Le jeune Senritsu avait fini par sortir des bureaux des forces de l’ordre de Konoha, au petit matin. Pour une entrée discrète, cela avait plutôt été raté. Tout ce récit l’avait beaucoup ému. Il venait de déballer sa vie entière à de parfaits inconnus. Trop honnête lui reprochait souvent sa mère… Trop honnête.
On lui avait assuré que cette arrestation n’aurait aucune répercussion, puisque les circonstances qui l’avaient poussé à agir étaient atténuantes. Les shinobis qui l’avaient pris en charge avaient même été gentils, puisqu’ils lui avaient donné à manger. Il avait dans le ventre de quoi tenir jusqu’au lendemain soir, lui qui avait l’habitude d’être mis à l’épreuve par la faim.
On lui avait dit qu’il avait le droit de sortir du village à sa convenance en journée comme en pleine nuit, à condition qu’il ne sorte pas du pays. Comme il n’avait pas d’endroit où loger pour cette nuit, et qu’il ne souhaitait pas à nouveau importuner des habitants, il décida de sortir du village et d’aller jouer de la musique. Peut-être se laissera t-il tenter par chanter, dans l’espoir que sa mère l’entende depuis l’autre côté de la mer.
Gen avait donc mis son violon sur son épaule, avait enroulé son écharpe autour du cou, et s’était retrouvé très rapidement dans la forêt. Il se mit en quête d’un endroit où l’acoustique serait profitable pour la nature et lui-même. Il ne fallait pas se leurrer, même si les musiciens jouent pour les autres, ils apprécient aussi s’écouter.
Il ne tarda pas à être émerveillé, comme un enfant devant une sucrerie. Cela ne faisait qu’une demi-heure qu’il marchait et le voilà qu’il faisait face à un lac immense. On pouvait y voir la lune s’y refléter comme sur un miroir. Toute cette poésie s’empara de Gen, lui arrachant un soupir de soulagement. Peut-être, qu’après tout, il était enfin en sécurité. Il eût à nouveau une pensée pour sa mère, qui devait se sentir heureuse, d’avoir laissé son fils s’échapper. Elle n’aurait pas pu s’enfuir avec lui de toute façon, cela se serait remarqué trop rapidement, et les répercussions sur le temple de Benzaiten auraient pu être terribles. Elle lui avait fait jurer de ne pas culpabiliser pour cela, ni même de se sentir égoïste à cause de cela. Elle savait qu’un jour, il viendrait surement la chercher.
La surface du lac était complètement miroitante, pas un brin de vent venant déranger l’eau. La lune pleine reflétait complètement sa silhouette, et il put constater à quel point il était mal en point. Gen décida de se laver dans le lac, l’eau devait être glacée, mais tant pis.
Il se dénuda et entra dans l’eau. Elle était glacée. Il frissonna à haute voix. L’eau se trouvait juste au milieu des cuisses. Il regarda rapidement son ventre pour constater qu’il était encore plus mince qu’à son départ… La faim faisait vraiment des ravages. Et tous les habitants du pays des vagues étaient concernés par cette problématique. Enfin, il n’était pas rachitique non plus, il pouvait toujours voir le peu de muscle qu’il avait, la faim n’avait pas encore consommé ses réserves protéiques.
Il se décida à y entrer complètement. Le plaisir était intense. Il était en communion avec son élément favori. La beauté du cadre ne faisait que rendre cette situation encore plus magique.
Gen se sentait loin de tout problème, seul dans ce lac, en harmonie avec la nature. Une fois qu’il eut fini, il se posa quelques instants sur l’herbe pour sécher, puis se rhabilla en enfilant son teeshirt blanc et remettant son pantalon noir, puis fermant sa ceinture. Il empoigna son violon, décrocha son archet et l’infusa rapidement de chakra. Et il se mit à jouer un morceau de violon avec lequel il se sentait à l’aise. Peut-être un peu énergique pour être sensée l’apaiser, mais la mélodie faisait au moins étalage de ses talents de jeune prodige. Avec ce morceau il avait fait danser tout son village à plusieurs reprises.
Comme à son habitude, quand il entrait en symbiose avec la musique, il laissait libre cours à son chakra. Celui se manifestait sous la forme d’une aura bleutée qui émanait de son violon au fur et à mesure qu’il jouait, prenant des formes variées telle une fumée dansante. Il ferma les yeux, et s’abandonna à la mélodie rythmique, sa tête battait au rythme de la musique effrénée. On aurait dit une véritable transe chamanique.
