Un massacre.

J’étais tout simplement éprouvée par ce qui venait de se passer. Alors que la réunion diplomatique venait de se terminer, une tragédie traversa mon chemin du retour. Si cette réunion avait duré moins longtemps, peut-être que cet évènement horrible n’aurait jamais eu lieu. Mes jambes tremblaient devant la vue de ces corps découpés, décimés, tranchés, transpercés et déchiquetés gisant à même le sol, sous les décombres d’une bâtisse en paille et en bois démolie. De la rage, de la fureur m’habitait, alors que les sanglots d’un vieil homme retentissait juste devant moi. Impuissante devant tant d’injustice, je tombais à genoux, mes poings suivant la cadence et se fracassant contre le sol, dans un bruit d’étincelles et une danse folle d’éclairs échappés hors de mon contrôle. Avec toute sa conviction, le vieil homme s’approcha vers moi, il avait constaté  que j’étais une kunoichi.

-"Je vous en supplie, Kunoichi-sama, vengez-moi, vengez ma famille. Ces… Ces monstres ne méritent pas de vivre… Les Nemuri… Les Nemuri !..."

A bout de souffle, le septuagénaire s’écroula au sol, les larmes aux yeux. Je vins près de lui pour m’assurer de son état, mais il était mort, sans doute d’une crise cardiaque. Je ne pouvais rien y faire, à part respecter ses dernières volontés. Je connaissais au moins le nom de ceux qui avaient fait ça, il me fallait désormais recueillir des informations sur eux.

-"Hime-sama…"

Le regard inquiet, la main posée sur son cœur, ma disciple Tsurugi me fixait désespérément. Je savais ce qu’elle comptait me dire, mais je n’avais pas besoin de l’entendre, pas maintenant. J’étais Amaterasu, celle qui allait apporter la lumière du Soleil sur ce monde, il n’y avait pas de place dans mon âme pour la vengeance. Je laissais échapper un simple Aide-moi en portant le corps du vieil homme. A deux, on le traina jusqu’au reste de sa famille. A l’aide de mon électricité, je finis par embraser quelques morceaux de paille, ce qui provoqua un grand feu recouvrant ce qui restait de la maison. Les yeux rivés sur la danse lugubre de ces flammes, je gardais malgré tout cette tâche que l’on m’avait confié comme une mission à remplir, une mission que je ne pouvais laisser pour compte. Je ne devais pas faire couler le sang, mais il était hors de question de laisser ces meurtriers en liberté.

Cependant, il y avait un ordre pour tout. Je devais me diriger vers la frontière du pays pour récupérer la personne que me devait le Godaime Hokage, la seule autre personne de mon clan en liberté hors du Pays de la Foudre, Kudo Akuruz. Elle s’était faite emprisonnée dans les geoles du Village Caché de la Feuille, mais j’avais réussi à négocier sa libération. Il ne me restait plus qu’à l’attendre là, ceci allait sans doute calmer mes ardeurs. Mon esprit devait faire la part des choses, je devais avancer pour ne pas me laisser emporter par le sentiments.

-"Que les Nuages couvrent vos pas…"

Un murmure adressé aux cieux, perdu dans les bribes du vent.

La voici.

Apparemment, vu sa démarche et sa silhouette intacte, elle n’avait pas été torturée. Cette pratique barbare ressemblait plus aux agissements des shinobis de la Brume, cela ne m’étonnerait pas réellement si cela s’avérait exact. L’adolescente se tenait là, devant moi, comme une enfant perdue venue retrouver ses parents. Malgré tout, elle s’accroupit devant moi, face virée au sol, comme si elle se repentait de ses actes. C’était une bonne chose, tout le monde avait le droit à une seconde chance. Dans cette cérémonie étrange de politesse, la jeune brune finit par me lancer quelques mots aux sens assez forts, des mots qui lui questionnaient sur la raison de sa propre présence ici-même, à ce moment précis. En posant mon regard directement sur la tête d’Akuruz, je répliquais à mon tour.

-"Tu ne dois ta libération que grâce à ma présence. Mes mots ont pesé sur la balance afin d’obtenir d’eux le strict minimum que je puisse faire pour quelqu’un de mon clan. J’espère donc que tu as réellement laissé tomber ta quête de destruction, car je ne serais pas là la prochaine fois."

