Je suis là, perché sur un arbre en plein milieu d’un terrain d’entraînement quelconque. Depuis déjà bien des années, il m’arrive de ne pas réussir à dormir un jour parmi tant d’autres. La raison à cela est très simple. Quand on connaît mon histoire, on peut facilement deviner ce qui me tracasse ces nuits-là. C’est déjà un miracle que ces cauchemars ne me hantent que de temps en temps, vu que ce qui y est lié me le rappelle tout le temps. Même à l’heure actuelle, je ne peux m’empêcher de penser à ces deux semaines de souffrance. Une quinzaine de jours où plusieurs personnes ont fait des expériences étranges sur moi. Oui… ces multiples injections qui ont finies par me faire perdre la vue.

Quand je fais ces cauchemars-là, j’ai pris pour habitude de m’isoler et d’apprécier la nature pendant toute la nuit. C’est d’ailleurs ce que je suis actuellement en train de faire. J’écoute le moindre bruit que provoque une feuille. Je ressens la moindre bise qui glisse sur mon village. Quoi de mieux pour me détendre qu’être là, seule. À ce moment précis, plus rien ne me tracasse. Je me sens tout simplement bien, comme j’aimerais toujours l’être. Je n’ai même pas besoin de me soucier de Kurô… Ce dernier doit être en train de dormir tranquillement, en rêvant de chose enfantine. Rien que cette pensé me décoche un petit sourire.

Malheureusement, je ne dois pas rester ici trop longtemps. Mes parents ne sont pas au courant de mes sorties nocturnes pour me détendre. Voilà pourquoi, je ne dois pas trop traîner en dehors de la maison, au risque de me faire engueuler. Dommage, j’aurais bien aimé m’entraîner un peu. Après tout, qu’importe l’heure pour moi. Le jour… la nuit… ce sont des notions plus très importantes quand on est aveugle. Si je le souhaite, je pourrais très bien dormir le jour et vivre la nuit, sans que ça agisse sur mon organisme. Est-ce un défaut ou une qualité ? Excellente question…

Sans plus attendre, je descends de l’arbre d’un bond et m’étire comme un félin. Je commence alors à prendre la route de chez moi. Grâce à ma maîtrise du son, je peux repérer le moindre insecte à mes pieds et comme ils n’ont rien demandé, je fais bien attention de les esquiver. Seulement voilà… À peine ai-je fait cinq mètres que j’entends quelque chose d’étrange. Ce n’est pas un bruit naturel. Non… ce sont des bruits de pas. Instinctivement, j’agrippe mon arc –que j’ai toujours sur moi– et y glisse une flèche. Je me tourne en direction du bruit, prête à tirer, puis prends la parole d’une voix neutre.

- Qui êtes-vous ?

Un Shinobi qui vient s’entraîner de nuit ? C’est fort possible. Seulement, on n’est jamais trop prudent. Même au sein d’un village Shinobi tel que Kumo, la criminalité existe. Espérons que cette personne ne me veuille pas de mal. Dans le cas contraire, je n’hésiterais pas à lui décocher une flèche entre les deux yeux.

La nuit. C'est une chose calme et apaisante. Tout le monde se repose, personne ne crie ou ne court dans la rue. On peut réfléchir tranquillement, sans se soucier du reste. Enfin, je ne me soucie jamais du reste à vraie dire, mais c'était bien plus facile en pleine nuit. La lune ne risquait pas de me transformer en écrevisse. Ce n'était pas rare que je vienne m'allonger sur le toit d'une maison pour réfléchir, ou tout simplement pour regarder le ciel en rêvant de liberté. En y repensant, jamais je n'avais eu plus de liberté que lorsque je vivais dans la rue. Je ne regrette pas mes choix, les Hokugeki avaient été merveilleux avec moi, un étranger, un clochard soyons franc. Quant à Kumo, il m'avait accueilli les bras ouverts, je vivais dans une nouvelle famille. Mais est-ce que j'étais vraiment à ma place ? Je n'en savais que trop rien. J'ai toujours aimé la liberté, et ce dès mon jeune âge. Même durant la guerre je ne rêvais que de liberté, alors lorsque mon clan fût décimé, j'avais été heureux. J'avais ri de leur mort, et j'en ris encore. Eux qui s'amusaient à tuer par envie, avait finalement été tué aussi. Le châtiment divin ? Sûrement. Soufflant légèrement, une légère fumée blanchâtre venait de quitter mes lèvres. Non, je ne fume pas, mais c'est un phénomène qui se produit quand l'air chaud du corps est refroidit rapidement par l'air frais de l'extérieur.