Il termina son morceau sans faire une fausse note, mais épuisé par ce qu’il venait de ressentir. Au moins, pendant quelques instants, il avait oublié tous ses soucis.
Le clair de Lune était magnifique, apaisant et serein. Contrairement à lui, la sérénité ne me gagnait pas aujourd'hui, bien au contraire. J'étais tourmentée par cette nouvelle capacité à utiliser la glace. Cette évolution était-elle le fruit de mon travail ? De ma parfaite assimilation à mon élément aqueux ? Ou bien un changement propre à ma condition dont j'ignorais l'existence ? Après tout, que savais-je réellement des élémentaires comme moi ? Pas grand chose...
Mais ce qui m'effrayait le plus était bien plus légitime que ces « simples » questions laissées pour l'heure – ou pour toujours – sans réponses. J'avais peur. Peur de ne pas réussir à contrôler cette nouvelle partie de moi, comme autrefois, et de blesser quelqu'un sans le vouloir, comme autrefois aussi...
Depuis une semaine que cela m'était arrivée, je ne faisais que m'entraîner en solitaire, loin de toute civilisation, et me posais sans cesse les mêmes questions. Ce retour en arrière me tétanisait. Il me fallait réussir à contrôler cette nouvelle facette, rapidement.
Ce soir encore je ne trouvais pas le sommeil. Asahi était endormi depuis longtemps et Kihran respirait de manière tranquille à mes côtés tandis que je l'observai dans l'obscurité. C'était habituellement lui qui semblait soucieux au coucher, pensant à sa journée, la suivante aussi harassante, et même à son passé durant la Grande Guerre, je le savais. Ayant le sommeil léger, je m'étais plus d'une fois éveillée durant ses murmures plaintifs, incompréhensibles mais présents, me laissant me rapprocher de lui pour l'enlacer et l'apaiser. Mais cette nuit, c'était moi qui en avait besoin, sans que je ne trouve le courage ni la force de le déranger alors qu'il dormait pour une rare fois en paix.
Alors je me levai, quittant la maison puis le quartier Hayashi pour observer la Lune depuis l'extérieur et non plus à travers ma fenêtre. Soupirant, tout en resserrant ma veste contre moi dans cette fraîcheur nocturne, je décidai de m'éloigner encore plus, marchant tranquillement pour ne pas risquer de paniquer quiconque inutilement.
Mes pas me conduire presque instinctivement vers la forêt et le lac s'y trouvant. J'avais besoin de me ressourcer, de me retrouver et de faire le point sur cette situation. Malaxant mon chakra, je me changeai bien vite sous ma forme élémentaire, n'étant plus qu'une masse aqueuse dessinant ma silhouette. Sans problème d'écart de température, je me glissai dans l'eau pour ne faire plus qu'un avec le lac : la nature étant douée pour apporter ses réponses.
Malheureusement pour moi, je ne pus pas profiter de cette plénitude très longtemps car un autre vagabond nocturne vint se poser ici et même... se … déshabiller ? Ah oui... Il venait piquer une tête. Restant à bonne distance pour ne pas en voir plus que ce que je n'avais déjà aperçu, je l'observai sans bruit. Sa chevelure bleue me frappa immédiatement, n'étant pas courante et comme la mienne – quoi que plus foncée – mais je ne manquai pas du regard non plus son violon... Je savais en jouer aussi... Mon panel d’instrument s'était agrandi depuis mais le violon était celui dont j'avais appris à jouer en premier... Le musicien était également très maigre...
Après plusieurs minutes, il se décida a sortir, se sécher et finalement se rhabiller avant de se mettre à jouer. Une aura chakratique se dégagea de son archet, un phénomène que je n'avais jamais vu et qui me fascina. Je connaissais cette faculté clanique liée au son : les Senritsu ou les utilisateurs d'Onkyoton. De quel camp était-il issu ? Curieuse, je me rapprochai un peu du bord sans me montrer, écoutant avec attention son morceau. Il était doué. Très doué.
Ses notes résonnèrent à la surface de l'eau en parfaites vibrations, formant même des oscillations dansantes : un tout avec la nature rendu mirifique. Lorsqu'il eu terminé, le calme plat retomba dans la forêt, seule spectatrice de sa prestation, ou presque.
