[Bon, j’ai vu que tu étais Samouraï, ça tombe bien, je considère donc que tu traines à Tetsu no Kuni. Je m’excuse si tu ne voulais pas un FB, mais avec l’Examen, je ne voulais pas devoir te mettre au second plan. Je considère que ça se passe un peu avant l'Examen.]

Le Pays de Tetsu no Kuni avait bien changé. Nous étions loin des communautés en perpétuelles conflit, dont le seul aspect préservé de cette culture guerrière, c’était les mines. Les gens se battaient, causant des morts, presque par traditions. Les communautés étaient nos ennemis, nous n’avions pas le droit de prendre les mines à moins d’éliminer toute une communauté, ce qui était rare. Alors les gens se battait, les gens travaillaient dans la mine ou se battait. La première option offrait une certaine sécurité, la deuxième une forme de gloire et de respect. Puis, il y avait eu les Samouraïs avec leur code. Je savais que je ne pourrais jamais être l’un d’eux. Au fil de mes voyages, j’avais compris que j’étais ce que les Shinobis appellent un Gogyou, notre sang était considéré comme maudit. Je m’efforçais donc de ne pas en faire étalage, j’en avais presque honte, mais c’est surtout la peur d’être rejeté de ce Pays qui me dérangeait.

Maintenant que Tetsu no Kuni n’était plus cet animal assoiffé de sang, maintenant que les Samouraï avaient apporté leur sagesse, leur limite à ces pulsions, qu’ils faisaient de ce Pays une chose meilleure, je voulais en être, je voulais y participer. J’avais demandé à rencontrer un des Samouraïs de ce Pays, le maître du fief de Narukami, le Ministre de la Guerre de ce Pays et un militaire impressionnant. Je ne savais pas que penser de cette rencontre, j’étais venu avec mes armes et toutes mes affaires. Pourtant, en entrant dans le fief, du moins, dans le petit village qui l’entourait, je sentis une pression tout juvénile. Je savais mon rendez-vous pour bientôt avec cet homme important. Pourquoi avait-il accepté de me recevoir ? En tant qu’ancien membre du Pays de Tetsu ou plutôt à cause de son intérêt ? Ou peut-être parce que je m’étais directement adressé à lui avant de passer par le Daimyô ? Ou la chance ?

Quand on me fit entrer dans la salle, j’avais pris la peine de me changer, je résidais depuis quelques heures dans une « auberge ». Je serais peut-être parti dans la journée ou demain. La vérité, c’est que ma bourse ne supporterait pas ce genre de luxe plus longtemps. J’errais depuis quelques mois et le besoin de trouver une demeure se faisait sentir. J’étais là, mes cheveux attaché très bas, donnant un aspect large près de mon crâne à ma queue de cheval qui descendait presque à la moitié de mon dos. Je portais un cordon usé autour du coup pour tenir mon chapeau dans mon dos. Je portais une tunique qui se voulait longue, c’était un manteau gris foncé aux rebords élimés, sans fermeture, attaché par une corde neuve autour de ma taille. Trop court, on voyait mes pantalons beiges et refermés aux chevilles par des bandages et des sandales ayant servies un peu trop.

- « Je suis Fukuji Musuji, un ancien habitant de Tetsu no Kuni… J’ai quitté le Pays parce que, alors que nous n’étions que des communautés se battant, j’ai vu le mal dans ma famille et mon foyer. Je reviens parce que je vois dans l’ordre des Samouraïs une chance de rédemption. »

En parlant, je le fixais. Je restais silencieux, après ma tirade, un peu mal à l’aise et avec le sentiment d’être ridicule dans ces habillements. Soudainement, j’eus un sursaut, un choc. Je replaçais mes pieds et posais ma main sur mon plexus, à place, avant de m’incliner et de rester ainsi. Attendant un signe que je pouvais continuer. Mon cœur battait sourdement, conscient de mon ridicule dans mes habits trop courtes, trop usés, maladroites. On aurait pu croire un simple paysans si ça n’avait été du chapeau de cuir teint en gris et cerné de métal dont le brillant avait été terni.

