Yuki no Kuni.
Pays de la Neige. Pays du Froid, et des conflits emprêtrés dans une épaisse couche blanche recouvrant tout le Pays depuis des millénaires. La neige frappe fort aujourd’hui, comme chaque jour. Le vent traverse le Pays d’une traite, sans aucun obstacle pour réfréner ses assauts. Il frappe, il emporte, il renverse sans pitié ni patience. Les habitants de ce Pays ont appris à affronter ces aléas et à vivre leur petite vie sans se soucier du temps et des températures.

Ce temps correspond très bien à la circonstance. Car le cortège qui s’est rassemblé à Gyamda est tout sauf joyeux. La plupart des invités sont des membres du Clan Samui ; et les autres sont des personnes ayant connus les disparus. Si quelques uns se sont invités pour l’occasion, aucun ne se démarque du groupe. La troupe est unie à l’entrée de la demeure clanique. Plusieurs personnes ont déjà présentées leurs hommages et leurs condoléances à Chifumi, grand-mère de la défunte. D’autres sont dans l’attente, et dans la gêne. Difficile d’exprimer ses regrets dans un enclos où les bêtes de foire sont principalement de la même fratrie.

La silhouette imposante d’un homme arrive en visuel. Il était jusque là resté cloîtré dans la résidence des Samui, à l’écart, ayant exigé qu’on ne le dérange pas. Pleurait-il les deux disparus ? Allez savoir. On lui attribue beaucoup de noms, d’identités, de suppositions : le « Tyran », le « Cruel », « l’Insensible », « le Guerrier », le « Lion des Neiges ». Aucun ne lui va vraiment. Mais irait-il jusqu’à considérer la mort de sa propre petite-fille comme anecdotique ? Décidément, l’homme reste impénétrable … .

Il traverse la foule. Sa présence et son prestige lui valent d’avoir une haie d’honneur pour rejoindre les Samui les plus proches de la défunte. Son approche n’est pas appréciée par la famille de Yuki. Les relations sont tendues entre elles et celui qui a renoncé à ce lien de parenté pour des raisons encore obscures. Le côté de la famille d’Aokiji salue l’homme qui vient à leur rencotre et leur rend ce salut amical. Mais on sent que la tension est encore forte.

« Kakeshuou-Sama, nous savons qu’Aokiji était de votre parti. Il ne vous aurait pas fait défection, et nous comprenons votre décision de le déclarer pour mort … mais »
~ Soyez assurés que je poursuivrais les recherches jusqu’à ce que son corps vous soit restitué. Et les charognards qui ont commis cet acte odieux seront châtiés comme il se doit.

Quelques poignées de main, signes de tête et de remerciements muets. L’homme est connu pour tenir ses engagements. Ils n’ont donc pas de soucis à se faire. Ce n’est cependant pas le cas de tout le monde. Et une ombre se déplace entre les rangs pour aller agriper l’homme par le bras de façon peu amicale.

"Je te préviens, Kakeshuou. C’est un enterrement, pas une scène politique ! Si tu pars dans un discours de ta fabrication, je te brise ce qu’il reste d’humain dans ton corps !!"
~ Je suis soulagé de voir que, malgré le deuil, tu restes toi-même, Chifumi. Mais comme tu l’as dit, il s’agit d’un enterrement. Si je veux une tribune, je saurais où et quand l’obtenir … . Maintenant, lâche moi avant que cette cérémonie ne soit gâchée par un autre coup de sang.

L’ancienne lui lâche le bras, et retourne à sa place. Kakeshuou Samui ne tarde pas à la rejoindre et à rester à ses côtés. Ce qu’elle n’apprécie pas du tout ! D’ailleurs, on ne saurait dire si son visage est celui de la tristesse ou d’une rage impossible à maîtriser … .

Il ne reste qu’une heure avant la cérémonie funéraire du Clan. Malgré le froid, la tempête et la peine, les Samui restent debout et accueillent ceux venus saluer deux héros de l’Empire, morts pour la paix et la protection des petites Nations.

Spoiler:

Tsuchi no kuni.
Dans un des massifs montagneux les plus difficiles d'accès, pendaient au nez et à la barbe du vide deux jambes débarrassées de leurs sandales shinobi. Assis sur le rebord du balcon naturel que formait la brèche à laquelle il tournait le dos, Mikami retira d'un coup sec le bouchon de liège fermant la gourde dont il s'était armé. Plus que les parfums jusqu'ici enfermés, ce fut quelques gouttes de saké jaillissant après la soudaine aspiration de l'air qui coulèrent sur ses pieds et réveillaient ses sens. Tournant le dos au coucher du soleil, le regard porté vers l'Est et les premières étoiles qui apparaissaient, l'amnésique laissa pendre l'alcool de riz au bout de son bras.

Aujourd'hui avait eu lieu la cérémonie d'adieu à Yuki et Aokiji Samui. Deux personnes que beaucoup jugeraient aisément comme faisant parties du "camp opposé". Quant au Yorurai... il se préservait de cette vision des choses portant les convaincus et les révoltés chacun de son côté du ring, se rappelant des flammes ayant animés la Princesse des neiges et le Faisan bleu. S'il n'a pas énormément partagé avec la première, il eut déjà bien plus échangé avec le second. Finalement, leurs rêves n'étaient pas si différents. Mais ils avaient respectivement misés sur des chevaux qui ne portaient ni les mêmes couleurs ni le même nom, et ces deux critères sont déjà bien assez suffisants à beaucoup d'Hommes pour faire couler le sang.