Me décidant à sortir de l'eau, je me présentai à lui sous ma forme d'élémentaire avant de rapidement retrouver mon apparence originelle pour ne pas l'effrayer.
« C'était... magnifique »
Affirmai-je, presque sans voix par ce que j'avais entendu et même vécu.
« Je... Je suis désolée. Je ne voulais pas te déranger alors... c'est pour ça que je ne me suis pas montrée plus tôt. »
La mine gênée, je me grattai la joue distraitement avant de poursuivre afin de changer de sujet.
« Tu joues depuis longtemps ? »
Mais le pauvre n'avait pas l'air bien ou en tout cas fortement surpris. Qui ne le serait pas ? Une élémentaire d'eau venait de sortir du lac dans lequel il s'était baigné... Peut-être même qu'il n'avait jamais vu de Gogyou. Mon regard cherchait le sien, soucieuse de son état.
Il était difficile de qualifier l’émotion qu’avait ressentie le jeune Senritsu à la fin de son morceau. Lui qui se pensait seul devant ce lac miroitant. Peut-être pourrait-il la qualifier de « surprise ». A vrai dire, c’était bien le seul mot qui lui venait à l’esprit.
Quelque chose était sortie de l’eau à la fin de son morceau. Cette même « chose » s’était matérialisée quelques instants plus tard sous la forme d’une femme, mais le choc avait été total. Gen savait qu’il existait toute sorte de pouvoirs surnaturels chez les shinobis, mais là, il n’était même pas sûr que cela puisse être humain.
Les shinobis n’ont en principe, pas une affinité si forte avec les éléments pour se changer en ceux-ci. Mais il ignorait tant que cela ne l’aurait même pas étonné finalement.
Grâce aux multiples reflets de la lune sur le lac, le jeune violoniste put apercevoir la chevelure bleutée de la silhouette mystérieuse. C’était la première fois qu’il voyait cette couleur chez quelqu’un d’autre que lui. La coïncidence lui paraissait si grande, si… mystique.
- Ben…. Zai… Ten… Non, impossible, dit-il en fuyant de regard celle qu’il pensait être une divinité.
Cette divinité qu’il avait prié depuis sa tendre enfance, la suppliant pour qu’elle protège ceux qui lui étaient chers. Cette divinité qui n’était jamais venue au secours de ces dévots adorateurs. Il avait fallu que ce soit sa mère qui le raisonne, quand il était plus jeune. C’est elle qui lui avait expliqué qu’il n’était pas du ressort des Dieux d’aider les hommes sur terre, mais que les Dieux eux-mêmes avaient besoin de leurs adorateurs pour subsister. Il faut dire qu’au départ, c’est pour Benzaiten même qu’il avait appris le violon. Si la déesse avait décidé de se manifester ce jour sous ses yeux, cela aurait été une immense consécration, mais le jeune musicien n’y croyait pas, ce qui le laissait avec encore plus de doutes que quelques instants plus tôt.
On lui posa plusieurs questions, sans qu’il n’y réponde, n’ayant même pas encore regardé la jeune femme dans les yeux. Il n’osa pas encore lever la tête immédiatement, même quand celle-ci s’excusa de l’avoir dérangé.
- Non, ce n’est rien… fit-il sans lever les yeux.
Elle lui demanda s’il allait bien. Il hocha rapidement la tête, mais il n’était pas sûr que son interlocutrice soudaine l’ai vu, alors, il se risqua à relever ses yeux pour la voir et lui répondre. Le regard perçant de la jeune femme, dont les yeux étaient d’un bleu électrisant, était fixé sur lui, depuis un bon moment sûrement.
- Je… je vais bien merci, juste un peu sonné.
Il soupira un grand coup pour se détendre et se mit en tailleur. Ses yeux bleutés ne quittaient plus la jeune femme. Il se hasarda à lui parler un peu…
- D’aussi loin que je m’en souvienne, je jouais déjà du violon dans mon village. Une histoire de famille, tout le monde s’y attelait, un jour ou l’autre. Je m’appelle Gen, du clan Senritsu.
Il se contenta de sourire timidement, les lèvres toujours au contact l’une de l’autre. Cela lui rappelait quelques souvenirs d’enfance, quand il ne réalisait pas encore le danger constant qui planait autour de lui au Pays des Vagues.
Mais soudain, il réalisa qu’il avait peut-être enfreint quelques règles en venant ici la nuit.
- Je vous présente mes excuses pour m’être baigné sur votre domaine, je ne pensais pas à mal, je vous le jure.