M'étirant, j'avais fini par me relever dans une acrobatie relativement simple. Les mains dans les poches, je restais sur les toits des bâtiments, observant le village, les quelques lumières de maison qui étaient encore allumées. J'aime la nuit et en même temps je la déteste. Elle est calme et douce, mais aussi sombre et sanglante. Au fond, on se ressemble non ? Elle et moi. De ma position, je pouvais apercevoir le terrain d'entraînement. Pourquoi ne pas y faire un tour ? Ca pourrait me détendre un peu. Repensé à toutes ses choses m'avaient légèrement irrité et fatigué en même temps. Sautant de toit en toit, mon pied était finalement venu se poser sur une branche d'arbre. Glissant sur une feuille, l'équilibre perdu, mon visage était venu rencontrer le sol. Le coup de foudre ? Peut-être, vu le nombre de chut que je faisais par jour. Me relevant pour continuer ma marche, j'étais venu essuyer rapidement mon visage avec un mouchoir. La tête levée, j'admirais cet astre rond dans le ciel. Il est d'une blancheur à couper le souffle, illuminant le monde de sa couleur pure et innocente.

« « Tire pas, tire pas. Je ne suis pas du gibier. Je suis de Kumo, j'essaye simplement de semer le chat. Tu... Tu peux baisser cet arc s'il te plait. » »

Sérieusement, qui pointerait une arme sur une personne comme ça. Ce n'était pas très amical comme approche. Logiquement, on fait ça discrètement. On prend un kunai dans son dos et on attend la réponse. On ne pointe pas un arc armé d'une flèche pour discuter. Je reprenais mon souffle, espérant qu'elle ne décoche pas sa flèche, dans le cas contraire, je serais dans l'obligation de répliquer. Au moins le chat avait fini par se sauver, c'était un bon point. Mais, maintenant j'étais en face d'une personne qui semblait être du sexe féminin, armée et qui me visait. Qu'est-ce que j'avais bien pu faire à ce monde pour qu'il me rende aussi maladroit et malchanceux ? Mon regard ne quittait pas cette personne, j'attendais et espérais qu'elle baisse son arme. Je déteste les menaces, quelle soit verbale ou non. Il m'en faut plus pour me mettre en rogne, mais ça pouvait vite dégénérer. Ré-ouvrant mes lèvres, je repris la parole. Je préférais jouer la carte de la sécurité, si elle était ici, c'est qu'elle était forcément du village.

« Je suis, Eïy… Un shinobi du village. »

Spoiler:

Un jeune homme aux cheveux rouges, quelques choses de très peu courant en soi. Cependant, la jeune fille aveugle ne pourrait en aucun cas lui faire ce commentaire. La seule chose qu’elle peut commenter sur ce jeune garçon est sa voix. Une voix trahissant son jeune âge et un ton transposant son étonnement. Il est vrai que se retrouver face à une jeune fille aux cheveux roses, prête à vous tirer entre les deux yeux… C’est assez déstabilisant. Instinctivement, la kunoichi abaisse son arme dans un geste délicat et doux, voir presque religieux. Rien ne peut lui affirmer qu’il ne représente pas une menace au fond…

- Je m’appelle Sayumi.

Rien de plus simple, rien de plus clair. Après tout, elle n’est pas du genre à être bavarde avec les personnes en qui elle n’a pas confiance, et il se trouve qu’elle accorde difficilement sa confiance. Autant dire que devenir amie avec elle est quasi-mission impossible vue son caractère renfermé. Seulement, elle n’est pas du genre à laisser tomber ses amies quand ils sont dans le besoin. Une amitié difficile à gagner, mais qui vaut son pesant d’or au final. Qu’allait-il en découler de ce jeune garçon ? Excellente question. Pour le moment, la jeune fille reste silencieuse, toujours armé de son arc, tourné vers le sol. En moins d’une fraction de seconde, elle peut tirer une flèche sur ce garçon avant qu’il n’ai le temps de réagir. Dans un monde où la majorité des Shinobi se base sur leur vue, les personnes comme Sayumi, capable de se battre aussi bien dans le noir que dans le jour, possèdent un vrai avantage.

