Le temps passe, tout change,
Le temps passe, je ne reconnais plus rien,
Le temps passe, j’avance,
Le temps passe, mais je reste la même.

D’une démarche enfantine, je traversais les rues de Kiri. Je regardais partout, m’imprégnant des différents coins et recoins du lieu. Un plan se créait dans mon petit esprit tandis que je manigançais déjà une nouvelle bêtise à faire. Je partirai de ce pays avec quelque chose d’irremplaçable : Une chûnin fraîchement promue. Cette gamine avait trouvé sa place dans mes plans et me permettrait de mener mon ambitieux dessein plus vite à sa fin. J’étais parée. Prête à tout pour que chaque obstacle soit pulvérisé. En soi, malgré les jours, les mois, les années, malgré le poids que le temps avait pris, j’étais restée une enfant incapable de résister face à ma propre innocence perdue. J’étais de ces gens qui succombaient presque automatiquement face à la puissance de ce détail. Cette petite pêche remportait donc la palme de l’intérêt. Je tenais à elle plus qu’à n’importe qui, mine de rien. Je me devais de la protéger. Comme une sœur mais aussi comme un mentor. Après tout, ici, qui était la dirigeante ? Eh bien c’était moi. Et si quelque chose devait lui arriver … Non, je ne veux pas y penser.

Je n’avais décidément pas changé. J’étais restée l’enfant schizophrène qui cherche à récupérer sa candeur oubliée. Comme une chasse aux souvenirs, en quelque sorte. Peut-être que cette enfant réussirait à … m’apaiser ? Je n’en savais pas le moins du monde. Je soupirai. Si sensible … Comment porter habilement ma cape de révolutionnaire si les enfants me faisaient fondre ? … Non. À vrai dire, ils ne me faisaient pas fondre. Après tout, combien en avais-je tué ? Je ne les comptais même plus. Alors j’étais une véritable folle ?

Non, Hana. Tu n’es pas folle. Tu agis selon ton instinct. Tu es rationnelle. Plus qu’eux. Mais eux ne reconnaissent pas les mêmes choses que toi. Ils sont inintéressants. Piteuse race humaine, trop rattachée à ses lois et à ses subterfuges …

Kaori avait raison, sur le coup. Mon double schizophrénique n’était jamais sur la mauvaise voie, au final. Elle me … comprenait ? C’était rare pour deux personnes vivant dans la même enveloppe corporelle, paraissait-il. Je me fixai surtout sur sa dernière phrase. Rattachée à ses subterfuges ainsi que ses lois ridicules. Oui, telle était la race humaine et ainsi vivait le monde shinobi. Toujours cette histoire de hiérarchie inutile et ses obligations désagréables. Je soupirai à nouveau. Il fallait changer ça. Il fallait leur ouvrir les yeux. Leur « arracher les ailes », comme Ori le disait si bien. Nous étions les anges déchus qui allaient entraîner tout le monde dans leur chute. C’était beau comme image.

À force de marcher, je finis par me retrouver à la lisière du bois de Mizu no kuni. Je-m’en-foutiste et ennuyée, j’entrai doucement, écrasant quelques feuilles sur mon passage. Ma démarche était lente bien que légère. J’avais toujours l’air de cette enfant-adulte, dégageant une innocence totalement fausse. De toute ma vie, depuis mon adolescence, jamais un de mes actes ne s’était réellement avéré comme candide ou gentil. J’avais rallié les rangs des « méchants », appréciant cette position. J’étais devenue une personne digne d’aller croupir dans les flammes infernales et éternelles. Un ange aux ailes coupées qui se retrouverait directement sous-terre. Mais … ne dit-on pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions ? Je n’étais donc pas si méchante … Si ? Bah. Je haussai doucement les épaules. Après tout, ici, je n’étais que … moi, non ?

Une voix me coupa dans mes pensées. Une voix masculine. Quelqu’un ? Ici ? Alors que tout me semblait désert ? Mes yeux se relevèrent pour directement se jeter sur cette présence. Rapidement, mes prunelles se plongèrent en les siennes. Celles-ci étaient aussi étranges que les miennes, arborant une couleur impossible à affirmer avec une certitude totale. Je ne pus m’empêcher de sourire, faisant tomber une tension étrange qui s’était installée. Il m’avait indiqué être un shinobi de Kiri, sans rien me dire de plus, pour finir par me demander ma propre identité.