Il s’arrêta un instant, avant de reprendre, le souffle court : - Je ne vous ai même pas remercié ! Si cela vous a plu, le mal est au moins en partie réparé.
Ne sachant plus quoi faire, il baissa la tête en guise de respect. Et dire qu’il avait enchainé les maladresses… Il n’avait même pas osé lui demander si elle était humaine, ni même qui elle était.
Au moins il n'avait pas fuit... Il était sonné disait-il, mais toujours là malgré ce qu'il avait vu. C'était un soulagement pour moi. J'allais pouvoir avoir une conversation avec lui sans qu'il ne me traite d'aberration... c'était toujours ça.
Lorsqu'il s'assit en tailleur, je l'imitai. Écoutant ses réponses et apprenant par la même occasion que le violon était chez lui une affaire de famille : c'était un Senritsu... Il appartenait donc au clan et non aux « simples » utilisateurs d'Onkyoton.
« Enchantée Gen. Je m'appelle Yell. Tu peux te détendre, ne t'en fais pas, ce lac appartient à tout le monde ! »
Finissais-je dans un sourire amusé face à sa gêne qui n'avait pas lieu d'être.
« C'est plutôt moi qui m'excuse encore une fois de ne pas m'être manifestée plus tôt... »
Mais bref !
« Ne t'embêtes pas non plus avec le vouvoiement : je ne suis pas du genre protocolaire. »
J'esquissai un nouveau sourire, de compassion cette fois. Percevant son mal aise, je me mis à parler de moi pour faire la conversation.
« Ta mélodie était vraiment très belle et entraînante. Ça a attiré particulièrement mon attention car je joues aussi du violon depuis longtemps. Même si mon archet à moi ne se recouvre pas d'une aura de chakra. »
Plaisantai-je.
« Puis-je ? ... »
Demandai-je en désignant son violon. Avec son accord, je le plaçai sur mon épaule et commençai à jouer en faisant glisser l'archet sur les cordes que je pinçai avec mes doigts. Une mélodie très apaisante s'en échappa. Une mélodie évoquant a elle seule le calme de la nature et l'apaisement du son de l'eau ruisselante. C'était un morceau que j'aimais particulièrement jouer, surtout de nuit comme maintenant, sous la lueur de la Lune.
Une sensation de légèreté se fit sentir, comme si la musique m'aida à me rapprocher un peu plus de la nature et de mon élément, présent en abondance juste derrière mon dos. Finalement, lorsque les notes se turent, je lui rendis son instrument dans un sourire, brisant le silence avec un sincère :
« Merci. »
Ce fut réellement plaisant.
« Puisque la musique est inscrite dans tes gênes, tu joues peut être d'autres instruments ? Personnellement je joue aussi de l'erhu, un instrument traditionnel, et je m'essaye depuis peu à la harpe. »
Je l'affirmais sans aucune prétention, simplement heureuse de pouvoir parler musique avec un connaisseur en la matière. Pourtant, quelque chose continuait de me turlupiner l'esprit :
« Tout à l'heure, en me voyant... Tu m'as appelé Benzaiten ? … Comme la Déesse Namijins ? C'est très flatteur ! Bien trop même ! Mais non... Je suis simplement une élémentaire d'eau. »
Gen venait donc de faire la connaissance de Yell. Il avait quelque peu mal interprété la situation, celle-ci n’était pas la maitresse du lac, mais simplement quelqu’un qui avait décidé de venir s’y baigner.
Toujours est-il qu’elle l’avait vu nu dans ce lac, puisqu’il y était quand même resté un certain temps. Cette idée même le fit rougir comme une écrevisse, heureusement que la douce lumière de la nuit aidait à cacher légèrement sa gêne.
Celle qu’il avait pris pour une déesse l’espace d’un instant s’excusa de ne pas s’être manifestée plus tôt. Elle avait donc deviné qu’il était gêné, ce qui ne devait pas être bien difficile cela dit.
Elle continua de le complimenter sur sa façon de jouer, ce qui ne faisait qu’accentuer sa gêne, bien qu’il fut plaisant de recevoir des éloges alors qu’il pensait être seul. Mais les événements prirent une tournure particulière. Yell fut prise d’une envie de jouer du violon. Et lui demanda alors de lui prêter le sien.