- Que viens-tu faire ici ? Il est tard, la plupart des personnes dorment à cette heure-ci…

Une simple question pour ne pas trop paraître asociale. Elle n’est pas du genre à ignorer tout le monde non plus… Disons qu’il faut savoir comment l’approcher si on veut un jour avoir une place dans ses pensées. Des pensées souvent accablées par son petit frère, cet être si précieux à ses yeux qui lui, possède toute la confiance possible et inimaginable de la jeune fille. Le meilleur moyen d’être ami avec elle, c’est encore de l’être en premier temps avec son petit frère.

Par pure anticipation, la demoiselle aux cheveux roses relance immédiatement la conversation en répondant à une question qu’il allait à tous les coups lui poser.

- Avant que tu ne me demandes ce que moi je fais ici, je préfère te répondre. Ça nous fera gagner du temps à tous les deux.

Inspirant un petit coup, elle lève légèrement les yeux, espérant que la lumière de la lune traverserait ses yeux teintés de noir. Mais rien. Sa vue se décrit en un seul mot : Néant.

- Pour moi le jour et la nuit sont la même chose, le jour peut très bien représenter la nuit à mes yeux, et inversement. Tout cela pour une seule raison, la nuit est omniprésente dans mon regard... Être ici de nuit est aussi naturel pour moi, que l'être de jour pour une personne lambda.

À croire que la jeune fille est d’humeur poétique en cette magnifique nuit. Après tout, elle préfère mettre directement au courant son interlocuteur en ce qui concerne sa cécité… Ça évite pas mal les situations délicates.

Je soupirais, oui, mais pas par ennui, plutôt par relaxation. Elle venait d'abaisser son arme. Je n'étais pas à l'abri pour autant, mais c'était déjà non ? Je n'avais plus de flèche pointée vers mon visage. Ce village était étrange. On ne menace pas une personne sans raison. Je venais de glisser les mains dans mes poches. Je n'avais fait aucun pas, aucun autre geste. Il faut dire que me prendre une flèche n'était pas ce que j'avais prévu pour cette nuit agitée. Je l'observais, ses cheveux roses brillaient sous les rayons de la lune. C'était assez beau à voir. Une fleur, oui on aurait dit une fleur sous le vent. Un léger sourire s'était dessiné sur mes lèvres lorsqu'elle s'était présentée. Au moins, je pouvais maintenant mettre un nom sur cette demoiselle. Sayumi ? C'était un nom peu commun. M'enfin, je pouvais en dire autant du mien. Je me demande encore parfois, comment mes parents en sont venus à me nommer ainsi. C'est vrai non ? Eïy. Ce n'est pas un prénom facile. J'avais eu le droit à toutes les prononciations possibles et inimaginables. Au point où j'en étais arrivé parfois à répondre tout simplement : Ey. Plus simple à prononcer.

« Enchanté, Sayumi. »

Simple formule de politesse. Je ne voulais pas être impoli. .J'aurais pu m'approcher, ou du moins essayer. Mais j'étais bien à ma place, et pour être franc cet arc, ne donnait pas envie de s'approcher. Même si je ne pouvais pas discerner correctement son visage, je ne voulais prendre aucun risque inutile et ennuyant. Une question me hantait l'esprit. Après tout, il était assez tard, je pensais que j'aurais été le seul à être débout à cette heure-ci. Pourtant, elle, elle était là aussi. Je m'apprêtais à lui poser une question simple, à savoir ce qu'elle faisait ici aussi tard, mais la demoiselle à la chevelure rosée avait été plus rapide. Ce je faisais ici ? Hmm. Je n'arrivais pas à trouver le sommeil. Rien de plus, rien de moins. Une nouvelle fois elle me prit de court, reprenant rapidement la parole.

Elle leva la tête pour regarder le ciel. Haussant légèrement un sourcil à cette réaction, je commençais sérieusement à penser qu'il y avait plus étrange que moi. Je l'écoutais parler, sans faire un geste, sauf peut-être celui d'ouvrir ma bouche pour bâiller légèrement. Fatigué ? Non. Je bâillais pour beaucoup de raisons, même pour rien parfois. La nuit et le jour sont la même chose ? À quelques détails près elle n'avait pas tort. Rajouter de la lumière, des gens, des cris et la nuit et devient le jour. Mais sa seconde phrase avait été plus, comment dire, bizarre ? La nuit était omniprésente dans son esprit ? Qu'est-ce qu'elle voulait sous-entendre par là ? Réfléchissant l'espace de quelques secondes, je venais de faire un pas, puis deux. Fixant son visage. Par quoi devais-je commencer ? Répondre à sa question, ou à ses dernières paroles ? Soupirant intérieurement, j'ouvris finalement la bouche. Laissant les mots sortir d'eux-mêmes. Après tout, je n'étais pas du genre à me demander par quoi commencer, ou comment répondre.

