Venant tout juste de quitter la montagne sur laquelle avait lieu la longue agonie de Tetsui, je me dirigeais d'un pas déterminé vers le Palais de ma Hokage.

La pluie continuait de tomber en trombe tout comme l'orage qui résonnait encore au loin alors que je me sentais complètement perdue par ce qui venait de se passer.
Je ne parvenais pas a comprendre la décision de Mizuki-sama sur sa sentence... Le tuer était une chose, le torturer une toute autre. Il avait commis des actes qui méritaient que le couperet ne tombe mais de cette manière... ?

J'avais besoin d'explications, d'éclaircissements, de la part de celle qui avait contribué a faire de moi celle que j'étais aujourd'hui. Pourquoi cette façon de procéder lui avait semblé être la plus juste pour elle ? Elle m'avait appris à raisonner de cette manière et m'avait toujours dit qu'elle ne jugerait jamais les choix que je pourrais faire : je ne voulais pas aller la trouver pour juger ses décisions mais bel et bien pour les comprendre.

J'entrais finalement dans le Palais, détrempée. J'aurais bien évidemment pu y faire quelque chose mais je n'avais pas le temps de m'y attarder et me rendais directement devant son bureau. Etant son élève, les secrétaires et autres gardes avaient l'habitude de me voir ce qui me faisait gagner du temps pour pénétrer devant la salle après m'être annoncée pour que Mizuki-sama soit mise au courant de ma venue. Une fois fait, je ne perdais pas de temps pour entrer dans la pièce et me tenir face a elle en inclinant respectueusement le buste.

« Mizuki-sama. »

Elle devait bien se douter de la raison de ma présence et puisque le temps pressait je décidais d'aller directement dans le vif du sujet.

« Je suis perdue... »

Je m'étais redressée pour venir chercher son regard.

« Je ne remets aucunement votre jugement en compte : la mort étant la seule issue que je lui voyais après les actes qu'il a commis. Néanmoins... cette façon de procéder... Sous la torture ? »

Etait-ce vraiment sa façon de voir les choses, cet excès de violence ? Je gardais encore en travers de la gorge son affrontement à la base amical l'opposant a Kihran qui avait écopé d'une cicatrice. Même si ma rancœur s'était allégée depuis que ce dernier m'avait affirmé ne pas lui en tenir rigueur.

« Vous avez toujours été un modèle à suivre pour moi et vous m'avez fait progresser plus que n'importe qui. Mais cet acte... ce n'est pas seulement parce qu'il s'agit de Yamada Tetsui, je serais incapable d'infliger un tel supplice à quiconque... »

Mon poing se serrait en même temps que ma mâchoire avant que je ne m'incline une nouvelle fois.

« Mizuki-sama... Mizuki-sensei... Je vous en prie, laissez moi mettre fin à cette longue agonie. »

Cela faisait déjà plusieurs minutes interminables, il avait aussi souffert en prison en pensant que son père y demeurait toujours pendant plusieurs semaines... Il avait payé pour ses crimes... Faire durer tout cela davantage était inhumain...

Spoiler:

Je n’avais allumé aucune lumière dans mon bureau. La nuit commençait seulement à tomber, mais le ciel était déjà d’un noir de geai, illuminé uniquement par des éclairs de façon très récurrente. Adossée dans mon fauteuil, les jambes sur les accoudoirs, je jouai avec une de mes mèches de cheveux, écoutant silencieusement le tonnerre et le crépitement de la pluie sur ma fenêtre. La foule amassée autour de moi lors de l’exécution de Tetsui avait été assez conséquente pour permettre que cette tragédie se stoppe rapidement. Kihran était avec Yell, il s’en chargerait sûrement. Ce n’était que l’histoire de quelques minutes. Juste un symbole : qu’ils soient pour ou contre, ils m’auraient vu. Ils sauraient.

Puis, il apparut à ma fenêtre. L’aigle utilisé pour la mort de Tetsui se figea devant moi. Me levant pour ouvrir la fenêtre, j’écoutai ses murmures. Yôgan Yusei. Un haussement de sourcil : j’aurais parié sur quelqu’un d’autre. Mais ainsi était-il : la confiance que j’avais porté dans ce village venait encore une fois de m’être bénéfique. La torture avait pris fin rapidement. Au fond de moi, ce fut un soulagement : le costume d’Ombre était parfois bien plus pesant qu’il ne le paraissait. L’aigle repartit, pour laisser entrer une autre personne. Yell. Evidemment. L’explication allait être ardue, mais je la lui devais. La laissant s’exprimer, je préparai pendant ce temps sa boisson chaude préférée (que je ne citerais pas mais que je connais, quand même !).

- Assis-toi.

