La voie est ouverte à tous ceux qui cherchent le pouvoir,
La basse route finit à vos talons
Et le chemin rouge sang, jonché d'os et de pétales, commence devant vos pieds
Et devant ceux de nul autre.
C'est le chemin qu'il faut suivre.
Mais ce n'est pas le seul.




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Il glisse, telle une ombre qui cherche la lumière.
Impossible de prononcer son vrai nom en suivant la logique de la chair et du souffle. Ce n'est guère plus qu'un tremblement, une sombre vibration le long du plan d'eau. Il n'a pas d'apparence, pas de forme, pas de substance. Nae. C'est son être, mais pas son nom. C'est une créature de ténèbre, issue du vaste néant. L'ombre monte à travers les eaux froides et sombres, frissonne et prend forme, aspire les parcelles de vie luminescentes de l'océan. Les morts sont petites, certes, mais elles vibrent en lui, véritable bourdonnement de plaisir. Il continue à monter. Aspire de plus en plus de vies. Sa substance se construit, couche après couche, comme des bernacles sur la quille d'un bateau.
Forme et apparence naissent du néant. La pression monte à mesure que le clair de lune aigue-marine illumine les eaux, éclaire la nouvelle forme de la créature. Tandis qu'elle approche de la surface, les bancs de poissons s'enfuient comme une brume d'écailles.
Imperturbable, le Nae les laisse s'échapper. Il a toute la structure dont il a besoin pour ce monde. Il teste ses membres noirs, sa longue queue ondulante, puis reprend son ascension pour quitter la sombre matrice. Enfin, la crête au sommet de sa tête brise les vagues. La créature respire l'air nocturne saturé de sel pour essayer ses poumons. La lueur qui brille dans ses yeux dépourvus de paupières n'est pas de ce monde. Le Nae fixe son regard sur la côte lointaine, au delà des vagues chevauchées par l'écume. Toutes sortes d'îles affleurent la surface de l'océan : des bancs de sable, des récifs, des atolls, des pics volcaniques. Un archipel ? Non un continent. Un sifflement s'échappe des arêtes de poissons cassés qui lui servent de dents. Il nage vers sa destination. Ses yeux réfléchissent la lumière scintillante qui ceigne son sommet et coule le long des pentes jusqu'à la mer, dessinant des habitations, des rues, des remparts. Le rivage lui même est parsemé de quelques lampes qui indiquent que les bateaux de pêche sont amarrés. Le Nae reste indiffèrent à tous cela. Il connaît son objectif. Il franchit l'anneau de récifs, mais nul ne remarque les ondulations le long de son passage. La lune naissante elle même se cache derrière la brume et les nuages. Le Nae se meut aussi facilement dans l'eau de la mer que dans la réalité intangible de ce monde. La terre s'élève sous les vagues. Le Nae résiste à l'envie de toucher une surface si dure, se glisse entre les hauts-fonds, reste dans l'eau aussi longtemps que possible. Mais bientôt, l'attraction, le sang, les promesses le font sortir de ses vagues. Ses pieds griffus s'enfoncent dans le sable. Il se redresse, s'aidant de sa longue queue pour trouver l'équilibre. Bien qu'il soit vêtu de chair et d'os, les limites de sa silhouette se fondent dans les ténèbres de la plage sombre.
Il n'est pas à sa place. Il fait un pas en avant. Il n'a pas le choix. L'eau dégouline des épaules du monstre lorsqu'il s'élance. De la vapeur s'élève de ses écailles. Il traverse la plage et chacun de ses pas laisse une empreinte de verre fondu. Il est venu.

Spoiler:

Kyuusei termina sa roulade appuyée sur un genou, sur les pavés irréguliers. Elle essuya le sang qui perlait de sa bouche avec le dos de sa main. Quelques instants plus tôt, on l'avait expulsée manu militari de la grenouille de sable et elle avait atterrie violemment sur un bras. Bien que ce dernier tienne plus de la brindille que du membre, il avait cédé sous son frêle poids. La jeune femme s'était effondrée face la première sur le revêtement impitoyable de la rue. En embrassant la pierre, elle s'était rappelée un vieil adage de Kiri : « une bonne nuit peut durer éternellement, mais une mauvaise peut durer plus longtemps encore ».