« Si je me fis à tes paroles, je peux affirmer sans maladresse, que tu es aveugle n’est-ce pas ? »

Je ne voulais pas la blesser, ni même paraître arrogant. J'étais ainsi, mes mots sortaient d'eux-mêmes. Même si parfois je faisais attention à ne pas être trop brusque. Mais si tel était le cas, sa réaction avec l'arc, serait compréhensible. On dit que perdre un sens, multiple les autres. Mais perdre la vue, reste un inconvénient quoi qu'on dise. Voir les choses à souvent le don de nous rassurer. Alors évidemment lorsqu'on vit dans le noir constant, sans pouvoir voir la personne avec qui on parle, sans pouvoir discerner son visage, ses expressions, on devient plus renfermé, et on pense d'abord à se protéger.

Je relevais finalement aussi la tête, regardant le ciel obscur, mais pourtant si magnifique. Elle ne pouvait donc pas, ou plus voir de telle chose ? La vie est si cruelle parfois. Pourquoi s'acharne-t-elle sur les personnes de cette manière ? La vie est une chose que je ne comprendrais jamais. Je devrais même arrêter d'essayer de la comprendre. Reposant mon regard sur la jeune Sayumi, je m'étais tus quelques minutes, pour observer le ciel, mais je devais répondre à sa question.

« Je me promène. Il est tard c’est vrai, mais je n’arrive pas à fermer les yeux, alors j’ai décidé de me balader un peu, pour prendre l’air. Et puis la nuit on est au calme, c’est plus agréable par moment. »

Je riais légèrement. Il n'y avait rien de drôle j'en étais conscient, mais je n'y pouvais rien. M'approchant davantage, je marcherais doucement, sans gestes brusques. J'avais fini par m'asseoir sur l'herbe, fixant le ciel étoilé. Nostalgique, je souriais doucement, ré-ouvrant la bouche.

« Dis… Pourquoi tu as décidé de devenir une Kunoichi ? »

Cette question... C'était la question que je me posais à moi-même continuellement. Pourquoi j'étais devenu un ninja de Kumo ? Je n'avais toujours pas réponse. Chaque shinobis a pourtant un but, un nindo. Moi, je n'en ai aucun. Devenir plus fort ? Peut-être, mais pourquoi ? Pourquoi lui poser cette question, si je n'aurais rien à lui répondre en retour ? Je ne sais pas, ça pourrait m'aider à comprendre sûrement.

Enchanté ? Sayumi ne l’était pas. Elle ne le connaît pas et ne veux pas forcément le connaître, voilà pourquoi elle n’avait pas formulé cette politesse devenue banale lors de présentations. Qu’allait-elle faire ? Elle ne le sait pas elle-même. Elle peut aussi bien partir en laissant en plan le jeune homme que rester pour faire connaissance. Un choix difficile pour une personne vivant dans l’inquiétude constante mais qui essaie de s’ouvrir au monde de temps en temps. Pour l’instant, elle va écouter la réponse du Kumojin et décidera par la suite de ce qu’elle va faire. Elle pourrait aussi bien l’éliminer sur place d’une seule flèche et cacher son corps. Après tout, ils nous apprenant à faire ça a l’académie alors pourquoi pas un petit peu de travaux pratique ? Ah oui, peut-être que c’est censé être utilisé contre des adversaires et non des Shinobi de son propre village. Malheureusement pour eux, Sayumi ne fait aucune différence. Dans sa tête il y a Kuro en priorité. Ses parents viennent ensuite puis vient le reste de l’univers. Si elle devait choisir entre sauver le monde entier et son petit frère, l’hésitation ne se ferait pas du tout.

Après l’explication poétique de la fille aux cheveux roses, le jeune homme arrive à la bonne conclusion. Voilà qui prouve qu’il n’est pas un idiot fini. Disons qu’il est très légèrement monté dans l’estime de Sayumi, mais rien de bien exceptionnel je vous assure. Seulement, le rouquin s’est permis de s’approcher de quelques pas. Si ce n’était pas un Shinobi de son village, l’aveugle lui aurait instinctivement tiré une flèche entre les deux yeux. Or, il fait bien partie du village caché des nuages. C’est pourquoi, plus pour se rassurer qu’autre chose, elle se mit en état d’alerte, augmentant en puissance sa technique de sensorialité sonore. Ainsi, elle peut mieux deviner les mouvements du jeune homme et peut réagir plus rapidement. Plus une mesure de précaution qu’autre chose.

