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 La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru]

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Mitsuharu Yuka
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Message(#) Sujet: La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] EmptyVen 9 Nov 2012 - 22:51

Cauchemar, terrible cauchemar. Il ne comprenait plus, ne s’obstinait pas même à tenter de saisir une raison plausible à toute cette histoire. Non, il ne s’acharnait plus, parce que finalement, au fond de son être, il connaissait le pourquoi du comment. Ce monstre, face à lui. Il savait totalement d’où il prenait son pouvoir. Il avait conscience de ses torts, et de son idiotie. Ce fut lorsque sa sœur brandit pour la première fois Suishô que son esprit fit la corrélation. Le seul monstre, ici, n’était pas elle, mais bien lui. Yuka ne vivait pas de cette terrible monstruosité qui semblait tous les habiter. Elle survivait, dépassant cette tare qui les poursuivait tous. Son esprit se battait depuis le début. Il se battait, mais venait de perdre ; grenade dégoupillée jetée en plein champ de bataille. La gamine respirait, inhalait toute cette haine qui s’extirpait de la bouche ouverte de son frère. Elle recevait de plein fouet ce qu’elle avait toujours détesté, sans même s’en rendre compte. Leurs seuls corps animés par la haine peuplait l’endroit. Oui, car c’était cela. C’était ce qu’il venait de comprendre : Sa sœur prenait peu à peu la forme qu’il lui façonnait depuis le début. Un monstre sans cœur, prêt à tout détruire pour venger. Envoyée par les âmes pour calmer leur peine. Messie d’un cauchemar, témoin d’une triste réalité.

L’adolescente brandit avec violence l’épée, la plantant dans la main de son frère pour la planter au sol. Dans un hurlement d’agonie, il fit naître en Yuka ce qui le terrifiait au plus haut point. Ses prunelles incarnates, plongées dans celles céladon de son frère, paraissaient deux étoiles brillantes de haine, d’une rage insoutenable. Elle le regardait en souriant, ne baissant pas une seule fois les yeux. Ce combat ne résidait pas que dans la bestialité des coups infligés, mais bien dans les échanges, dans le conflit entre leurs deux esprits. L’un se battait contre la terreur de voir cette nouvelle bête, l’autre contre soi-même, en exposant au monde la haine qui la rongeait. Bouleversée, détruite, dévastée, il ne restait de son âme qu’une enfant aux griffes d’un démon. Pauvre marionnette, livrée aux mains d’un monstre bien trop puissant. Entité dominante, qui la dévorait lentement.

Se battre contre elle lui faisait peur, au point que la fuite devenait une échappatoire de plus en plus évidente. Pourtant, rengainer sa fierté ne lui plaisait pas le moins du monde. Et puis, finalement, il méritait son sort, alors quitte à choisir, autant continuer à livrer bataille. Il tenta de riposter du mieux qu’il pût, mais sa sœur, bien plus maligne qu’il ne le pensait, le vainquit de nouveau. Ses rubis, plantées dans ses émeraudes, lui montraient avec clarté que ces ruines étaient prévues pour devenir le théâtre de sa fin, qu’il avait condamné son propre destin en les tuant tous. Elle ne lâcha pas son sourire, et lui infligea un autre coup, torture interminable, plaisir sans fin. Son esprit, enivré par un doux sadisme, s’affairait à imaginer un nombre incalculable de scénarios, dans lesquels il perdait toujours la vie. De nombreuses manières de le tuer lui venaient en tête, et si l’être humain avait la chance de revenir à la vie, elle l’aurait tué autant de fois qu’il le fallait.

Valse de la folie, douce agonie.
Petit, petit pantin livré aux bras de la mort.
Yuka explosa de rire, se relevant lestement pour continuer son travail. Avec une grâce méphistophélique, elle lui infligea de nouvelles souffrances, prenant plaisir à l’entendre agoniser. Ces cris, ces hurlements, ces appels à la mort … Elle les connaissait tous aussi bien les uns que les autres. Dans son cauchemar infernal, la brunette les avait tous entendus, aussi clairement que ceux de Kyurei. Et, sentir cette agonie se manifester ainsi lui rappelait la géhenne traversée, lorsqu’il leur infligea une telle torture. Étrangement, son cœur s’enivrait de toute cette torpeur, battant au rythme d’une haine croissante. Elle se délectait de tous ces bruits, mélodie merveilleuse d’un être souffrant.

Et, d’un seul coup, ce fut terminé.
C’en était trop. L’énervement dépassa le plaisir de la torture et, enfin, elle se décida. D’un seul coup, le sabre partit. Coup de grâce infligé à un monstre. Scellement d’une bête ayant déjà bien trop vécu. La fin d’un cauchemar, le début d’une nouvelle vie. Ainsi, Yuka fit taire Kyurei. Ainsi, Ils purent retrouver la paix dans leur repos.

La brunette retira la lame du cadavre, la serrant avec puissance. Un trophée qu’elle méritait, qui lui était justement revenu entre les mains. Désormais, l’équilibre se rétablissait. Ou presque. À présent, il ne restait qu’elle, ultime survivante de la longue lignée Mitsuharu. Seule et unique représentante de ce clan désormais éteint.

Un petit bruit attira son attention. Quelqu’un. Ici. Après un tel massacre. Yuka se tourna pour faire face aux spectateurs. Ils étaient nombreux. Bien plus qu’elle ne le pensait. Son corps se mit à trembler, parcouru de spasmes de part en part. Ses jambes fléchirent, et de chaudes larmes perlèrent au coin de ses yeux. Mélange entre tristesse, culpabilité, rage et haine, elle ne put contrôler ses émotions. Alors elle pleura, pendant peut-être cinq bonnes minutes, les larmes s’écoulaient de ses prunelles sans que son esprit ne pût interférer. Ils la regardaient tous, ébahis devant un tel carnage. Mais ce qui les surprenait le plus restait sûrement le fait que Yuka ne fût qu’une gamine. Une enfant plongée dans un univers qui n’était pas le sien.

Cependant, cela ne constitua pas une excuse. Non, pas le moins du monde.
Lorsqu’ils arrivèrent, elle comprit. Yuka fit face à la sombre réalité qui l’attendait : les geôles de Kiri.

***

La brunette ouvrit doucement les yeux, contemplant la cellule avec un air triste. Déjà deux jours. Deux jours qu’elle restait toute la journée assise, à regarder ces murs souillés d’écritures diverses et variées. Deux jours que ses yeux retraçaient tout l’agencement de cette petite cage. Sans cesse, elle se la décrivait, encore et encore, comme un nouveau cauchemar. Une nouvelle épreuve, à croire que sa vie ne gagnerait jamais un peu de tranquilité.

Yuka soupira un grand coup et se recroquevilla. Face à la solitude, elle ne pouvait rien faire. Les solutions pour tuer le temps – ou quelqu’un – en dehors de ce cachot ne se comptaient même plus, mais comment vaincre le manque de compagnie ? Comment agir de manière à ne plus se sentir seule, délaissée ?
Finalement, peut-être que ce châtiment était mérité ? Et puis, de tous temps, Yuka s’était doutée qu’elle finirait ici. Ses aspirations la menaient forcément dans un endroit sombre. La prison restait la meilleure échappatoire que le destin lui tendait. Mourir, après tout cela, lui paraissait comme inconcevable. Et si mourir elle devait, seule elle le ferait. Le suicide plutôt que l’exécution publique.

Elle tendit la main vers le ciel, le regardant avec cet air triste de chat emprisonné. Pourquoi tout lui semblait si loin, désormais ? Pourquoi son corps lui donnait cette impression de ne plus pouvoir se relever, d’être condamné à tout jamais ? Peut-être que dans le fond, son esprit et son enveloppe se liaient pour lui faire comprendre qu’une fois hors de cette cage, sa liberté ne lui reviendrait toujours pas ? Étrangement, Yuka s’en doutait, et, malgré une forte volonté de ne pas y croire, elle n’arrivait plus à se voiler la face. Quitter cette cellule exigerait des sacrifices, à moins d’accepter d’y rester pour une longue durée, chose qu’elle était incapable d’imaginer.

Gling, gling …

Des bruits de chaînes, ou de clés en provenance du bout du couloir. Des objets métalliques qui s’entrechoquaient. Mais il y avait autre chose. Des pas. Et des voix. Quelqu’un avançait, se rapprochait. Des pas lents, réguliers, comme ceux des gardes. Cependant, quatre pieds semblaient marteler le sol avec cette régularité presque uniforme. Paf, paf. Paf, paf. Encore et encore. Comme un cycle interminable. Puis, la mélodie s’arrêta. Yuka releva la tête, et se redressa.

    « La cellule D-224, au fond, sur la droite. »


Ses oreilles se dressèrent à l’énonciation de la cage en question. Il s’agissait de la sienne. Qu’était-ce ? Quelqu’un qui la connaissait et qui venait la délivrer ? Un sauveur ? Bonheur, bonheur ! Son cœur se mit à battre la chamade, pendant que, dans son esprit, une Yuka miniature sautait dans tous les sens. Le désespoir lui faisait voir des lumières blanches un peu partout, et elle croyait à un miracle à chaque fois que les pas revenaient.

Pourtant, quand l’homme arriva, elle comprit. Son esprit se calma d’un coup sec, agressé par une tristesse sans fin. L’adolescente releva les yeux et fixa le jeune blond. Inconnu au bataillon. Il ne lui disait rien, même dans ses plus lointains souvenirs. Le garde arriva derrière lui, ouvrit la porte et il finit par entrer dans la cellule, silencieux. Yuka le fixa tout au long de la manœuvre, son cœur se calmant définitivement au son de la cage refermée.

Elle plissa les paupières, et ses prunelles carmin revinrent se poser sur le nouveau venu. Quelque chose d’étrange émanait de son être. Une sorte de malaise envahit Yuka. Une sensation inhabituelle, chassée par l’intérêt qu’elle lui porta après se l’être décrit de haut en bas. Un jeune homme blond, légèrement plus âgé. Sa prunelle, d’un bleu céleste, unique, par ailleurs, troubla son regard. La brune chercha le mur de ses rubis pour éviter de lui faire face. Elle ne pouvait le nier : Il était attirant. Cependant, cette sensation d’attirance, mêlée à la gêne qu’il lui infligeait inconsciemment, donnait un mélange désagréable, amer.

Silencieuse, Yuka ne fit que le fixer, intriguée. D’où venait ce bel inconnu ? Et que faisait-il ici ? Quelles raisons le traînaient dans cette cage à oiseaux ? Au bout d’un instant, lorsque leurs prunelles finirent par se croiser, elle ne put réprimer un sourire, ce dernier venant comme un réflexe. Nerveuse, l’adolescente replia ses jambes contre elle et, à nouveau, envoya ses prunelles incarnates à la rencontre du ciel brumeux.


Dernière édition par Mitsuharu Yuka le Sam 19 Jan 2013 - 18:13, édité 1 fois
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Message(#) Sujet: Re: La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] EmptyMer 14 Nov 2012 - 18:42

C'était pendant l'une des plus sombres époques de l'existence du Fou Pourpre de Kiri. Une époque à l'origine de son appellation, mais aussi l'une des plus dévastatrices pour son corps. Son enveloppe charnelle était en effet le théâtre d'une dualité entre deux entités distinctes. Deux éléments, issus de la même essence psychique. Il paraissait même cynique de parler de théâtre corporel: il fallait plutôt parler de champ de bataille. Oui, car d'une bataille physique, émergeait une véritable guerre de l'esprit. Toutefois, si les antagonistes luttaient de toute leur force dans les abysses de la pensée du Ryûzoji, les répercussions de leur rixe entachaient le monde extérieur. Coupé de ce même espace palpable, les délires démentiels du malade ne lui permettaient plus d'avoir une réelle emprise sur ses actions. C'était là le plus grand de ses soucis: être esclave de l'anarchie du côté occulte de son âme. Cette obédience l'anémiait; voilà qu'à présent, il était dans un stade inférieur à celui de l'animal. Le blondin venait de choir de l'illusoire piédestal outrecuidant de l'humanité, comprenant qu'il n'était au final qu'un animal parmi tant d'autres, comme tout être humain sur cette Terre. Il venait de choir encore, comprenant que sa flétrissure du cœur l'avait dégradé à l'état de chimère, de monstre dont la polycéphalie couvrait plusieurs dimensions, plusieurs plans de l'identité d'un sujet.

Au cours de cette même époque, les répercussions étaient assez fréquentes, faute de faire preuve de contrôle psychotique, et étaient par ailleurs aussi inattendues que violentes. Et parfois les réactions du monde extérieur apparaissaient tout autant radicales. Ce fut ainsi que Yoru fit un séjour en chartre. Si dans un avenir proche et certain, il se plairait à se promener entre les couloirs des geôles du Misuto, dans son passé, le Kirijin fut souvent amené à côtoyer les taulards. Le milieu carcéral, à défaut du milieu psychiatrique, n'avait plus de secrets pour le kobold psychasthénique. Ainsi, un bon soir, alors que le Lutin amarante musardait dans les venelles de la bourgade du frimas, la Nuit perçait la Nue. Cette soirée était l'une des premières aux cours de laquelle son esprit allait l'envoyer dans un monde qu'il ne méritait pas de connaître. La sorgue dévorait les cirrus qui lui était proposé. Dans ce festin élémentaire, l'astre sélénite observait avec attention, et jetait un regard critique au cyclope. Dans ce tableau d'or et d'ivoire, le ninja se grillait une maigre cibiche, afin d'apaiser ses peines. L'éborgné de guerre avait pris désormais l'habitude - depuis le trépas de son apsara onirique - de consommer régulièrement du tabac.

Suite à une traversée d'une maigre ruelle, artériole de ce vaste réseau circulatoire que représentent les rues de Kiri, le baroudeur s'étala sur une grande allée. Un air nouveau s'insufflait dans ses poumons. Un air ignoré par cette brumaille de tabac qui parasitait les bronches du fumeur. Yoru tirait agréablement sur son cigare atrophié quand soudain, perdu dans ses pensées, il alla percuter épaule contre épaule un inconnu. Manquant de s'étouffer en inspirant la fumée, le quidam tourna soudain la tête, et fut pris d'un violent vertige. Sa vision, déjà amputée d'une partie, se troubla, tandis que sa chair appela à une détresse venue d'un autre monde.
Puis ce fut le malaise. L'abandon total de toutes sensations. Une déconnexion parfaite avec le monde environnant.