Moi ? Que devais-je répondre ? « Oh, je suis Hana Kaori, une errante qui est venue pour s’infiltrer dans Kiri en tant que fausse kunoichi de Kumo, ravie de faire ta connaissance. Maintenant que tu sais tout ça, dois-je te tuer ? » … Haha, la bonne blague. Je penchai simplement la tête, toujours silencieuse. J’étais juste … « moi », encore une fois. Mais lui ne comprendrait pas, étant donné qu’il ne me connaissait pas. J’allais donc lui indiquer mon identité. À ma manière.

« Bonjour.~♪ Moi ? Oh. Certaines personnes, ici, m’appellent ‘L’ange’. Libre à toi de choisir quel nom me va le mieux. »

Je le regardai encore, décidée à graver son image dans ma mémoire. Peut-être deviendrait-il un obstacle, un jour ? Je n’en savais pas grand chose. Après tout, je n’avais jamais prédit l’avenir et cela n’arriverait pas maintenant. Puis je le relâchai, me détaillant les alentours. Une rencontre en forêt avec un être aussi étrange … Hm … Pourquoi pas ? La tête inclinée vers le bas, je repris doucement la parole.

« Puis-je avoir l’audace de te demander … ton nom ? Hm … Si tu me donnes le tien, peut-être te donnerais-je le mien ? »

Un prêté pour un rendu. N’était-ce pas ainsi que cette société tournait ? Honnêtement, je m’en fichais. Ce détail ne valait rien, concrètement.
Mes yeux restèrent posés sur la forêt tandis que je décidai de me bouger après quelques secondes. Ma démarche se voulait bien moins enfantine, quoique toujours accentuée de notes maladroites d’une fausse innocence. Devrai-je le manipuler, avec le temps ? Hm … Peut-être bien …

Un sourire naquit doucement sur mes lèvres. Je me retournai, replongeant mes yeux dans les siens, les laissant s’y perdre avec fascination. Entre Ori et cet inconnu, je ne faisais que des rencontres originales, ces derniers temps. Ce n’était pas plus mal, en soi.

« Et, avec cette question polie mais impolie du nom … Puis-je ajouter un … ‘Pourquoi ?’ … ? Du genre … ‘Pourquoi es-tu dans cette forêt ? Habitude ou envie passagère ?’ … Deux autres questions bien curieuses aussi … n’est-ce pas ? »

Énigmatique petit manège qui s’enclenchait. Et moi, je me délectais devant la danse de mes petits dadas. Que se passerait-il, au final ? Manipulation ? Folie ? Qui serai-je ? Hana ? Kaori ? Les deux ? Pauvre petit. Tombé entre mes griffes …

Une honnêteté sans fin. Il m’inspirait juste ça. Et peut-être un peu trop de mystère. J’avais beau le vouloir, dégager ces marques d’éloignement serait une tâche ardue. Je ne savais pas qui il était. Je ne pouvais que le regarder et me le détailler, encore et encore, sans obtenir ne serait-ce qu’un petit résultat. Non, je n’aurai droit à rien à part cette part d’inconnu. À moins que ? Il reprit la parole, répondant à ma question. J’avais raison. Il était honnête. Peut-être un peu trop, même, puisque parler autant pouvait s’avérer dangereux, en nos temps. Ou pas ?

Seishirô. Alors c’était ainsi qu’il se prénommait. Soit. Je le notai consciencieusement, histoire de le garder en mémoire. Après tout, il était plus intéressant de retenir le nom de ses probables ennemis, non ? Étant donné que j’avais emporté une gamine de son village dans ma « chute », il ne pouvait qu’être amené à devenir un de mes antagonistes, non ? C’était drôle, de penser ainsi. Ça me donnait l’impression d’être confrontée à une destinée déjà tracée, une ligne blanche sur laquelle je serais une funambule marchant sur une ligne simple, qui n’avait aucune courbe, aucune alternative qui menait à un chemin différent. Non, ce n’était qu’une trace distincte qui ne pouvait qu’être suivie au risque de tomber. Ma vie ne représentait donc que ça … Une simple trace blanche. Quelle bêtise.

Je soupirai. En aucun cas je ne devais rester sur cette réflexion inutile. Cela m’abattrait plus qu’autre chose. Mes yeux se relevèrent, venant de nouveau à la rencontre des siens. Je reportai mon attention sur ce qu’il me disait. Apparemment, il faisait allusion à mon prénom. Il était vrai que rester sous cette énigmatique couverture de « L’Ange » n’était pas forcément évident et … peut-être un peu trop froid ? Cela mettait une barrière de plus entre deux êtres. Déjà qu’entre lui et moi, cela s’avérait plutôt frisquet, rendre le tout glacé ne s’avérait pas franchement malin. À nouveau, je soupirai doucement, détournant le regard.

