Après une marche à l’ombre des habitations de Sunagakure no Sato, notre jeune diplômé de l’académie atteignit l’adresse inscrite sur le document de sa mission. Après avoir relu à trois reprises cette dernière d’une part sur son papier et d’autre part sur le muret qui délimitait la résidence, Thrys finit par approcher son index gauche de la sonnette. Un léger grésillement se fit entendre lorsqu’il appuya sur le bouton, avant de laisser résonner un peu plus loin un retentissement similaire à un « ding dong ». Le temps qu’on vienne lui ouvrir, le ninja prépara le papier qu’il tenait dans la main, prêt à le donner à son employeuse. Qui sait, peut-être serait-elle sceptique et n’accepterait pas qu’un gamin venu d’on ne sait où mette les pieds dans sa demeure.

Soudain, au-delà du muret qui gardait l’enceinte de la résidence à l’abri des parasites et des voleurs, une femme dans la quarantaine fit son apparition sur le seuil de la porte, avant de descendre de la partie surélevée qui se trouvait devant l’entrée de l’habitation. Habillée d’une façon très élégante, elle semblait avoir tout juste terminé de se préparer pour une quelconque sortie. A travers le grillage, Thrys l’observait s’approcher de lui et, une fois avoir atteint la délimitation de son jardin, la femme demanda, intriguée de voir quelqu’un se présenter chez elle :

« Qui êtes-vous jeune homme ? »

Jeune homme ? Notre héros trouva la qualification un peu forte, lui qui venait d’avoir douze ans il y a de cela quelques mois… néanmoins il ne s’attarda pas à ce détail futile et tendit le document de sa mission, accompagnant son geste de paroles :

« Je suis Thrys Kawaguchi, genin de Sunagakure no Sato. On m’envoie m’occuper de votre animal de compagnie pour la journée. »

Madame Sanemasa prit quelques secondes de réflexion… avait-elle oublié qu’une demande de mission avait été signée de sa main ? Notre jeune héros resta silencieux, et commençait à se demander comment il réagirait si son interlocutrice venait à nier toute cette histoire. Yami s’esclafferait, bien entendu, et ne se priverait pas de retourner le couteau dans la plaie. Il pourrait même insister sur le fait qu’il aurait pu dormir au lieu de traverser le village du Sable pour des prunes.
Mais fort heureusement pour lui, la mémoire revint à la riche femme de Suna, qui ne tarda pas à ouvrir le portail et à inviter le jeune garçon dans sa demeure. Poliment, Thrys la remercia avant de faire quelques pas en avant. D’un regard curieux, il examina les lieux, tandis que la maîtresse de maison refermait derrière lui l’entrée de sa résidence. La maison était plutôt grande, s’élevant sur deux voire trois étages. Comme la totalité des habitations de Sunagakure no Sato, qui ressemblaient à des formes géométriques le plus souvent de forme sphérique ou cylindrique, la demeure de Madame Sanemasa représentait une tour surmontée d’un dôme. Thrys, impressionné par la taille de cette architecture, la compara à l’immeuble dans lequel il habitait, dans un quartier où s’étaient réunis les membres de son clan. Une construction de cette taille était faite pour héberger plusieurs familles… et cette femme, grâce son compte en banque qui devait être extrêmement bien rempli, possédait un véritable immeuble pour elle seule. Très impresionnant.
La résidente contourna le Sunajin, se dirigea jusqu’à l’entrée de sa demeure, avant d’appeler son invité, perdu dans ses pensées. Thrys secoua la tête de gauche à droite frénétiquement puis rejoignit son interlocutrice.

Étrangement, son rythme cardiaque accéléra. Mais il lui était impossible de trouver la cause. Son subconscient savait très bien ce qui avait provoqué cette réaction, cependant il peinait à se rappeler pourquoi. Yami, qui pourtant pouvait communiquer directement avec le cerveau de notre protagoniste, était dans l’incapacité de l’aider.
Après avoir traversé le pas de la porte, Madame Sanemasa fit quelques pas en direction d’une armoire, avant de décrocher d’un cintre une veste légère blanche et grise. Rapidement, elle l’enfila, tout en expliquant :

« Je ne vais pas tarder à sortir. Mais avant de partir, voici ce que vous aurez à faire aujourd’hui. »

Soudain, Thrys se remémora l’élément majeur de sa mission : l’animal ! Après avoir retourné l’idée dans son esprit le temps du trajet entre le Manoir Kazekage et la demeure de cette femme, il avait l’hypothèse suivante : un chat. Il devait sans doute s’agir d’un chat, un animal moins encombrant qu’un chien, bien plus mystérieux et qui pouvait se révéler très câlin… lorsqu’il ne décidait pas de planter ses griffes dans votre cuisse pour tâter son futur coussin… sacrée bestiole, tiens.
Voyant que son interlocutrice s’était arrêtée dans son discours pour se regarder dans le miroir, le jeune genin en profita pour savoir de quel animal il s’agissait :

« Je pense que m’occuper d’un chat ne sera pas très difficile, mais après s’il a des habitudes particulières, je vous écoute madame. »