Lui tendant sa boisson, je m’assis à mon tour. J’étais fatiguée, mais j’étais surtout peinée de la décevoir : de tous, je crois que c’est celle qui comptait le plus. Je la regardai dans les yeux, essayant de rester le plus neutre possible même si j’en étais assez peu capable.

- Je comprends ta colère et ta déception. Mon rôle n’est pas bon, mais c’est mon rôle. Je me souviens de l’entraînement que l’on a eu sur les dilemmes moraux. Je vais t’en poser un nouveau, Yell. Tu as ton ennemi en face de toi, qui a causé des douleurs irrémédiables à ta famille, à ceux que tu protèges, des douleurs qu’ils porteront en eux à vie. Et cette famille te réclame vengeance, parce qu’elle sait que vous êtes la seule à même de faire cela. Elle pleure dans vos bras, vous avez mal rien que de les entendre supplier que cet homme souffre comme eux ont souffert. Tu fais quoi ? Tu ignores ceux que tu es censée protéger parce qu’ils te demandent réparation parce que tu n’as pas su les protéger de cet ennemi qui est maintenant entre tes mains ?

J’eus un léger soufflement de nez : la situation était assez paradoxale. Sortant un dossier d’un tiroir, je le lançai face à Yell.

- Le nom des victimes de l’attentat de Nami. Des pères de famille, des enfants, des frères, des oncles, des neveux, des amis : tous avaient une vie, tous avaient des gens qu’ils aimaient. Tous tués par les mains du groupe de Tetsui. J’étais censée faire quoi ? Au nom de qui et de quoi j’accorderais l’absolution à un homme qui n’a eu aucune pitié pour des… civils ? Les messages se répandent vite : même s’il n’y avait que des Jônins et des ANBU, sois sûre que d’ici quelques jours, le Yuukan sera mis au courant des rumeurs entourant la mort de Yamada Tetsui. Rien de sûr, mais l’idée sera présente : et c’est ce que je cherche. Que nos ennemis y réfléchissent à deux fois avant de s’en prendre à des innocents que Konoha protège. Tetsui est un exemple…

Je soupirai.

- Mon rôle est de protéger les miens et de les garder en sécurité. Je suis censée être la figure de proue du village, celle que le monde craint de voir se déchaîner. Cela passe par l’imaginaire et la supposition, par la superstition, par l’évocation. Regarde : si je te parle de Miko, tu vas de suite voir la kunoïchi la plus puissante de la planète. Pourtant, Yell : l’as-tu déjà vu se battre ? Bien sûr que non. Et là est mon propos.

Je laissai un petit silence pour qu’elle encaisse ce que je venais de dire. Je savais que ça ne la convaincrait pas totalement du bienfondé de ce genre d’exécution, mais Yell était mon élève. Et je n’avais rien à lui cacher.

- Ca, c’est le discours de ton Hokage. Plus personnellement, je te dirais que je me déteste presque de devoir torturer quiconque, et surtout un prisonnier de guerre sans que la torture n’amène à un résultat autre que le plaisir d’avoir eu à torturer. Si tu m’en crois capable, alors c’est que j’ai échoué dans tout ce que je voulais t’inculquer et dans la manière dont je l’ai fait. T’es tu demandée, Yell, pourquoi est-ce que cette exécution était à moitié public ? Quel intérêt pour moi de ne faire venir que des gradés pour un spectacle qui n’aura duré que… Quoi, dix secondes ? Onze ? J’aurais très bien pu, suivant mon discours sur les rumeurs et sur la puissance, le faire en place publique, de la même façon que Jisetsu Demon a été exécuté il y a quelques années. Et si je ne voulais pas que le « peuple » le sache, j’aurais fait exécuter Tetsui comme tous les autres prisonniers. Je te l’ai dit : mon rôle n’est pas bon. Mon choix se limitait à : exécuter Tetsui simplement et oublier le côté vengeance et le message… Ou le punir plus violemment tout en faisant passer le message. Je te l’ai appris je crois : il n’y a aucune bonne réponse, parce qu’il n’y en n’a pas de mauvaise. Alors… J’ai décidé d’une troisième option.

Je continuai mon monologue, même si je devais avouer qu’il me servait autant qu’à elle. Justifiai-je mon acte à moi-même également ? Sans doute.

- En n’autorisant que des shinobis expérimentés, qui font leurs propres choix et qui agissent selon ce qui leur est juste, j’ai laissé la porte ouverte à l’arrêt de la torture par l’un des Konohajins. J’ai décidé de faire confiance à mes hommes, en misant sur le fait qu’ils me laisseraient passer le message tout en arrêtant discrètement la mascarade.

L’aigle tapota à la vitre derrière moi, preuve que, déjà, l’agonie était terminée.

- J’aurais plutôt parié sur Kihran ou toi, tu vois… Mais bon, il faut croire que d’autres refusent la mort lente et douloureuse d’une personne, quelle qu’elle soit.