L’homme m’expliqua la situation et mon don médiocre pour m’expliquer me sauta à la figure. Je restais, incliné, quelques secondes. Que lui répondre sans lui manquer de respect. Il me proposa aussi de m’aider, disons, financièrement, au niveau du couvert et des vêtements. Je ne pris pas cela comme un insulte, ce n’était pas vraiment de la pitié, c’était plutôt une marque de reconnaissance, pour bien me faire comprendre qu’il n’attachait pas d’importances outre mesure à ces détails. C’était une offre, certainement alléchante, je ne le nierais pas, mais en quelques secondes, je me rappelais à l’ordre. Je pris une inspiration, en me redressant, pour me donner courage et tenter de bien m’exprimer. Mon cœur battait toujours aussi fort, mais une part de ma nervosité d’origine s’envolait aux mots de cet homme.

- « Sauf tout mon respect, mon Seigneur, dans les régions plus isolées et pauvres, la présence des Samouraïs étaient moins importante quand j’ai quitté. Je n’avais jamais eu l’occasion d’observer les vôtres comme au court des derniers mois. J’ai… pardonnez ma franchise, je sais lire et écrire, mais mon éducation sur les coutumes et le monde c’est surtout faite au cours de ces quelques temps de voyage. »

Je répondis alors à son invitation, m’approchant de la table basse. Je la regardais, heureux de voir ce mobilier bas qui était familier. Je m’assis, sans trop de difficulté, prenant la peine de remontrer les manches de mon manteau pour éviter qu’elles ne nuisent aux couverts. C’était étrange d’être soudain plus à l’aise, en me retrouvant devant une table, mais aussi de la familiarité qu’elle apportait sur cette rencontre, surtout face à un homme aussi important. Je hochais la tête en le regardant boire, posant mes mains sur mes genoux, sans oser me servir ou piller ce qu’il me proposait. Je repris simplement la parole au sujet de ses cadeaux.

- « Je me dois de refuser. Je sais que vos dons partent de bonnes intentions, mais je ne peux pas accepter. Je préfère gagner ce que j’ai, c’est une part de l’éducation dans mon village minier dont je suis fier. Je préfère gagner ce que j’ai par mon travail, mes engagements et mes actes. Il n’y a rien d’étonnant à ce que les Shinobis s’intéressent à Tetsu no Kuni, le contrôle du Fer est un avantage dans leurs guerres. »

Je pinçais néanmoins les lèvres en regardant ce qu’il y avait sur la table. Même l’eau et le sake semblaient meilleurs dans ce lieu. Je regrettais de ne pouvoir goûter ce dernier, mais à mes yeux, j’étais surtout en devoir. Je ne refuse pas ce genre de plaisirs, mais je les gagne. C’est cette limite qui empêche les hommes d’abuser. Les Shinobis avaient un regard sur nous… Rien d’étonnant, le Pays du Fer était une ressource importante pour l’équipement militaire de partout dans le monde, avoir le contrôle sur nous, ce serait un avantage énorme, mais l’utilisation de ce « nous », comme si je me considérais comme un membre de ce Pays alors que quelques mois plus tôt, je l’avais quitté par dégoût pour le village dans lequel j’avais grandi.