Quand l'éborgné reprit conscience, l'obscurité qui le grignotait n'avait plus rien à voir à celle de la nuit. En effet, le blondin ne sentait plus l'air frais de l'extérieur fouetter son visage. Il ne sentait plus également l'odeur saline que le vent emportait en passant par la mer. La seule humidité qu'il ressentait encore, c'était celle qui vagabondait sur sa peau. Il ne savait pas pourquoi, mais il était mouillé. Il ne puait pas, ce qui était plutôt bon signe. Il ne s'était pas retrouvé au large, sur une flaque ou pire encore, ne s'était pas uriné dessus. En revanche, lorsqu'il essayait de se remémorer ce qu'il avait fait pour la dernière fois, c'était le vide complet. Un trou béant siégeait au centre de ses pensées, une abîme aussi obscure que les coins d'ombre ténébreux du lieu dans lequel le Lutin avait atterri. Après son propre état, Yoru se concentra désormais sur son environnement. Où était-il à présent ? Mieux, par quelles circonstances en était-il arrivé jusqu'ici ?

C'était la première fois que l'assassin de la Brume paraissait aussi malingre. Altéré, au point de ne pas voir qu'il était en mouvement. Porté par deux cerbères peu bavards, il avançait, péniblement, trainant ses pieds sur le sol algide. Comme des clochettes chthoniennes résonnaient alors le frottement de ses chaines. Alors qu'il oscillait son regard de droite à gauche, le cyclope comprit rapidement dans quel lieu sordide il venait de se retrouver. La prison de Kiri. Le lieu qu'il voulait par-dessus tout éviter. Pour lui, c'était une mise en abyme suprême: son corps, prisonnier de son esprit prisonnier de sa folie. Le tout prisonnier d'une véritable geôle. L'oblat inséra alors dans son esprit le doute. Lui qui paraissait seyant, était dans un environnement insalubre, où les femmes de ménage n'avaient guère leur place dans cet enfer aciéreux. Et tandis que le martyr de belligérance essayait d'en savoir plus, ses tortionnaires continuèrent à la guider dans les tréfonds de la prison. Cois, aucun des deux ne semblait vouloir répondre aux attentes du Ryûzoji. Leur faciès inspirait la crainte, celle de faire une nouvelle erreur en leur présence.
❖ Au moins, on pourra pas leur reprocher d'être mal formés pensa le prisonnier, face à l'efficacité des gardes.
Quelques minutes suivirent dans le silence, au cours desquelles le soldat de Kiri jeta son œillade sur les différentes cellules de la prison. Il y avait de tout, un microcosme de souffrance et de violence. Des entailles, des muscles épais ou atrophiés par le temps. Des blessures plus ou moins importantes, tant physiques que psychiques. Des soupirs, des malaises, des larmes. Outre l'aspect carcéral, cet endroit servait également à châtier les occupants du lieu. Briser leur esprit comme du verre était la spécialité locale du village caché du Brouillard. C'était là l'une des rares constations intelligentes de cette cité de vandales: même meurtri, le corps d'un blessé peut toujours se mouvoir, pourvu qu'il y ait de la volonté derrière. En revanche, en anéantissant cette force de vivre, de vouloir, toute résistance se voyait détruite.

Et puis soudain, le terminus. Débarrassé de ses entraves, l'amnésique était à proximité de la cellule qui lui était réservé, dans l'attente d'un changement inconnu à ses yeux. Coulant ses pas en direction de l'entrée de son cachot, l'éborgné comprit en un éclair qu'il n'était pas le seul à loger ici. Sa colocataire ne s'attendait pas à sa venue. Malgré sa fatigue, Yoru voyait l'occasion qui s'offrait à lui. Celle de passer inaperçu dans cette cellule, la D-224. Celle d'éviter un moment étrange, où la demoiselle se ferait une mauvaise image du borgne. Celle d'un amnésique, d'un homme ayant perdu son œil d'une façon lugubre. Yoru voyait dans ce huis-clos de fortune l'opportunité de gagner une image appréciable tout en cherchant à recoller les morceaux.
Pour le coup, il créerait le paradoxe, cherchant à poser des questions, tout en se posant des questions.
❖ On m'envoie pour t'interroger. C'est à propos de tu-sais-quoi.
Et ce tu-sais-quoi, Yoru n'en avait aucune idée. Mais après tout, si cette fillette était ici, c'est bien qu'elle avait fait quelque chose de grave. Un acte suffisamment insensé pour la condamner à l'incarcération, aussi provisoire soit-elle. Toujours est-il qu'en restant dans le flou, Yoru marquait des points. Son faciès, que la fatigue rendait plus taciturne, inspirait le sérieux, et la crainte d'un ninja redoutable au jeu de l'interrogatoire. Son iris cérulescent en revanche le rendait plus lucide, plus fiable. Suite à cette tirade, l'esprit follet s'installa dans le mitard. L'espace était restreint, et le volume adoptait la forme d'un cube. Les murs pénalisaient les occupants d'un air frais et agréable. En guise d'éclairage, une petite fenêtre sertie de barreaux oxydés. La cellule comportait également deux lits, superposés et dans un état plutôt médiocre. Histoire de prendre ses aises, le combattant prit place sur le lit d'en bas, et observa sa camarade de cellule. Son regard était digne d'un rubis flamboyant. Des pupilles andrinoples, qui comme la lave d'un volcan en pleine éruption, témoignaient de toute la force de la kunoïchi. Au même moment, alors qu'il espérait une réponse encourageante de la part de l'emprisonnée aux pupilles garances, Yoru réfléchissait. Qu'avait-il bien pu faire pour finir en prison, à jouer la comédie ? Pire encore, était-il conscient lors de cet acte décisif dans son incarcération ? Piégé entre quatre murs, le calvaire du Ryûzoji ne faisait que commencer. Et avec pour seule lumière le chétif rai perçant à travers ce soupirail, inutile de dire que le Lutin grenat se sentait comme noyé dans l'ombre…
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Mitsuharu Yuka
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Message(#) Sujet: Re: La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] EmptySam 17 Nov 2012 - 22:50

Désillusion. Une longue chute aux Enfers, aucun moyen de se rattraper. Yuka agitait continuellement les bras, désespérée de ne pouvoir se rattacher à quelque chose de solide, de stable. Une sensation de vide la traversait de part en part. Une sensation de vide pourtant comblée par une impression d’en avoir trop sur la poitrine. Sa respiration se ralentit, elle haletait. Pourquoi ? Pourquoi son monde lui semblait aussi austère, invivable ? Ses prunelles incarnates s’enfuirent, à la recherche du sol, ne voulant pas le croiser. Lui, ce voleur de songes, de mémoire. Rapidement, telle une enfant paniquée, la brune recula et se colla contre le mur, les jambes repliées contre sa poitrine. Des sueurs froides glissaient le long de son dos, malicieuses perles glacées dansant sur sa peau. De petits frissons la secouaient par moments. Le froid la gagnait, suivi de près par des sensations toutes plus désagréables les unes que les autres.

Dans sa tête, la scène du meurtre se déroula à nouveau. Oui, évidemment, « elle savait quoi » … Yuka pouvait, d’un seul coup, tout lui déballer, relâcher ce poids qui lui écrasait le cœur. Cependant, une légère réticence l’empêchait de tout raconter. Quelque chose d’incompréhensible, un besoin incontrôlable de garder le secret sur une scène morbide, suintant de haine. Une histoire de famille, un secret détesté, mais conservé. Une réalité qui ne devait jamais, non, jamais sortir d’entre ses lèvres. À moins que ?

Yuka le regarda, les yeux larmoyants. L’image d’un Kyurei mourant, agonisant dans sa propre hémoglobine la trottait, résonnait en sa tête comme un carillon mortuaire. « Gling, gling … Tu vas mourir, toi aussi … Gling, gling … » Ses prunelles incarnates, tachées d’un mélange de terreur, d’horreur et de peine, semblaient deux étoiles éteintes, ayant perdu leur folle vivacité. Le bonheur lui paraissait si loin, désormais. Impossible à attraper, déjà parti dans un univers parallèle.

Pourtant, son image se reflétait dans le saphir du jeune blond. Il lui ressemblait, avec son air taciturne. Malheureusement – et la brune ne le savait que trop bien –, il ne pouvait la comprendre, restant impuissant face à une pauvre petite criminelle en détresse. La demoiselle soupira. Encore un de ces types qui n’avaient de cesse de défiler dans sa cellule, dans cette merveilleuse cage. Oiseau privé de sa liberté, Yuka hésita un instant. Peut-être que ses ailes se déploieraient à nouveau, suite aux aveux ? Elle secoua la tête. Plutôt mourir que d’avouer. Cette histoire ne concernait personne, pas même ses plus proches amis – qui, par ailleurs, n’existaient pas.

    « Ce jour-là, tu sais … J’ai senti mon cœur s’arrêter, puis repartir. Cette triste mélodie d’un cœur qui n’en peut plus, qui ne veut plus. Ce jour-là, je l’ai vu lui, là, curieux de tout savoir, de connaître le pourquoi du comment. Mais je n’en avais pas envie, moi, je préférais le laisser crever dans son ignorance. Qu’il aille au diable. Qu’ils meurent tous, ils ne méritent rien. Oui, ce jour-là, j’aurais pu me jeter à son cou et le briser, le détruire en hurlant à la mort, poussée par une rage terrible. Pourtant, à le regarder, je n’arrivais pas à me résoudre à agir ainsi. En plus de repousser ma peine et me garder emprisonnée encore plus longtemps, cela me paraissait impossible. Me résoudre à lui tordre le cou ? Avec mes frêles petites mains, impossible … Mais pire, encore … Cet unique œil éclatant, captivant ; son regard mystérieux, ténébreux, cet air totalement détaché d’homme solitaire … Irrésistible. Il me troublait, rendait mon monde plus compliqué encore. Détruire une poupée de cristal … Jamais. Impossible. Alors tu vois, ce jour-là, je n’ai rien pu faire, complètement piégée, je finis par me dire que mon cas n’avancerait jamais, et que je finirais là, en prison, seule. Quoique la solitude ne me dérangeait pas tant que ça, finalement … »


Yuka fixa le blondinet. Son odeur particulière rendait la cellule différente, inhabituelle. La brunette pencha doucement la tête, le considérant sous un autre angle. Mais d’où venait-il ? Et pourquoi lui ? Pourquoi lui pour détruire un rêve ? Pourquoi lui pour cette maudite chute aux Enfers ? Un nouveau spasme la secoua. Une larme roula doucement le long de sa joue. Une seule et unique perle salée qui signifiait tout. La tristesse, le malheur, cette incroyable sensation de solitude … Tout. Jusqu’à la douce haine qui caressait son être.

La demoiselle détourna le regard, exhalant un soupir tant contrarié que blasé. Encore un homme venu lui tirer les vers du nez. Encore un destiné à partir bredouille, sans aucune réponse. Muette comme une tombe, aussi bruyante qu’une carpe. Toutefois, Yuka finit par lui adresser un regard tendre, chaleureux. Une sorte de douceur émanait du sourire qui naissait doucement sur ses lèvres. Une douceur factice, inexistante. Un contraste aveuglant se jouait entre son air juvénile et convaincant et sa triste réalité. Ce fut sur ce sourire que la demoiselle commença.

    « Je pourrais me retourner … Et vous dire la même chose. C’est à propos de ‘vous-savez-quoi’, vous devez juste me répondre. »


Peu à peu, son sourire s’effaçait, se transformant en une marque de neutralité simple, inspirant une profonde indifférence. Cette fois encore, ce sentiment restait totalement faux, image donnée par une enfant manipulatrice. Se cacher derrière de faux semblants … Encore et encore, camouflée par ce masque irréel. Ses rubis vinrent chercher l’œil céruléen de son interlocuteur.

    « J’aurais pu tout lui dire, me dévoiler, lui montrer ma réalité, mon sombre manège. J’aurais pu l’emmener avec moi dans cet univers sombre, lui faire découvrir ce que j’étais, ce que je cachais au fond de mon être. Oui, j’aurais pu lui prendre la main et le mener sur l’événement le plus sombre de ma vie, en lui disant toute la vérité, avec tous les détails. Mais non. Je ne le voulais pas. Il n’avait pas à le savoir. Cela ne concernait personne. Absolument personne. »


Les amarantes se ternirent de nouveau, devenant deux perles sans éclat, abîmées. Yuka détourna le regard une nouvelle fois, se perdant au sein de ses propres songes, partagée entre toutes les possibilités que chaque solution lui tendait. Mais aucune ne la satisfaisait. Silencieuse, elle réfléchit quelques secondes, avant de relever les yeux.

    « Je pourrais vous raconter toute mon histoire, déballer cette vie qu’est la mienne, mais à quoi bon ? Elle ne vous mènera nulle part, et ne vous concerne pas. »


À nouveau, une larme perla. Puis une deuxième. Et encore. Et le flux ne s’arrêta pas, comme parti pour une longue éternité. De petits spasmes irréguliers la secouaient, elle tremblait et semblait manquer d’air. Son corps s’affaissa doucement, elle se replia et se recroquevilla, les yeux clos, comme pour éviter de faire face à cette déplaisante réalité. Sa main serra le drap d’une poigne de nourrisson, infime petite main qui s’acharnait à s’accrocher à des rêves.

    « Je … Je ne veux pas … »


Des phrases entrecoupées, hachées par des larmes étouffantes. La demoiselle secouait la tête horizontalement, encore et encore.

    « Non, non, je ne veux pas … Laissez-moi … »


Son cauchemar revenait, se transformant en scène horrible, traumatisante. Il la persécutait, semblant changer de forme comme elle passait d’une humeur à l’autre. Du sabre, Yuka passait à un cutter. D’un cutter, elle passait au cadavre. Tout devenait de plus en plus glauque, étrange …
Finalement, l’adolescente se roula davantage en boule, terrifiée par ses propres songes. Une gradation se faisait doucement dans son esprit. De l’horreur, la brunette passait au traumatisme. Alors, d’un seul coup, elle se redressa et se jeta sur le blond, tremblante de terreur.

    « Chassez-les, chassez-les, ils sont partout ! »


D’une main maladroite, elle s’y agrippa et serra avec plus de force que précédemment.

    « Ils me regardent, tous, et se jettent sur moi ! Chassez-les, je vous en supplie … »


Look at your reflect in the mirror …
You’re so ugly, so ugly, so ugly …
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Ryūzoji Yoru
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Message(#) Sujet: Re: La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] EmptyDim 2 Déc 2012 - 18:47

Piégé dans un monde monotone, absent de couleurs et de vie, Yoru faisait chambre commune avec une gamine. C'était dans ce genre de moments que Yoru comprenait toute la puissance d'une prison. Elle emprisonnait non seulement la personne, mais toutes ses sensations. Son expérience s'en voyait inhibée. Son œillade parcourut vaguement sa cellule, ainsi que l'extérieur: un air amer serpentait l'intégralité de l'étage, aspirant toute la vitalité de l'endroit. Cette bise caustique se voulait ainsi chromo-phage: un univers grisâtre, morne, quasi-moribond. Et partout dans la prison, ce sentiment d'oppression, d'anarchie sensitive se répandait comme la peste. Comme une maladie, elle avait bien entendu un temps d'incubation, le temps de murir et de devenir plus puissante encore dans la psyché de la proie. Pour nombre de détenus, ce virus s'était emparé d'eux depuis bien longtemps. Pour Yoru, sa résistance lui permettait de repousser encore pour quelques journées cette affectation de l'esprit, et du corps. Néanmoins, le Ryûzoji percevait avec lourdeur chaque son autour de lui. Dans l'humidité de l'ergastule, il sentait les gouttes d'onde s'écraser sur le sol de granit. L'éther pluvieux de la cellule s'étalait également sur sa peau. Le lustre céruléen du borgne était tout autant affecté. Tout comme celui de cette taularde, au regard rubis. Une fillette, à peine plus jeune que lui. Et pourtant, autre cet aspect juvénile de ce chérubin en cage, elle partageait quelque chose de commun avec l'éborgné. Une tare, une faiblesse de l'esprit. Quelque chose d'abscons, difficile à déceler de l'extérieur. Quelque chose que l'isolement et la perte de couleurs pouvaient mettre à nu.