L’interlocuteur de Sayumi finit par reprendre la conversation, expliquant sa venue ici-même. Sur un certain point, l’archère est d’accord avec lui : La nuit on est au calme. Voilà une des raisons qui poussent la jeune femme à augmenter ses sorties de nuits. Même si elle n’approuve pas forcément, elle comprend que certaines personnes aient besoin de sortir prendre l’air quand ils ont du mal à dormir. Face à cette explication d’Eïy, la fille aux cheveux roses adopte une expression totalement neutre. Elle n’a même pas le temps de baisser légèrement sa garde que le garçon entreprend un autre mouvement. Cette fois-ci, il s’assoit sans s’approcher davantage. Rien de bien alarmant pour la maîtresse du son donc.

- Pourquoi je suis devenue une Kunoichi… ?

À ce moment précis, on peut lire l’hésitation sur son visage. Ce dernier se baisse instinctivement, comme si elle fixait le sol. Son esprit est tiraillé entre deux propositions. Envoyer balader le jeune homme car cela ne le concerne absolument pas, ou lui répondre et faire plus ample connaissance . Elle sait qu’au fond, elle ferait mieux de se faire quelques « amis », mais elle n’arrive pas à faire confiance aux gens, hormis certaines exceptions. Poussant un léger soupire, elle repense à comment elle se faisait des amis avant son… problème, si on peut l’appeler ainsi. Il faut dire que voir les gens met directement en confiance, on peut se faire un premier aperçu, ce qui est impossible maintenant. Faut-il pour autant devenir asocial ? Là est la vraie question.

- Pour protéger mon petit frère. Il faut que je devienne plus forte pour l’écarter de tout danger, comme cette fois-là… qui a entraîné ma cécité. Devenir une kunoichi m’ouvre les portes de l’apprentissage et par conséquent de la puissance. C’est aussi simple que ça.

Rangeant son arc dans son dos, la jeune femme baisse purement et simplement sa garde. Plus de méfiance. Si elle veut se faire des amis, il lui faut faire confiance, plus qu’avant même. Se mettre à nu et compter sur la bienveillance de l’autre. Cette nuit risque d’être une expérience pour elle. Si jamais elle finit par regretter son geste, plus jamais elle ne s’ouvrira à d’autres personnes de la sorte. Plus jamais.

- Et toi ?

Il faut pourtant pas s’attendre à ce qu’elle offre immédiatement un sourire à son interlocuteur.

Bien que j'étais assit l'air perdu, je n'en étais pas pour autant une cible facile. Je devais l'avouer sa réaction de départ m'avait mis sur alerte, même si je ne laissais rien paraître. Pas besoin d'installer encore plus de tension ou de doutes. Les mains posées sur l'herbe, je fixais le ciel étoilé, rêvant légèrement. Je lui avais posé une question simple, peut-être n'aurais-je pas dû, au fond c'est vrai, elle ne me connaissait pas, je ne la connaissais pas, rien ne la forçait à répondre. À mon humble avis je cherchais plus une réponse moi-même à cette question. Espérant secrètement qu'elle réponde et que sa réponse me donne une raison d'être devenu moi aussi un shinobis. Le son de sa voix avait attiré mon regard. Pourquoi reposer la question que je venais de lui poser ? Elle n'était pas sourde. Je fus légèrement surpris pas sa réaction. Son visage s'était baissé, comme si elle fixait le sol. Une chose qu'elle aurait sûrement fait si elle pouvait apercevoir cet immense champ de verdure qui s'étendait sous ses pieds.

Après quelques secondes elle avait pris la parole. Elle avait sûrement hésité. Après tout elle aurait très bien m'envoyer bouler. Je l'écoutais parler. Ainsi, elle était devenue une kunoichi pour protéger quelqu'un. Je cherchais désespérément quelle personne je pourrais protéger moi aussi, espérant trouver une raison, une motivation. Mais pour être franc je ne trouvais personne. Les Hokugeki peut-être ? À quoi bon, je m'étais justement enfui pour les protéger. Sa phrase avait attiré ma curiosité, j'ose relativement rare. Elle n'était donc pas née aveugle ? Quelle genre d'accident avait-elle put avoir pour y perdre la vue ? Observant ses gestes, elle avait finalement rangé son arc. Mais cela ne voulait pas pour autant dire qu'elle était sans défense. Nous ne sommes jamais trop prudents.