Le jeune Senritsu n’avait jamais prêté son violon. Non pas qu’il ne fasse pas suffisamment confiance aux gens pour le faire. L’occasion ne s’était juste jamais présentée. Mais comme la musique était un élément de partage, il n’avait pas vraiment de raison de le lui refuser. La jeune femme semblait aussi passionnée que lui. Elle n’avait aucune raison de faire du mal à son instrument, qu’il pouvait réparer avec son chakra qui plus est. Non, vraiment. Il n’avait aucune raison de lui refuser.
Il maintint le silence quelques secondes de plus, profitant du cadre idyllique qui s’offraient à eux. Les reflets de la lune plongeant sur l’eau la rendaient presque opaque et brillante, comme un miroir sur lequel on pouvait marcher. Mais il n’allait pas la faire patienter plus longtemps. Il se décida à lui tendre le violon, et dévoila un sourire un peu moins timide.
- Allez-y. Enfin… Fais-toi plaisir.
Il n’était pas facile de tutoyer quelqu’un qu’il ne connaissait pas, alors il devait faire des efforts pour lutter contre ce reflexe. Mais le fait qu’elle le tutoie facilitait tout de même un peu la chose.
Il écouta. Quelle belle mélodie. A la fois calme et profonde. Yell la connaissait par cœur et devait avoir l’habitude de la jouer. Le jeune Senritsu sentait l’aisance qu’avait la jeune femme à insuffler de l’âme aux notes, avec une sensibilité candide. On pouvait facilement imaginer le son de l’eau qui ruisselait et dansait au doux rythme de la mélodie.
Gen profita de chaque instant. Il lui sembla que c’était pendant qu’elle jouait qu’elle faisait véritablement la connaissance du Senritsu. Après tout, ces derniers ne naissaient pas dans le plus bel art au monde pour rien.
Elle lui rendit quelques minutes plus tard son violon et le remercia.
- Eh bien… Pour tout te dire, le violon est vraiment mon instrument de prédilection. J’ai aussi des notions de flute. Chez moi, nous avions aussi un guzheng, mais ça n’est pas vraiment facile à transporter. Alors, je l’ai laissé là-bas.
Yell jouait de l’Erhu. Cet instrument a vraiment des sonorités splendides. Mais il fallait jouer avec beaucoup de variations de force. La façon de frotter les cordes avait vraiment une influence sur chaque note.
- Ma mère ne m’a pas fait apprendre l’erhu, même si je trouve les sonorités de cet instrument splendides. Elle pensait que cela me rendrait trop sensible, étant un homme. Drôle de façon de penser, n’est-ce pas ?
Il riait, et c’était assez rare ces derniers temps. Il laissa donc apparaitre ses dents à la blancheur intacte. Gen était heureux. Il continua :
- Benzaiten… Il est dit qu’elle peut apparaître à ses fidèles en des moments difficiles, sous la forme d’une divinité aquatique, mais bon, personne n'a relaté le fait, alors je me suis ravisé, j'ai simplement émis une conclusion hâtive.
Il n’allait évidemment pas faire étalage de son histoire personnelle, ni de la situation à Nami no Kuni, il ne supporterait sûrement pas l’émotion que cela engendrerait. Il préféra donc changer subtilement de sujet.
- Vous dites que… Tu dis que tu es une élémentaire d’eau. C’est un talent inné chez toi ? Ou c’est un art que tu as appris au fil des années ?
Comme je m'y attendais, le Senritsu était un musicien émérite sachant jouer de plusieurs instruments bien que celui de prédilection pour lui restait le violon, tout comme moi. Sa réflexion sur l'erhu et l'apprentissage refusé de sa mère me fit d'ailleurs sourire.
« Aha ! Je ne connais pas la culture et les croyances de ton clan mais je suis pour dire que la musique est un art et que par conséquent, elle appartient à tout le monde sans distinction. Que ce soit ceux qui l'écoutent ou bien ceux qui se l'approprient. La musique dégage une sensibilité qui touche tout a chacun. »
C'était ma vision des choses en aucun cas une pensée universelle. Je comprenais aussi un peu mieux pourquoi il m'avait pris pour la Déesse Benzaiten à son discours. Mais cela ne me rassurait pas moins sur sa réaction si je venais à parler de ma nature d'élémentaire... La dernière chose dont je voulais était de le faire fuir...
« Eh bien... C'est inné. Ça fait parti de moi et de celle que je suis... »
Avouai-je avec une pointe d'inquiétude.