- « Je ne sais pas si il est adéquat de vous parler ainsi… Je désire me mettre aux services de Tetsu no Kuni. Je ne suis pas un Samouraï, je ne l’ignore pas. La raison de mon départ… J’ai quitté mon village quand j’ai vu la Bête, cette pulsion, à se battre, chez moi et chez les autres. J’ai erré pour trouver des maîtres qui sachent se battre sans la Bête, pour de bonne raison, car causer la mort ne doit pas être fait à la légère. Je ne pensais pas les trouver dans mon propre Pays, si je m’étais contenter de lever les yeux et de regarder autour. »

Je soufflais, contrôlant légèrement mon expiration. Mes héritages de Gogyou pouvait encore me nuire, je ne savais pas si je devais lui cacher, mais, pour le moment, ce n’était pas le principal. J’attendais tout simplement sa réaction, ses questions, son jugement. Les hommes laissés à eux même, ceux qui ne savent s’effacer devant des Maîtres justes, sombrent dans la Bête. J’espérais que l’homme qui me jaugeait saurait accepter mon bras et mes lames, aussi humbles soient-elles.

Quand je le vis échapper sa coupe, je restais un moment silencieux. C’était une telle cassure avec le portrait qu’il avait montré jusqu’à maintenant, que je m’inquiétais presque. Une jeune femme vînt se précipiter, mais l’homme se contenta de rire de bon cœur en lui signifiant que c’était sans importance. Je souris un peu, sans oser rire, mais à mon tour charmé par sa surprise. Il parlait de perfidie, je ne savais trop quoi en dire, je me contentais de hocher la tête. Je me demandais ce qu’il entendait par devenir cynique à force d’intelligence. Cette dissociation me sembla presque effrayante sur le coup, mais je préférais ne pas trop m’attarder. À ses doutes sur mes intentions, je me contentais de hocher la tête.

- « Je vous assure, monsieur, que si vous me connaissiez, vous ne douteriez pas de moi, mais je comprends ce que vous voulez dire. Vous ne me connaissez, voilà tout. J’accepte cette échange, mon seigneur. »

Je me sentis moins nerveux, moins « humilié », si l’on pouvait dire. Je me permis même de tendre la main vers le Saké et d’en prendre une petite gorgée. Savoir que j’accomplissais quelque chose pour lui, du moins, que j’allais le faire, me semblait être le signe que je n’étais plus en train d’accepter une forme de générosité charitable. Dès les premières gouttes, je sentis la différence avec les produits ordinaires. L’alcool était vive, mais peu piquante, même si elle brûlait la gorge. Il y avait dans ce saké un goût de pureté qui ne me décevait pas, il était presque exactement ce à quoi je m’attendais. J’en fus presque surpris. Je reposais le petit verre, encore à moitié plein, n’ayant osé ingurgiter trop du breuvage.

- « Si je ne me trompe pas, c’était un Konohajin avant ? Il a déserté et a dirigé l’organisation de l’Ant’Tei, je crois… Je peux tenter de m’informer un peu plus, auprès de Konoha, puis de ses anciens ennemis, mon seigneur, même si je doute que beaucoup puissent m’en apprendre. »

Je hochais la tête un instant, laissant mes yeux baisser vers le verre. Voyant ma main toujours sur lui et l’autre posée sur la table, je les fis glisser et les laissais retomber sur mes genoux, comme le veut la politesse. Je regardais un instant le verre, réfléchissant quelques secondes à ce que je pouvais d’autres. Je ne savais pas trop comment faire à vrai dire, je devrais chercher à établir des contacts. Il y avait l’organisation, mais il fallait trouver un de ses membres et les questionner. Comment faire ? J’eus soudain un éclair qui passa sur mon visage, je levais les yeux, vers le Ministre de Tetsu no Kuni.

- « Mon seigneur, je vais tenter d’en apprendre le plus possible pour vous prouver mes compétences et ma loyauté. Je tiens toutefois à préciser une chose : je refuse de prêter des serments que je ne puis respecter pour obtenir ces informations. »

Je ne savais pas si ces conditions lui plairaient. Une idée horrible venait de me traverser l’esprit… S’il m’envoyait moi, au lieu de ses propres hommes, était-ce parce qu’il considérait qu’en tant que Shinobi, mon honneur me permettait le mensonge et la tromperie ? Je n’avais nul serment, nul code, mais je me refusais à certaine chose. Un accord, un serment, un contrat, à mes yeux, devait être respecté à la lettre. J’espérais beaucoup de cet homme, mais je me refuserais à tous compromis sur cette simple règle personnelle.