La fille mis un genou à terre et pria pour que cette nuit s'arrête vite. Plus question de se promener dans les lieux mal famés, même accompagnée, pendant un bon moment. Elle ne rêvait plus que de regagner son lit solitaire, dans la mansarde. Mais cela n'arriverait pas. Elle aurait de la chance si elle revoyait le lever du soleil.
Elle goûta le sang qui s'écoulait de sa lèvre fendue et son regard glissa de gauche à droite à la recherche d'un quelconque moyen de fuir. Vers le haut de la rue se trouvait les terrasses, les palacios et les jardins perchés sur les hauteurs qui appartenaient aux citoyens assez riches pour avoir le droit d’apprécier les brises les plus fraîches. Plus haut encore, le castel, d'un blanc étincelant, qui dominait la ville. Le bâtiment était bien gardé. Inutile de fuir dans cette direction, elle n'aurait que des ennuies. Et par le bas... cette direction-ci menait aux ruelles sinueuses, aux coins à catins, au sombres recoins. Point de salut dans ces quartiers la. Piégée au milieu. Elle fit donc face à ses adversaires, Bargo et Yorga. Les deux hommes de main, corpulents, portaient des tatouages identiques à l'épaule. Deux moitiés d'un même anneau. Ils s'étaient battus attachés l'un à l'autre sur les champs de bataille comme esclaves et étaient désormais affranchis. Sauf qu'ils n'avaient pas changés de passe-temps.

Yorga tripota les perles en ébène tressées dans une de ses mèches couleur de boue. Ces bijoux reproduisant l'enseigne de la boutique qui l'employait comme gardien. A ses cotés, Bargo se mit à aboyer :

- Rind-sama veut pas qu'les femmes viennent traîner dans sa boutique. C'est mauvais pour ses affaires.

Les yeux plissés, Kyuusei resta planté au milieu de la rue, sachant qu'il valait mieux éviter de protester. Elle était venue chercher des objets plus ou moins licites. Il semblait qu'elle avait mal choisie l'établissement. Elle se força à chasser la peur qui la rongeait et s’accroupit sur le pavé tandis que les cieux sombres se mettaient à cracher une bruine sombre. Il ne s’agissait pas d'une averse plaisante, purificatrice, comme pendant une bonne tempête mais davantage d'une sorte de brouillard qui emprisonnait la chaleur et les bruis. Pourtant ce n'était pas la chaleur qui lui fit naître des perles de sueurs sur son front et lui donnait tout à coup l'impression que ses vêtements étaient trop petits. Yorga serra le poing et un gargouillis s'échappa de sa gorge. Un rire. Les deux hommes s’avancèrent. Kyuusei allait être leur distraction de la nuit. Enfin c'est ce qu'ils croyaient.

La colère brûlait au cœur de sa poitrine tel un feu qui refuse de s'éteindre. Quand bien même il n'en restait que des braises, elle était toujours là. Toujours prête à renaître.
Yorga tendait un bras dans sa direction pour l'attraper par les cheveux. Erreur fatale. La kunoichi s'écarta en pivotant sur son bras endolori et son autre bras frappa simultanément. La fillette asséna un coup de coude en arrière dans l’arête du nez de la brute. Le cartilage se brisa sous l'impact, libérant un flot de sang. Yorga poussa un hurlement et recula brusquement. Son cri traduisait tant l’énervement que la frustration et l'indignation. Bargo rugit en contournant son partenaire. La jeune fille roula sur le dos et envoya une ruade. Elle savait où frapper. Le talon de ses bottes s'enfonça dans la partie supérieure de l'abdomen. Le souffle coupé, les jambes de Bargo se dérobèrent sous lui. Il bascula en avant, vers elle, les bras tendus et le visage crispé dans un masque de rage. Mais les mercenaires savaient travailler de conserve. Yorga referma ses doigts sur la cheville de la fille et il l'attira contre lui. Ses lèvres grimaçantes lassaient échapper des gouttelettes de sang.

- Je te tiens ! Je vais t'arracher les vêtements, te briser tout les os, te vendre à bar à pute puis te...