Justement, au fil de son discours, maigre en ton et en informations personnelles, la demoiselle laissa l'air âpre de la geôle écorcher sa carapace. Elle n'avait aucun refuge ici, et même son enveloppe charnelle ne suffirait à dissimuler son esprit. De fait, assaillie par le crime et l'atmosphère pesante, une larme perla de son œil, mutilé par tant d'horreurs. Insensible, et au final, bien trop épuisé pour attacher d'importance à la sensibilité d'autrui, Yoru resta taciturne face au pleur de la prisonnière. Plongé dans une intense réflexion, l'éborgné tentait de s'attacher au moindre détail qui pouvait faire sortir le souvenir de sa soirée des abysses du Léthé. Une sensation, une impression… même une douleur. Mais dans cet espace restreint, où la vue se ternissait, le toucher s'effritait et l'ouïe s'appauvrissait, difficile de se concentrer. Tant pis, il fallait malgré tout faire un effort. Le corps. Oui, le corps, réceptacle palpable de l'expérience. Comme une terre marquée par la guerre, les intempéries, et dont les cicatrices témoignent des fléaux du passé. Le souffle coi, l'oblat à la chevelure solaire palpa ses membres, avec une infinie lenteur. Sa dextre descendait le long de ses bras, de ses jambes, de son torse. Et puis soudain, une réponse. Un indice. Quelque chose.

Ou plutôt, l'absence de quelque chose. De sensation, de pression. Un coup d’œil précis face à son bras révéla les marques d'une piqûre mal ajustée. Des anesthésiants. Pour que Yoru n'ait aucun souvenir de cette piqûre, il ne devait pas qu'y avoir de cette substance supprimant temporairement le toucher, la souffrance dans une zone précise. Histoire de vérifier l'état des lieux de cette substance, Yoru n'hésita pas une seconde à se faire violence. Comme un réflexe, il envoya percuter derechef son membre contre la barre en fer soutenant le lit supérieur. Le choc fut bref, rapide, et sans conséquence directe pour le kobold. Aucune bronchade, simplement une trace aussi rouge que les iris de la condamnée.
❖ Je pourrais vous raconter toute mon histoire, déballer cette vie qu’est la mienne, mais à quoi bon ? Elle ne vous mènera nulle part, et ne vous concerne pas.
Cette fille, Yoru l'avait presque oubliée. Trop concentré à recoller les morceaux de cette soirée, qui était si proche. Il en avait presque oublié le rôle qu'il tenait à jouer à ses côtés, un rôle fourbe, suintant l'hypocrisie. Il se devait de reprendre ce rôle, afin que la pièce continue. Car petit à petit, les paroles de cette taularde l'aidaient à se focaliser sur son objectif. Un soupir marqua une pause entre la tirade de l'actrice et celle du menteur.
❖ Si je suis ici, c'est qu'elle me concerne. J'en ai besoin. Et puis, mon "tu-sais-quoi" peut davantage te mener nul part que le tien. Je sais à quoi je m'attend.
Et puis soudain, le déclic. Non pas chez l'éborgné, mais bien chez cette donzelle, que l'emprisonnement détraquait. En proie à ses démons intérieurs, la tourmente l'emportait sur la raison. Son esprit était dévoré par des images toutes plus horribles les unes que les autres. Et bientôt, ces mêmes images ne tardèrent pas à s'extérioriser. Yoru fut témoin de cette psychose. Cet état de panique qui éveilla à lui aussi ses maux psychiques. Sa vésanie passa de l'état de noyé, à celui de spectateur. Rapidement, la situation empira, et le Chûnin fut alors déstabilisé. Secoué, assailli tant tactilement qu'oralement, le martyr fut incapable d'expliquer ce qu'il lui arriva. Brusqué par le delirium tremens de sa partenaire de cellule, les méandres du Ryûzoji réagirent d'une façon bestiale. Tels un Orthos et un Cerbère irascibles, un aboiement, un soubresaut de son esprit le poussa à saisir avec véhémence le poignet de la kunoïchi, et de la ramener à la réalité.
Stop !
Il s'était levé, et dans sa cinétique, avait emporté la folle. Sa voix était perçante, puissante: sa tête portait tout les traits de son indignation. Un élan de fatigue attrapa soudainement le shinobi, qui s'essouffla à vive allure. Sa poigne perdit en force, tandis que la distance s'établit progressivement entre les deux prisonniers. Le déchu blondin avait besoin de prendre ses distances. De respirer. Il ne comprenait pas ce que lui arrivait. N'ayant pas le temps de saisir la gravité de son état, un bruit s'approcha de sa chambre. Des pas, coulées avec vivacité, et un rythme troublant. Un garde. Son air de fauve ne tarda pas à attirer la curiosité du borgne, qui le croisa du regard. Le maton ouvrit alors la porte, et voyant le grabuge causé par l'agitation du nouveau détenu, décocha un coup de poing bien placé dans le ventre du condamné. Surpris, Yoru ne put voir venir le coup, trop affaibli par ce mystère médicamenteux. Son souffle fut coupé net, tandis que son corps s'inclina à genoux face au gardien. Ici, dans les geôles de Kiri, le respect s'imposait par la violence, aussi les gardes étaient formés pour établir un rapport de domination très sévère avec les détenus. Sans plus tarder, le surveillant quitta la cellule, ayant accompli son devoir rémunéré. Il laissa derrière lui deux personnes frappées par la force de leur crime. Deux personnes qu'il pourrait jamais encadrer correctement.

La couverture de Yoru venait ainsi de voler en éclats, tout comme une de ses côtes, semblait-il. L'impact de cet uppercut fut tel que l'oblat resta encore à genoux, le temps de cracher une maigre gerbe de sang. Il toussota, sentant son hémoglobine entraver ses voies respiratoires. La vue de son propre sang, couplée aux oscillations occultes de ses bras l'affecta étrangement. Son unique pupille, elle aussi, fut tyrannisée par la raison de sa venue. Face à tant d'incompréhension, le Ryûzoji chercha l'isolement, dans ce huis-clos le forçant à rester avec cette fille. Elle lui rappelait de trop Yûna. Elle aussi lui causait du mal. Elle remuait le couteau dans cette plaie constamment ouverte, et ce à jamais. Dans une forme de tentative de fuite vaine, il se rapprocha alors du soupirail, cherchant l'air et la liberté comme un oiseau en cage.
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Mitsuharu Yuka
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Message(#) Sujet: Re: La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] EmptyMar 4 Déc 2012 - 18:44

Tu sens ton cœur battre, accélérer dans ta poitrine. Tu le sens cogner contre ta cage thoracique, mélodie d’agonie incessante, qui se joue, encore et encore. Comme un manège infernal qui se répète sans jamais en finir. Écoute, écoute la peur qui te gagne, qui gravit tes entrailles, tord tes viscères. Écoute ses pas, lents, irréguliers, qui se rapprochent de toi. Tu crois l’ébranler, la faire taire, la repousser. Mais non. Elle ne s’en va pas. Tapie dans ton ombre, elle te suit, s’approche … et te dévore. Tic, tac, tic, tac, crack. Tu n’es plus rien. Juste un songe détruit par la terreur, l’horreur. Une poupée de porcelaine qui s’effrite, se brise. Tu étouffes, tu asphyxies dans cette cage. Tes ailes d’ange arrachées, tu es tombée du ciel. Et dans ta chute, tu l’as rencontré, lui. Cet homme si particulier, si différent. Ce borgne, ce type envoûtant, qui te plonge un peu plus dans les abysses de ton cauchemar. Il te regarde, te darde de son œil céruléen, met ton âme à nu en une œillade inquisitrice. Il a l’air si … indifférent. Tellement neutre qu’il te glace le sang. Mais, naïve, tu le fixes, tu pleures entre ses bras. Tu espères qu’il te sauvera, qu’il te sortira de leur emprise. Mais non. Tu rêves encore. Pauvre gamine, pauvre folle. Il ne t’aidera pas. Bats-toi, défends-toi. Seule face à tes démons. Marche ou crève.

D’un geste, il souleva Yuka. Son cri, autoritaire, poussé comme par une incontrôlable pulsion, la ramena sur terre. Comme s’il lui tirait sur le pied alors qu’elle atteignait enfin la lumière salvatrice. Il la renvoyait droit dans les ténèbres. Son cœur se serra, s’écrasa, explosa dans sa poitrine. De longs spasmes la traversèrent. Elle se laissa retomber avec faiblesse sur le lit, se recroquevillant à nouveau. De petites larmes roulaient encore sur ses joues : Comment se calmer ? Comment retrouver un semblant de sérénité ? Rien ne semblait la mener sur la route de la paix intérieure. Son esprit s’enfonçait dans les limbes du malaise. Elle ne tenta même pas de s’accrocher à un espoir, aussi infime fut-il. À quoi bon se jeter dans une chasse au bonheur ? À quoi bon tenter de revenir ? Yuka ne voyait aucune utilité à cette recherche. Félicité éphémère, calme factice. La brune hoqueta un instant.

Son microcosme de terreur se referma autour d’eux. Il était là, compris dans son cauchemar, présent face à ses peurs, bien qu’incapable d’agir, de lui tendre la main pour la relever. Il ne comprenait rien. Il voulait juste … savoir. Pour donner des détails aux gens au-dessus de lui, hiérarchiquement parlant. Oui, il désirait connaître. Découvrir pour retranscrire. Comment confier ses secrets à tout un groupe de personnes ? Cette histoire lui appartenait. Elle ne pouvait simplement pas se résoudre à lui avouer, à lui donner les raisons de son crime. Et ce, malgré l’autorité qu’il exerçait sur elle. Plus puissant, la possibilité de la torturer ne lui apparaissait certainement pas comme impossible, à l’inverse. Mais cette cage lui suffisait amplement, pas besoin de la persécuter davantage. À moins que … La pousser à bout restait certainement une bonne idée, à ses yeux, non ? Réduire à néant son contrôle de soi. La détruire mentalement, jusqu’à ce qu’elle hurlât, qu’elle crachât sa tristesse, ou toutes ses peines.

Cependant, il lui fallait nuancer. Oui, il pouvait. Néanmoins, cela s’arrêtait là. Un fossé existait entre pouvoir et faire. Ici, il n’agissait pas. Et son masque tomba. Arraché d’un coup par la réalité, il s’écrasa contre le sol et éclata. Il explosa en morceaux, brisé, autant que lui-même l’était. Détruit, morcelé entre vérité et mensonge, secret et confidence.

La porte s’était ouverte, attirant toute ton attention. Le bruit du fer, qui résonnait dans ta tête comme un glas mortuaire. La sensation d’être confrontée à ce faux espoir de liberté. Cette désagréable impression que l’on t’arrachait les plumes de tes ailes défuntes, que l’on te plaquait à nouveau au sol. Que l’on t’écrasait, que l’on t’étouffait. Pourtant, quand tu vis le garde s’approcher du blond, tu compris. Il était la cible. Toi, tu ne l’intéressais pas. Non, non. Tes prunelles incarnates s’écarquillèrent quand il leva la main. Peu de secondes avant l’impact. Cinq. Ton cœur sembla s’arrêter. Quatre. Un long frisson courut le long de ton échine. Trois. Ta respiration se coupa. Deux. Un « Non ! » resta étouffé dans ta gorge. Un. Tu fermas les yeux.

Seules ses oreilles perçurent le coup. Comme une effroyable torture, le bruit remonta jusqu’à son esprit et résonna, encore et encore. Ce fut à ce moment précis que la vérité lui éclata à la figure. Tout lui parut si limpide, si simple. L’aura de monstruosité qui entourait le borgne se leva. Il lui apparut comme plus vulnérable, aussi fragile qu’elle. Il était prisonnier, contrairement à ce que ses propos laissaient penser. Cela changea tout. Sa vision de lui se modifia intégralement. Il ne lui semblait plus dangereux, bien au contraire. Ses yeux affrontèrent enfin la réalité, croisant cette image d’homme sensible, faible. Le garde eut quitté la cellule sans remord. Yuka encaissa cette indifférence, liée au métier, mais ne put accepter cette violence presque gratuite. Comment mettre à terre un congénère sans scrupule ? Comment violenter un être sans aucun scrupule ? Certes, tous deux étaient incarcérés, coupables, mais tout de même ! Ils restaient humains, bordel !
Cette pensée déversa un goût amer dans sa bouche, une saveur désagréable, qui lui remua les tripes. La brune en eut presque envie de vomir.

Yuka posa ses rubis sur le jeune blond, lui adressant un regard plein de compassion, mais aussi de culpabilité. Machinalement, elle se leva et lui tendit un petit morceau de tissu. Celui-ci, semblable à un « doudou » d’enfant, lui sembla plutôt utile dans l’actuelle situation. Après lui avoir remis le « mouchoir », la demoiselle se rassit. Elle poussa un long soupir et, finalement, se décida. D’une voix claire et fluide, la Mitsuharu se lança dans le récit de ce fameux « tu-sais-quoi ».

    « Je m’appelle Yuka. Mitsuharu Yuka. Je suis … un assassin. J’ai tué mon frère. Je lui ai ôté la vie. Comme ça. Et j’ai aimé ça. J’ai adoré déverser ma haine sur lui aux travers d’une indescriptible violence. Je suis une meurtrière. Voilà pourquoi je suis ici. »


Un sourire sadique naquit sur ses lèvres, rapidement torturé par ses souvenirs, qui revinrent d’un seul coup, en un flot d’images insensées qui s’enchaînaient, sans vraiment se relier. Tant de mémoires, qui se succédaient, aussi belles que tristes. Aussi apaisantes que destructrices. Elle ferma longuement les yeux et exhala, derechef, un soupir. La brune tentait d’exercer un minimum de contrôle sur son corps, ainsi que son esprit. Repartir dans une crise ne lui plaisait pas le moins du monde, il lui fallait rester calme. Même un minimum. Cela lui suffisait.

