l'eisei-nin apprécie, quelqu'un qui réfléchit avant d'agir.

Namiko ne savait pas vraiment par où commencer. Nul doute qu'il avait été prévenu de son retour et qu'il savait déjà plusieurs choses sur lui. Ce qui l'intéressait surement, c'était ce qu'il avait fait durant son absence. Le jônin jeta rapidement un coup d’œil par la fenêtre avant d'entamer la discussion.

- Je suis venu demander une audition afin d'éclaircir ma situation, j'imagine que ce n'est pas courant de voir revenir un ninja disparu depuis presque cinq années. Il esquissa un léger sourire en coin avant de raconter son calvaire. Le Shodai Raikage m'avait envoyé en mission secrète, mon objectif était d'intercepter un message qui aurait pu être un tournant dans la guerre contre Kiri. Malheureusement je suis tombé dans une embuscade, même si je suis persuadé que l'informateur qui nous a contacté en savait plus qu'il ne l'a affirmé. Il marqua une pause. Un groupe de nukenins m'a capturé au pays du Givre et enfermé dans une prison pendant toutes ces années. Cette prison était un peu spécial, un mécanisme pompait mon chakra continuellement, ce qui explique pourquoi je n'ai jamais pu m'en échapper. Il ouvrit sa main, toujours frêle, conséquence de cette période difficile. Et pourquoi vous me voyez dans cet état aujourd'hui, je n'ai pas récupéré mes moyens physiques, mais c'est en bonne voie. Je fus libéré par un autre groupe de nukenins venu se venger, une vieille connaissance m'a, par chance, reconnu et m'a ramené avec eux. Il m'a fallu quelques mois avant de pouvoir être à nouveau autonome et m'assurer que je pourrais faire la route seul jusqu'à Kumo.

C'était un bref résumé de son absence, mais l'essentiel était là. Il ne savait pas ce qui pouvait intéresser le Raikage, hormis le fait que la mission avait échoué. Mais de loin, il avait eu vent des affaires importantes du monde ninja et de l'intervention de l'An'Tei, même si apparemment, une nouvelle guerre s'annonçait encore.

- Je n'ai pas eu l'honneur de vous connaitre avant votre sacre, mais sachez que je vous servirai comme j'ai pu servir Kadoria Urio. Dès lors que j'aurai retrouvé ma condition. Si vous souhaitez me questionner, je répondrais sans soucis. Il passa sa main sur son menton et regarda à nouveau à l'extérieur. Vous vous doutez que j'ai moi aussi plusieurs questionnements sur certains événements passés.

Le Jônin, qui allait évidemment récupérer son titre si son absence était justifiée de façon respectable, avait tout de même l’air mal en point. Son voyage avait du être difficile, et le Karasu avait dès lors l’envie de dire qu’il allait entendre la vérité et non le mensonge. Mais bien entendu, il ne pouvait se faire à l’idée d’un premier ressenti. Les renseignements lui avaient appris de nombreuses choses, et l’incertitude quant aux autres en était une des principales. Qui était Ryukuu Namiko ? Cette entrevue allait bien mieux répondre à cette question que tous les dossiers que Tsumei avait ou aurait pu consulter.

C’est ainsi que, sans surprise, le shinobi de retour fit l’introduction de son explication. Une mission secrète, Kadoria Uriô, Kiri, la guerre… Des souvenirs ressurgirent alors. Et ils prirent aussitôt d’assaut l’esprit du Yondaime.

***

Un seul homme pour intercepter un message ?
Oui. C’est un shinobi confirmé, et il vaut mieux limiter le nombre de shinobis pour ce genre de missions. Tu es le mieux placé pour le comprendre, Tsumei, n’est-ce pas ?
O-oui. Mais pourquoi ne pas me laisser y aller ?
Ta mission doit rester la même. Depuis la création du village tu es plongé dans son ombre. Personne ne connaît réellement ton vrai rôle. C’est ce qui fait de toi l’un des plus dangereux. C’est ce qui fait de toi l’un de mes plus fidèles compagnons.