Sa tirade fut interrompue une lumière vive suivie d'un claquement sec. La tête du géant se décolla du reste de son corps et fut éjectée à quelques mètres de là. Le tronc s’effondra pesamment sur le sol. Une flaque de sang se forma à l'endroit où devrait être la tête de l'homme. Une lame spectrale tachée de sang parcourait le long du bras de la jeune fille. La situation venait de changer radicalement. Bargo s'immobilisa quelques secondes puis s'écarta lentement. La peur, animale, se reflétait dans ses yeux. Kyuusei ne quitta pas sa proie des yeux, comme si elle le jaugeait, puis au bout de quelques secondes s'élança. Le hurlement de l'homme se fit entendre, ponctué de temps en temps de craquement sordides. Un silence pesa lui succéda. C'était terminé. En cet instant une beauté féroce irradiait de l'assassine.
La jeune femme s'attarda quelques instants. Dans sa poche, elle referma ses doigts sur son bandeau ninja, le serra fort comme pour se donner de la force et repris sa marche vers la ville basse. Elle fit un détour pour regagner les docks et son lit, évitant les ruelles les plus sombres. Le lendemain elle chercherait dans un autre magasin. Elle ne voulait pas qu'on la reconnaisse, ni qu'on se souvienne d'elle. Elle allait se perdre, se replonger dans le réconfort de l'anonymat.

Spoiler:

Tandis que l'obscurité devenait plus ténue, Kyuusei passa des rues pavées à d'autres creusées à même la roche et le sable. Les maisons semblaient se cacher le visage derrière des volets fermés qui ne laissaient pas filtrer la moindre lumière. Sur sa gauche, gémissements et hurlements retentissaient dans les ruelles. Il valait mieux faire la sourde oreille. Il était toutefois impossible d'échapper aux odeurs de la ville. On ne s'y habituait jamais. L'odeur changeait trop, suivant le jour, la saison. La jeune femme gardait les épaules voûtées en traversant furtivement les zones sombres. On apprenait vite qu'il valait mieux rester invisible dans la ville basse. Elle se faufilait d'ombre en ombre, ne manquant pas d'habileté pour se déplacer sans être vue. Elle contourna la place Gibienne et coupa par la tannerie. Au delà de la tannerie les choses se corsaient. A cet endroit le danger était presque palpable. Les ruelles sombres s'entrecroisaient et il n'y avait aucune visibilité. Kyuusei entra dans les ténèbres ; bien qu'elle se soit toujours sentie chez elle au milieu des ombres, ici, le danger était omniprésent. L'air lui-même était lourd et épais. Le coin était une planque habituelle pour les voleurs qui voulaient s'enfuir après un larcin ou pour les brutes. Mais ni l'un ni l'autre ne constituaient une grosse menace pour elle. Elle parcourut donc les dernières ruelles d'un pas plus rapide. Elle imaginait déjà son lit douillet. Mais alors qu'elle contournait une fontaine et entrait dans une place cernée de bâtiments délabrés, elle s’arrêta aussi sûrement que si elle avait percuté un mur. Elle avait sentie une bouffée qui avait failli la faire tomber à genoux. Ce n'était pas une mauvaise odeur mais au contraire le plus agréable des bouquets , un mélange de lavande et d'apocyne. C'était de la soie, un rire d'enfant, de la joie. Kyuusei se redressa, fermement plantée sur le pavage sableux de la place. Comment aurait-elle pu s'en aller ? C'est alors qu'un hurlement déchira la nuit et rompu le charme. C'était un homme qui avait crié. Elle n'avait jamais entendu une telle terreur de toute sa vie. Pire que la peur provoquée par ses spectres. Le hurlement fut suivi du bruit clair d'un kunai frappant la pierre. Des cris de paniques. Proches. Une ruelle à cotée. Des bruits de combat. La kunoichi se crispa. Puis quelqu'un sortie de l'ombre devant elle. Un ninja. La jeune femme s’avança vers lui , une main levée pour l'interpeller. L'homme tomba à genoux. Lorsque le corps du ninja heurta le sol, sa tête se détacha de ses épaules et rebondit d'une manière obscène jusqu'à elle. On l'avait tué... La fille retint sa respiration et recula d'un pas chancelant. D'autres ninjas apparurent mais ils ne se portaient pas mieux que le premier. Les membres inertes pleuvaient, les entrailles explosaient et se déversaient sur le sol pour former des entrelacs tortueux sur le sol. Un ninja s'effondra sur lui-même, comme s'il n'avait plus d'os. Kyuusei se replia, horrifiée. Elle se blottit dans une alcôve, prise au piège. Elle écarquilla les yeux à la recherche d'un indice quelconque, d'une explication au massacre. A l'autre bout de la ruelle un brouillard lumineux s'éleva entre deux bâtiments couverts de suie. Une femme entra sur la place, encadrée par plusieurs hommes. Encore des ninjas. Kyuusei voulu leur hurler de fuir tant qu'il en était temps mais aucun son ne sortit de sa bouche. Encore une fois le mal s'abattit. L'un après l'autre les ninjas s’effondrèrent non sans tenter de lutter contre ce mal irrépressible, jusqu'à ce qu'il ne reste que la femme. Elle virevoltait au milieu du brouillard. Sa danse trahissait sa panique autant que sa férocité. La jeune fille fut de nouveau frappée par une vague de douces senteurs provenant de quelque printemps lointain. Mais elles se tentaient désormais d'un soupçon de frimas hivernal. La peur. Kyuusei savait que cette femme était le cœur même de ce bouquet. C'était aussi la source de la lueur, une lampe vivante. Le reflet glacé de la terreur sur sa peau émettait sa propre lumière. En guise de robe, elle portait une parure d'un blanc neigeux mêlée de dentelle. Ses cheveux lui tombaient librement sur ses épaules. Tout au fond d'elle, Ori savait qu'elle devait l'aider. Mais elle resta où elle était. La honte qu'elle éprouvait était aussi vive que sa peur. La femme s'enfuit au centre de la place sombre. Elle ne cessait de danser avec inquiétude. Mais avec qui dansait-elle ? La réponse ne fut pas longue à venir. Les ténèbres prirent formes à l'orée de son halo ; les ombres fusionnèrent. La femme s'arrêta de danser et fit face à la bête. Un murmure... Nae. Une flamme lécha les lèvres brûlées de la créature. La flamme s'accompagna d'un son, et bien qu'il soit lointain, Kyuusei l'entendit clairement de sa cachette. Un son qui crevait la volonté et rognait la vie en elle. C'est alors que la bête frappa, d'un geste trop rapide pour l’œil. Les ténèbres roulèrent comme une vague sur l'aura qui protégeait la femme. Un éclair noir fendit l'obscurité. La femme bascula en arrière, empalée. La bête ne s’arrêta pas la. Elle se jeta sur la femme. L'obscurité engloutit cette dernière, la submergea. La kunoichi resta recroquevillée. Puis, tels les nuages de pluie repoussés par les vents vifs, la noirceur se mit à tourbillonner. Il n'y avait plus la moindre trace du monstre. Il ne restait plus que la silhouette de la femme étendue par terre, au milieu de la place ravagée. Morte. Kyuusei quitta son alcôve en titubant. Elle sentait que la « chose » n'était plus là. Pourtant elle n'osait pas approcher davantage. Elle s'éloigna, passant devant les cadavres et les restes de corps. Les ninjas ressemblaient à des pantins dont on aurait coupé les fils, pris dans des positions absurdes, le visage grimaçant figé par la mort. Tandis qu'elle longeait les murs une odeur de soleil et de pétale de roses monta tout autour d'elle. Elle se retourna car elle en connaissait la source. Elle s’aperçut que ses pieds la menait vers la femme. Elle s'arrêta devant elle et baissa les yeux, contemplant l'éclat terni de sa pâle beauté. Ses yeux vides, aussi bleus que les mers, étaient fixés vers le ciel. Tout à coup ils se tournèrent vers elle. Sous le choc Kyuusei recula d'un pas incertain. Elle était en vie !

