Tantôt un tombeau d’infortune pour certains, tantôt une mise à l’épreuve pour d’autre, cette fournaise désertique était un véritable cauchemar pour tout ceux qui s’aventurait à vouloir le traverser de part en part. Combien d’hommes avaient succombé à ce sable infernal en priant de toute leur maigre force afin que leurs dépouilles macabres ne soient pas dévorées par les charognes du désert. Combien d’insouciants, belliqueux, avaient méjugé l’ardeur de cet environnement hostile et avaient trépassés dans les sables mouvants. Tout bon sunajin connaît les risques inhérents de ce sanctuaire immémorial, inexorable, qui trône dans sa splendeur la parfaite, défiant de sa magnificence les plus insensés. Je fais référence à ces marchands ambulants que l’on croise tantôt sur les maigres routes sablonneuses qui jonchent cet enfer à ciel ouvert, ces colporteurs qui sous des revers de parias connaissent mieux que quiconque les secrets de cette contrée si singulière. Pas étonnant que ces hommes évoluent selon le modèle des nomades et gardent jalousement ce savoir immense et éminemment précieux. Le plus souvent, dissimulé dans l’ombre des éperons rocheux Un clan d’hommes, d’élus devrais-je dire, était parvenu à juguler le désert après avoir sué sang et eau. Ces hommes dont on dit qu’ils ont reçu la bénédiction du désert, ont façonné leur art jusqu'à le maîtriser à la perfection cette fine particule sablonneuse dont le pays du vent ne sait plus qu’en faire. Se faisant appeler Kawaguchi, ces hommes ont vécus des années entières dans ce paysage désolé, ont appris à l’apprivoiser et à se prévenir de ses risques. Cette connaissance aigüe du désert leur a permis à bien des occasions de prendre l’ascendant sur l’ennemi et de protéger le village du sable. Aussi sont t’ils respectés et redoutés et votre humble serviteur s’inscrit dans la droite lignée de ces illustres ancêtres.
Pourtant lorsqu’il s’éveilla ce matin là, il était loin de se douter qu’une rencontre inédite allait ponctuer sa journée qui s’annonçait d’ores et déjà être bien rempli. A l’instar de tout Kawaguchi qui se respecte, Kaigõn avait pour habitude de s’isoler quelque heure par jour loin du tumulte du village pour méditer et se consacrer pleinement au Sunaton. Cet arcane ancestral demande d’entremêler conjointement spiritualité et habilité physique pour obtenir des résultats probants. La longue veste ample dont le col bardé de fils dorés et de motifs inintelligibles rendait notre Kawaguchi facilement identifiable sur ce panorama désertique. S’adonnant avec soin et ardeur à son art, il soulevait, transformait, modelait et faisait s’abattre le sable avec fracas sur les roches disséminés cà et là de la bande désertique. Ca parait pas comme ca mais ca requiert un certain doigté et une dextérité singulière.
« Oh là, jeune homme. Vous ne devriez point vous donner de la sorte, vous allez vous faire du mal. » ergota une voix perché, fébrile, souffreteuse.
Le Kawaguchi leva les yeux en direction de l’auteur de ces paroles et découvrit un vieillard chétif qui, prenant appui sur une canne en noyer, avait tout de même peine à rester debout. Etrangement, ce fossile sénile l’avait surpris du moins Kaigõn ne l’avait point apercu se faufiler près de la falaise non loin de là, chose qui pour le moins restait habituelle. Il était tout autant possible que notre Sunajin accompli se soit trop concentré sur son entrainement. Aussi, décida t’il de rétorquer à cette remarque avec dérision.
« Vous en faites guère pour ca l’ancien ! Vous devriez plutôt davantage vous inquiéter de votre sort… »
lanca t’il d’un ton sarcastique, comme s’il comptait passait à l’offensive puis il rajouta :
« A votre âge, sortir ainsi n’est guère responsable de votre port, vous pourriez attraper une insolation ou vous déshydrater et …. »
Une veine se gonfla sur sa calvitie naissante et toutes les rides de cette vieille épave se froncèrent simultanément.
« Tu m’en fais de la déshydratation Gamin, je suis l’un des prêtres du temple d’Ichibi. Alors ne prend guère cette prévenance teinté de cynisme avec moi «
Kaigõn ravala sa salive empreinte de venin. Il restait à savoir si cette venue était totalement fortuite ou si l’ex épave devenu grand sage, avait souhaité rencontrer le présomptueux Kaigõn. Vous devez éminemment vous douter que les Kawaguchi sont très liés à Ichibi notamment de par la maîtrise de l’élement Sunaton et qu’autrefois certains membres du clan vénéraient et vouaient un véritable culte à l’esprit du sable.
« Assieds toi, petit. » lui adressa t’il alors d’une voix timoré.
Il s’exécuta soigneusement, convaincu que cet homme voulait partager là un secret, un fardeau dont il ne pouvait plus guère supporter la charge.