[J'ai utilisé les informations des fiches des Shinobis importants. Si j'en est trop pris, n'hésite pas à me le dire, je changerai ça.]

Il parlait de serment, je comprenais ce qu’il voulait dire. Je comprenais, mais je n’étais pas sûr qu’il comprenne ce que j’avais voulu dire. Pas un serment envers lui, non, ça, je n’en étais pas encore là. Certes, je le respectais, je le ferai, mais pas maintenant, pas avant d’avoir prouvé ce qu’il exigeait. Rien ne me semblait plus normal. Un serment c’est une entente, il me donnait et je prenais en contrepartie. Non, je pensais plutôt à l’An’Tei en disant cela. Je ne désirais pas mentir et tricher pour obtenir ces informations, je ne voulais pas me faire passer en mentant directement. Je ne voulais pas jurer fidélité à cette organisation sans accomplir ma part.

Quand cet homme qui m’avait impressionné par sa noblesse, même en renversant son verre, s’approcha de moi, je me figeais. Un instant, mes réflexes me firent trembler, ma main se souleva, de quelques centimètres, un soubresaut, comme s’il représentait une menace. Pourtant, ce n’était pas le cas et j’arrêtais le geste. L’inconfort resta, non pas à cause de ce qu’on pouvait imaginer dans ce geste, mais bien à cause de la proximité avec cet homme. Il me parla des hommes et des titres, mais les paroles ne me touchaient pas. Je comprenais ce qu’il disait, j’étais même en accord, mais ce contact me semblait horrible, presque cruel.

Je fis un effort pour garder mes yeux dans les siens, mais dès que ses mains relâchèrent mon visage, je ne pus m’empêcher de détourner ce dernier et de baisser les yeux. Ses doigts frôlèrent ma joue alors que le geste pour me soustraire, lent, mais un peu trop obstiné, se faisait sentir. J’étais un Gogyou et supérieur par sa naissance, il l’était. Parfois, c’est incontrôlé, il se produit des choses étranges. La peau devient rugueuse, mais on craint que ça ne se sente. Rien à voir avec ce qu’on raconte, comme les gens qui s’enflamment. J’ignorais si ce fût le cas où s’il le remarqua. Tout ce que je sais, c’est que j’éprouvais une vague de remord. J’étais Gogyou, mais il y avait autre chose aussi. J’étais moins qu’un homme, j’étais un élément en partie. La terre gronde, je la sens gronder. Pourtant, parfois, je me demandais si j’étais sourd à ma « nature humaine ». Si je n’entendais que mon envie du médiocre. À moins que Seigneur Seigen fut plus qu’un simple homme.

Quand il m’adressa la parole, je pus de nouveau l’écouter. Je relevais les yeux, reprenant conscience de ma panique exagéré. J’espérais que sur mes traits, rien n’avait paru. Il me donna quelques conseils, je les écoutais avec attention. J’essayais de me concentrer sur cela pour chasser l’épisode gênant.

- « J’irai à l’An’Tei dans ce cas. J’ignore si elle est proche des Pays neutres, mais c’est en ce sens que je vais chercher. Son œuvre en dira peut-être plus que son passé, je l’espère. »

Je hochais la tête en me penchant vers l’avant pour faciliter le déploiement de mes jambes. Je me levais immédiatement, m’inclinant une fois de plus devant l’homme. Je me relevais, hochais une nouvelle fois la tête et me détourna précipitamment. Il m’avait dit ce que je devais faire, je le ferai. Il avait certainement beaucoup à m’apprendre, mais ce n’était pas le plus important. Cet homme semblait sage, mais il semblait pur. Il ne semblait pas être dominé ou motivé par la Bête tapie. Sous sa tutelle, non, sous ses ordres, en y obéissant sans penser à moi, je pourrais m’assurer de faire bien.