Je restais froide, oui, ce n’était pas la meilleure des choses à faire, mais vu mon état d’esprit actuel, c’était le mieux que je puisse faire. Les images de ce vieil homme en pleurs tournaient en boucle dans ma tête, je ne pouvais les effacer. D’ailleurs, en y repensant, cette situation portait le parfait exemple à suivre pour cette kunoichi au passé troublé. Sans la quitter du regard, je repris la parole encore une fois.

-"Tu vois ce feu là-bas ? C’est le reste d’une maison attaquée par des bandits. La famille qui y vivait a été complètement décimée. Je m’en vais retrouver ces malfrats, et tu viens avec moi."

Ce n’était pas une question, mais une affirmation que je balançai à la dite Akuruz. N’ayant pas trop le choix, elle se devait de marcher dans mes pas pour sortir d’ici sans le moindre souci. Actuellement, nombre de personnes seraient prêtes à lui sauter dessus pour obtenir des informations sur l’intérieur du Village Caché de la Feuille, mais cette récolte n’aurait pas été faite dans la joie et la bonne humeur. Surtout dans le Pays de l’Herbe. Mais c’était le cadet de mes soucis. Un nom, un seul. Les Nemuri. Je ne les connaissais pas du tout, je n’en avais pas le moins du monde entendu parler, il faudrait donc que j’aille trouver des informations les concernant. Le mieux serait de se rendre dans un petit village non plus d’ici, afin d’avoir du monde à qui parler.

-"Allons-y, nous avons de la route à faire."

Un mode de pensée extrême qui ne me convenait pas.

Selon la personne qui se trouvait devant moi, tous ceux qui avaient eu le malheur d’ôter la vie d’autrui ne méritait pas ce monde de pais que je tentais de construire. Le regard perdu dans le vide, je fixais ma main droite sans la voir, des cris me revenant dans la tête, un boucan d’explosion, des crépitements d’étincelles. Moi qui avait commis l’irréparable, aux côtés de mon actuel pire ennemi, avais-je droit à cette paix ? La couleur de mes iris redevint vive. Bien sûr que j’en avais le droit. Bien sûr que ces personnes avaient une chance de se repentir. Pour un monde de paix, ce qui importait n’était pas le passé, mais le présent et le futur. Tout le monde pouvait se remettre sur le droit chemin, et c’était avec cette conviction que je continuais d’avancer. Malheureusement, il y en avait qui ne se redirigerait vers la lumière que par des moyens plus concrets que la discussion, des moyens plus violents. Tout ceci importait peu cependant. Ma priorité aujourd’hui était de trouver ce groupe de criminels, et de les arrêter avant qu’ils ne continuent à sévir. Telle était ma mission.

Akuruz restait sceptique. Pourquoi l’avais-je sauvé, demandait-elle. Ce n’était pas un acte de cœur plus qu’un acte de raison. Le principe même de ma résolution était de laisser une seconde chance à ceux qui pouvaient le mériter. Elle était jeune – moins que moi mais bon – et surtout perdue. La haine et le désespoir hantaient son esprit, si elle était restée enfermée dans cette prison, ces sentiments auraient grandi au fil du temps. Je ne voulais pas qu’elle sombre dans l’agonie de la vengeance et de la destruction, un souhait qui se révélait compliqué compte tenu de ce qu’elle venait de me dire. Si elle devait continuer à tuer, alors je l’en empêcherais, tout simplement, jusqu’à ce qu’elle comprenne. Quoiqu’il en soit, nous n’en étions pas encore là. A petits pas, nous continuâmes notre route vers ce dit village qui se tenait en face de nous dans un silence pesant. A l’entrée de celui-ci, mon interlocutrice m’indiqua qu’elle souhaitait rester à l’extérieur du village. Un choix bien risqué pour quelqu’un de son niveau, j’en restais perplexe. L’extérieur du village pourrait être le lieu le plus dangereux de la zone. Mon visage tourné vers Tsurugi, une idée me vint à l’esprit. Alors que j’entrai tranquillement à l’intérieur du village, mon acolyte resta aux côtés d’Akuruz. Un service que je lui avais imposé, il était préférable d’assurer ses arrières. J’avais quand même un mauvais pressentiment, laisser mon élève près de cette impulsive meurtrière me donnait la peur au ventre.

