Lorsqu’on se trouve au pays de l’eau par un jour d’automne, on se demande bien si le soleil éclaire réellement cette partie du globe. Rien n’est plus rare en effet qu’une légère éclaircie réconfortante venant de l’astre céleste. Bien que la lumière puisse passer en majeure partie à travers le gris manteau recouvrant le ciel, la chaleur, elle, semble s’être arrêtée en chemin. Si bien qu’accompagnent ce ciel voilé une température ambiante relativement basse et des vents refroidissants n’arrangeant en rien l’affaire.

Ce ne fut donc pas un doux rayon de soleil qui tira le jeune Yukimura des bras de Morphée, mais bien une véritable bourrasque glaciale. Ce réveil fort peu agréable fit frissonner de toutes parts le garçon. Maudissant la fenêtre s’étant ouverte pour une raison inconnue, il se retourna dans ses draps douillets. Toutefois, la Nature n’était pas d’avis qu’il continuât à se prélasser, et envoya une deuxième brise refroidissante. En un effort surhumain, il ordonna à son corps de se lever et de se diriger vers l’ouverture coupable de toutes ces réfrigérations. Il traversa la pièce dont la température chutait de manière alarmante tel un zombie grelottant. Une fois sur le point de refermer la fenêtre, il nota un détail inhabituel : les châssis semblaient s’être pourvus d’un nouvel élément. En y regardant de plus près, le Samui y comprit la cause de cette ouverture subite, et y vit la fin de perspectives d’une matinée de fainéantise. De fait, un kunaï était solidement fiché dans le bois. Il avait dû être lancé par une véritable brute inconsciente, car celle-ci avait réussi à bousiller le système de fermeture de la fenêtre. Grommelant, le genin retira l’arme de sa "châsse" et tenta de coincer la fenêtre afin de colmater l’ouverture, sans grand succès. À l’aide d’un astucieux assemblage improvisé d’objets qu’il avait sous la main, le genin finit par réussir à limiter grandement l’arrivée d’air froid. Il jeta un regard de mépris vers la source de toute cette agitation matinale avant de se rendre compte que l’arme n’avait pas uniquement été lancée dans le but de détériorer sa fenêtre. Non, il y avait un élément qu’il avait oublié de voir : au kunaï était accroché un message. La réparation définitive allait sûrement devoir attendre, vu qu’il s’agissait sans doute d’un message venant "d’en haut". Chassant les dernières réminiscences de sommeil subsistant dans ses yeux, Yukimura put lire distinctement :

Citation :

Mission de rang D
Adressée à : Samui Yukimura
L'automne apporte des baisses de température notables. Votre rôle : apportez des couvertures aux gardes en surveillances permanentes, comme au palais, autour des administrations ou encore au niveau des tunnels.
PS : Vous pourrez trouver les couvertures nécessaires à l’accomplissement de cette mission à l’accueil du palais.

Voilà qui prévoyait une journée remplie de rebondissements et d’exaltations ! Poussant un soupir, le genin se dit que s’il y avait bien quelque chose qui le motiverait à passer en grade, ce serait bien la perspective de limiter le nombre de missions de ce genre… Résigné, le Samui se prépara pour affronter le grand froid de l’extérieur. Il se lava rapidement, profitant de la chaleur de l’eau tant qu’il put. Ensuite, il enfila des vêtements relativement chauds afin que lui-même ne soit pas victime de la froidure. Il avala deux ou trois éléments qui lui passaient sous la main (et dont il ne sut dire par la suite la nature), il but deux gorgées de saké pour éviter le froid, et se mit en route.

Alors qu’il ouvrait la porte, une nouvelle bourrasque lui fit venir les larmes aux yeux. Décidément, ce n’était pas une journée pour se promener à l’extérieur. Et, de fait, il n’y avait pas un chat dans les rues. Seules quelques personnes emmitouflées dans d’épais manteaux, sortant sans doute par nécessité, se pressaient de rentrer pour retrouver la chaleur de leur foyer. En cette heure matinale, il fallait être fou pour sortir, devait-on penser.
Bravant courageusement les basses températures et les rafales incessantes, le genin parvint enfin au palais. Il pensa avec amertume que cela ne faisait que commencer : on allait l’envoyer aux quatre coins du village en se moquant du fait qu’il puisse ne pas trouver la "chaleur ambiante" agréable. Cette impression fut confirmée par l’attitude de la préposée à l’accueil du palais. Distante, celle-ci ne lui accorda que quelques mots, lui tendit un plan et appela la « personne suivaaaaaaaaaante ». Le genin s’en éloigna, et, nanti d’un énorme tas de couvertures empilées dans un sac, se dirigea vers l’extérieur. De là, il déplia le plan pour découvrir quel serait son itinéraire. Sans surprise, celui-ci débutait par le périmètre du palais. Il se poursuivait par le centre-ville, où des gardes étaient postés ça et là pour la sécurité des civils. Ensuite, il passait par les quartiers résidentiels les plus riches, et le Samui vit sans surprise qu’il devait passer non loin du quartier de son clan. La route se poursuivait vers les longs tunnels qui servaient de portes d’entrée-sortie pour le village. Enfin, elle se terminait légèrement en-dehors du village, dans un lieu que Yukimura ne connaissait pas. Ne souhaitant s’attarder d’avantage, le Genin se mit en route.