Et voilà la question que je redoutais le plus. Elle m'avait retourné la question, mon visage s'était légèrement crispé, reposant mon regard unique sur le ciel, j'étais venu arracher un petit brin d'herbe l'aide de mon pouce et de mon majeur. M'amusant à rouler le brin d'herbe entre mes doigts, c'était une manière de concentrer ma nervosité, me vidant de cette manière l'esprit de toutes pensées inutiles. Que pouvais-je bien répondre ? La vérité peut-être. Après tout, elle m'avait répondu, je devrais faire de même. Cinq années que je suis à Kumo, et je suis toujours resté dans mon coin. Je ne connaissais que très peu de personne, et la plupart c'était de nom ou de vue, rien de concret. Entrouvrant légèrement mes lèvres rosées, je continuais de fixer le ciel.

« À vrai dire je l'ignore. Pour être franc, ça me paraissait logique de devenir un Shinobi. Je suis né avec le don de mon clan, j'en suis donc venu à penser que devenir ninja était naturel. D'une certaine manière j'essaye peut-être de rembourser ma dette envers les Kumojins, j'essaye peut-être de racheter les péchés de mon clan... C'est bizarre n'est-ce pas ? Que je sois un ninja, sans savoir pourquoi je le suis devenu ? »

J'en étais venu à soupirer, laissant mon dos tomber sur l'herbe pour m'allonger. Les mains posées derrière ma tête, je m'attendais à tellement de réaction par rapport à cette réponse. Mais au final, je n'avais seulement pas encore trouvé mon but, ou ma voie de ninja comme certains appellent ça. Je manquais cruellement de motivation, rien de plus normal, comme être motivé quand on fait quelque chose sans réellement savoir la raison. La puissance, n'était pas quelque chose qui m'intéressait particulièrement, je ne pouvais donc pas l'utiliser comme raison, cela serait hypocrite non ? Je me contentais de fixer le ciel, tournant ensuite légèrement la tête en direction de la demoiselle aux cheveux roses.

« Je sais que cela ne me regarde pas et je comprendrais parfaitement que tu ne veuilles pas répondre. Mais j'ai pu déduire grâce à tes paroles, que tu n'étais pas née aveugle. Alors, je me demandais ce qui avait bien pu t'arriver. » Prenant une légère pause. « Je ne connais pas beaucoup de monde à Kumo, j'y suis depuis quelques années, mais je me suis toujours tenu à l'écart. Je n'ai pas l'habitude de discuter comme ça, alors je peux être maladroit dans mes paroles. »

C'était la vérité, je n'avais pas l'habitude de discuter avec d'autre personnes. Hormis la famille qui m'hébergeait, je ne m'ouvrais pas tellement avec les autres. Ni même avec cette famille d'ailleurs. C'était un peu comme une première pour moi. Après tout, les seuls avec qui j'avais discuté, et encore le mot est grand, c'étaient avec les membres de mon équipe. Je n'irais pas jusqu'à dire que je suis asocial, mais disons que la confiance est quelque chose dont je n'ai plus réellement la notion, alors mon instinct de survie prend le dessus et je me protège à ma manière.

Il ne sait pas pourquoi il est devenu Shinobi ? Le début de sa réponse attise immédiatement la curiosité de la jeune femme. Cependant, au fur et à mesure que sa réponse se développe, Sayumi comprend où il veut en venir. Elle le sait. Beaucoup de personnes deviennent Shinobi uniquement à cause de leur famille l’est. Comment ne pas le devenir quand tout ton entourage l’est ? La plupart du temps, on suit le mouvement sans trop chercher à comprendre et Eïy ne semble pas faire exception à la règle. Seulement, lui commence déjà à se demander pourquoi. Pourquoi il l’est devenu au final. Dans quel but. Faire quelques choses sans réel objectif serait toujours moins bien fait que si on a un objectif à la clé. Nul doute que le jeune homme commence à le comprendre.

Sans un bruit, la demoiselle aux cheveux roses vient délicatement s’asseoir aux côtés du garçon, tout en écoutant la fin de sa tirade. Une expression amicale sur le visage, elle prend la parole pour lui donner son avis sur la question. Plus le temps passe et plus elle se sent à l’aise. Avec un peu de chance, elle va même finir par devenir bavarde !