Comme tout village constitué pratiquement que de paysans, les rues étaient presque désertes. Tout le monde était affairé à la culture des champs et au stockage des ressources, une activité obligatoire qui régissait la vie de ces personnes délaissés par les hautes instances du gouvernement de leur pays. Je peinais à trouver une âme qui vive au sein de ce village, jusqu’à ce qu’un stand de dango se présente sur mon chemin. Le doux fumet de ces délices me porta près de celui qui les vendait. Un vieil homme, encore, assis sur un tronçon de bois, à côté de son stand. Me tenant devant lui, je le fixais pour attirer son attention, mais il ne bougea pas un sourcil. Il ne devait pas y avoir des masses de visiteurs par ici, mais il continuait de faire des dango, surement pour les paysans du village qui passaient par là. Par terre on pouvait apercevoir un bol rempli de pièces, l’honnêteté des gens présents dans les environs se lisaient dans leurs dons en échange d’une friandise à manger.

-"Excusez-moi…"
-"…ZZZ"
-"EXCUSEZ-MOI !"
-"Ah ! Euh ! Non, pas ce soir, je suis occupé… … … ZZZZZZZZZZ"

Rien à faire. Je tentais de m’approcher des dango pour en saisir, mais le choc de ma main avec une canne en bois me fit reculer. Le vieillard était bel et bien réveillé, il feintait donc son sommeil ! Hmpf, tant pis, j’allais profiter de ce fait pour lui poser mes questions.

-"Le nom de Nemuri vous dit quelque chose ?

Un sourcillement se produisit. Il n’était pas resté indifférent à ce nom, il devait savoir quelque chose. Je continuais mon monologue en lui disant que je comptais les mettre derrière les barreaux, que j’allais les arrêter de mes propres mains. Un petit rictus échappa de la bouche du vieil homme, avant qu’il ne remonte sa tête vers moi.

-"Essaie toujours, fillette."

L’impensable se produisit. La canne utilisée plus tôt pour m’arrêter se matérialisa en katana, dans une coupe qui visait mon cou. La lame traversa ma chair, mais elle ne heurta aucun de mes tissus cellulaires. Mon excellent réflexe de dématérialiser mes cellules en énergie électrique me sauva la vie. Choqué de voir que ma tête tenait toujours sur mes épaules, il sauta sur le toit d’une maison proche, afin de prendre de la distance. Quelle surprise eut-il quand il constata que je me trouvais déjà derrière lui. Je tenais son cou avec ma main, ses nerfs se raidissant les uns après les autres. Il ne pouvait plus bouger.

-"Tu es avec les Nerumi c’est ça ? Dis-moi où ils sont !

Paralysé par mes étincelles, il ne put malgré tout que se mettre à rire, avant que je ne lâche prise et qu’il s’affale sur le toit, gisant comme un cadavre. Je lui plaçai les mains derrière le dos, et avec mon habileté des cordes, je le saucissonnais sur place. En me relevant, je me mis à scruter l’horizon. Ce fut là que je vis la raison du rire de ce vieux fou. Une bande de bandits s’en prenait à Tsurugi et Akuruz, ils les avaient totalement encerclés. Non ! Ça n’allait pas se passer comme ça. Je descendis de mon toit, pour me mettre à courir vers les ennemis, en espérant ne pas arriver trop tard.

-"Nous avons perdu Takikageru. Nous reviendrons piller ce village plus tard. Allons-y. Tokko, Genshi, Jizou, vous restez pour découvrir qui a neutralisé Takikageru."

Une voix s’élançait dans le tumulte du vent, celle d’un des membres du sanguinaire clan des Nemuri. Avec cette affirmation, ils s’observèrent dans les yeux, jusqu’à ce que le gros des troupes s’en aille. Ils emportaient avec eux Akuruz ainsi que Tsurugi, qui s’était battue corps et âme comme elle le pouvait. Elle ne pouvait pas faire long feu, je ne lui avais pas appris de techniques permettant de terrasser les éventuels ennemis qu’elle aurait pu croiser sur sa route. Enseigner un tel art revenait à contredire mes vœux de paix, mais il s’agissait là d’un inconvénient problématique concernant la sécurité de leur propre personne. Un dilemme qui me donnait un mal de crane monstrueux par moment. Mes pas se terminèrent à l’entrée du village, où m’attendaient trois shinobis. Ils semblaient puissants, je restais sur mes gardes, histoire de voir s’ils allaient faire le premier mouvement.