    « Pourquoi ? Une histoire de famille. Un de ces conflits que l’on ne réduit que par la mort de l’un des deux camps. Je ne prétends pas être le Bien. Il n’était pas le mal. Seulement, nos conceptions s’opposaient entièrement. Je voulais juste … »


De nouveaux tremblements l’assaillirent. Ses dents claquèrent, jusqu’à ce qu’elle se mît à tousser, une de ces interminables quintes de toux douloureuses. Yuka tenta une longue inspiration pour se calmer, ce qui ne fonctionna que passablement. La brune eut seulement le temps de s’excuser avant de repartir. Elle étouffait, se sentait de plus en plus mal. Sa tête commençait à tourner. De nouvelles hallucinations lui parvenaient. L’espace d’un instant, la demoiselle crut voir son frère. Il était … là. Tout près. Souriant. La regardant avec cet air angélique, cet air de frère aimant qui lui donnait tant envie de vomir.

Yuka eut le souffle coupé l’espace d’un instant, inspirant d’un seul coup, totalement paniquée. Déboussolée, la brune quitta le lit sur lequel elle était installée depuis plusieurs jours. Puis, comme ayant retrouvé la parole :

    « Je voulais juste les venger … et me débarrasser de lui ! »


La demoiselle attrapa le premier objet qui lui passait sous la main et le jeta droit contre le mur. Le spectre disparu, elle sembla retrouver son calme. Loin de la quiétude que son esprit réclamait, la jeune femme put au moins se poser dans un coin et respirer, non sans difficulté. Le visage camouflé par ses mains, Yuka attendit un long instant avant de revenir à elle. Son égoïsme la surprit presque. Désormais consciente de chaque détail alentour, l’adolescente considéra un peu mieux le blondin. Ses bras étaient plein de sang … Et il avait l’air … Choqué. Perdu. Dans un monde différent. Sans rattache avec la réalité qui lui faisait face.

    « Je … Je peux faire quelque chose ? Me blottir dans un coin compte aussi … »


Sa voix, pleine de compassion, tendait à ce qu’il y eut un froid moins … gênant, entre eux. Non pas qu’elle tentât de se rapprocher désespérément de l’inconnu, mais … Yuka restait tendue, gagnée par une sensation impossible à expliquer, qui lui paraissait plus sombre que tout ce qu’elle connaissait. Un seul espoir trônait en ses songes : Le fait de ne pas être repoussée. Mais cet espoir semblait tellement irréalisable, tellement improbable … Les loups solitaires ne se mêlaient pas avec les chaperons rouges.
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Ryūzoji Yoru
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Message(#) Sujet: Re: La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] EmptyVen 7 Déc 2012 - 20:58

La douleur de la rupture de son double-jeu n'était certes pas importante comparée à celle qui assaillait sa carcasse, toutefois, Yoru était un peu déstabilisé. Lui qui avait voulu jouer avec un air morgue son égale de cellule, afin de lui extorquer la clé de son amnésie, avait fini plus bas que terre. Il en était arrivé à s'agenouiller bêtement devant son erreur, et à expectorer son vice hypocrite sous la forme d'un fluide carmin. Sa stupidité méritait de comparaître devant la liste des chefs d'accusation de son éventuel procès. Maintenant réduit à faire mauvaise image devant cette taularde, Yoru n'avait de cesse que d'observer chétivement son tord. La nappe d'hémoglobine qu'il avait formé face à lui venait de lui évoquer de sombres images. Toutefois, bien que ces simulacres avaient un sens, une fonction, semblaient plus que réels, l'oblat incarnat n'arrivait pas à les associer ensemble dans un ordre spécifique à celui de la mémoire. Il n'arrivait pas à voir ce que ces tableaux d'horreur pouvaient bien pouvoir dire. Était-ce à cause de son esprit même ? Au cours des derniers mois, il fallait avouer que le Kirijin ne savait plus ce qu'était la raison. Parfois, il lui arrivait spontanément de passer à des comportements absurdes, issus d'un esprit aléatoire: le sien. Mais cette tare de l'âme, ce vice du sujet n'étaient là que preuves de la fatigue mentale de l'éborgné. Un traumatisme de guerre, encore présent, comme une plaie béante dans le corps psychique d'un martyr, d'un innocent. Était-ce alors sa conscience, qui en ces lieux était troublé d'une quelconque façon ? Certainement. Le Ryûzoji en était quasi-certain. Son corps s'avérait à priori lui communiquer ce trouble par des signaux faibles.

L’œillade jetée sur cette flaque sanguinolente s'accompagna d'une sorte d'anhélance. Bien que son organisme désirait mollement lui transmettre quelques codes, il avait du mal à le contrôler. A le comprendre, tout simplement. Le lien entre esprit et corps semblait si fragile… que Yoru se trouvait piètre. Depuis son accident sur l'île du pays de la Cendre, il avait compris que son corps ne lui appartenait pas comme il le pensait. Pire encore, il n'arrivait pas à saisir certaines réactions inattendues. Ces tremblements de bras firent ainsi rappeler en ces jours carcéraux l'incertitude que le Kirijin éprouvait sur sa propre chair. Dans un ultime effort, il tenta d'outrepasser son asthénie, et de réfléchir. Après tout, la force de penser était tout ce qui lui rester de propre à sa personne dans ces lieux impersonnels. Si même son corps ne semblait plus obéir à la loi de sa conscience, alors cette même conscience n'était là que le seul bien restant en lui-même. De fait, le Kirjin tâcha de faire usage de ce don de la nature pour survivre.

Pourquoi était-il dans une prison ? C'était la base de son raisonnement. Un peu trivial en apparence certes, mais il fallait bien un support, quelque chose de solide et de banal pour ensuite s'affiner. A la manière d'un minerai, que l'on travaille, que l'on purifie, pour en extraire l'essence même de notre effort: un joyau de toute splendeur à la hauteur de notre travail. Être ainsi emprisonné signifiait deux causes: avoir commis un crime, ou être soupçonné d'en avoir commis un. Tout comme cette demoiselle. A présent sorti de sa crise ab irato, il ne lui voulait plus rien de mal. De fait, lorsqu'il sentit un morceau de tissu sur lui, il se retourna, calmement, et l'observa. La captive n'allait pas bien, elle aussi. Son trouble était plus marqué que celui de son co-détenu. La souffrance accumulée dans cette geôle suintait de son corps comme d'une fontaine. Son état mental semblait en faire les frais, au point d'empirer, de se dégrader. Corruption ? Yoru n'irait pas jusqu'à employer ce terme. C'était égoïste, mais à ses yeux, c'était un terme qui le définissait exclusivement. Qui le définissait, à Lui. A cette Chose.
Et comme un aveu, une forme de soulagement, elle déballa son sac.
❖ Je m’appelle Yuka. Mitsuharu Yuka. Je suis … un assassin. J’ai tué mon frère. Je lui ai ôté la vie. Comme ça. Et j’ai aimé ça. J’ai adoré déverser ma haine sur lui aux travers d’une indescriptible violence. Je suis une meurtrière. Voilà pourquoi je suis ici.
Identité. Fonction. Fratricide. Sadisme. Réaliste. Cette succession de mots s'ajouta un par un dans les méandres du borgne. Une suite cohérente, peut-être pas, mais qui expliquait en tout cas le motif de l'incarcération de la susnommée Yuka. Pourquoi d'ailleurs avait-elle dévoilée son identité ? Pourquoi ne pas s'être limité à une relation anonyme, entre co-détenus ? Yoru voyait dans cette tirade une forme de soulagement. Par ailleurs, le ninja aurait très bien pu faire de même. Vider son sac pour n'en laisser que le rigoureux aurait pu lui être utile afin de découvrir ce qui lui était arrivé. Mais par fierté, et dans un semblant de torpeur mentale, il se retint. Ou plutôt en était incapable. Coi, il l'observait, plongeant son saphir dans ses rubis. Ce faciès, plein de contrastes, l'ébaubait. Des traits ingénus dans un tableau morne, un monde sans vie. Un regard plein d'allégresse, enfermé dans un monde, contre la vie. Autant d'oppositions que de raisons de croire en cette personne. Après tout, dans cette prison libertiphage, qui croire ? Le personnel était destiné à abaisser les détenus au rang de vulgaire tas de chair sans conscience, et la plupart de leurs victimes n'étaient plus que des animaux en cage.

A présent, il fallait croire. Croire en soi. Croire en elle. Croire en un retour à la réalité, à la liberté. Dans un énième silence, le biffin à la crinière blonde soupira. Il avait compris et retenu la leçon. Vivre dans un espace restreint avait altéré son jugement. Au final, cellule ou non, l'ambiance était quasi-identique que sur le champ de bataille. Comme deux camps, entre le crime et la justice. La justice dominait le corps du crime, dont l'esprit était nuisible à la justice. Petit à petit, l'autorité de la justice gangrénait l'esprit de la pègre. Pour Yoru, c'était indéniable, l'instinct de survie, aussi artificiel que faible chez l'homme, devait reprendre le dessus. Il fallait ainsi apprendre à jouer de la communication, à se lier avec ses alliés. Sa caboche visa alors le soupirail. Sans aucune forme de procès, il se hâta d'y lâcher dans le dos de sa camarade un mollard purpurin. Depuis tout à l'heure, il avait été insensible à la moindre forme de paroles de la donzelle. A présent, pour lui, pour elle, pour la victoire du groupe, il devait briser ce silence inutile. Lentement, son corps s'inclina en direction de celui de la brunette. Elle avait souffert, encore une fois. Elle aussi était assaillie des spectres du tourment. Bien trop fatigué pour le moment par un poison invisible, le janissaire de la sorgue était incapable d'aider pour l'heure la demoiselle. Il s'en sentait incapable, car lui-même avait besoin de se relever de cet épisode difficile. Et plus que tout, il devait avant toute chose découvrir la vérité. Pour faire, pas d'autres solutions que la parole. Si sa mémoire récente s'était effacée, sa mémoire profonde elle n'en restait pas moins présente. Preuve à l'appui, avec une réponse des plus brutales.
❖ Tu parles d'un acte fratricide… un acte haineux que tu as apprécié. Tu admets donc avoir été consciente au moment des faits. Mais est-ce que tu aurais apprécié ce moment autrement ?
L'éborgné repensa à sa situation. Un crime, pour une mise en taule. Quel crime ? Pour avoir droit à un traitement de choc, en finissant dans les limbes de l'ergastule du Misuto, il avait du viser assez haut. Au-dessus du vol, des insultes, des délits de fuite. Au fur et à mesure que la parole concrète revenait, sa part rationnelle et spirituelle revenait elle aussi. Une alchimie sibylline qui permettait à Yoru d'avancer plus loin encore dans sa réflexion. Néanmoins, avant de continuer plus loin dans sa quête de vérité, le zélateur ostrogoth de Kiri reprit le fil de son discours.
❖ Imagine que ce ne soit pas toi qui ait commis ce crime… imagine ton corps obéir à une autre force que celle de ta pensée… ne serait-ce pas frustrant, et dégradant ? Et si cette force était abritée en toi, et que tu ne peux la réprimer, car elle ne répond à aucune loi de la logique… ne souffrirais-tu pas ?
Dans un monde où le crime était devenu banal, autant évoquer le comportement de ceux qui le commettent. Qui plus est, dans un esprit hagard, le maître de la vapeur comprenait le geste de Yuka. Une histoire de familles se réglait selon les lois de la famille. A l'époque de la guerre, ce système de législation clanique avait fait ses preuves. Il avait permis de rassurer les civils, et d'ordonner les troupes entre elles. Mais dans le cadre d'un duel à mort, il n'y avait rien à espérer. C'était donnant-donnant: l'un donnant la mort aux autres, l'autre la lui rendant en guise de leçon éternelle.
❖ Je suis Yoru. Le Fou Pourpre de Kiri… tu te doutes bien pourquoi, à présent.
Il ne voulait en aucun cas l'effrayer. Simplement se rapprocher d'elle socialement. Elle lui avait donné son identité, à son tour d'en faire de même. Histoire de créer un lien. Un lien plus fort que ceux que les barreaux, les menottes, les chaines, peuvent créer pour avoir un impact sur l'humain. Dans un même élan de bonté, une fulguration de l'esprit frappa avec véhémence Yoru. Dans sa tête, la confusion essaya d'inonder sa quiétude. Pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ? Pourquoi malgré la fatigue il n'y avait pas songé ? Pourquoi ?
    … Mais il était trop tard. Il avait compris son geste. Ces marques sur son poignet. Cette odeur de sang qu'on essaie de dissimuler en vain.
    Il était trop tard pour revenir en arrière.
Son poing heurta lourdement le mur de granit de la cellule. D'une façon singulière, il laissa tomber sa dextre refermée, amplifiant la vélocité de son geste pour en accroitre l'intensité. Il baissa son œil vers le bas, à défaut de pouvoir baisser totalement le regard de honte. De pseudo-interrogateur de criminel, il était devenu le criminel. Et cela ne l'étonnait point: car à ses yeux, il n'était ni humain, ni tout simplement animal. L'un ou l'autre partageait un corps sain pour un seul esprit sain. Mais dans les tréfonds abyssaux de sa carapace somatique, se cachait un essaim de confusion. De malheur, de doute, de morgue. Une ruche de détresse, de désespoir, qui bourdonnait de façon insupportable à travers l'esprit du guerrier. Au point de faire muter la raison en rage, les sens en hallucination, la réalité en un affreux mélange confus de rêves et de cauchemars. Dans un unique murmure, le Ryûzoji repensa à toute l'horreur qu'il avait pu semer à travers les rues pavées de sa cité.
Et merde…
Son bras tremblait, tout comme son poing. Une vague de fragilité dévasta le fier baroudeur de Kiri. Il n'était à cet instant plus rien. Comme revenu au point zéro. Celui où le présent se recoupait avec le passé, récemment présent. Celui où la douleur de l'esprit se recoupait avec la souffrance du corps.
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Message(#) Sujet: Re: La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] EmptySam 8 Déc 2012 - 17:32


Yuka ferma les yeux, poussant un long soupir. Quelle situation désagréable. Être enfermée là, à ne rien pouvoir faire, à contempler cette situation de prisonnière. Sa cage l’étouffait, elle ne supportait plus sa condition. Pourtant, d’une certaine manière, elle l’avait cherché. Pendant toute son enfance, ce besoin de meurtre vengeur, l’eût tourmentée. Encore et encore. De manière à ce que, finalement, ce désir se transformât en une déplaisante réalité. Une lame perdue, plantée dans les entrailles. Une lame inquisitrice, réduisant au silence les coupables. Une lame maudite, qui connaissait la haine, les conflits. La guerre. Mais également les joies d’une nouvelle transition, d’une main de maître qui la gouvernait. Les joies de ces ères, qui se succédaient interminablement. Cette fois, cependant, cette ère serait la dernière. Yuka se le jurait chaque seconde un peu plus. Pas d’avenir similaire pour d’autres. Pas de tristesse, pas de meurtre. Plus jamais.