- Étrange… je ne pense pas. Beaucoup deviennent Shinobi uniquement parce que leur famille n'est composée que de ça. Comme pour toi, ils trouvent cela « Naturel »… jusqu’à un certain moment où ils se demandent pourquoi…

Se passant une main dans les cheveux, la seule présence féminine en ces lieux profite quelques secondes des bruits les entourant. Quelque chose que les personnes ordinaires oublient souvent. Le plaisir du concert naturel. L’orchestre de dame nature. Une symphonie jouissive pour une personne à l’ouï très développé tel que Sayumi.

- Ce n’est pas quelque chose de grave, tu n’as juste pas encore trouvé ta voie. Tu la trouveras bien un jour, que tu le veuilles ou non, crois-moi.

Alors qu’elle était détendue jusque-là, la prochaine interrogation du jeune homme la crispe automatiquement. Une nouvelle hésitation. Même si jusque-là, il a su la mettre en confiance… Parler de son « Accident » reste quelque chose de tabou. Pourtant, beaucoup de personnes sont au courant. À l'époque des faits, l’histoire a fait tout le tour du village. Les vieilles commères ont tout relaté à tout le monde. Sauf que Sayumi a rarement expliqué ça d’elle-même vu qu’ils étaient déjà informés…

- Ne t’inquiète pas… Quasi tout le village est déjà au courant de toute façon… même si ça commence à dater.

Prenant une grande inspiration, l’archère se concentre pour pas que sa voix tremble. Même si c’est un chapitre difficile, il fait partie de sa vie à jamais. Autant accepté son passé que le fuir non ?

- C’était il y a cinq ans environ. J’avais quitté le village avec mon petit frère pour lui montrer une cascade non loin du village. Une beauté naturelle que j’ai découverte lors d’une mission et que je voulais absolument lui faire découvrir. Sauf que…

Son cœur s’accélère, sa respiration se fait plus saccadée.

- …On s’est fait intercepter par des bandits. J’ai essayé tant bien que mal de les combattre mais mon niveau était trop faible… Au final, j’ai préféré me sacrifier… pour permettre à mon petit frère de s’enfuir.

Serrant les poings, levant les yeux vers le ciel qu’elle ne peut que s’imaginer, elle reprend pour en venir au cœur du sujet.

- Pendant plusieurs semaines, les bandits ont fait des tas d’expériences sur mon corps… Ils m’ont injecté des substances me faisant tellement souffrir que je voulais tout simplement mourir… Jusqu’à une certaine injection qui m’a plongé dans le noir complet.

Sans un bruit, sans un sanglot, une larme glisse le long de la joue de Sayumi. Un souvenir douloureux qu’elle a encore du mal à accepter, voilà ce qu’est ce pseudo accident, qui au final n’en est pas du tout un.

La vie d'un ninja n'est pas chose facile. Certains le deviennent sans savoir pourquoi, ils affrontent la mort chaque jour, chaque minute, chaque seconde, sans raison. Je le faisais moi aussi, même si ma fainéantise cachait tout cela, j'étais un ninja et pourtant je ne connaissais pas la raison de cela. Ça me troublait oui, mais ça m'ennuyait surtout. Je n'aime pas me poser des questions, sans y avoir de réponse. Je ne veux pas être ce type de ninja qui risque sa vie sans raison, outre le fait d'être ennuyant c'était sans utilité. Soupirant légèrement, je regardais la demoiselle aux cheveux roses s'asseoir sur l'herbe. C'est un bon signe non ? C'était déjà mieux que d'avoir une flèche pointée sur soi.

Elle semblait plus amicale, c'était bon signe à mon humble avis de ninja plus que fainéant. Ça se voyait sur son visage, elle avait cet air disons doux. Je l'écoutais me répondre. Elle ne trouvait pas cela bizarre, dans un sens elle avait raison. Mais d'un autre, devenir Shinobis parce que « c'était normal » était bizarre. Trouver cela normal, n'est pas une raison pour mettre sa vie en jeu. Fixant le ciel de mes yeux étranges, je laissais un petit souffle quitté mes lèvres. Trouver ma voie ? Je l'espère bien. La question était plutôt : quand ?

« Ça reste étrange. Jusqu’à ce que la personne se demande pourquoi, il met sa vie en jeu, parce qu’il trouve ça normal. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour mettre sa vie en jeu. »

C'était une phrase étrange venant d'un simple Genin non ? Après tout un Genin n'était pas autorisé à faire de grande-chose, étant donné qu'il ne pouvait quitter le village sans autorisation.