-"Ne me dis pas que c’est toi la gamine qui a tué Takikageru ?! Ce serait une blague de très mauvais goût !"
-"Je ne l’ai pas tué, mais il finira ses derniers jours en prison, tout comme vous."
-"Arrête, arrête, je ne veux pas mourir de rire. Tu vas goûter à notre puissance, petite insolente !, il effectua de nombreux signes, Doton ! Dor…"

Trop lent. Le temps qu’il termine ses mudras, je me trouvais déjà au-dessus du plus grand des trois, celui qui comptait me lancer un Ninjutsu. Ma main posée sur son épaule, tout le reste de mon corps dans les airs, je concentrais rapidement mon chakra dans ma main, afin de libérer une grande quantité d’énergie électrique dans le corps de ma cible. Celle-ci tomba alors au sol, telle une montagne s’écroulant naturellement. Au moment même où je posai un pied au sol, les deux autres avaient tenté de me trancher verticalement et horizontalement. Du gâteau. Sans trop en faire, je laissai les deux armes me traverser, laissant dans leur sillage des étincelles perdues. Une technique extrêmement efficace, puisqu’à chaque fois que mes adversaires croient qu’ils m’ont eu, ils se demandent comment c’était possible que je sois toujours en un seul morceau. Tout ça parce qu’ils n’avaient pas l’habitude de croiser des Gogyō. Profitant de l’effet de surprise, j’écartais mes bras pour libérer une puissante vague électrique qui les électrocuta violemment. Voilà, les trois Nemuri se trouvaient au sol. Mais c’était malin, comment allais-je faire pour retrouver la trace de mes deux acolytes maintenant ? Bon, chaque chose en son temps. D’abord, toujours munie de mes cordes en fil de fer, j’attachais fermement les trois zigotos, en attendant qu’ils se réveillent. Un échec total, j’y étais allée trop fort. Quelle plaie ! Je n’avais pas le temps pour ça ! Et si ces gredins avaient décidé de vendre les deux filles au marché noir ? Et s’ils en profitaient pour les torturer ? Ou pire, les violer ?! Non, je n’avais définitivement pas le temps pour ça !

Dans mon interminable attente, je constatai qu’une petite bille trainait au sol. Mon acuité visuelle restait parfaite, je me demandais même parfois comment je faisais pour voir de si petites choses quasiment introuvables en temps normal. Il y en avait une autre plus loin, puis une autre encore. Une piste ! Je ne savais pas laquelle qui… en fait non, je savais pertinemment laquelle des deux kunoichi laissait de tels indices. Akuruz. Je ne donnais aucune pilule à mes acolytes, à moins que ce soit pour une situation urgente, et à dose ponctuelle. Au moins, elle était dégourdie l’adolescente, un constat un peu étonnant, peut-être que je la sous-estimais beaucoup trop. Elle avait suivi Makka après tout. Continuant de suivre la piste de pilules, j’arrivais à une petite rivière. Il n’y avait plus d’indices. La jeune fille avait dû tomber à court de munitions, un problème comme un autre qui me mettait dans l’embarras. Ce fut là que j’eus le plus grand jet d’observation de ma vie. Une grosse tâche orangée colorait l’herbe non loin de la rivière. En temps normal, je me serais demandé ce que c’était, mais je connaissais déjà la réponse. Cette tâche provenait d’une technique que je connaissais particulièrement bien, celle de Tsurugi. Elle était forte, très forte. Non seulement pour avoir pensé à un tel moyen pour m’indiquer la direction, mais aussi pour avoir réussi à constater que l’autre Kudō laissait des pistes pour moi, et qu’elle ne pouvait plus continuer. Par contre, cela était très risqué, c’était beaucoup plus voyant qu’une simple pilule. En tout cas, je ne devais pas perdre de temps !

Ma longue course touchait désormais à sa fin.