Ses prunelles incarnates se relevèrent jusqu’à croiser le saphir du second détenu. Ce regard la laissait perplexe, en proie à de nombreux songes. Elle ne savait pas trop comment réagir, ni comment lui parler. Après avoir déballé le crime de sa vie, l’essence même de son existence, la demoiselle ne savait plus s’il fallait se cacher sous une honte désagréable, ou si la seule solution résidait dans le silence. Assumer lui paraissait au-dessus de ses forces. Néanmoins, lorsque le blond lui posa cette fameuse question, la balance pencha davantage. Le poids d’un avis étranger importa beaucoup plus. Oui, lors de ce meurtre, de cette effusion de sang, Yuka était parfaitement consciente. Chacun de ses actes semblait voulu, et non né d’une pulsion frénétique, incontrôlable. Quoique. La brunette se souvenait encore clairement de la fin de cette scène, lorsque son esprit l’avait quittée, la laissant face à un besoin d’hémoglobine continuellement croissant, qui ne s’arrêtait plus. Mais du début à la fin, elle savait. Elle savait pertinemment que le katana se plantait en Kyurei pour lui arracher la vie. Condamnation au repos éternel, donnée par les anciens, qui réclamaient justice. Oui, la Mitsuharu maîtrisait entièrement son corps, ses pensées. Elle avait également un mobile, un « pourquoi » caché parmi ses songes meurtriers. Alors, finalement, peut-être était-ce mieux ainsi ?

Sur le coup, Yuka se voyait dans l’incapacité de lui répondre. Être maîtresse de soi-même, lors d’un acte aussi criminel, barbare … était-ce réellement mieux ? À bien y réfléchir, oui. L’impuissance face au meurtre la terrifiait. Et si, finalement, elle n’avait pas su pourquoi ? Et si, au lieu de se voir, de se savoir agir d’une telle façon, la Mitsuharu s’était retrouvée dans le néant, à ne rien comprendre ? Vu ainsi, l’importance de la conscience lui semblait indéniable. Oui, elle eût apprécié ce moment de haine grâce à cette possession de son propre esprit. Parce que oui. Son objectif premier, au départ, était tout de même de rejeter cette rancune, de lui envoyer en pleine tête, pour qu’il pût comprendre avant de quitter cette terre qui ne lui appartenait plus. Ainsi, elle se savait libérée, ayant brisé ses chaînes pour pouvoir mieux avancer. Désormais en cage, Yuka se rendait compte de l’importance de cet acte. Sans lui, rien, non, rien de tout cela ne serait arrivé. Et jamais, jamais elle n’aurait véritablement grandi.

Alors, la brune hocha doucement la tête. La maîtrise d’un autre, sur son propre corps restait impossible à imaginer. Une idée à la fois terrifiante et repoussante, qui ne lui faisait pas envie. Si la demoiselle était désormais capable de se retourner pour combattre ses démons, cela résidait surtout dans cette possibilité de tout voir, de tout savoir. De tout contrôler. Alors une autre force, au-dessus de la sienne, ne serait pas la bienvenue. Au contraire. Agir à l’aveugle, sans même se comprendre, lui paraissait totalement insensé. Et pourtant tellement fréquent.

    « Tout me semble plus logique ainsi. Je n’aurais jamais éprouvé le même plaisir quant à sa peau se déchirant sous mon emprise si je n’avais pas été consciente. Je pense que ce meurtre ne m’aurait servi à rien, finalement … Je ne l’imagine pas comme une pulsion, mais bien comme un besoin. Un de ces objectifs obsessionnels, inévitables, qu’il nous faut accomplir pour atteindre un certain équilibre. Sans conscience, mes chaînes ne seraient pas brisées. »


Une réalité venue presque d’elle-même. Déballée d’un seul coup. Comme naturellement. Yuka ne ressentait plus aucune gêne par rapport à ce type. Quoique, légèrement, mais s’enfermer dans le silence ne lui plaisait pas. Et maintenant qu’il daignait lui répondre, lui claquer la porte ouverte dans le nez semblait une idée purement idiote, dénuée de toute logique. Surtout que, finalement, il n’avait pas l’air méchant … Bien au contraire.


Il se présenta, levant le voile sur le mystère le plus marqué de cette discussion. Yoru. Un nom simple, aussi court que celui de Yuka. Ce qui surprit la brune fut la manière dont cette présentation se termina. « Le Fou Pourpre ». Un titre qui, selon lui, lui seyait parfaitement. Pourtant, en lui, la brune ne constatait aucune marque de folie. À en suivre ce qu’il disait, il n’était que la marionnette d’une entité plus forte, dominant son esprit. Certainement le fruit de plusieurs événements qui, suite à leur accomplissement, laissaient des marques indélébiles dans l’esprit de qui que ce fut. Cela ne constituait, en aucun cas, ce que les autres pouvaient appeler folie. Tout un chacun se retrouvait, tôt ou tard, face à de tels travers. Dès lors, Yuka ne le considérait pas comme fou, mais bien comme … humain. Sûrement aussi faible et fragile qu’elle. Pantin de songes maudits, interdits, enfouis au fin fond de son cœur, impossibles à extérioriser sans une once de monstruosité.

    « Tu n’es pas fou … Tu es juste … »


Une phrase courte, presque murmurée. Comme si elle ne voulait qu’à moitié être entendue. La fin de sa phrase fut avalée, retenue. Le temps se chargerait de l’oblitérer. Ainsi que d’oblitérer toutes choses, les crimes, les peurs … Et même leurs vies. Chronos leur enlèverait ce poids du cœur, comme il les enlèverait de la terre. Tel était le cycle. Et ils ne pouvaient que courber l’échine. Cette pensée troubla Yuka, qui se reprit rapidement en entendant le choc du poing de Yoru contre le mur. Dans la précipitation, elle releva les yeux, suivant ses mouvements. Un « Pourquoi » resta étouffé, coincé dans sa gorge.

Perdue dans ses songes, la gamine n’entendit pas les bruits de pas s’approcher. Ce fut lorsqu’elle vit la porte s’ouvrir qu’elle se redressa d’un seul coup, se mettant face au garde. Ce dernier, qui pensait faire définitivement taire le blond, heurta la demoiselle qui s’envola contre le mur. Son dos ripa contre le granite, qui écorcha sa peau. Dans une grimace de douleur, elle regarda le type avec une haine incommensurable.

    « C’est bon, vous avez fini ? Cela ne vous suffit pas de nous avoir en cage ? »


Il haussa les épaules, dédaigneux. Dans ses gestes, sa considération se voyait. Pour lui, ces deux-là n’étaient que des chiens de plus. À défaut de lui coller une nouvelle rouste, il quitta la cellule sans rien dire, fermant simplement la porte. Yuka soupira, se redressant difficilement pour se reposer contre le lit, à sa place habituelle. Comme le vulgaire animal qu’elle était.
Ce fut lorsque son corps, installé, ne bougea plus, que le garde s’en alla. Sa démarche, lente, martelant le sol de manière régulière, démontrait que finalement, tout cela, il n’en avait cure. Les prisonniers pouvaient crever la bouche ouverte qu’il ne les regarderait pas autrement. Il devait les voir comme des machines, des monstres sans sentiments. Il en oubliait l’humanité qui les habitait. Après tout, pour lui, cette dernière n’avait sûrement jamais existé. Après tout, qui savait vraiment ce qui régissait les actes des meurtriers ? Qui connaissait leurs véritables pensées ?

    « À force, il ne s’arrêtera pas à un coup, il nous tuera, c’est une certitude … »


La brunette soupira de nouveau. Ses rubis se fermèrent. Un instant, elle vit cette scène étrange repasser dans son esprit. Elle vit le corps de Kyurei se tordre, se transformer en une forme indescriptible. Dès lors, ses pensées évoluèrent du tout au tout. Yuka se redressa, se recroquevillant de nouveau.

    « Parfois, j’aimerais ne plus être consciente. Ou amnésique. D’une certaine manière, si je ne m’étais pas rendue compte de mes actes, si j’avais agi sans me maîtriser … Qui sait, peut-être n’aurais-je pas cet arc-en-ciel d’images qui reviendrait me hanter ? Alors, des fois, je me demande si … Si je ne préférerai pas être comme toi. Transportée par une inconscience presque … salvatrice … »


Cette fois, pas de larme. Juste un sourire triste. Un sourire infiniment triste qui détruisait entièrement son visage. Torturée par ses seuls songes, Yuka se blottissait contre elle-même, à la recherche d’un instant de quiétude, aussi court fut-il. Revoir toutes ces images, encore et encore, lui donnait envie de vomir, de s’arracher les tripes par la seule force de ses mains. Par moments, c’en devenait insoutenable ; fermer les yeux était alors une torture. Dormir ? Un rêve oublié. Les cernes sous ses yeux le montraient très clairement, d’ailleurs.

    « Je me dis que … je n’aurais rien vu, alors je n’hallucinerais pas … Au détriment d’une certaine libération, cela me permettrait d’obtenir un équilibre mental différent … Peut-être que l’avoir tué, même sans en avoir conscience, m’aurait suffi ? Je ne sais plus … »


Son esprit semblait rendre les armes. Elle tentait de s’enfuir, de voir quelque chose de mieux, de moins terrifiant. Une sensation qui la calmerait, qui lui permettrait de se sentir un peu mieux. Mais rien n’y faisait. Sans cesse, lorsque ses prunelles se fermaient, la brune le croisait, lui, cet homme désormais mort, qui la fixait en souriant. Il la torturait, s’amusait de ses peines, de cette horreur continuelle qui l’enchaînait à une nouvelle épreuve. Puis, simplement, elle se releva, reprit le tissu et s’approcha du blond. D’un geste délicat, Yuka attrapa sa main et essuya les quelques gouttes d’hémoglobine qui perlaient.

    « Il n’y a que toi qui saches, finalement … S’il est mieux de tuer en âme et conscience ou non … »


La demoiselle baissa les yeux et relâcha sa main. Presque honteuse, elle n’osa pas le fixer de nouveau, désormais ailleurs. Où résidait la meilleure solution ? Comment agir pour ne plus ressentir cette terreur ? Finalement, ces questions revenaient toujours. Sempiternellement, comme le tic-tac d’une horloge. À la différence, là, le temps lui semblait totalement figé.
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Message(#) Sujet: Re: La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] EmptySam 15 Déc 2012 - 21:17

C'était dans ces moments-là que la vérité faisait le plus mal. La vérité, comme une forme pure d'énergie, pouvait causer d'incroyables dégâts. Ainsi Yoru dans sa quête de mémoire perdue s'était heurté à un mur, une muraille. Une frontière toute entière, entre une douce amnésie, loin de la dure réalité et le douloureux souvenir du crime. L'éborgné se disait que grâce à l'amnésie, qui sait, il pouvait devenir un homme nouveau, plus heureux. Il pourrait oublier toutes les peines qu'il avait accumulées jusqu'à aujourd'hui. Il pourrait ainsi oublier le désespoir qui s'était semé dans son esprit, lorsque l’oaristys qu'il avait noué avec Yûna s'était brisé en milles morceaux. C'était l'un des piliers de son tourment. En effet, c'était le déclic dans sa vie. La perte d'un être plus cher que tout l'avait changé en un être plus taciturne, plus froid. L'horreur de la guerre qu'il fuyait autrefois venait à lui, attiré par la folie de son cœur. Plus loin encore dans la chronologie de son désespoir, il aurait pu effacer les douleurs de la Grande Guerre. Cet événement, que des millions, voire des milliards de personnes vivaient au quotidien pendant des années. Comme nombre d'enfants, Yoru était né en plein zèle mondial, et avait souffert en silence de la perte de nombreux proches. Bien que son clan ait réussi à échapper aux grands supplices de la guerre, le Ryûzoji n'en restait pas moins affecté.

Mais un problème se posait une fois de plus: et après, qu'est-ce qui ne l'empêcherait pas de souffrir encore ? Tout effacer pour revenir à zéro ne l'empêcherait pas d'être, dans un futur lointain, confronté à d'autres souffrances. Le destin serait capable de lui jouer encore des tours, en lui miroitant de nouveau les souffrances du passé. Pire encore, puisque son corps était marqué pour toujours du sceau de la folie, ne souffrirait-il pas davantage si cet obscur delirium tremens se manifestait ? Car après tout, si son esprit était purgé de malheur, son corps lui porterait toujours les mêmes stigmates. La douleur inoculée du fait des troubles de son corps sur son âme serait ainsi davantage plus puissante qu'auparavant, où le briscard de l'horreur était plus ou moins adapté à ses crises. Ainsi, après avoir expié sa peine au travers de nombreux soupirs, le Ryûzoji en vint à l'évidence: il lui était nécessaire de savoir. Au final, il lui était inacceptable de s'effacer. Perdre la mémoire, c'était perdre une partie de soi. Par conséquent, Yoru ne serait plus le même homme, au niveau de sa conscience. Par ailleurs, cette expérience qu'il avait acquise dans la douleur, était une force. Un témoignage, certes, mais surtout une raison de continuer à vivre. A maintes reprises il avait été confronté à divers incidents. Et à chaque fois il s'en était relevé. Aujourd'hui en quête de puissance, l'éborgné pouvait ne se souvenir que de cette maxime que lui avait un jour énoncé un guerroyant membre de son clan: la vie ne se compte pas au nombre de coups que l'on peut donner, mais bien au nombre de coups que l'on peut encaisser.
❖ Ma Faiblesse est une Force, conclut-il mentalement.
Sur cette maxime pleine d'enrichissements, Yoru fut heurté aux propos de la susnommée Yuka. Elle aussi avait commis un crime. Alors que Yoru souffrait de son mal, la demoiselle elle souffrait des conséquences de son mal. Et à présent, elle contestait la démence de son co-détenu. Pourquoi ? Par compassion, certainement. L'éborgné ne pouvait voir directement l'influence bénéfique qu'il exerçait sur la délictueuse. Il n'en aurait pas le temps, à vrai dire. Car si tôt son poing percuté contre la paroi de son cachot, un cerbère ne tarda pas à venir hanter les deux criminels. Le même garde que tout à l'heure, celui qui avait réveillé le reître, et l'avait mis face à la vue de son propre sang. Enragé du fait du trouble occasionné par Yoru, il semblait vouloir en découdre avec lui, le battre comme un chien désobéissant. Il n'était au final même plus question d'obéissance: le garde était comme animé d'une pulsion sadique, une envie primitive de châtier. A travers sa profession, comme un devoir, il exerçait une pulsion, un désir inconscient. Sa puissance n'en serait que plus décuplée, plus véhémente. L'insane était ciblé, et alors qu'il s’apprêtait à recevoir le knout du condamné, fut surpris devant la scène qui se trama devant lui. Il était là, immobile, las de sa condition, et fut protégé in extremis par sa camarade de cellule. Ce fut elle qui reçut l'intégralité du châtiment que déversa physiquement le maton. Projetée contre un des murs, elle laissa un vide entre le gardien et son co-détenu. Ce dernier, devant l'absurdité de la scène, envoya son plus irascible regard au garde. Pire qu'une illusion, la vision de l'unique oeil de Yoru témoignait de la rage qui sommeillait en lui, et qui n'attendait qu'à se ruer sur sa proie, tel un chien en cage.