Toujours complètement perdue par ce qui venait de se passer et qui se continuait encore, au loin, je m'asseyais à sa demande face à elle et prenais le chocolat chaud qu'elle venait de me préparer. J'en buvais une gorgée par politesse mais je n'avais clairement pas le cœur à ça : Tetsui était entrain de souffrir dehors et cela inlassablement parce que c'était ce qu'elle avait souhaité. Je ne pouvais croire ma sensei si cruelle ce qui ne faisait que renforcer mon incompréhension.

Je l'écoutais donc parler en silence, elle semblait fatiguée et son ton trahissait son émotion. Cela pouvait paraître idiot mais ça me rassurait presque : signe que tout ça la touchait bien plus que ce que je commençais à croire.

Elle m'exposait une nouvelle situation qui me nécessitait de faire un choix moral. Je ne savais pas si elle attendait vraiment une réponse et je n'avais pas la tête a m'y pencher réellement mais je commençais à comprendre sa façon de procéder bien que je n'arrivais pas spécialement à l'accepter :

« J'aurais alors fait en sorte de tout d'abord m'excuser auprès des familles des victimes que je ne suis pas parvenue a protéger, même si ça ne ramènerait pas leurs proches... Et je les aurais ensuite rassuré sur le fait que le criminel paierait pour ses actes et serait exécuté. En revanche, je leur aurais expliqué que oui il souffrirait de l'enfermement et de cette idée qu'il se trouve dans le couloir de la mort mais que nous n'étions justement pas comme ce criminel : nous étions humains et en cette qualité il n'était pas question d'en traiter un autre avec des actes barbares, sinon nous ne vaudrions pas mieux que lui... »

J'avais baissé le regard pendant mon discours pour finalement le relever pour mieux chercher le sien lorsque j'avais fini de parler. Elle m'avait demandé de que je ferais moi, avec mon propre jugement de ce que je pensais le plus juste : elle avait fait le sien.
Je ne l'accablais pas. Elle avait ses raisons et même si je n'étais pas d'accord avec sa façon de procéder je comprenais où elle voulait en venir et ce qu'elle souhaitait susciter par cet acte.

Je la laissais continuer, observant le dossier qu'elle avait ouvert sous mes yeux et interprétant sa souffrance. C'était son « image » qui l'obligeait à agir de la sorte ? A cause de cette entité qu'elle représentait en tant qu'Ombre ? Je commençais à voir l'envers du décor en comprenant que cette place était aussi un véritable fardeau. Malgré mon état d'esprit actuel, j'étais finalement heureuse qu'elle se confie à moi non pas seulement en tant que Hokage mais aussi et surtout en tant qu'elle même.

« C'est justement parce que je ne vous pense pas ainsi que je me trouve devant vous Mizuki-sama... »

Je poussais un soupir de soulagement qui me servait également a évacuer la pression. L'entendre dire tout ça me faisait du bien : elle n'avait pas agi par pur sadisme comme j'avais pu le croire un instant, ébranlant toutes mes convictions la concernant. J'étais réellement soulagée. Jusqu'à ce que l'oiseau de malheur vienne tapoter a la vitre face à moi, me faisant me raidir dans mon siège a sa simple vision. Qu'est-ce qu'il foutait là ? Il avait rempli sa mission ? Tetsui était finalement mort ?
J'observais ma sensei en attente de réponse qui ne tarda pas a venir : quelqu'un avait abrégé ses souffrances et d'après ce qu'elle en disait, ce n'était pas Kihran. J'ignorais de qui il s'agissait mais je rejetais ma tête en arrière en fixant le plafond un instant, remerciant cette personne du fond de mon cœur d'avoir mis un terme à cette agonie.

Soupirant une nouvelle fois, je lui faisais cet aveu :

« J'ai voulu le faire. Cette vision m'était insupportable. Mais... Kihran m'en a empêché. »

Je marquais une pause avant de reprendre :

« J'ai donc décidé de venir vous voir : pour avoir des explications mais aussi pour que vous m'autorisiez a mettre un terme à tout ça... »

J'espérais qu'elle ne serait pas trop dur avec la personne l'ayant finalement fait. Après tout, elle même semblait compter sur ça pour ne pas que le supplice s'éternise : le pari qu'elle avait fait était risqué.

Puisqu'elle me parlait de manière plus personnelle, et que les choses étaient désormais bel et bien finie, je me prenais à en faire tout autant, changeant mon regard pour tenter de revêtir de la bienveillance malgré les circonstances.