Alors que je m’approchais du repère de ces bandits, quatre shinobi sortirent de nulle part pour me tomber dessus depuis les airs. Sans de bons réflexes, ce type d’assaut restait synonyme de mort immédiate. Heureusement pour moi, je ne me trouvais pas dans ce cas. Le cri strident du métal issu de la glissade de la lame d’un sabre sur le bord d’un fourreau perçait la douce mélodie du vent retentit dans un écho assourdissant, venant s’opposer aux armes mortelles de mes opposants. J’avais dégainé Okuchi. Mes deux pieds posés sur la branche d’un des rares arbres de l’endroit, je pris un appui suffisant pour m’élancer vers eux. Avec un fracas illustré de plusieurs étincelles, mon katana vint à la rencontre de leurs kunai, les uns après les autres. D’acrobaties en acrobaties, je défis chaque personne dans mon sillage, avant d’atterrir comme si de rien et de rengainer tranquillement mon trésor familial. Les quatre Nemuri se retrouvèrent donc au sol, pouvant à peine bouger. Je n’étais plus très loin. Mes pas se firent de plus en plus lourds, était-ce le poids de ma haine qui m’encombrait ? Qu’allais-je faire au moment où je croiserais ces malfrats ? Que ferais-je s’ils avaient osé torturer Tsurugi ? Je ne pouvais même pas supporter cette pensée. J’en aurais le cœur net  de toute façon, l’entrée se dessinait assez rapidement à l’horizon.

Me voici. Bon nombre d’yeux se tournèrent vers moi, un cliquetis incessant d’accessoires métalliques suivirent ces regards pernicieux. Cherchant dans cette assemblée l’ombre de mes protégées, je restais immobile, les bras croisés. Trouvées. Ce capharnaüm les avait divisé, l’une était encerclée avec ses trois clones, l’autre était maculée de sang, coupée de toutes parts. Non, ce n’était pas possible, ça ne pouvait pas être possible. Ils n’avaient pas osé faire ça, pas à ma Tsurugi, mon acolyte, mon élève, ma suivante, mon amie ! Ils seront bien punis une fois en prison, oui, en prison, la prison, un lieu où ils ne pourraient plus faire de mal, oui, c’était bien. Mes pupilles devinrent dorées, ma tête me faisait horriblement mal.

TUE-LES TOUS !

-"Vous ne verrez plus jamais la lumière du soleil. Allons-y, soeurette !"

Durant environ une seconde, je me volatilisais, comme si je n’avais jamais existé. Lors de ma réapparition, un grand cri se fit entendre dans la foule. Il manquait une jambe à quelqu’un, son sang coulait à flot désormais. Un bras, une tête ou deux, les deux jambes, le bassin, le cou, le dos, des parties de corps se faisaient tranchées alors qu’un rire malsain s’éveilla dans la pénombre du repère.

-"Oui, c’est çaaaaaaa ! Ils doivent payer, ils doivent périr ! Ils ne pourront jamais rechercher la paix ! MOURIR !"

Le chaos s’installa tandis que beaucoup de bandits se dirigeaient désespérément vers la sortie. Chacun d’entre eux finissait carbonisé par de puissantes étincelles dès qu’ils posaient le pied près de l’entrée. Le jugement n’épargnait personne. Cette danse macabre résonnait comme un million d’oiseaux tourbillonnant dans un petit espace, jusqu’à ce qu’elle ne s’épuise complètement, laissant derrière elle un silence incommensurable. Lame en main, je ne voyais qu’une chose. Des ennemis. Il en restait encore quelques-uns, deux pour être précis. Plus qu’eux, et mon monde de paix pourrait voir le jour sans crainte. Oui, ils devaient mourir, ils devaient payer. Qui était-ce ? Akuruz ? Kudo Akuruz ? Elle a tué des membres de mon clan, elle devait payer, elle devait périr. Alors que ma lame allait s’abattre sur la dernière survivante ainsi que sur la Nukenin, mon geste fut stoppé par le corps chancelant de Tsurugi, venue s’effondrer sur mon dos. Sa petite voix tremblant et noyée dans son propre sang me murmurait d’arrêter ce massacre.  Qu’avais-je fait ? Que s’était-il passé ? Mes mains étaient rouges, couvertes de sang, un sinistre tableau peint d’une morbide couleur. C’était… moi ? Plus important, Tsurugi ! Je finis par l’allonger, avant de lui appliquer l’un de mes plus puissants soins. Il ne fallait pas rester ici. Jetant un dernier regard à la jeune adulte brune, mes yeux humides ne pouvaient retenir mes larmes plus longtemps. Néanmoins, emportant le corps de mon élève avec moi, je laissais ce lieu qui resterait gravé dans ma mémoire à jamais, en un éclair. Malgré moi, j’avais accédé à la requête du vieil homme, j’avais pratiquement décimé cette famille de meurtriers. Ce n’était pas moi, enfin si, mais non ! Je l’avais ressenti, j’avais entendu sa voix, cette voix qui s’était éteinte depuis bien des mois déjà, celle de mon frère jumeau. La noirceur de mon âme m’effrayait, je ne voulais pas tomber au fond de mes propres ténèbres, je devais à tout prix remédier à ce problème.