Il ne tarda pas à apercevoir le premier poste de garde situé au Nord du palais. Il y en avait quatre de ce genre, un pour chaque point cardinal. Le genin fit un signe de la main à la sentinelle en faction grelottante. Celle-ci accueillit la couverture avec grand soulagement et un « merci ». Conscient qu’il allait prononcer ses mots tout au long de sa mission, Yukimura répondit :

« De rien, avec plaisir ! »

Constatant qu’il y avait un autre garde, il fourra la main dans son sac et ressortit une nouvelle couverture. À nouveau eut lieu l’échange de politesses et, constatant qu’il n’y avait plus personne nécessitant de l’aide, le genin prit la direction Sud-Est. Il rencontra encore deux gardes auxquels il prodigua deux plaids. Ceux-ci, moins loquaces que leurs collègues, accueillirent le présent avec simplement un sourire et s’y emmitouflèrent. La route se poursuivit vers le Sud-Ouest. Il n’y avait cette fois-ci non plus deux mais bien trois gardes qui le remercièrent de cette protection contre le froid en chœur. Enfin, il bifurqua vers le Nord-Ouest pour atteindre le dernier poste de garde protégeant le palais, où il n’y avait qu’un pauvre bougre seul. Yukimura comprit pourquoi lorsqu’il lui tendit la couverture. L’énergumène lui arracha des mains et ne manifesta pas un seul signe de reconnaissance. Le genin ne s’en préoccupa pas réellement, car il n’était pas là pour corriger les mauvaises manières de certains.

L’heure avançant, la température n’augmenta pas pour autant. Au contraire, les bourrasques se faisaient de plus en plus fortes et, comble de malheur pour ceux qui travaillaient à l’extérieur, les premières gouttes de pluie commencèrent à se faire sentir. S’il ne voulait pas se faire tremper, le Samui avait intérêt à se dépêcher. Il arriva donc dans le centre-ville, dans lequel il devait apporter des couvertures à une dizaine de gardes. Il n’eut pas de difficultés à en trouver la majeure partie. Il constata cependant qu’un des gardes n’était pas à son poste. Il décida donc de passer au suivant, qui se trouvait à quelques mètres. Celui-ci accueillit la couverture avec joie. Alors que le genin allait repartir, il se fit retenir par l’épaule.

« Dis-moi, gamin… Tu pourrais aller chercher une de ces délicieuses soupes miso qu’ils font là, juste en face ? L’odeur me torture depuis ce matin, et… je donnerais tout ce que j’ai pour ne serait-ce qu’une gorgée… S’il te plait. Voilà la monnaie. »

Joignant le geste à la parole, l’homme déposa quelques piécettes au creux de la main du garçon. Bien que cela ne lui fût pas demandé, Yukimura accepta la requête du garde. Il se dirigea vers l’échoppe d’où s’échappaient des senteurs des plus alléchantes. Évidemment, il y avait foule. Le genin put toutefois apprécier la chaleur pour sécher ses habits humidifiés par la bruine sévissant dehors. Il ne put même résister à s’acheter lui-même une soupe afin de se réchauffer les entrailles une fois son tour venu. Les deux gobelets fumants en main, il en vida un des deux en un trait. Regrettant directement cet excès de zèle, il sentit que le breuvage faisait l’effet escompté mieux qu’il n’eut fallu. La gorge brûlante, il rejoignit le garde qui le louangea. De plus en plus pressé d’en terminer, il se dirigea vers le lieu où il n’avait pas trouvé de garde, pour tomber sur l’énergumène endormi. Encore une fois, il n’était pas là pour réprimander les employés sur leurs mauvaises attitudes. Déposant le drap délicatement sur l’assoupi, il partit sans un bruit vers les quartiers résidentiels.