J'avais posé une autre question à jeune kunoichi. Une question en rapport avec sa cécité. Évidemment elle était libre de ne pas répondre, mais ça m'intriguait. Même si je ne le montrais pas, j'étais quelqu'un de curieux, sans cesse à la recherche de réponse. Il était rare que je m'intéresse à quelque chose du fait de ma fainéantise.

J'écoutais donc son récit, sans omettre un seul bruit. Dans un sens j'étais un peu soulagé intérieurement qu'elle ne puisse pas me voir. Après tout, je n'étais pas le genre de personne à ressentir forcément de la peine ou de la tristesse. De ce fait, mon visage était neutre, malgré son discours plein de chagrin. Une machine ? On pouvait me voir ainsi je pense, mais avec l'horreur que la guerre a causée et avec ce que j'ai traversé, je préfère dire que je suis devenu insensible. Sa vie n'avait pas dû être facile. Perdre la vue de cette manière. Me redressant pour m'asseoir, déposant mon regard sur l'horizon en face de moi.

« C’est horrible. Je suis désolé. »

Le pensais-je vraiment ? Peut-être bien que oui, peut-être que non. Mais il fallait bien que je dise quelque chose non ? Ça aurait été plus qu'étrange sinon. Restant silencieux quelques instants, il était légitime qu'elle me pose des questions à son tour. Je tournais légèrement la tête de manière à la regarder.

« Il me parait légitime que tu puisses me poser des questions à ton tour. »

HRP:

Toujours sans un bruit, la jeune femme essuie ses yeux avec sa manche. Une histoire qu’elle avait encore du mal à raconter. Assurément la pire chose qui lui est arrivé depuis sa naissance. Est-il possible que quelque chose de pire arrive ? Oui. Il y a une seule chose. Une chose tellement destructrice pour Sayumi qu’elle abandonnerait l’idée de vivre. Pourtant, tout ça va arriver un jour ou l’autre. Un jour elle devra affronter la mort, car seuls les Furyou sont immortels. Or, ce n’est pas sa propre mort qui pourrait lui arriver de pire… non. C’est la mort de son petit frère. Chaque seconde elle prit pour que ce jour n’arrive jamais, et elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour que cela arrive le plus tard possible.

Soudainement, la voix du jeune rouquin ramène la kumojin sur terre, elle qui se perdait dans ses pensées les plus profondes. Une simple expression témoignant le fait qu’Eïy compatit avec elle. Après tout, que répondre à part ça quand on vous explique un tel drame ? Excellente question. Seulement, la suite de ses paroles attire un peu plus l’attention de la jeune femme. C’était à son tour de lui poser des questions, sauf qu’elle ne voyait pas quoi lui demander. Il faut dire qu’elle n’a pas l’habitude d’avoir ce genre de conversation. Niveau sujet de conversation, la demoiselle aux cheveux roses reste plutôt limitée.

- Des questions à te poser…

Elle avait beau réfléchir, rien de bien concret ne lui vient à l’esprit. Ce n’est que quand elle se repasse leur conversation qu’elle sait de quoi parler. Oui, elle allait continuer dans sa lancée. Elle va faire ce que font les personnes normales quand elles sont hésitantes. Elle va tout simplement lui demander son avis sur quelque chose.

- À ton avis, tu penses que je vais pouvoir vivre normalement avec mon handicap ? Je veux dire… Être kunoichi et aveugle est déjà compliqué en soi, mais ce n’est pas tout…

Prenant une nouvelle fois une grande inspiration, elle attrape son poignet avec son autre main, signe de nervosité.

- Depuis mon accident, j’ai du mal à faire confiance aux gens… Je suis toujours sur la défensive. J’ai peur de tout, même des membres de mon propre village. Il n’y a qu’en mon petit frère que j’ai une confiance absolue…

Quitte à se livrer à une personne, autant qu’elle le fasse jusqu’au bout. Pour une fois, la carapace de la jeune demoiselle va être totalement brisée.

- Rien que de parler comme ça, naturellement à une personne, c’est quelque chose d’exceptionnelle pour moi. Alors je voulais te demander Eïy…

Tournant son visage vers le jeune Shinobi, la jeune femme tente de dissimuler l'inquiétude peinte sur son visage. Un visage baigné dans la lumière de la lune.

- …Est-ce que je peux te faire confiance... ?