« Pourquoi agir d'une façon qui vous insupporte vous même ? Vaut-il mieux être crainte de tous mais s'infliger des supplices par vos propres décisions ou bien agir simplement en étant vous même, sans aucun regret ? »

C'était là une vraie question à laquelle je n'attendais pas vraiment de réponse, simplement qu'elle y réfléchisse. Je ne m'adressais d'ailleurs là pas à ma Hokage mais bien a Mizuki, comme je pourrais le faire auprès d'une amie.

« Konoha vous aime. Tant que vous agissez tel que vous êtes, en suivant vos propres convictions pour protéger votre famille, Konoha continuera de vous aimer. »

Je relevais une fois de plus son état de fatigue.

« Nous vous remercions infiniment de prendre soin de nous mais les Konohajins seraient sans doute bien plus heureux de savoir leur Hokage prendre du temps pour elle également : qu'elle soit en pleine forme et aussi heureuse que nous le sommes. »

Je lui adressais un fin sourire, ne pouvant m'empêcher finalement de me faire du soucis pour elle.
Je comprenais bien mieux sa démarche sans pour autant l'approuver. Elle avait fait ce qui lui semblait être le plus juste et je n'avais pas à la juger là dessus : c'était son propre choix. Mais justement... était-ce réellement là sa décision à elle, en tant que Mizuki, ou celle de l'Ombre ? La justice de l'une ne semblait pas forcément être celle de l'autre...

Mizuki m'exposait sa vision des choses, son idéologie. Je comprenais ses choix : elle agissait pour le bien commun des Hijins et plus largement des Amejins et Namijins. Une direction tout à fait honorable qui n'était pas sans difficulté a porter puisque cela allait à l'encontre de ses propres convictions personnelles. Instaurer la crainte dans le cœur de l'ennemi cela fonctionnerait-il vraiment ? Cela les dissuaderaient sans doute bien que d'autres pays pour le coup véritablement barbares se vantaient peut-être de tels actes...

Je n'étais pas certaine que c'était la bonne voie à suivre mais c'était celle que Mizuki avait choisi et je me devais de la respecter même si « cet exemple » me laissait un goût amer du fait qu'il s'agissait de Tetsui...

Je l'écoutais ensuite parler de la dignité inexistante dans la mort, ce que j'approuvais. La seule chose que j'aurais voulu ce soit qu'il soit tué de manière rapide. La souffrance, il l'avait vécu selon moi à travers les barreaux pendant son séjour, pensant à ses actes, à son père qu'il croyait toujours captif et finalement à cette mort inéluctable que je lui avais annoncé moi même : tout cela avait déjà dû le détruire avant même qu'il ne soit tué. Toutefois, ce choix de sentence n'était pas là pour le faire souffrir mais pour délivrer un message à nos ennemis ou ceux en devenir...

J'étais toutefois rassurée d'entendre Mizuki clamer qu'elle était heureuse dans ce qu'elle entreprenait, dans son poste de Hokage, malgré la complexité de la tâche et du fardeau qui reposait sur ses épaules. Elle arrivait a s'épanouir en nous voyant heureux puisque cela signifiait qu'elle atteignait son objectif et se promettait de tout arrêter lorsqu'elle n'y parviendrait plus mais que faisait elle réellement pour elle-même ?

Je lui rendais son sourire de manière légère au vue des circonstances alors que ses paroles me faisaient chaud au cœur.

« Merci Mizuki-sensei... Mais je suis devenue celle que je suis en grande partie grâce à vous.Vous êtes un modèle à suivre pour moi. »

D'où mon questionnement premier sur ses actes qui ne lui ressemblaient pas.

« Je voudrais quant à moi que vous sachiez que je serais toujours présente pour vous. Que ce soit pour Mizuki-sama ou simplement pour Mizuki. »

Elle était ma supérieure et j'étais son élève mais elle pouvait tout de même me voir en tant qu'amie si elle le souhaitait. Nos fonctions ne nous octroyaient que peu de temps, cela était encore plus vrai pour elle que pour moi mais je trouverais toujours un moment pour lui accorder une pause bien méritée.

Après quoi je me relevais tout en inclinant le buste une nouvelle fois.

« Je vous remercie pour vos éclaircissements. Je n'approuve pas davantage votre choix mais je le comprend. »

Lui affirmais-je en la regardant finalement droit dans les yeux avant d'ajouter :

« Merci également de m'avoir permis d'assister à sa fin et cela qu'importe ce que pourra vous en dire Kihran. »

Puisque je n'y étais pas conviée à la base et que j'étais certaine que l'Hayashi ne manquerait pas l'occasion de lui en faire la remarque.

Mes sourcils se froncèrent ensuite légèrement, d'inquiétude :

« Prenez soin de vous. »

Là dessus je m'éclipsais si elle ne me retenait pas. J'avais obtenu les réponses que je souhaitais et ma confiance en Mizuki demeurait inchangée malgré ses choix que je n'appuyais pas. Tout était fini et c'était là la seule chose a retenir...