Le Karasu plia son genou, et salua son chef. Mais alors qu’il s’était levé et retourné, Kadoria Uriô le retint d’une nouvelle prise de parole.

Tu sais. Lorsque j’envoie des hommes en mission, j’ai envie de les remplacer, d’accomplir ces missions seuls. Et c’est grâce à ça, grâce à cette envie de prendre ces risques à leur place, que je sais que je mérite d’être leur chef. C’est ça, être Raïkage.

***

C’était donc lui, le fameux ninja que l’on avait envoyé ce jour-là. Tsumei ne put s’empêcher d’esquisser un sourire face à ces souvenirs. Lui qui n’avait peut-être pas accompli sa mission, mais qui était de retour. Un signe du destin ? Même s’il ne croyait pas en ces choses, l’amusement et le plaisir avaient été au rendez-vous.

Je vois. Ce que tu dis devra être vérifié par un ninja sensoriel, comme la procédure l’exige. Mais c’est un plaisir de te savoir sain et sauf, après tout ce temps.

Il repensa alors à ce par quoi le médecin avait terminé. Des interrogations, des questions sur le passé et le présent de Kumo. C’était normal qu’il veuille en savoir plus, c’était même une bonne chose.

Pose-moi tes questions, je t’en prie.

Sur quoi il croisa les mains, coudes posés sur son bureau.

Tsumei était-il réellement heureux de voir quelqu’un qui avait servi son village comme il le devait et qui avait toujours profondément respecté le Shodaime comme lui ? Il n’en savait rien, et n’osait rien montrer. La satisfaction semblait présente, mais son rôle était de rester impassible. Les sentiments ne devaient pas interférer, que ces derniers soient un mélange de fierté ou même de compassion.

Mais avec ce court épisode qui lui était revenu en mémoire, le Karasu avait déjà compris qu’il avait affaire à quelqu’un qui ne mentait pas. Un Kumojin pur, qui s’était toujours comporté dans le sens de ce qu’on lui demandait. Avait-il changé ? C’était possible. Et même si ce n’était pas le cas, les réponses aux questions qu’il posait pouvaient le transformer. Comme cela l’avait parfois fait pour Tsumei.

Il a été aperçu pour la dernière fois aux côtés de l’Homme Masqué. Il semble qu’il ait été pour beaucoup dans la découverte du secret pour sceller Makka. Mais tout semble indiquer qu’il est mort à l’heure actuelle.

Tsumei ne se rendit même pas compte qu’il avait serré le poing avant quelques instants. Une chose qui ne lui était pas arrivée depuis des années. Kadoria Uriô avait toujours été un modèle, son supérieur indiscutable. Il était rare de voir quelqu’un porter une confiance aveugle en quelqu’un, surtout pour un shinobi dont le rôle était centré dans l’information et la désinformation. Mais Tsumei aurait tout fait pour la première Ombre. Tout…

Seki Raiken a été décapité par Samidare Teichirô ou l’un des membres de l’An’tei, qui n’existe apparemment plus aujourd’hui. Sa tête a été renvoyée à Kumo comme tu sembles le savoir. Déjà que fouiller le passé d’un cadavre est un exercice difficile, le faire sur une tête vidée de son sang est quasiment impossible.

Une tête renvoyée à Kumo. Seki Raiken avait-il payé le prix d’une erreur au sein de l’An’tei ? Avait-il été un espion ? Karasu Tsumei n’était en poste que depuis peu de temps, et il était clair que ce n’était pas son sujet prioritaire. Et du peu qu’il avait fouillé sur ce cas, il savait que c’était compliqué. Cela remontait à plusieurs périodes difficiles, il y avait trop de facteurs.
Il lui était actuellement impossible de savoir ce que Seki Raiken avait réellement été pour le village de Kumo.