La pluie commençait à s’intensifier, et le peu de temps passé au chaud fut bientôt oublié. Les habits du genin se trouvèrent à nouveau trempés. Longeant les toits pour diminuer au possible la quantité d’eau qu’il se prenait, il accéléra à nouveau le pas. Il y avait encore une dizaine de gardes attendant du réconfort. Chacun remercia Yukimura chaleureusement. L’un d’entre eux reconnut même en lui le membre du clan Samui, étonné que l’on donnât pareille mission à un nanti. Le concerné, lui, ne s’en étonnait pas. Sa famille lui avait sans doute réservé ce sort comme punition pour son attitude "rebelle".

La suite de sa mission se déroulait à un endroit sans doute le mieux gardé du village : les longs tunnels. Là, une vingtaine de gardes frigorifiés se tenaient telles des statues, imperturbables malgré la pluie. Quelques uns firent un signe de la tête au genin lorsque celui-ci leur apporta une couverture, d’autres restèrent focalisés sur leur mission de surveillance, en prenant distraitement le drap. Il eut droit tout de même à un « merci ». Signalant qu’il sortait du village, Yukimura s’engouffra dans les tunnels, son sac désormais très nettement allégé. Il ressortit peu après, retrouvant avec une joie non-dissimulée une averse plus forte que jamais. Se dépêchant pour ne pas que les plaids qu’il transportait ne soient pas à leur tour humides, le Samui se rendit le plus vite possible à l’endroit indiqué sur le plan. Il n’y trouva aucune bâtisse, contrairement à ce à quoi il s’était attendu, il n’y avait… rien. Seule l’ondée était présente avec lui. Il tourna en rond pendant plus d’un quart d’heure, étant sûr que son sens de l’orientation ne l’avait pas trahi. Croyant à une erreur de la part de l’administration, le genin fit demi-tour.

Soudain, il entendit un léger bruissement. Une fraction de seconde plus tard, il se retrouva avec un poignard contre la gorge. Un homme masqué avait réussi avec une célérité époustouflante à le piéger. D’une voix ne trahissant aucune émotion, l’individu dit alors :

« Qui êtes-vous ? Que venez-vous faire ici ? »

Le genin, trahissant légèrement sa nervosité, répondit :

« Je suis Samui Yukimura. Je ne viens qu’apporter des couvertures aux gardes en faction ici ! »

L’homme relâcha son étreinte. Le garçon put alors détailler son agresseur. Celui-ci était nettement plus grand que lui. Il était entièrement vêtu de noir, mais la chose la plus frappante était le masque couvrant intégralement son visage. On l’avait donc envoyé aux services secrets, lui, le genin, et on ne les avait pas prévenus. Il aurait tout aussi bien pu se faire abattre comme un chien s’ils avaient été de mauvaise humeur. Frissonnant à cette pensée, Yukimura remercia l’objet qui lui avait probablement sauvé la vie, à savoir son bandeau frappé au symbole de Kiri. Le garde, d’une voix toujours aussi neutre, dit alors :

« Veuillez me donner ce que vous avez à me donner, et déguerpir d’ici. Ce n’est pas un lieu pour un shinobi de votre rang. »

S’exécutant sans hésiter une seule seconde, le genin fourra sa main dans le sac une ultime fois et en sortit l’intégralité de son contenu subsistant. Le garde s’en saisit et, aussi rapidement qu’il était apparu, disparut aux yeux du Samui. Ne voulant pas s’éterniser, celui-ci se pressa de retourner au village. Une fois rentré, il retourna voir l’employée qui lui avait fourni les couvertures. Comme dans toute administration se respectant, il y avait évidemment la file devant le bureau. Le garçon prit donc son mal en patience pendant près d’une demi-heure avant que cela ne fût son tour. Il signala donc que la mission était accomplie, et rendit le sac. La femme n’émit aucun signe de satisfaction ni de félicitations. Elle précisa seulement que le genin serait bientôt récompensé pour l’action accomplie. Regardant d’un geste nonchalant sa montre, elle se rendit compte que l’heure de fermeture était atteinte, et ferma son bureau, chassant tous ceux qui avaient le malheur de se trouver derrière Yukimura dans la file. Encore un peu, et c’était à lui que cela serait arrivé. Or, il n’avait aucune envie de revoir à nouveau cette femme détestable. Remerciant sa bonne étoile, le Samui regagna ses quartiers. Arrivé à sa chambre, il fut accueilli par un froid désagréable. Il soupira :

« Ah oui, cette fenêtre… »