Madame Sanemasa se retourna à l’instant même où son jeune invité prononça le mot « chat ». Un sourire se dessina sur ses lèvres, puis elle répondit aussitôt après avoir lâché un petit rire discret :

« Un chat ? Eh bien, on peut dire ça… Rififi est une sorte de chat, un gros chat. Elle tourna la tête en direction d’une pièce située non loin du vestibule, et termina Rififi ! Viens voir maman ! »

Le cœur de notre héros faisait des bonds. Au même moment, il suivit du regard la séparation entre les deux salles et attendait avec impatience le moment de vérité.
Soudain, un énorme animal fit son apparition. Imposant, cet énorme félin au pelage blanc à rayures noires était magnifique. Quant à son regard perçant et intimidant, Thrys admirait le bleu de ses yeux et se demanda alors si une bête aussi splendide pouvait être… dangereuse. Néanmoins, son instinct le ramena très vite à la raison, si bien qu’il fit un petit pas en arrière, discrètement pour ne pas que son employeuse ne le voit. Mais à en juger son regard empli d’étoiles, elle n’avait que faire de la présence du ninja. Elle semblait littéralement amoureuse de son animal de compagnie, si bien qu’elle s’approcha de lui, gratta et lança quelques phrases dénuées de sens, la faisant passer pour une folle gâteuse. Le gros chat se mit à ronronner, ce qui une fois de plus poussa notre héros à se questionner sur l’agressivité de l’animal qu’il allait devoir surveiller cette journée.

Madame Sanemasa, après avoir cajolé sa grosse peluche, se redressa et le présenta :

« Voici Rififi, c’est un tigre blanc du Bengale. Une espèce rare de tigre que j’ai ramenée d’un de mes voyages. Elle laissa échapper un soupir, avant de conclure Vous auriez dû le voir lorsqu’il n’était pas plus gros qu’un chaton.
- J’imagine oui… maintenant il est assez gros pour te gober, Thrys ! Hin hin !
- Tu es drôle Yami. Si c’est pour dire des bêtises comme ça tu peux te passer d'ouvrir la bouche ! répondit notre Sunajin, qui se demandait comment il allait pouvoir s’occuper d’un monstre pareil. »

Puis la maîtresse de maison donna au jeune ninja une feuille de papier, sur laquelle étaient inscrites diverses recommandations et choses à faire pour cette journée. Mais alors qu’elle allait expliquer chacun des points, son regard se dirigea sur l’horloge suspendue au mur du salon. Elle s’exclama avant de se ruer dans le vestibule et de prendre son sac. Thrys la rejoignit aussitôt mais ne put entendre qu’une dernière phase avant que Madame Sanemasa ne claque la porte et ne sorte :

« Je suis en retard ! Je reviens en fin d’après-midi, bon courage ! »

Le Sunajin, désormais seul dans cette immense maison, se retourna et gagna le salon. Devant lui, l’imposant tigre du Bengale le regardait avec la plus grande attention. Au bout du compte, qui surveillait qui dans cette histoire ?
L’animal fit un pas en avant, puis s’arrêta, fixant toujours le Kawaguchi de ses yeux intimidants… Thrys jeta un dernier coup d’œil à l’horloge, nota l’heure avant de reporter son attention sur le tigre. Un sourire nerveux se figea sur son visage et, tremblant, il déclara :

« Gentil Rififi. Je ne ferai pas de mouvements brusques et tu ne me mangeras pas, on fait comme ça ?
- Tu parles aux tigres maintenant ? Décidément, tu m’étonneras toujours. »

L’après-midi s’annonçait intéressante !

A suivre !

Désormais en sécurité malgré l’énorme boule de poils qui pouvait le becqueter à la première occasion, Thrys termina de lire les recommandations laissées par son employeuse. Les activités proposaient n’étaient guère intéressantes… entre jouer à la baballe avec son félin, le brosser ou changer sa litière, rien ne donnait envie. Néanmoins, notre héros savait qu’il ne pouvait pas échapper aux tâches inscrites sur cette liste, si bien qu’il mit la main à la pâte. Et tant qu’à faire, autant commencer par la moins… agréable…

A proximité du pas de la porte donnant sur le jardin, muni de gants et d’un sac en plastique, notre héros observait les lieux à la recherche des fèces du félin… Après un rapide tour d’horizon, un soupir soulagé s’échappa de sa gorge, constatant qu’il n’y en avait que quatre… Madame Sanemasa avait sans doute déjà procédé à un nettoyage quelques jours plus tôt. Prenant son courage à deux mains, Thrys s’approcha de la première crotte, située non loin du muret séparant la résidence de la rue de Suna.