Yuka, étourdie par cette projection, vint alors se reposer sur son futon de fortune. Avant d'aller à son chevet pour voir si elle n'avait rien de cassé, Yoru continua de fixer de façon déterminé son antagoniste. A présent, la folie exhalait de sa pupille. Sous forme de colère, elle cherchait à attraper le maton, comme une horde de ronces trempées dans le poison de la violence. Et finalement, lassé de cet échec provisoire, le garde s'en alla, laissant derrière lui deux innocents. En réaction à ce traitement déplorable, la Mitsuharu était persuadée du sort qui l'attendait si jamais elle venait à purger sa peine à perpétuité. Mais le Ryûzoji voyait la chose autrement, et son point de vue, si tôt le maton hors de vue, ne tarda pas à être dévoilé, dans un semblant de murmure.
❖ Tu peux être sûre et certaine qu'il n'essayera pas de nous tuer. Il a plus à en tirer de nous vivants que morts. Tuer, ce serait un cadeau, une libération, comparé à ce qu'il désire au fond nous faire, à savoir, nous faire souffrir continuellement. Dans cette prison, la mort est une voie de sortie, mais aussi la plus lâche.
Son opinion sur le suicide exprimée, le kobold psychasthénique laissa la parole à sa comparse de crime. Elle exprimait ses envies. La conscience semblait être un lourd fardeau. Au final, elle venait d'avouer au Lutin Fou qu'elle aurait aimé être comme lui: un être partageant une force incoercible et pleine de violence. Mais le reître méphitique avait l'impression que la détenue ne semblait pas réaliser l'ampleur du mal psychologique qui corrompait Yoru. Elle ne voyait pas l'étendue de son mal, une maladie impalpable et incurable qui le détruisait de l'intérieur, et détruisait son environnement extérieur par la suite. Puis tout à coup, la blessée se leva et vint éponger avec un nouveau morceau de tissu la main de l'esprit follet. Une attention tout à fait particulier, qui surprit le gazier. Il baissa le regard, un peu gêné, et formula derechef sa réponse. Avec beaucoup de difficulté, il répondit:
❖ Oui… et sache, Yuka, que désirer ma Folie n'est pas une bonne solution. Au contraire, c'est une parfaite absurdité. Je n'ai jamais voulu être ainsi. Ma Folie est certes une Force, un moyen de voir les choses autrement et parfois une forme de libération, mais c'est aussi un lourd fardeau. Preuve à l'appui, la raison qui m'a amené ici.
Maintenant que la mémoire lui était revenue, il se sentait en mesure de raconter son Crime. Par la suite, il put en déduire également ce qu'il s'était passé entre son acte et son incarcération.
❖ Je marchais seul, dans la rue. Et j'ai percuté sans le vouloir un passant lambda. Je ne me rappelle même plus son visage, tant il était anodin. Et soudain, mon corps m'a lâché, ou plutôt, mon esprit m'a lâché. J'ai été pris d'une de mes habituelles crises… et de ce fait, je l'ai roué de coups, avant de le taillader avec un de mes shurikens géants… il me semble que je sois allé jusqu'à me servir de ses os comme des armes, et à l'étrangler avec ses viscères.
Peu fier de son acte, le Ryûzoji se sentit démoralisé. Le Lutin Fou qu'il était consistait au final en deux formes en une: une vie ternie par un mal puissant. Le cyclope aurait voulu poursuivre son récit. Mais il était pris d'une crise de mutisme. Pris par l'émotion, l'impression d'être faible le hanta de façon douloureuse. Il se tourna alors vers le soupirail. Entre deux barreaux, il put voir le ciel. Un éther d'un bleu apaisant. Quelques nuages enrobaient l'astre solaire comme une écharpe de soie. Une vision heureuse, à laquelle Yoru ne pouvait réellement avoir accès. Il était là, cloitré dans un cachot, ayant perdu sa dignité, son innocence, son humanité, sa liberté, son bonheur. Pourquoi n'était pas un simple fragment de l'empyrée ? Pourquoi, au lieu d'être un homme condamné à subir le courroux de l'ennui, n'avait-il pas la quiétude et l’oisiveté d'un nuage ?
❖ Tout ça pour te dire que je ne suis pas fier de ce que j'ai fait, et que je ne recommande à personne d'être ce que je suis. Un Monstre. Un Fou.
Nonobstant la suite de son récit ignoble, il soupira de désespoir, et s'accroupit. Il avait honte de lui. Bien que sa Folie soit une Force, il se sentait affaibli par les événements. Afin de se protéger d'un fictif danger, il s'apposa ses mains sur le dessus du crâne. En bon Lutin Fou, il fut pris par la suite d'un élan lunatique, allant s'asseoir sur le lit d'en bas, et se lamenter intérieurement. Les images de l'asile lui était remontées: il se voyait à présent persécuté par quelques membres du personnel psychiatrique. Il sentait la toile de la camisole se déchirer sous sa force démentielle, et les piqûres de neuroleptiques tenter de vaincre sa crise. Il sentait trop de sensations à la fois. Puis il parvint à percevoir la douche qui lui fut donnée lorsqu'il fut inconscient, afin de le laver du sang qui coulait de son dos. Il pensa alors au mal qu'il pouvait avoir causé à la demoiselle. La peur que le biffin pouvait créer par son récit choquant risquait fort d'affecter la nymphette, et tâcha d'essayer de réparer sa faute en sortant de son cocon carné. Un regard troublé s'orienta vers la donzelle.
❖ Je me suis emporté… désolé, ce n'était pas mon intention. Et aussi… merci.
Il ne savait pas quoi dire de plus, et pire que ça, comment exprimer son remerciement. Alors, dans un élan de folie, le kobold évaporé prit la main de la demoiselle, avec sa main saine, et la serra doucement, en gage de remerciement. Un sourire timide s'était dessiné sur ses lippes. La demoiselle avait un effet apaisant sur lui. Ses pupilles andrinoples avaient l'effet de la nue que le tourmenté observait précédemment. Et inconsciemment, il voulait désormais être un nuage, pour continuer à nager dans cet océan céleste, pour ne plus jamais souffrir.
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Message(#) Sujet: Re: La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] EmptyLun 17 Déc 2012 - 20:18

Tu voulais que ta vie soit belle, sans problème, aussi simple que le ruissellement de l’eau contre la rive. Tu rêvais d’un univers merveilleux, fait d’amour et de sourires, sans aucune larme. Tu le lui avais promis, tu te souviens ? Une promesse faite sur le bout des lèvres, un vœu que l’on cherche à exaucer pour plaire, pour décrocher un ris à cet être que l’on aime tant. Oui, tu souhaitais au plus haut point le rendre heureux, jusqu’à agir n’importe comment, jusqu’à accepter un pacte que tu savais ne pas honorer. Tu te connaissais déjà, en ce temps-là. Une gamine incapable d’acquiescer sans douter de la réalité d’un fait. Une enfant face à un ultimatum des plus troublants, qui te plaquait contre le sol et t’obligeait à choisir : L’honneur d’une famille toute entière et le sourire hypocrite d’une sœur pourtant aimante, ou la renonciation à chaque bien que l’on te léguait, dans le but de lui voler un sourire ? Et toi, égoïste, indécise, tu avais choisi : La mort de tout le monde. Ta seule survie. En soi, la faute ne t’appartenait pas, non, mais tu te l’appropriais, comme le fardeau nécessaire de ton existence. Ce poids, là, sur tes épaules, qui t’écrasait tant, mais que tu assumais. Oui, tu l’assumais, parce qu’à ton sens, tu n’avais pas le choix. Tout était de ta faute. Uniquement de ta faute. Et peu t’importait le reste, car maintenant, plus personne ne pouvait te contredire. Ils résidaient tous là-haut, dans l’éther, à te regarder sans comprendre. Que pensaient-ils de toi ? Et si cette vengeance ne leur plaisait pas, finalement ? Et si toute ta vie se basait sur un fait totalement idiot et erroné ? Et si tu t’étais élancée dans une aventure pour rien, en sacrifiant une possible normalité ? Et si … Mais et si, dans cette situation, tu étais plus heureuse que jamais ? Cette réalité te semblait la plus improbable de toutes mais … En vérité, ta vie ne serait pas la même, sans cet acte, si ? Une criminelle, certes, mais aussi une demoiselle en voie d’accomplissement, qui se battait pour expier ses propres pêchés. Cette bestialité donnait alors un sens à ta vie et tu le voyais ainsi. Comme une raison de respirer, de ne pas rendre les armes contre cette machine infernale appelée Destin. Tu n’aimais pas ton monde, tu ne t’aimais pas toi-même, mais tu savais, au plus profond de tes entrailles, que cela changerait. Que rien, non, rien, ne se perdait jamais. L’avenir restait à portée de tes mains, il fallait juste que tu l’attrapes.

Ses yeux suivirent le jeune homme avec attention. Il lui paraissait tellement … différent. Quelqu’un d’apte à la comprendre, à suivre ses longues réflexions sans jamais pencher la tête en esquissant une grimace d’incompréhension. Un Lutin Fou pour lui, une lueur d’espoir pour elle. Un être intelligent qui, grâce – à cause ? – de ses actes devenait quelqu’un d’incroyable, de par sa complexité comme par son courage. De nombreuses personnes se seraient jetées à l’eau, dans le but de se noyer, après s’être rendus compte de leur « maladie mentale ». Mais lui semblait déterminé, plus fort que cette folie, bien que sujet à de nombreuses crises. Des crises d’une violence indescriptible, tellement improbables que cela ressemblait à un cauchemar. Un songe noir, où la haine se manifestait sous forme de véhémence, de brutalité pure. Mais peut-être n’était-ce pas ce sentiment qui le gouvernait ? Peut-être … était-ce autre chose ? Yuka pencha la tête, réfléchissant longuement.

Beaucoup de causes lui semblaient plausibles, énormément de sentiments transformaient les êtres humains. La rancune, la peur, le désespoir, mais aussi l’amour, la joie, l’espoir … Chacun d’entre eux jouait un rôle significatif dans la vie des Hommes. Et, sur l’instant, Yuka ne parvenait pas à mettre le bon en valeur, ne sachant pas vraiment d’où provenaient toutes ces crises de folie. La voix de Yoru la tira légèrement de ses réflexions. Elle en sortit totalement lorsqu’une légère pression fut exercée sur sa main. La chaleur de sa peau, contre la sienne, lui rappelait à quel point le contact humain pouvait lui manquer, depuis son incarcération. Mais surtout, le fait que ce fût cet être en particulier, lui, si intouchable, qui s’approchât autant … La brune en rougit, détournant rapidement le regard. Se reprenant promptement, l’adolescente posa ses prunelles sur son partenaire de cellule, n’osant, sur l’instant, ne rien dire. Le silence les enveloppa un certain laps de temps, où les rubis de Yuka semblèrent se mêler à l’œil céruléen, unique, du jeune blond. Un sourire naquit alors sur ses lèvres. Un de ces sourires enfantins, naissant timidement sur le coin des lippes, qu’elle n’arrivait pas à réprimer.

    « Je … »


Les mots ne lui venaient plus. Ils s’emmêlaient, perdant tout leur sens, ne ressemblant plus à rien. Une pelote de paroles sans queue ni tête, qui l’embrouillait totalement. Elle ferma les yeux, respira un grand coup et, enfin, son esprit lui parut plus compréhensible, moins torturé. Ce qui paraissait impossible lui devint accessible. Ses doigts entrelacèrent ceux de Yoru et son sourire se fit plus sérieux, plus adulte, moins tiraillé par la timidité. Elle s’affirmait de plus en plus.

    « Je pense que c’est le maximum qui soit à ma portée … »


Cette pensée la déstabilisa légèrement, lui faisant baisser la tête. Oui, malheureusement, face à tout cela, Yuka ne pouvait rien. Simple spectatrice d’un théâtre de l’horreur, elle ne se sentait capable que de l’aider à jouer son rôle, à prendre le bon masque. Tout du moins, en ce moment. Le futur lui paraissait déjà si loin … Cette prison l’enfermait un peu plus à chaque seconde, ruinant sa liberté à néant, la condamnant à regarder le temps passer sans rien dire. Courber l’échine et assumer, encore et encore … Recevoir des coups en cas de manifestation et, également, devenir les chiens d’une autorité supérieure. Être un animal enfermé, lorsque la gamine rêvait d’être un aigle, libre et indépendant … La pression de ses doigts se resserra, comme à la recherche d’un appui stable, sur lequel se poser n’était pas impossible, ni même dangereux. Cet homme commençait à gagner la confiance de l’adolescente. Petit à petit, le voile de mystères et d’hostilité se levait, laissant place à une enveloppe charnelle attirante, celle de cet être, qui ne ressemblait à aucun autre. Yuka leva les prunelles, lui offrant un sourire plus gêné, mais pourtant toujours présent.

    « Pour moi … Tu n’es pas un monstre. Pour moi, tu es juste le pantin de pulsions incontrôlables. Tu es sous l’emprise de quelque chose de plus fort que ton esprit, qui te réduit à l’état de spectateur face à une explosion de folie macabre et destructrice. J’ai bien pris plaisir à tuer mon frère, en lui plantant son arme de prédilection un peu partout, alors finalement … Rien ne m’étonne, à vrai dire … Le fratricide, sur sa base, est moralement aussi monstrueux que le meurtre que tu as commis sur ce pauvre inconnu. À mon sens, tout du moins. »


Ses yeux se fermèrent, comme si elle tentait de s’imaginer la scène. Cette dernière lui semblait … particulièrement horrible. Violente, sanglante, déplaisante. Traumatisante, même. Et, pourtant, malgré cet aspect, Yuka ne parvenait pas à imaginer Yoru comme une bête, un assassin sans cœur. Non, certainement pas, son comportement actuel le lui prouvait.

    « Et puis … Si tu étais véritablement le monstre que tu prétends être, même avec la présence du garde, je ne serais plus de ce monde. Pour moi, dans mon actuelle position, je suis la cible parfaite. La proie docile, qui s’attache à celui qui se dit Fou. La gamine un peu naïve qui se jette dans les bras d’un potentiel sauveur, apparu d’un univers totalement différent. L’enfant qui se croit trop téméraire et qui veut jouer avec les démons d’un être plus fort qu’elle. La seule différence étant que … Je n’ai pas peur. Et, même si c’était le cas, je n’ai rien à perdre, alors finalement … »


Yuka s’amusait de sa propre bêtise. Et pourtant, ce qui pouvait paraître totalement idiot et surtout, déraisonné, lui semblait tellement naturel … Ce type ne lui apparaissait pas du tout comme une bête sanguinaire, mais bien comme un agneau perdu à la recherche de son troupeau, qui détruisait tout ce qui le menaçait et qui, par moments, à cause de la peur, décapitait un pauvre agnelet passé trop près de lui. En soi, rien de bien méchant, si ? Bon, peut-être un peu, mais quand bien même ! La brune ne se sentait absolument pas menacée. Et, comme elle l’avait elle-même exprimé, cela ne lui importait que peu. Quitte à jouer avec le feu, autant le faire jusqu’au bout, non ?