Alors si Yuki et Aokiji avaient parié sur l'accumulation des pouvoirs, Mikami avait porté son choix sur la liberté. Ce, comme critère indispensable à l'équilibre entre les personnes et à la résolution des guerres les plus absurdes dans ce rapport entre les causes de leur naissance et les proportions de leurs conséquences. Cependant seul un des deux canassons faisaient que ces frères d'armes se retrouvaient un jour pris face à face dans un combat à mort. Et à ce jour il menait la course, seul en tête.

L'amnésique siffla goulûment une première rasade de saké.

Le dos de sa manche vint vigoureusement essuyer sa bouche tandis que la puissance de l'alcool anesthésiait un instant l'aigreur saisissant son palais depuis le suicide d'Aokiji. Déclaré mort... Encore loin d'être ivre, le bretteur se laissa aller à quelques réflexions. Une chose était certaine : l'empereur ne pouvait au mieux seulement être convaincu du décès de son neveu, de son élève, et de son gouverneur. Aucune preuve n'avait pu être obtenue à ce jour et il en était tout aussi certain. Restait, quelques parts, aussi incroyable et improbable pouvait-elle être à ses yeux, l'hypothèse que le Faisan Bleu ait vraiment retourné sa veste. Et tout esprit un tant soit peu ouvert et prévenant ferait entrer cette théorie dans son champs des possibles. Que cachait cette déclaration de décès ? C'était un pied de nez adressé à la rébellion.

En la rejoignant, Aokiji devenait un homme mort aux yeux du Kamui. En le reniant ainsi, il affirmait sans tergiversation son opposition à ce groupuscule et les accusait d'avoir pris la vie d'un Samui. Usant de l'esprit de la cérémonie, il retournait les émotions du peuple contre ces inconnus dont les desseins demeuraient obscurs. Ce doigt levé ne restera pas sans réponse Kakeshuou...

Mikami se levait, but à gorge déployée et se tourna d'un quart de tour, marchant à présent en équilibre sur le bord du gouffre, bras écartés et déséquilibrés par le poids de la gourde de saké.

Il écartait dès lors toute pensée, toute opinion, tout calcul en rapport de près où de loin avec les répercussions de ces décès. Des convictions plus fortes que le reste de leurs vies, données à un monde sans visage, sacrifiées sur l'autel sacrés des shinobis... ils étaient morts, tout simplement. L'amnésique multipliait les allers-retours en flirtant avec le vide, plongeant dans l'ivresse et la mélancolie, s'enveloppant de la pureté du recueillement afin que son esprit tourmenté ne se concentre plus que sur le deuil. Cette nuit était sacrée. Même son katana avait été soigneusement déposé dans la caverne Sud-Ouest de la brèche. Pas d'entrainement ce soir, pas le moindre éclair noir n'irait faire gronder le ciel, et régnait un silence post-mortem là où souvent avaient lieu feux d'artifices tonitruants.

- Deux nouvelles étoiles rejoignent le ciel Kakeshuou ! Relève la tête, et regarde comme elles sont nombreuses !! Quitte à honorer leurs mémoires, souviens-toi de leurs rêves le jour où ta colère sera telle que tu pourras aisément pousser le shûkai vers la guerre... ne les déçois pas !

Seul dans les montagnes, il éleva la voix au vent. Peut-être celui-ci la porterait jusqu'aux terres glacées de Yuki no kuni. Et... santé ! Ses paupières s'étaient déjà closes et sa main portait maintenant la gourde tout haut au clair de lune. Puis il plongea la tête en arrière et y déversa la moitié du contenant, se remémorant les visages accueillant que les deux shûkaijins disparus avaient pu lui tenir, et... une autre rasade pour Setsuko !

Sans son intervention, un tonnerre gronda dans les nuages alors que l'alcool coulait à flot et que les visages des défunts défilaient dans sa tête... Ce fut l'instant où le mystique se mêla à une réalité déjà débordante d'ivresse. Tandis que pour le Yorurai, quitte à se déchaîner... autant offrir à ces montagnes l'orage le plus noir et le plus grandiose auquel elles n'avaient jamais assisté !

Yuki est morte. Aokiji est présumé mort. Aujourd'hui était le jour des funérailles de deux grand membres du clan Samui, et il était tout à fait normal pour moi de m'y trouver. Bien que je ne connaissais pas personnellement Aokiji, j'avais bien sûr entendu énormément parler de lui comme un élément important du Shukai et un Seigneur de Guerre réputé. De l'autre côté, je connaissais bien mieux Yuki. Elle avait été le chef du clan, mon sensei et un repère pour moi au sein de l'Empire. J'étais dans le cortège Samui qui nous amenait jusqu'à la crypte où serait enterré les deux Samui, et je repensai à mes premiers pas en tant que soldat avec Yuki. Elle m'avait accueilli ouvertement dans son équipe, appris quelques techniques que j'allais utiliser en repensant à sa mémoire, et bien sûr elle était le pourquoi je me battais pour mon clan. Clan qu'elle avait aimé plus que tout, à mon avis.

L'Empereur fit son entrée et c'était normal qu'il soit présent : il était un Samui. Et qui plus est, les deux faisaient partis des forces de l'Empire. D'un geste de la tête, je le saluai alors qu'il se faisait stopper par une personne âgée. De ce que j'avais compris, il s'agissait de la grand-mère de Yuki. Je ne l'avais jamais vu auparavant. Décidément, les enterrements n'étaient pas faits pour moi. Je baissais la tête, attendant alors dans le silence la suite de la cérémonie.

Yuki et Aokiji Samui allaient être conservé dans une stèle de Glace, c'était un spectacle prodigieux malgré tout, un art funéraire respecté par tout les Samui. Chaque corps décédé d'un Samui se trouvait ici, et sans compter, je savais qu'il y en avait plus d'une centaine et à cela s'ajoutait ceux de deux grands shinobis.