Puis, alors que l’on aurait cru que je ne répondrai rien à sa remarque, mise à part une réplique bien méchante ou inutile, je finis par relever les yeux en souriant. Il m’avait décliné son identité au « complet », pourquoi faire ma difficile et ne pas lui donner de réponse satisfaisante ? Un sourire naquit sur mes lèvres, remplaçant mon air neutre avec rapidité. J’étais, d’un coup, redevenue une enfant-adulte au visage trop innocent. J’aimais cette image que l’on m’attribuait, au final. Je pouvais, avec malice, en jouer et tromper tout un monde. C’était drôle. Mon sourire s’étira.

« Hm, j’en connais une qui ne serait pas d’accord avec votre vision du nom qu’elle m’a attribué. » J’en ris doucement, reprenant tout de suite après. « Mais il est vrai que garder cette couverture énigmatique ne mène à rien, n’est-ce pas ? Je suis Hana. Et le plaisir de faire votre rencontre est pour moi, Seishirô. »

La mimique qui ornait mes lèvres se fit moins infantile, s’accordant de nouveau avec mon corps d’adulte. Ce jour-là était riche en changements, apparemment. Je n’arrêtais pas de basculer d’un visage à un autre, étant tantôt la femme, tantôt l’enfant. Sans mentir, j’aimais en jouer. J’aimais redevenir cette enfant que je n’étais plus même si, dans le fond, je n’étais pas vraiment crédible. Mes actes m’enlevaient la candeur que tout le monde recherchait en chaque être. Peut-être n’étais-je plus assez sensible ? Haha. Faux. J’étais bien trop sensible, malgré ma façon de voir les choses. Effectivement, me montrant trop peu coopérative envers les lois créées, j’en devenais une révolutionnaire. Hmph …

Puis il reprit, coupant mes songes. Solitude. Quiétude. Apaisement. Étaient-ce les maîtres mots qui se liaient à cette forêt ? Peut-être bien. Après tout, je ne me sentais pas forcément … dérangée, ici. C’était un endroit agréable. Néanmoins, je ne m’y trouvais pas à ma place. Après tout, je ne pouvais me trouver à ma place nulle part … Chaque endroit – ou presque, mais le temps faisait que si – était sous le joug d’un village qui, lui-même, était dirigé par un être se croyant au-dessus de tout de par sa place. Hahaha. Je les écraserai. Tous. En souriant !

Il en revint rapidement à moi, me faisant une remarque à laquelle j’aurai totalement pu m’attendre. Je posais beaucoup de questions, c’était vrai. Et mes réponses se faisaient attendre. Souvent. Mais préférait-il que je le questionne de manière philosophique ? Quoique, l’idée était plutôt pas mal … Hm … Oh oui, intéressant. Mais je me reportai sur ce qu’il me demandait. Que faisais-je ici ? Ennui ? J’aurai pu dire ça, cependant, je ne devais pas le faire. Cette réponse était trop simple. Et vraiment nulle. J’avisai donc.

« Ma présence ici ? Je suis une simple voyageuse, venue ici pour assister à l’examen chûnin. Puis … J’en ai profité pour visiter un peu tout cet endroit. Étant donné que je ne viendrai certainement pas avant longtemps, je fais en sorte d’en profiter. »

Et une réponse de faite. Un mensonge de balancé. Néanmoins, cette fausse réalité avait été balancée avec tellement de conviction qu’elle ne pouvait que sembler fondée. Après tout, j’étais logique, dans ma réflexion, non ? Je souris, tenant à ne pas laisser de silence reprendre forme. C’était déjà bien froid, il ne fallait pas laisser la glace recouvrir chaque parcelle de terrain qui nous entourait.

« Dites-moi … Aimez-vous Kiri ? Ou plutôt … Aimez-vous Mizu no Kuni, en général ? Et la politique de l’après-guerre, vous l’aimez ? J’entends par-là que depuis cette nouvelle idée de créer des villages et tout ça … Peut-être que certains n’aiment pas cette idée, non ? »

Je baissai la tête, presque prête à repartir dans mes questionnements mentaux. Puis, rapidement, je la relevai, lui lançant un regard gêné, souriant nerveusement.

« Ah ! Euh ! Désolée … Vous n’êtes pas obligé de répondre … Je suis parfois trop curieuse … »

Et, rapidement, je baissai de nouveau la tête. Manipulation ? Partie ainsi, je craignais que ça n’arrive plus loin. Mais je n’avais pas réellement le choix. Je ne pouvais, après tout, pas lui dire ce que j’étais réellement … Aaaah … Quel dommage.

Citation :

Np', np' xD Et pis, tu sais, t'es pas obligé de te dépêcher de répondre, hein ! xP. Je suis pas à la seconde près ;p.