    « Je vais paraître indiscrète mais … Il y a bien une raison à tout cela, je me trompe ? Personne ne naît véritablement « fou », comme tu dis, alors … Il y a forcément eu un déclic, à un moment précis, qui a tout enclenché ? » Elle s’arrêta un instant, reconsidérant sa question, avant de se reprendre. « Tu peux aussi ne pas me répondre, vu l’indiscrétion de mon interrogation … Je ne t’en voudrais pas de l’esquiver. »


Un sourire sincère, compréhensif, naquit sur ses lèvres. Elle relâcha légèrement la pression exercée sur la main de Yoru, caressant le dos de celle-ci avec son pouce, presque inconsciemment. Ce contact réchauffait son cœur, la transportait vers un univers moins compliqué, une bulle de douceur dans un monde de brutes. Il la calmait, exerçait un certain pouvoir sur elle qui apaisait son cœur torturé. Ses hallucinations ne semblaient plus la traquer, chassées depuis un certain temps désormais. Quel bonheur, d’être enfin … seule … Seule avec son propre esprit. Seule sans Kyurei. Quel plaisir de pouvoir tenir une véritable conversation sans sentir sa présence au creux de ses pensées … Un plaisir presque oublié, effacé par ces jours d’incarcération, à ne converser qu’avec lui, à se confronter à ce souvenir indélébile, presque gravé éternellement dans sa tête.
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Message(#) Sujet: Re: La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] EmptyMer 9 Jan 2013 - 19:09

Main dans la main, Yoru recouvrait des sensations jusque là quasi-refoulées. Un travail de zones ingrates de son esprit avait effacé ces impressions délicieuses de sa conscience; aujourd'hui elles revenaient, et plongeaient le fautif dans un bain de douceur. Le contact de la peau de Yuka contre ses doigts était plus qu'inédit: une complicité physique et tactile se nouait entre les deux êtres, sans pour autant affirmer la nature des sentiments qu'ils éprouvaient l'un à l'autre. A vrai dire, il était futile de s'intéresser à l'état d'esprit du tandem de taulards, tant ce qui se tramait dans les hauts sièges de leur conscience était trop sibyllin pour être étudié. Le Ryûzoji ainsi jouissait d'une inclination tantôt novatrice: il revivait des moments sui generis. Ces mêmes moments avaient le don d'effacer le doute, le mal-être que ressentait le guerrier dans sa cellule. Aussi son regard se plongea dans la moindre once de doute dans les iris corallins de Yuka et se laissa porter dans un monde étranger. Celui où l'autarcie n'avait plus de sens. Le microcosme dans lequel il se retrouvait à présent n'avait plus de sens. Et c'était tant mieux comme ça: il n'y avait plus de règles, plus de lois, qui pouvaient sévir son comportement. Même la loi de la confusion de sa folie s'en voyait dissipait. Planant dans des cieux infinis, il savourait un instant, un kairos inédit.

Et alors que la demoiselle tenta de formuler quelque bafouillage, la psyché du baroudeur déchu fut consolidé par ce contact durable. Sentir une personne aussi proche à ses côtés lui avait presque manqué: il n'avait pas connu cette sensation depuis des lustres. Mais outre le fait de la redécouverte, comme une fouille d'une mémoire enterrée dans les abysses de l'âme, c'était surtout la singularité de cette personne qui affectait le Ryûzoji. Mitsuharu Yuka avait quelque de spécifique, qui avait permis au Borgne de recouvrir des sensations perdues. Était-ce sa voix, comme une clé dans toutes les serrures de l'amnésie, et dont le timbre donnait la morphologie nécessaire à l'ouverture de ces verrous psychiques ? Ou alors, était-ce son regard, comme une oasis de sureté, où le vice se voyait noyé dans une marine auguste et le sujet flottant sur la surface de cette onde pure ? Il y avait aussi cette main, qui guidait le Lutin dans des souvenirs agréables, qui liait son esprit à celui de la kunoichi par le biais du corps…

La psychagogue fit par la suite resserrer ce lien digital, exprimant une unique phrase témoignant des limites de la belle. Si auparavant les deux êtres échangeaient amicalement leur regard, c'était à présent un dialogue de sourires qui se tenaient dans ce lieu inadapté à un tel rapprochement aussi soudain. Les phalanges de la détenue se mêlaient agréablement à ceux de Yoru, tandis que la pression augmentait. Mais ce n'était pas un mal: au contraire, il s'agissait d'un signe positif de ce rapprochement incongru. Le reître se sentait différent: comme si le poids de la prison ne l'affectait plus. Focalisé exclusivement sur la princesse, ses peines s'envolaient, ses peurs se vaporisaient. Quelle était donc cette magie de l'âme qui parvenait à briser la crainte du guerrier ? Telle une alchimie somatique, il laissa alors ses doigts se mêler davantage à ceux de la demoiselle. Peut-être qu'en nouant encore plus ce lien charnel, Yoru trouverait ses réponses. Il fallait l'avouer, lui-même s'en rendait compte, le Ryûzoji s'insérait dans une situation pour le moins particulière. Depuis son incarcération, il cherchait des réponses, sur lui-même. Qui était-il, qu'avait-il fait pour en arriver là ? En quête de mémoire, le Lutin Psychotique avait trouvé plus que des souvenirs: la souffrance, celle de la connaissance de l'acte le plus ignoble: celui d'ôter la vie. Même si en tant que shinobi, il n'avait aucune once d'intérêt à l'égard de ce crime, il en connaissait tout de même la gravité. Outre le point de vue législatif, c'était un geste immoral: celui d'un équilibre démoniaque, visant à faire de deux entités une vie, et une mort. Comme un besoin égoïste, contre la vie d'autrui. Mais ce n'était pas tant cela qui avait perturbé Yoru. En tant que Chûnin, il avait le pouvoir de tuer un certain nombre de personnes, et ce sans regrets. Ce qui l'avait gêné le plus, c'était le fait de ne point être conscient. La Folie qui l'habitait avait pris cette initiative, et de façon aléatoire, comme toujours, avait occis le premier à passer sur la route du Démon Pourpre. Yoru détestait le fait de savoir que son corps, le sien, était occupé l'instant d'un homicide, par une entité absconse, autre que lui-même. Un soupçon d'égoïsme dans un bain de dignité, quant à l'appartenance de sa carcasse borgne. Voilà le ressentiment abject du guerrier fou.

Maintenant que sa souffrance s'en voyait dissipée, il chercha à expliquer la cause de cette exhalation mentale… comme un cercle sans fin. Mais il n'y avait nul infini dans cette succession de réflexion. Il y avait un stade que Yoru ne pouvait à l'heure actuelle atteindre, qui lui permettrait de s'éloigner de ses maux, de cette escalade sempiternelle vers la réponse. Même dans un futur proche, il ne pourrait aspirer à pouvoir y accéder. Il devait attendre, et laisser le temps faire son travail. Laisser les flots limpides du temps purifier les doutes, purifier les vices. Laisser les courants de l'horloge nettoyer l'âme du pêcheur. Mais pour l'heure, la fraîche Yuka tenait à rassurer le Lutin Borgne, lui donner son opinion concernant le mal qui l'affectait psychiquement.
❖ Pour moi … Tu n’es pas un monstre. Pour moi, tu es juste le pantin de pulsions incontrôlables. Tu es sous l’emprise de quelque chose de plus fort que ton esprit, qui te réduit à l’état de spectateur face à une explosion de folie macabre et destructrice. J’ai bien pris plaisir à tuer mon frère, en lui plantant son arme de prédilection un peu partout, alors finalement … Rien ne m’étonne, à vrai dire … Le fratricide, sur sa base, est moralement aussi monstrueux que le meurtre que tu as commis sur ce pauvre inconnu. À mon sens, tout du moins.
Face à cette étonnante déclaration, Yoru fut surpris. Quelque chose de plus fort que son esprit ? Si seulement… Malgré tout, elle semblait comprendre le sentiment du Ryûzoji, ce weltschmerz intérieur en perpétuelle quête d'innocence. Face à de tels propos, le condamné n'eut qu'une réponse. Mais il devait attendre que la Mitsuharu eusse finie de prendre la parole, avant de pouvoir formuler son point de vue. Ce serait l'occasion de répondre à l'interrogation de la demoiselle, quant aux racines de ce lierre spirituel et corrupteur qui étranglait la conscience du guerrier. Après tout, peut-être qu'en parlant avec elle, le mal s'en irait de lui-même. Un espoir aussi psychanalytique que vain, au vu de la gravité de la névrose du baroudeur. Faire ressurgir à la surface les abysses de son esprit n'était pas forcément une superbe idée, d'autant plus que le processus prendrait du temps. Toutefois, Yoru tenait à faire plaisir à la détenue, tout comme elle avait sue donner une lumière dans sa nuit. Il devait allumer une bougie dans sa détresse, et trouver l'énergie, la chaleur nécessaire à se sortir de cette grotte de solitude. Trop de ténèbres avaient rongé sa vie, apporté par les démons de la guerre, puis du trouble. Trop d'ombres avaient ternis son caractère, sa personnalité, sa mémoire même. Il était temps de rallumer tout cela, de paver le monde du guerrier de lampes chargées de volonté, de détermination, et d'espoir.
❖ Une raison à ça ? Encore faudrait-il auparavant mettre les choses au clair, sur ce "Ça". Cette Folie qui m'habite est née lors des évènements qui ont eu pour théâtre le Pays des Cendres. A cette époque, j'étais un Genin, jeune, taciturne, insouciant. La guerre était pour moi loin derrière la paix troublée par des tensions mondiales. Mais je voyais de mes deux yeux la paix. La paix, et l'amour. Celle d'une kunoichi que j'avais rencontré pendant la Grande Guerre, et avec qui je m'étais juré par le biais de mon Nindô de la protéger jusqu'au bout.
Le souvenir de Yûna frappa violemment le reître. Son regard, limpide, d'un bleu azuréen perçait à travers son esprit comme une myriade de carreaux. Sa voix d'une douceur cotonneuse assaillait l'assassin avec l'horreur du bourdonnement d'un essaim de frelons. Face à tous ces soubresauts de l'âme, Yoru devait tenir bon. Il devait aller jusqu'au bout. La douleur partait et suintait des résidus de son âme nébuleuse, mais au final c'était peut-être ça, la sublimation.
❖ Elle était tout pour moi. C'était un levier dans ma détermination, mon envie de gagner en puissance pour elle. Et puis… lorsque les batailles ont éclaté sur Hai no kuni, notre groupe a été intercepté par des déserteurs ainsi qu'une poignée de Konohajins. L'un d'eux a alors tué ma raison de vivre à l'époque. Je me sentais impuissant, faible, quasi-inexistant. L'explosion l'avait emporté dans une des failles du pays, et pourtant c'est moi qui me sentait chuter dans une abîme. Mon esprit refusait sa mort.
La pression qu’exerçait sa main sur celle de la nervi était plus forte, plus aléatoire également. Le trauma ressurgissait à nouveau, et majorait son tourment antécédent. Bravoure ou absurde, qu'importe, la balle se délogeait de la plaie. Qu'importe si le mal ne partait pas dans son ensemble: le voir s'effacer, s'échouer telle une vague sur la plage apaiserait éphémèrement le jeune homme. D'autant plus que le janissaire tenait à répondre à Yuka, pour qu'elle puisse avoir toutes les clés en main pour se faire une véritable idée du personnage qui contait à ses côtés, main dans la main, sa sombre épopée, sa varappe de déséquilibre.
❖ Un sentiment de détresse m'a alors pris d'assaut. De la peur, car je croyais encore vainement à sa survie, et craignais encore malgré tout sa mort. De la colère, de par le geste du ninja de la Feuille. Du désespoir, de la faiblesse, car je ne savais pas quoi faire, je n'avais pas su quoi faire. J'avais l'impression de ne rien être. J'ai alors décidé d'éliminer celui qui avait éliminé ma lumière. Dans un élan de rage, j'ai emporté le tueur dans une abîme, et l'ai roué de coups jusqu'à ce qu'il expie. Mais le tuer à son tour ne m'a servi à rien, et alors un Aburame a surgi d'entre les failles. Ses paroles n'ont fait que croitre ce qui pouvait ressembler à un embryon de démence. Ma démence, fruit de mes sentiments, mes pensées, mes actes. Une partie de moi en somme, qui a sombré dans un trouble total, et vient parfois prendre ma place.
Il l'avait fait. Sublimer, peut-être pas, mais au moins avait-il d'une parole émancipatrice évoqué son mal primitif. Ses dextres tremblotaient moins, son visage était moins pâle. Son regard lui avait regagné en vitalité, toujours est-il qu'il restait encore bouleversé par cette excavation mnésique.
❖ Alors ce moi qui a perdu contrôle, ce moi qui n'est plus humain, et qui me dévore, telle une gangrène, n'a de cesse que de venir se manifester. Le hasard est son maître: il me force à subir les aléas de l'horreur, et de façon tout autant hasardeuse. C'est bien pour cela que je suis un monstre: je ne regarde pas la victime que je tue. Ce n'est plus une victime, c'est un simple élément de mon hallucination, qui a la manière de mes images psychédéliques, apparait et disparait par ma folie. Cet inconnu, toi, le garde… personne n'est à l'abri de mon courroux, bien qu'il possède les limites de mon corps, et que je sais que bien des ninjas me surpassent.
Il soupira, comme s'il venait de tirer dans une de ses cigarettes. Il aimait ce geste, bien qu'il ne puisse actuellement pas le faire. Les gardes avaient confisqué un bon nombre d'effets personnels appartenant au manieur de vapeur. Soupirer de la sorte, c'était évacuer ce qui ne pouvait se voir à l’œil nu, ce qui pouvait n'être tangible que par la pensée. Apaisé par une nicotine fictive, le Ryûzoji se mit alors aux vraies confidences. Plus personnelles, moins héroïques, historiques. Plus actuelles, moins passées. Plus agi, moins subi. Sa main serra davantage celle de la Mitsuharu, ses doigts se nouant avec complicité entre ceux de la demoiselle. La gêne lui monta de façon gutturale, tandis que son teint était particulier, comme normal. En réalité, son teint blafard se voyait superposé par une couche finement andrinople. Celle des aveux.
❖ Pour être franc avec toi, il n'y a que peu de choses qui arrêtent mes crises de folie. Actuellement, on ne m'a souscrit que deux solutions. L'une, durable et bon marché: les médicaments que des médecins m'ont prescrit. Avec toute la chance que j'ai, ces foutus matons me les ont retiré, eux qui veulent éviter que je sois incontrôlable, c'est raté, mais passons… l'autre méthode est plus radicale, et plus douloureuse aussi… *Il invita alors Yuka à observer sa main, portant les marques de nombreuses mutilations en son centre, laissées par des coups de couteaux aussi brutaux que radicaux.* Il arrive que si je décèle la folie à temps, je puisse la stopper par une vive douleur. Un Kai physique en somme, qui marche pour faire obstacle à mon propre esprit. Et il semble qu'en ta présence, il y a quelque chose qui constitue comme une troisième manière de mettre entre parenthèses mon mal… une impression de bien-être, de confiance. C'est difficile à expliquer mais voilà… les faits sont bien là. Ta présence contribue à ma santé psychique, d'une manière que je ne saurais expliquer.
Sur la fin de ses propos, sa voix s'était atténuée, devenant plus faible. La raison de cet affaiblissement inattendu, c'était ce mouvement soudain qui rapprocha davantage les deux êtres criminels. Un enlacement inattendu scella chaque corps l'un contre l'autre. Une initiative venant du kobold psychasthénique, désormais apaisé, comme lavé de tout doute. Dans le silence de la geôle, un seul bruit parvint à s'approcher des oreilles de la demoiselle, envers qui Yoru était reconnaissant.
Merci.
Un mot, un seul. Deux syllabes pour traduire le changement d'un guerrier anéanti par son passé, et qui aujourd'hui se relevait aux côtés d'un ange à la chaleur salvatrice…
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Message(#) Sujet: Re: La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] La Cage aux Oiseaux. [PV Yoru] EmptySam 19 Jan 2013 - 17:18