« Erk… j’ai de la chance de ne pas être à ta place…
- Tu es dans ma tête… tu vois et ressens tout ce qui m’arrive donc au final, c’est comme si tu étais à ma place Yami… »

Sur ces mots, notre jeune genin prit une grande inspiration, loin du « délicieux » fumet qui se dégageait de cette chose bien entendu, avant de la saisir du bout des doigts. La texture était molle et visqueuse… bon appétit bien sûr ! D’un geste vif, Thrys ouvrit le sac en plastique et déposa l’excrément du tigre à l’intérieur, avant de respirer à pleins poumons. Il avait hâte que ce cauchemar se termine.
Non loin de lui, l’animal en question l’observait sans bouger et semblait attendre que le jeune humain ne termine sa tâche actuelle pour venir le brosser. « Grrr… c’est ça, reste là l’air bête pendant que je nettoie tes saletés… » pesta notre ninja en se dirigeant vers le prochain fèces.

Soudain, de l’autre côté du muret passa deux adolescents. Des visages connus, pour ainsi dire. Lorsque le genin du Suna les aperçut, il baissa aussitôt la tête, espérant qu’ils ne le reconnaîtront pas. Mais malheureusement pour lui, le plus âgé des deux vit la chevelure du Kawamuchi et, sans aucun problème, parvint à savoir à qui elle appartenait :

« Tiens donc, mais c’est Thrys ! lâcha-t-il d’un ton moqueur. Alors, en train de faire les missions pour les mémères du village ? »

Notre protagoniste, comprenant qu’il était impossible pour lui de nier la vérité, se redressa après avoir posé à terre le sac en plastique. Son regard croisa celui des deux garçons et, d’une voix calme et monotone, il répondit :

« Salut Hiro, Ao… que faites-vous ? Encore à traîner dans Suna ? Le quartier Susaya est-il si mort pour que vous perdiez votre temps à errer comme ça ?
- On préfère profiter du beau temps plutôt que de jouer les larbins des habitants. Et puis on ne glande pas, on va au Manoir Kazekage pour demander une mission.
- Ouais, une mission de rang B, celles qu’on donne aux ninjas expérimentés, pas comme toi, gamin ! »

Le jeune ninja se sentit rougir, bien qu’il avait pour habitude d’être indifférent aux moqueries de ses cousins. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, les membres des clans n’étaient pas tous unis et certains se chamaillaient régulièrement… Ces deux-là étaient moqueurs et un peu roublards. Mais malgré leur caractère, ils étaient deux ninjas respectés du clan Susaya Kawamuchi, et surtout ils faisaient parmi des plus jeunes aspirants shinobis qui parvinrent à exploiter le Sunaton sous toutes ses formes. Thrys les enviait, mais il préférait garder ça pour lui.
Ao, le plus grand, coupa court à la conversation, n’ayant aucune envie de rester là plus longtemps :

« Bon allez, on y va nous. On te laisse à ta mission de la plus haute importance ! Hin hin ! »

Sur ces mots, les deux adolescents s’éloignèrent, laissant ainsi le genin du Sable seul avec ses fèces et son tigre. Yami grommelait intérieurement… lui non plus n’appréciait pas ces deux énergumènes, mais malheureusement ils faisaient partie du clan Susaya Kawamuchi, et les conflits fraternels étaient sévèrement punis. Mais laissons cette histoire de côté…

Après avoir ramassé le dernier excrément et jeté le sac à la poubelle, Thrys passa au toilettage. Le gros félin n’était pas très allergique à l’eau, au contraire : lorsque il sentit la mousse et l’éponge gorgée d’eau caresser son pelage il se frotta à elle, comme si cela l’apaisait. Il était calme et câlin, si bien que notre jeune genin en profita pour le toucher et sentir la douceur de sa fourrure. Un bien bel animal ce Rififi. A première vue, il paraît agressif voire carrément sauvage… mais Madame Sanemasa en a fait une vraie peluche pour petite fille… tiens, en parlant du tigre… euh du loup…

La porte de l’entrée s’ouvrit, faisant ainsi retentir la petite clochette qui pendait contre le mur. De sa douce voix, la maîtresse de maison annonça son retour. Notre héros, qui en avait fini avec le tigre apprivoisé, rejoignit le vestibule, suivi de près par Rififi, tout beau tout propre. En les voyant arriver, la riche habitante de Suna lâcha une exclamation, et demanda :

« Vous êtes devenus amis ? Comme c’est trop chou !
- Tout s’est bien passé. Avec votre liste, tout paraissait si simple ! songea-t-il en se remémorant la première phrase écrite en rouge et en lettres capitales.
- Alors tant mieux ! Je dirai aux gens du Manoir Kazekage que vous avez parfaitement bien accompli votre tâche.
- Je vous remercie, Madame Sanemasa. Bien, sur ce, je vais donc rentrer chez moi déclara le genin en jetant un coup d’œil à l’horloge accrochée au mur. Au plaisir ! »

Il se tourna vers Rififi, et le salua alors, simplement, avant de sortir de la maison. Une fois dehors, Thrys ne put s’empêcher de lâcher un soupir, soulagé que sa mission se soit finalement bien terminée. Yami, qui n’avait pas fait grand-chose de la journée, lâcha un bâillement, ce qui provoqua la même chose chez son hôte.
Visiblement, être ninja n’était pas de tout repos. Allez hop, au lit !

FIN