« Je suis née sous ma forme élémentaire. Disons que je suis une humaine aux propriétés particulières... »
Tout en disant cela, je tendis le bras dans sa direction et le changea sous sa forme aqueuse. Un bras constitué entièrement d'eau à travers lequel on pouvait voir sans soucis. Mon autre main passa au travers comme on traverse un filament d'eau.
« C'est... surprenant n'est-ce pas ?... C'est aussi la réaction qu'on eut mes parents. »
Riais-je, toujours a moitié gênée.
« Ils sont civils sans maîtrise de leur chakra alors un tel phénomène leur fut encore plus abstrait que pour nous shinobis qui n'en savons pas non plus beaucoup sur l'origine des élémentaires. Pourquoi ? Comment ? Sont des questions que je me poses depuis mon enfance sans en avoir encore trouvé la réponse. C'est comme ça, c'est tout. »
Disais-je tout en haussant les épaules et en faisant redevenir mon bras comme avant.
« Assez parlé de moi. Pourquoi traînes-tu par ici, si tard ? »
Sans être douée de faculté sensorielle, je sentais bien que le niveau de son chakra n'était en rien élevé.
« Besoin de te vider la tête ? C'est en tout cas pour ça que moi je suis venue ici. Ça m'arrive assez fréquemment mais d'habitude je ne croise personne ou en tout cas personne qui ne se risque a affronter l'eau gelée du lac en pleine nuit. »
Plaisantai-je.
« Tu disais jouer du violon dans ton village... D'où viens-tu ? »
L’espace d’un instant, Gen se demanda s’il aurait mieux valu ne rien demander de trop personnel. Si Yell décidait de lui confier quelque chose, elle en attendrait forcément en retour. Ils avaient déjà fait un petit peu plus connaissance, mais il ne savait pas s’il serait capable de parler immédiatement de ses origines.
Certes, il l’avait fait quelques heures plus tôt devant les forces de l’ordre du village. Sauf que cette fois-ci, rien ne l’imposait. Et bon sang ! Il se montait déjà la tête alors qu’elle ne lui avait encore rien demandé.
La jeune femme lui expliqua, tout en lui faisant la démonstration, qu’elle était une élémentaire d’eau. Elle transforma son bras en une masse aqueuse, au travers de laquelle il était possible de voir. Elle lui montra également qu’il était possible de passer le bras au travers sans lui faire de mal. Le jeune Senritsu était fasciné par ce qu’il lui était donné de voir. Il s’empressa de chercher son regard pour demander son approbation. Il se risqua à y passer le bras aussi. Le seul résultat qu’il en tira fut de se tremper à nouveau…
- Effectivement, c’est… Surprenant. Mais je trouve cela fascinant ! fit-il avec un grand sourire. Après, c’est évident que ça n’a pas dû être évident de gérer cela pour tes parents...
La jeune femme semblait se poser beaucoup de questions, sur les origines de ses pouvoirs, sur la façon dont elle pourrait les maitriser. Une chose était certaine, elle était loin de vouloir se laisser maitriser par eux. C’était plutôt bien le contraire.
Sauf que maintenant, c’était au tour de Gen de parler de lui. Il avait plusieurs options… La première évidente était de mentir pour changer de sujet. La deuxième était de raconter la vérité, en omettant les détails compromettants, et la troisième était de tout raconter… A mettre les pieds dans le plat, autant bien les mettre après tout.
Après la confidence de la femme aux cheveux d’azur, il ne se voyait pas vraiment lui mentir, alors que ce qu’elle avait dit semblait vrai.
- Alors… Par où commencer ?
Le jeune Senritsu inspira profondément, et toujours bien assis en tailleur comme à son habitude, il serra fermement son violon de son bras droit, comme pour se donner du courage. Après tout, il détestait qu’on l’écoute.
- Je suis arrivé au village de Konoha dans la soirée… Je cherchais le gîte pour la nuit, comptant sur les bonnes grâces des habitants du village dont on m’avait fait les louanges. Je n’y croyais pas vraiment. Il sembla pour certains que j’ai été trop insistant… Alors je me suis fait arrêter à peine une heure après mon arrivée… Il soupira, ça n’avait pas été une partie de plaisir.
- Au poste, ils m’ont laissé manger, alors ça allait déjà mieux. Puis ils m’ont laissé sortir, et je me suis décidé à dormir dans un endroit paisible. Et hors du village. J’y retournerai demain.
Il esquissa un mince sourire avant de continuer.