- Mon enfant... murmura-t-elle d'une voix rendue âpre par la souffrance.

La jeune femme s'accroupit. Sa jupe s'imbiba du sang de l'inconnue mais elle ne s'en souciait guère. Des doigts se refermèrent sur son poignet, la retirent comme des menottes de fer. Kyuusei resta bouche bée, horrifiée. La femme la serra, l'obligeant à s'approcher. Elle tendit l'autre bras vers elle. Sa main atteignit la poitrine de la kunoichi au niveau du cœur. Le monde se fendit en deux autour d'elle. Elle tournoyait entre deux pôles mais, ici, il n'y avait pas de substance. Elle sentit qu'on la poussait vers une lumière aveuglante tout en la tirant vers une obscurité qui, d'une certaine manière, l'était tout autant. C'était donc sa la mort ? Puis une vague de fraîcheur inonda son corps, la noya , la ramena dans son enveloppe charnelle. Son dos se cambra sous la tension. Quelque chose céda au fond d'elle. Kyuusei vomit alors avec des spasmes atroces. Elle s'accroupit, vidée de toute énergie. La main de la femme retomba de sa poitrine. Elle bougea les lèvres comme pour lui susurrer un dernier mot, mais aucun son ne sortit. Les lèvres de la femme se rouvrirent. La fille inclina la tête pour capter ses derniers mots.