Il y avait ces mots, cette terreur qui lui collait à la peau. Cette sensation étrange d’être partagée entre deux sentiments : La géhenne exercée par sa présence dans la prison mais aussi de la situation ; et quelque chose d’autre, d’inexplicable. Quelque chose d’apaisant, de rassurant. La présence de cet être, la chaleur de son contact, la douceur torturée de sa voix. C’était indescriptible, mais, en lui résidait ce détail, cette simple différence qui changeait son regard, qui la rendait presque admirative. Elle ne pouvait décrocher ses prunelles des siennes, craignant de revoir une réalité destructrice s’il s’arrêtait. Chacune de ses paroles, aussi dure à encaisser fut-elle, lui permettait de revenir sur Terre, de reposer les pieds sur ce monde ignoble qui lui déplaisait tant. Malgré tout, en cet univers de souffrances et de malheurs, il y avait lui. Cet homme, étrange, inhabituel. Cet homme qui la calmait. Qui, inconsciemment, l’aidait à se sentir mieux. Dans cette cellule, il y avait Yoru. Un être dit « fou », malade, atteint par une pathologie qui le menait au meurtre sans même qu’il ne pût se contrôler. Une sorte de second lui qui apparaissait et lui volait sa conscience, l’espace d’un instant. Plutôt court, mais assez long pour ôter la vie d’un individu, peu importait lequel. Cet être semblait terrifiant, vu ainsi. Il pouvait choquer, troubler, lancer une sensation froide dans le dos des plus sensibles.
Toutefois, Yuka, sans le comprendre totalement, ne le craignait pas le moins du monde. Il ne lui faisait pas peur. À l’inverse, il l’intriguait. Elle voulait l’entendre, qu’il parlât jusqu’à ce qu’elle ne pût plus l’entendre, qu’il continuât encore et encore, même si ses mots perdaient tout leur sens. Qu’il la maintînt éveillée, présente, vivante. Il redonnait un souffle à l’oiseau mort. Il lui rendait ses ailes, les faisait battre, par une magie incompréhensible, mystérieuse au plus haut point, qu’elle ne tentait même pas d’imaginer. La brune se laissait simplement porter, bien que touchée par la plupart de ses mots.

Ils la brûlaient, lui donnaient envie de le calmer, d’enlever cette partie de lui qui le détruisait de l’intérieur. Elle voulait le redécouvrir pour anéantir ce mal qui le rongeait, mais rien ne l’aidait à agir ainsi. Cela se trouvait au-dessus de ses forces et, quoi qu’elle fît, rien ne s’arrangerait jamais. Ou alors, pas forcément grâce à elle. De toute façon, l’origine était bien trop loin pour l’annihiler, l’éradiquer totalement. Ce mal résistait à chaque attaque, à chaque parasite envoyé par le présent pour être détruit. Il se battait et vainquait son assaillant, laissant un être en proie à de nombreuses crises. Ce mal gagnait en puissance à mesure du temps. Il détruisait tout et enfermait son prisonnier dans une geôle de souffrances diverses, mais aussi d’apathie. Il lui enlevait tous ses sentiments, le retirait du monde ou l’y rendait étranger. Et sa source rendait tout beaucoup plus compréhensible, mais aussi plus triste.
La mort d’un être cher, terriblement cher, pour qui l’on donnerait jusqu’à sa vie. La disparition de l’oxygène, plaquant contre terre n’importe qui en le regardant agoniser. Dans ce genre de cas, beaucoup fuyaient, couraient pour retrouver un monde meilleur, moins triste, n’hésitant pas à agir de manière idiote voire inconsidérée. Lui avait pris le châtiment à contre-pied, s’engouffrant dans une douloureuse confrontation. Celle que tout le monde, aussi fort fût-il, tenterait d’éviter. Un dialogue, une scène de violence avec le Diable en personne. Ce monstre qui arrachait à l’Homme son plus beau présent. Certains se montraient résistants contre la Mort, d’autres lui cédaient. Lui était témoin. Témoin de la disparition de son plus beau joyau. Mais aussi, il livra une longue bataille contre le trépas, ne croyant pas au sommeil éternel de son aimée.

Cette scène semblait poétique, vue de l’extérieur, mais Yuka parvenait à comprendre à quel point cela blessait, détruisait. Au moins, il ne l’a pas tuée de sa propre main … Cela, la brune le garda pour elle. Sa main serra davantage celle de Yoru, comme pour l’accompagner dans cette longue descente aux Enfers, qu’il traversait pour se débarrasser d’un poids devenu trop lourd. Non, non, il n’était plus seul. Un sentiment étrange s’emparait peu à peu de Yuka. Le temps la rapprochait de cet être, tout d’abord inconnu. Il la menait dans son passé, lui faisait découvrir le plus triste pan de son existence. Il lui livrait tous les détails importants relatifs à lui-même, comme s’il tentait de les lier davantage. Le temps manipulait chaque fil de cette conversation, entité dominante qui leur permettait d’expier par la parole. Mais il n’y avait pas que lui. Il ne fallait pas lui distribuer tous les mérites. Tout se faisait de manière incontrôlée. Le temps ne les approchait que légèrement, laissant leurs esprits se débrouiller pour tisser des liens, peu importait lesquels. Ainsi partis, les deux êtres se rapprochaient de plus en plus, échangeant leur pire expérience, comme s’ils en ressentaient le besoin. Le meurtre d’un frère pour des raisons familiales, mais surtout absurdes ; la perte d’un être plus important que tout. Leurs histoires se ressemblaient sensiblement, bien que restant plutôt différentes sur bien des points. Yuka réfléchit un instant.

Que répondre, après cela ? Son esprit s’emmêlait lui-même dans d’innombrables pensées qu’elle ne parvenait pas à démêler. Le tout restait semblable à une énorme pelote de laine constituée de questionnements illogiques, insensés. Alors, elle garda le silence, jusqu’à arriver au point le plus important des dires de Yoru. Les catalyseurs de sa folie. Tout d’abord, il y avait les médicaments, ce qui paraissait totalement normal … Mais aussi, les coupures. Les prunelles de Yuka cherchèrent rapidement le sol suite à la vision de toutes ces cicatrices. La mutilation. Le sacrifice de soi. Le soin par la douleur. Il fallait combattre le mal par le mal. Yoru l’avait compris et assimilé, mais … Ce n’était pas la meilleure solution, selon Yuka.
Une dernière substitution aux médicaments apparut. Celle-ci mit légèrement mal à l’aise la brune, qui détourna rapidement le regard. Ses joues devinrent rouges et l’embarras grimpa rapidement en elle. Pourtant, la brune n’eut pas le temps de fuir que, déjà, une nouvelle chaleur s’empara de son être. Il était là. Contre elle. Il la serrait, la recouvrait d’une sensation terriblement apaisante. La demoiselle ferma les yeux et respira lentement, se laissant tendrement porter par l’attention inattendue du borgne. Ses mains remontèrent doucement le long de son dos, tandis qu’un sourire naquit sur ses lèvres. Cette situation avait ce quelque chose d’indescriptible, d’absolument merveilleux et incompréhensible qui la menait sur des chemins dès lors inconnus. Ceux de l’ataraxie. La brunette rendit l’étreinte plus chaleureuse, exerçant une petite pression sur son dos pour les rapprocher davantage.

    « Yoru … »


Un murmure, juste un murmure. Yuka garda le silence, ne sachant plus quoi dire.

De toute façon, elle ne le pouvait plus …

Son cœur se serra brusquement, comme si une force obscure l’écrasait contre sa poitrine. Son souffle devint court. Elle tenta malgré tout de se contrôler. Dans sa tête, toutes ses pensées se rassemblèrent en une nouvelle création absolument incompréhensible. Rien ne lui semblait intelligible. Cependant, il y avait cette phrase qui revenait encore et encore, la taraudant plus que jamais.

    « Tu es faible, si faible. »


La voix lui arracha un long frisson et la fit trembler. Son étreinte se resserra instinctivement, comme si la peur venait la mordre et qu’elle tentait de lui échapper. Pourquoi ? Pourquoi revenait-il ? Pourquoi maintenant ? N’était-il pas mort ? Sous terre ? Disparu à jamais ? Envoyé dans les limbes du sommeil éternel ? Dans les abysses du trépas ? Non ? Pourquoi ? Le rythme cardiaque de Yuka s’accéléra, tandis que des larmes roulèrent sur ses joues, incontrôlables. Il revenait, il revenait. Cet être exécrable, pourtant mort, qui avait déjà tout détruit en elle. Il revenait. Il la tourmentait. Se moquait d’elle. Se jouait de ses faiblesses et de ses peurs. Ruinait tout ce qu’elle se tuait à bâtir. Engloutissait toutes les possibilités d’une vie heureuse. Il détruisait tout, balayait tout d’un simple revers, comme si les fondations du monde de Yuka ne valaient rien. Il. Oui, lui.

    « Tu es faible, si faible. »


La Mitsuharu crut mourir. Cette voix, cet être, pourtant sous terre, lui arrachait son souffle, écrasait son cœur et l’émiettait avec un sourire sadique. La brune exhala un soupir de terreur et relâcha Yoru. Ses mains se posèrent rapidement sur sa chevelure brune. Elle voulait le chasser, réduire son souvenir à néant, faire de sa présence un mauvais rêve et revenir au départ. Retrouver la chaleur de cette étreinte, la sensation apaisante qui la caressait quelques instants auparavant. Elle voulait l’oublier, pour que ce monde devînt plus beau, plus simple. Mais il revenait. Il toquait à la porte de ses songes et entrait sans autorisation. Il lui crachait dessus et se moquait d’elle, pendant que, désespérément, ses mains s’attachaient à ce bonheur éphémère qu’il lui volait. La tête de Yuka tomba contre le torse de Yoru, tandis que de longs spasmes secouaient le reste de son corps.

    « Il est là, il est là, il est là … Je suis désolée … »


Elle haletait. Sa voix était pleine de sanglots, tremblante. La brune attrapa la main du jeune homme et la serra, tentant de se rattraper, de ne pas tomber au fin fond du précipice infernal. Sa chaleur perdait peu à peu son pouvoir. Il ne restait plus rien. Que des songes détruits, une âme meurtrie par les monstres du passé. Il était là et la regardait en souriant. Il la fixait et, alors qu’elle courait loin du ravin, en créait un autre juste devant ses yeux. Il la traumatisait, jouait avec chacune de ses peurs et montait peu à peu le niveau du jeu, comme si cela l’amusait. Yuka se redressa doucement et, plongea ses prunelles incarnates dans la merveille céruléenne de Yoru. Les larmes coulaient encore. Pourtant, un sourire parvint à naître sur ses lèvres.

    « Merci encore, Yoru … »


Dans un geste plein de tendresse, la brune posa une main délicate sur la joue du blondin et s’approcha davantage, réduisant totalement la distance qui les séparait. Leurs souffles se mêlèrent doucement. Yuka tremblait encore et, pourtant, réussit à agir, à donner une finalité à ses gestes. Ses lèvres se posèrent tendrement sur celles de Yoru, comme si elle cherchait à sceller ce lien par un dernier union entre leur deux êtres. Un sensation de liberté s’empara de la brune, qui crut calmer le courroux de son frère. Malheureusement, il revint de plus belle et frappa plus fort.

    « Pauvre conne, tu es faible, si faible. »


Comme un couteau en plein cœur, il avait lancé sa dernière pique. Yuka relâcha le jeune homme et mêla ses prunelles se posèrent sur son visage, à la recherche d’une échappatoire … ou par besoin de se le mémoriser une dernière fois avant la chute.

    « Je … »


Une exhalation terrifiée la coupa en plein élan et ses yeux s’écarquillèrent. Un fantôme semblait se trouver là, face à ses prunelles. Une sensation de dépérir s’empara d’elle et la traîna littéralement sur le côté. Elle tomba contre le sol, dans un vacarme significatif. Aucune douleur, juste une horrible impression de le revoir, de l’avoir là, qui lui fondait dessus pour la détruire à jamais. Une impression de mourir, de n’être plus qu’une carcasse vide. Son être entier brûlait, mourait sous les coups pernicieux de cet être inconsistant. Il ne vivait pas, du moins, ne vivait plus, mais parvenait à la réduire à néant.

    « Crève, SALOPE ! »


La brune se releva et poussa un cri d’effroi. Le gardien rappliqua aussi vite que ses jambes le lui permirent. Il l’attrapa par les cheveux et la tira dehors, fermant aussitôt les grilles.
Yuka tendit faiblement la main en direction de Yoru et finit par fermer les yeux, emportée par une sensation qui lui était totalement inconnue. Plus rien ne la maintenait sur cette Terre. Son esprit s’en allait de lui-même pour mener une bataille interminable contre Kyurei. Une lutte violente, terrifiante, fatigante. Une lutte horrible, qui ne prendrait fin que lorsque l’un des deux camps se déciderait à rendre les armes.

Le maton la tira jusqu’à une pièce entièrement blanche et attendit l’arrivée d’un homme. Yuka n’eut pas le temps de voir qui arrivait que ses sens semblèrent la lâcher totalement. Le noir l’engloutit toute entière, ne laissant d’elle qu’un corps fatigué, incapable de bouger. Il n’y avait plus rien. Juste une enveloppe vide. Un oiseau aux ailes arrachées.

Son monde se dégradait, s’enfonçait dans les abysses du mal, sans pouvoir s’en sortir. Mais parmi ces ténèbres dévorantes restait une petite lumière fugace qui lui laissait l’espoir de rendre son univers plus beau …
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