- Pour ce qui est de se baigner dans l’eau fraiche. Ce n’est pas vraiment monnaie courante que d’avoir de l’eau chaude chez moi. Alors ça ne changeait pas vraiment de d’habitude. Et j’en avais vraiment besoin. Ha ha !
Cette fois-ci, il rit de bon cœur, dévoilant ses dents quasi parfaites à la pleine lune.
- Je suis originaire de Nami no Kuni. Dit-il humblement. Les musiciens sont monnaie courante, vu que mon clan y est installé... Enfin, c'était banal, avant. La situation est… Désastreuse là-bas. Des proches ont risqué leur vie pour que je puisse venir ici. Je me suis promis de devenir un véritable shinobi afin de pouvoir protéger ceux que j’aime, même si cela implique commencer une nouvelle vie ici, vie guerrière qui plus est.
Détournant le regard, il jeta un œil aux alentours. Ce lieu semblait si paisible en comparaison de son village ou de la capitale. Pas un bruit, hormis celui de quelques animaux chasseurs nocturnes et de quelques insectes. Même le lac, dont la surface était parfaitement lisse, ne faisait pas un bruit. Cela serait évident pour son interlocutrice qu’il avait éclipsé le sujet sur la fin. Ce serait à elle de poser des questions si elle voulait en savoir plus. Le jeune musicien n’était pas prêt à tout déballer comme cela… Pas tout de suite.
Mais soudain, le violoniste réalisa ce qu’il venait d’entendre plus tôt : « Pour nous shinobi… »
Bien entendu, se fier a quelqu'un uniquement parce qu'il semblait à la fois gentil et perdu, cherchant a reconstruire sa vie comme finalement nous tous à Konoha ayant trouvé refuge et la paix après la guerre, aurait été bien stupide... et je ne l'étais pas. J'avais eu beau partagé avec lui un instant musical tout en lui ayant un peu parlé de moi et de ma condition, je n'étais pas naïve au point de croire qu'il était véritablement celui qu'il prétendait être. Ma méfiance était toujours de mise malgré tout, et si j'avais en effet la possibilité de rendre son insertion au village plus facile il ne lui en faudrait pas moins se soumettre aux procédures d'entrée de Konoha.
Malgré tout, je restais optimiste. Ce qu'il me racontait tenait la route et je dénotais dans son regard une certaine souffrance que je ne voyais pas possible à inventer. La situation de Nami no kuni semblait vraiment chaotique d'après ses dires et j'étais bien désolée de l'apprendre. Je ne pouvais que comprendre cette sensation d'exil involontaire, poussé en dehors de son pays natal dans un but de survie... j'en avais moi même fait les frais avec ma famille.
« Tu veux devenir shinobi... C'est pour ça que tu as choisi de te rendre à Konoha et non dans un autre village civil de Hi no kuni... Pourquoi ne pas faire part de l'état de Nami no kuni aux hautes instances ? Elles ne pourront certainement rien faire pour l'heure mais au moins Konoha aurait connaissance de la situation sur place et pourrait envisager de venir en aide au pays après discussion. »
Je n'étais pas du tout impliquée dans la vie politique de village, si ce n'était via Kihran, mon époux, chef du clan Hayashi, directeur de l'Académie et maintenant intendant Hokage en l'absence de la notre... Peut-être même que je pourrais lui en parler directement et voir ce qu'il pensait de la situation...
« J'en parlerais a quelqu'un, si tu me l'autorises. Une personne de confiance, apte a prendre des décisions importantes. »
Arguai-je dans un léger sourire.
« Mais avant cela il te faudra entrer au village en suivant le protocole d'entrée. Tu te doutes bien que l'accès à un village shinobi n'est pas aussi simple qu'a un autre... Et pour répondre à ta question... Oui je suis une shinobi. »
Je ne portai certes pas ma veste de chûnin comme en mission mais je pouvais néanmoins dégager mes cheveux pour lui montrer le bandeau du village attaché autour de mon épaule.
« Et c'est aussi pour cette raison que je ne peux pas te laisser dormir ici à la belle étoile. Des patrouilles circulent mais tu n'y seras pas a l'abri si jamais des bandits venaient a passer par ici. Viens avec moi aux portes du village pour en passer la sécurité et tu pourras dormir dans une auberge pour la nuit. »
Là dessus, je me relevais et époussetait mon pantalon avant de commencer a prendre le chemin vers les portes de Konoha sous le clair de lune.