- Je n'ai pas réussi... à trouver le secret... Mon dieu qu'ai-je fait ? Il faut que... Tu caches le parchemin. Dans ma robe... Prend le.

Chaque mot perdait en intensité pour ne plus être que des murmures rauques. Sa voix gardait cependant un ton autoritaire qui ne souffrait pas qu'on la contrarie.

- Je t'ai... indiqué où... le cacher... dans ta tête... Va !

Kyuusei lui jeta un regard intrigué. Dans sa tête ? Lorsqu'elle rechercha le regard de la femme pour plus d'information elle ne vit que le reflet du ciel dans ses yeux. Morte. Pour de bon cette fois. Une clameur se fit entendre au loin, rompant le charme qui s'exerçait jusque là. La fillette se releva et s'enfuit d'un pas mal assuré, des questions sans réponses plein la tête et un rouleau de papier dans la main. Elle connaissait l'emplacement d'une grotte où le ranger. Pourquoi obéissait-elle à cette inconnue ? Et comment pouvait-elle connaître cette grotte alors qu'elle n'y était encore jamais allée ? Quelle que soit la réponse elle courait instinctivement dans les rues sombres de Kiri avec son papier.

Spoiler:

Quelques années plus tard...

Le temps avait coulé depuis cet événement, paisiblement, mais au fond de moi je ressentais toujours cette peur en y repensant. Toutes les recherches que j'avais pu engager sur cette nuit horrible me menaient à des impasses ou à des incohérences. Tout d'abord aucune annonce n'était paru dans les journaux locaux concernant ce massacre sanglant. Pourquoi chercherait-on à le camoufler au lieu de lancer des appels à témoins ? Vu les hurlements qui avaient retentis, et qui résonnaient encore dans mon cœur dans certains cauchemars, les habitants avaient bien du observer la scène depuis leur maison. Ensuite aucun manuel ninja n'évoquait l’existence de la bête aperçue cette nuit-là. Aucune illustration de kuchiyose ne ressemblait de près ou de loin au monstre. Où alors les pouvoirs ne correspondaient pas. Je nageais dans un océan de brouillard avec seulement deux affirmations en tête. La première que j''étais sûrement la dernière détentrice d'un savoir caché des gens et la seconde que la réponse à toute mes questions se trouvait dans le rouleau de papier. La curiosité me taraudait un peu plus chaque jour mais les images de corps mutilés me retenaient et me soufflaient toute envie de revivre cette nuit, ne serait-ce qu'en partie.

Des bruits de combat. Puis quelqu'un sortie de l'ombre devant elle. Un ninja. La jeune femme s’avança vers lui , une main levée pour l'interpeller. L'homme tomba à genoux. Lorsque le corps du ninja heurta le sol, sa tête se détacha de ses épaules et rebondit d'une manière obscène.
La scène repassait en boucle devant mes yeux. Le regard de cet inconnu me hantait et semblaient me reprocher de ne pas faire le nécessaire pour que la vérité éclate enfin. J'avais beau tourner et virer au fond de mon lit, regarder un film ou boire un verre de lait chaud je n'arrivais pas à me défaire de cette persécution constante. Je me retrouvais de plus en plus souvent en proie à ce genre de désagrément du fait de l'approche du triste anniversaire de cet événement. Je désirais ardemment tout oublier mais ma mémoire refusait de passer l'éponge. Au contraire elle me gravait au fond de moi les souvenirs, et ce de plus en plus profondément. Il fallait que cela cesse immédiatement.
Je sortis de mon lit avec grand peine, enfila la première veste qui me passait sous la main et jeta un petit coup d’œil au réveil. Une heure du matin, l'heure approximative du début du massacre. Serait-ce un signe pour me prévenir qu'il fallait que je fasse marche arrière ? Il valait mieux que je me montre prudente. Je saisis un petit bloc-note sur mon bureau et y griffonna quelques informations. Si jamais je ne revenais pas de mon excursion nocturne on pourrait retrouver mon corps sans trop de soucis. Enfin je franchis la porte de mon appartement et m'élança dans la ville. L'air était frais et la lune éclairait le monde de sa douce lueur. Comme ce soir là...