Postée près d’une rivière, je laissais ma suivante aux cheveux violets se reposer , tandis que je lavai mon visage et mes mains dans l’eau cristalline naturelle. Pathétique. Comment pouvais-je prôner la paix après ça ? Non, je ne devais pas sortir du droit chemin. Mes pensées s’emparaient de mon esprit, jusqu’à ce que des sanglots s’élèvent du néant. Un panier descendait dans la rivière, avec un nourrisson à son bord. Plongeant dans l’eau glacée de la rivière, j’allai récupérer ce bambin abandonné pour le ramener sur la rive. Un bébé, c’était bien ma veine.

A ma plus grande surprise, elle se trouvait là.

Ma Nukenin de cousine m’avait suivi, un fait que je trouvais malgré tout très étrange. Outre le fait qu’elle ne devait pas se douter de ce qui s’était réellement passé, il y avait une chance qu’elle soit toujours en danger. Nos yeux se croisaient encore et encore, mon regard embrumé par mes récents souvenirs ainsi que les larmes qui en découlaient, et le sien trempé dans la réalité des évènements qui venaient de se dérouler. Cette fois-ci, c’était bien pire qu’à la guerre. Ces êtres, aussi vils qu’ils furent, n’avaient pas la puissance nécessaire pour résister à mes assauts, j’avais l’impression d’avoir abattu de faibles animaux. Cette pensée unique me fit me sentir extrêmement mal, au point de redéposer le bébé dans son panier avant de m’approcher de la rivière pour vomir un bon coup. Je me sentais mal, très mal. C’était impossible, ce n’était pas ce que j’avais espéré. Et cette voix, j’en avais désormais la certitude. Mon action désespérée sur la plus haute montagne du Pays de la Foudre n’avait pas échoué, le corps et l’esprit de mon frère jumeau habitaient bel et bien mon corps. Mais pourquoi ? Pourquoi avait-il décidé de tuer ces gens ? Pourquoi avait-il pris la décision de les haïr au point de leur ôter la vie ? Pourquoi me faire subir ça alors que tout ce que je voulais était de la paix, de la justice et du bonheur en ce monde ? Je me posais déjà autant de questions quand je l’ai aperçu dans le cratère du volcan, mais d’autres venaient à leur tour renforcer mon incompréhension.

A ce rythme, je ne pouvais plus dire grand-chose à Akuruz. Je venais de faire exactement ce que je lui interdisais depuis un moment, prendre la vie d’autrui. Si elle sombrait de nouveau dans les ténèbres, ce serait purement de ma faute. Elle me fixait, me lâchant des mots qui semblaient vouloir dire qu’elle me pardonnait, et qu’il fallait se reposer. D’autres mots de réconfort, mais je ne savais pas quoi faire dans cette situation. Me cantonnant au silence, je continuais de laver mon visage et de tenter de retrouver mes esprits. Je tremblais de toute part, cela ne me ressemblait pas du tout. N’avais-je pas été sevrée lors de cette horrible guerre ? N’avais-je pas connu les cauchemars du passé de Tsura, Celui-Qui-Chasse ? N’avais-je pas obtenu tous les noirs souvenirs de Samidare Teichiro ? Je restais sans doute encore et toujours une simple gamine qui partait au front face au monde entier. Ces doutes ressurgirent de mon inconscience, je me demandais si mes épaules étaient taillées pour mener à bien ce projet bien plus qu’ambitieux. Tuer les Furyo, annihiler la guerre, que des mots qui étaient faciles à prononcer mais compliqués à mettre en œuvre. Cependant, je n’avais pas le temps pour tout ça, je n’avais pas le temps de récupérer de cette réunion familiale de courte durée également. Quand j’observais Tsurugi gisant au sol, je me disais que je ne pouvais pas abandonner, rien n’était joué, tout restait encore à faire. Je n’avais pas le temps pour ça.

M’approchant timidement de la Kudo, je la pris dans mes bras, la serrant fortement contre moi. Elle avait changé d’idée, j’espérais que c’était vrai, j’espérais que sa vision des choses s’était éclaircie. Son corps était chaud, je voulais me remettre à pleurer, mais je ne devais pas, je devais rester forte. En rouvrant mes yeux, une surprise frappa mon esprit. Des shinobis venaient droits sur nous. Ni une ni deux, je jetai Akuruz dans la rivière, suivie des autres Nemuri. Je regardais leurs corps descendre le courant, ne lançant un simple sourire à ma cousine. J’allais devoir régler ça toute seule. Ils arrivèrent autour de moi, m’encerclant contre la rive.

-"Alors c’est toi la gamine qui a décimé mon clan. On ne dirait pas que tu es si puissante que ça. Mais tu sais, tout le monde paie un jour son dû. Il est temps de payer le tien !"
-"Je ne pouvais pas dire mieux moi-même."

Les quelques shinobis présents foncèrent droit vers Tsurugi, une attaque lâche et dénuée d’honneur que je ne pouvais laisser passer. Au moment où je me décidai à bouger, deux autres tentèrent de me couper la route. Je n’avais pas le choix, je devais leur montrer qui j’étais réellement. Dans leurs tentatives de me trancher un bras et une jambe, leurs lames me passèrent au travers, laissant des traces électriques derrière leur sillage. Sans m’arrêter, je neutralisai les assaillants de ma protégée endormie, me retournant pour déposer près d’elle le bébé que j’avais emporté avec moi en passant. Se replaçant pour reformer leur cercle, les bandits émirent des petits rires mesquins.

-"Que peux-tu faire toute seule contre nous tous ? Tu n’as aucune chance de t’en sortir. Vous allez tous mourir sous le jouc de mon sabre… Fais tes adieux !"

Leur chef – à priori – se mit à courir dans ma direction, seul, exactement ce que j’espérais. Sans trop bouger, je me dirigeai à mon tour vers lui, sans armes ni protections. Une fois l’un en face de l’autre, il transperça mon cœur, du moins, c’était ce qu’il croyait, tandis que je préparais une technique qui me rappelait la spécialité de mon frère.

-"…Dengeki Shokugeki."

Une gigantesque éclair s’échappa du corps de mon adversaire, ne laissant que des cris étouffés par ce vol d’un millier d’oiseaux. Il n’était pas mort, mais je doutais qu’il puisse se relever après ça. Sans perdre de temps, je joignis à nouveau les mains pour faire apparaitre deux clones identiques à ma personne. J’eus raison de prévoir ce coup, car une fois cet homme tombé, les autres se remirent à la charge pour me tuer moi ainsi que les deux autres êtres qui m’accompagnaient. Répartissant mes forces et présences pour gérer tout ce petit groupe, il ne restait plus aucun ennemi debout. Fiou, j’avais réussi. Faisant disparaitre mes clones, une stupeur glacée arrêta mon cœur. Le chef des Nemuri s’était relevé et il s’apprêtait à planter son sabre dans la gorge de Tsurugi. Je vis rouge. Rouge, avec des pupilles dorées. Je ne pus même constater que je me trouvais déjà derrière lui qu’il ne possédait plus de bras et que je tenais son cœur battant dans ma main droite. Essoufflée, haletante, mes esprits me revinrent quand je constatais l’amas de sang qui tâchait mes bandages ainsi que mes vêtements. L’homme était mort. Partant dans un rire nerveux, je tombais sur mes genoux, des larmes perlant sur mes joues. J’avais recommencé. Non, cette fois, je n’avais pas le choix. C’était soit lui, soit Tsurugi. Hakuito avait vu juste. Je n’avais pas d’autres choix.

-"Ha…Haha…Je suis… Je suis une meurtrière… Haha…Ou…Ouhouhouuuu…"
-"…Amaterasu-sama… Vous êtes mon sauveur, et celui de ce bébé."

Je me retournais, apercevant Tsurugi qui était debout, tenant le nourrisson dans ses bras. Les avoir ainsi accélérait la coulée de mes larmes, alors que ma protégée me tendait l’enfant. Le prenant contre moi, ce n’était pas lui qui braillait mais bien moi, comme s’il comprenait ma souffrance. Dans cette atmosphère morbide, et une pluie qui commençait à tomber, la jeune femme aux cheveux  violets m’entoura de ses bras, me laissant crier de douleur et pleurer de tristesse. Il m’en faudrait du temps pour me remettre de tout ça. Une chose était sûre, ce vieil homme ayant perdu son âme en même temps que sa famille avait trop bien de cause, même si cela avait dû tâché les mains déjà trépignantes d’une petite blonde aux espoirs d’un monde meilleur, d’un monde sans guerre.