Mes jambes me menèrent toutes seules jusqu'à la grotte. Du moins c'est ce qu'il me semblait. Franchissant l'encadrure de pierre je fus saisit par une odeur familière. Comment aurais-je pu oublier le parfum de la mort ? Hypnotisée j'avançais jusqu'au fond de l’alcôve jusqu'à trouver un coffre de bois finement ciselé. Je l'ouvris presque machinalement et saisit le parchemin qu'il contenait. La vérité absolue sur cet atroce soir. Lentement je défis le lien qui le maintenait scellé depuis tout ce temps et l'ouvrit, découvrant de nombreuses marques sanglantes. Un parchemin pour passer un pacte avec le démon de cette nuit. La voix de la prudence me susurrait de le ramener au village pour qu'il soit analysé mais je ne l'écoutais pas, fascinée comme un paillon par la lumière des flammes. Je m'assis et me saisit d'une pierre aux arêtes tranchantes puis, d'un geste sec, m'entailla la main. Le sang gicla et tâcha le papier devant moi. Aussitôt le charme qui me tenait en laisse jusqu'à présent se brisa. Le froid de la nuit me saisit soudainement, mais pas aussi vivement que l'horreur de la situation. Je venais... d’appeler un monstre sanguinaire ? Déjà l'espace se tordait devant moi et laissait apparaître une patte griffue et écailleuse, suivie d'un bras, puis d'un corps tout entier. Oui c'était lui... L'assassin se tenait devant mes yeux et me dévisageait de ses yeux fendus. La peur me paralysait et m'empêchait de fuir. Quant à combattre, contre un adversaire de cette trempe, cela revenait à se suicider. Enfin Il prit la parole, d'une voix étrangement douce.

- Pourquoi trembles-tu comme cela ? Est-ce la première fois que tu vois une invocation ?

Je mourrais d'envie de lui dire que je l'avais vu décimer un escadron entier de ninjas mais je n'étais pas sure qu'il apprécie. A vrai dire j'en était persuadée. Je me contentais donc d'opter pour un silence profond.

- Soit ! Je prend ça pour un oui. Avant toute chose je tiens à me présenter. Hiryuu le maître des varans. En mettant du sang sur le rouleau à tes pieds tu viens de passer un pacte avec notre espèce. Rassure toi cela ne te coûtera rien.

Sa gueule se déforma en ce que je supposait être un sourire et il se figea dans une pose respectueuse. Je voulu sourire à mon tour mais je ne parvins qu'à former une mine contrite. Enfin devant le silence qui s'installait entre nous je pris mon courage à deux mains et murmura mon prénom. Je ne savais pas si je devais me mettre ou non à genou devant lui mais dans le doute je préférais rester debout. Fuir à genou n'est pas chose aisée. La bête du percevoir mon malaise car elle embraya sur un nouveau sujet de conversation.

- Tu peux grâce au pacte que tu viens de sceller appeler des dragons d'une autre dimension grâce à une série de signe. Cependant attention cela a un coût en chakra. Tu sais ce qu'est le chakra ?

Je me mis à secouer la tête de haut en bas pour montrer que je suivais la conversation. Mieux valait qu'il me prenne pour une débutante. Cela pouvait influencer lors d'un probable prochain combat.

- Bien. Maintenant que tu connais la base il faut que je t'enseigne quelques règles. Les varans sont et seront toujours tes amis du fait de ce pacte. Cependant dans pacte il a aussi « engagement ». Tu ne dois jamais faire appel à un varan si tu n'as pas de raison... valable. Le dernier clan en date qui a rompu ce traité a été décimé... de mes propres griffes. Ils ont fait appel à certain des notres, les ont lâchement abattus et les ont disséqué afin de connaître l'origine de l'énergie spirituelle. Bref ! Il est tard et j'ai sommeil. Demain aprem' repasse dans cette grotte et exécute la série de signe là.

L'animal exécuta quelques mudras, fit une pause, et recommença. Instinctivement je reproduis les signes et les gravait dans ma mémoire. La bête afficha une moue satisfaite, secoua une patte griffue et disparu dans un nuage de fumée. Je ne savais que penser. Pouvais-je lui faire confiance ? En tout cas une chose était sûre : il fallait que je le voie le lendemain.

Spoiler: