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Cette mission promettait d’être intéressante, car c’était une histoire de disparition à la suite de la découverte d’un corps mort dans une ville portuaire. Chance, ou malchance, ce fameux village était la Capitale même de Kaze no Kuni soit Odaichi. Chance car c’était un moyen de se rapprocher d’une personnalité déjà rencontrée – et voir comment il gère une ville par ses moyens – et malchance car cela signifiait un terrain d’enquête « énorme ». Il faudra faire pas mal de recherches …

Elle espérait que son binôme était à l’aise dans les relations humaines. S’il était asocial, et incompétent, ils ne risqueraient pas d’aller bien loin … Comme à son habitude, elle envoya un premier message à son coéquipier pour indiquer une heure et une date de départ. Ainsi, chacun aura le temps de préparer ce dont il aurait besoin pour le voyage jusqu’à la Capitale, et éventuellement quelques petites aides au combat. Peut-être que ce fameux tueur n’était qu’un pauvre civil facile à désarmer une fois démasqué.

Les deux jours laissés passèrent bien vites entre les rations à préparer, la carte à visualiser, les premiers contacts à trouver – avoir un bar où plus d’une personnalité passée était plutôt utile – et les instructions à donner à ce bar. Son co-gérant était efficace mais il commençait à être dépassé avec toutes les folies des Shinobis soul. Un dragon de feu faisait mal, sincèrement. A ce rythme, une pièce anti-chakra allait être imaginée, pour dire ! Entre temps, elle fit aussi quelques petites recherches sur ce Kumonosu et, à priori, ce dont elle avait eu vent sonnait plutôt bien à l’oreille.

Le grand jour du départ arriva bien vite.

- Bonjour, Kawaguchi Tsukiko. Enchantée de faire ta connaissance, se présenta-t-elle à son coéquipier.

Les présentations n’étaient jamais longues, à vrai dire. Chacun donnait un nom, prénom et peut-être son talent Shinobi en supplément. Généralement, une grande partie des Sunajins Shinobis venaient de clan, du coup, il était souvent – et presque - inutile de demander les talents. Son nom en soit était sa carte d’identité de toutes ses attaques et défenses classiques : un bon point quand il était question de travailler en duo avec des inconnus, un mauvais point quand il était question de faire face à un ennemi dont elle ne connaissait rien mais qu’il connaissait tout d’elle …

- Je te propose qu’on y aller sans plus tarder. Je propose d’y aller à pied, mais si tu prépares un autre moyen de transport, n’hésites pas.

Elle avait hâte, mine de rien, de développer sa fameuse idée de transport rapide pour tout poids et pour grand nombre … Il n’y aurait pas à subir les tempêtes de sable, la chaleur harassante, les dangers ou la déshydratation. Quel que soit le moyen, cependant, la demoiselle avait de l’énergie pour présenter son « plan de guerre ». L’auberge avait été choisi et contacté, les différents commerces des environs ciblés grâce à un commerçant de vins qui aimait faire des visites au bar du Heaven Night et un récapitulatif des dossiers sur les victimes – tuées, ou disparues – envoyées par l’autorité locale.
 

Le bar ne désemplissait pas aujourd’hui. L’heure de pointe de tous les poivrots du village. Parmi des shinobis en repos et d’anciens guerriers en quête d’une amnésie passagère pour ne plus être hantés par les souvenirs de la guerre, on pouvait trouver de tout dans cet établissement. Essuyant nonchalamment un verre, Kumonosu se plaisait à observer les comportements sociaux de tout ce petit monde. Du jeune homme flambant vantant ses exploits à des demoiselles au vieillard taciturne perché sur son tabouret tel un vieux vautour défraîchi, il ne manquait pas d’analyser tout ce qui pouvait l’être.

C’était sûrement un coup du destin ou bien une destinée justement toute tracée si le jeune homme voyait en ce monde une vaste toile d’araignée. Son prénom y faisant justement référence, il ne pouvait s’empêcher d’imaginer, et même parfois de visualiser, les personnes toutes attachées à des fils qui manipulaient à la fois leurs actes et leurs paroles. Un curieux spectacle qui l’amusait, en tant que marionnettiste. Il ignorait quel manipulateur pouvait se trouver à l’autre bout mais il en était presque à le jalouser. Avoir un tel contrôle sur autant de monde, ce devait être follement amusant. Avoir le pouvoir d’influer la volonté de tout un village, tout un pays ou même du monde entier pour déclencher n’importe quel évènement. C’était le genre de scénario catastrophe qui faisait sourire le jeune homme. Même s’il arborait seulement un air placide à ce moment-là.

Son paternel vint le rejoindre après avoir servi une tournée de pintes d’un alcool local. Soufflant un coup, il s’appuya contre le plan de travail se trouvant derrière eux. Toujours affairé à sa vaisselle, Kumonosu ne lui accorda pas un regard, plongé dans ses réflexions personnelles sur la vie en société. Son air sérieux et concentré fit rire brièvement son père qui rompit le silence :

- Tu sais tu as le droit de passer de l’autre côté du comptoir de temps en temps.

- Hein ?! fit le jeune homme tiré de ses pensées. Oh ! Non ! Je suis bien mieux ici en tant que simple observateur.

- Je peux comprendre. Ça fait des années que je tiens cette place. Mais ce n’est pas ça la vie. Il ne suffit pas d’en être témoin. Il faut en être acteur.

Le garçon n’accorda pas plus d’attention à ce discours paternaliste et philosophique. C’était des disciplines qu’il laissait aux plus dépourvus. Il y avait bien d’autres choses à faire dans une vie que de se préoccuper du pourquoi et du comment de cette dernière. Le travail ne manquait pas pour qui savait s’y pencher. Une dure réalité qui le frappa bien assez vite. Un nouvel arrivant fit son entrée et prit directement la direction du comptoir, face à Kumonosu qui le salua :

- Bienvenue ! Que puis-je vous servir ?

Un rouleau termina sur le bois du plan de travail. Un sceau représentait le symbole de Suna dessus. Un léger soupir affaissa la cage thoracique du marionnettiste. Il se saisit du parchemin pour prendre connaissance de l’ordre de mission. Alors qu’il allait remercier le responsable de Suna de s’être déplacé jusqu’ici, il fit volte-face avec un sourire moqueur au coin de la bouche :

- Ah au fait, on a eu un peu de retard au niveau de la remise des ordres de mission donc ta responsable a été prévenu bien avant toi. Elle t’a fait parvenir ceci.

Un second rouleau se retrouva sur le bar. Un fil de chakra s’accrocha dessus et le ramena automatiquement dans la main du Genin qui lut l’énoncé aussi rapidement. Il porta son regard sur l’horloge du bar et afficha un air alarmé.

- Mais c’est dans cinq minutes !

- Pour ça qu’il faudrait que tu te dépêches. Sinon elle risque de partir toute seule. Et on voudrait pas qu’elle se retrouve sans défense dans un milieu hostile.

Un sourire encore plus malsain vint assombrir les traits grossiers du personnage qui ne tarda pas à s’éclipser pour de bon. Un seul regard suffit entre le père et le fils pour qu’ils s’entendent. Un hochement de tête significatif, une main sur l’épaule et Kumonosu était déjà dehors à cavaler dans la rue pour se rendre au lieu du rendez-vous. Heureusement qu’il connaissait les chemins tortueux pour s’y rendre car il arriva pile à l’heure.

Son interlocutrice ne s’en offusqua pas et lança les présentations. Son nom fit tiquer le marionnettiste qui n’en laissa rien paraître. Encore une héritière d’un clan qui arborait son appartenance à une prestigieuse famille pour exister. Le genre de personne qui le faisait vomir. C’était à cause d’eux que tout allait mal en ce monde. Mais il semblerait qu’il n’avait pas le choix. C’était uniquement avec elle qu’il devrait coopérer pour cette mission. Le temps risquait de passer longuement…

- Kumonosu. Ravi également.

Son sourire faux s’accompagna d’une question de la part de la Kawaguchi l’interrogeant sur son éventuelle capacité à leur improviser un moyen de transport rapide. Arquant un sourcil interrogateur, le marionnettiste lui répondit :

- Hum…non. Par conséquent nous risquons d’avoir de la route en effet. Et il vaut mieux partir sans plus tarder oui.

Ce fut sur ces paroles qu’ils entamèrent leur marche. A peine avaient-ils commencé qu’une remarque piqua l’esprit du Genin :

- Mais peut-être qu’un clan aussi prestigieux que le vôtre saurait répondre à ce besoin, je me trompe ?

Le voyage et cette mission s’annonçaient très longs…

Elle avait attendu son futur partenaire de mission sur la Voie Illusionnée. Lorsqu’il arrivait, elle remarquait une chose particulière : le soin apportait à sa tenue vestimentaire. Il était rare, surtout dans le désert où les tribus nomades avaient été longtemps des maîtres, de voir des hommes s’habiller d’une façon élégante et déjà plus moulante. Adieu les pantalons bouffants ou larges. Et bienvenue à la classe d’un Barman. Cependant, s’il semblait être soigné, son langage l’était moins. Il restait poli mais le venin coulait à flot. Notamment au sujet du clan. Il n’était pas le premier à faire preuve d’aversion, et il ne sera pas malheureusement le dernier. A bien réfléchir, elle voudrait bien se ranger de son côté et traiter de tous les noms de pigeons son clan mais « quelque chose » l’en empêchait. Peut-être la pudeur ? Ou la prudence ?

- Je me suis toujours débrouillée seule, se contenta-t-elle de répondre. Ne mêlons pas nos clans respectifs, si possible.

A bien réfléchir, le plus étrange était quand même son attitude. Les Marionnettistes et les Kawaguchi avaient eu une longue histoire basée sur un partenariat solide. En théorie, Kumonosu et elle auraient dû s’entendre… Malheureusement non. Il semblerait qu’il existait toujours une exception à la règle, et elle était tombée sur cette dernière. Malheureusement pour elle. Il semblerait que le Destin s’acharnait à rendre chaque tâche ou chaque rencontre compliquée, ou improbable. Et ils débutèrent leur long périple.

- J’ai quelques connaissances au sein de la Capitale. Ils peuvent nous héberger autant que nous désirons, à des tarifs vraiment avantageux, annonça-t-elle fièrement. Nous parlerons à tête et corps reposé là-bas sur les victimes. Les autorités locales nous ont envoyé leur dossier sur l’affaire. Si jamais la copie ne t’ai pas parvenu, voici la mienne, dit-elle en tendant un petit paquet.

On pourrait se demander comment pouvait-on « lire » en marchant : la réponse était simple, il pourrait lire en restant assis.

- Je peux maintenir un moyen de transport pendant … une demi-journée. Nous irons plus vite avec qu’à pieds.

Elle éleva sans tarder une plateforme suffisamment grande pour les deux. Elle s’y installait déjà, prête à découdre du chakra pour avancer à grande vitesse.

- J’espère que tu ne crains pas la hauteur. Je peux tout autant rester à une basse altitude mais tu seras bien plus gêné, surtout lorsque nous serons dans une zone avec des dunes très irrégulières. Un jour, un de mes passagers avait tout simplement vomi.

La Dame du Sable avait répondu assez sèchement. La remarque sur son clan n’avait pas dû l’enchanter. Une réaction qui aurait pu faire sourire le marionnettiste si elle n’avait pas répliqué « nos clans ». C’était un abus de langage qui le faisait crisser des dents. Selon lui, les Marionnettistes n’avaient en commun que l’art, rien d’autre. Aucun lien de sang ne les reliant. Quiconque se trouvait instruit par un bon élément de cette caste pouvait devenir un fin manipulateur à son tour. Après il y avait toujours une certaine difficulté pour y parvenir. Ce n’était pas donné à tout le monde non plus.

Elle enchaîna rapidement sur l’affaire les concernant. Elle avait dû sentir toute la sympathie que dégageait Kumonosu et elle devait avoir envie de régler cette mission au plus vite. Un avis que le marionnettiste ne pouvait que partager. Plus vite il serait débarrassé de cette plaie et plus vite il s’en retournerait au bar familial. Aussi accepta-t-il la version du dossier transmise à la Kawaguchi. Etant donné que le Genin avait été prévenu à la dernière minute, il n’avait même pas été briefé comme il se doit sur la mission. Il allait ranger le tas de papiers lorsque le sol se souleva pour emporter les deux shinobis à une allure plus soutenue que lors d’une marche à pied standard. Un bon moyen de gagner du temps et d’arriver plus vite à la Capitale. Ce qui laissa tout le loisir à Kumonosu de s’asseoir et de prendre connaissance des fiches répertoriées dans la pochette en carton.

Alors qu’elle se souciait de sa capacité à tenir sur cette plateforme mobile, sans même lever le regard, il secoua sa main pour la rassurer :

- Non, non ça ira.

Il était déjà absorbé dans sa lecture. La tête baissée, ses deux yeux avaient accès au papier et il pouvait prendre connaissance des faits. Plusieurs meurtres perpétrés dans la Capitale à l’insu des autorités et aucune piste qui ne se dégageait pour l’instant. Un véritable jeu de piste qui allait garder en éveil l’esprit habile du marionnettiste. Il feuilleta le tout en revenant sur certains éléments par moment avant de continuer dans sa progression. Une fois les informations emmagasinées, de manière assez rapide, il releva la tête vers sa coéquipière.

- C’est difficile de se faire une idée vu comme ça. Il faudrait commencer par voir ce que donnent les cadavres. Ils parlent là-dedans de membres manquants, voire arrachés, et même de marques de dents profondes.

Les pistes et possibilités se bousculaient dans la petite tête grise et il allait devoir laisser ça de côté pour l’instant. La route allait être longue et il risquait plus de se faire du mal qu’autre chose. Se relevant, il avisa le tapis sablonneux sur lequel il progressait. La Kawaguchi avait affirmé pouvoir maintenir cette plateforme le temps d’une demi-journée. Kumonosu sortit un parchemin de sa ceinture pour en faire sortir son fidèle pantin. Ce dernier arriva directement au sol et il prit le rythme du disque de sable véhiculant jusque-là son détenteur qui en sauta pour venir se loger sur sa création. La marionnette était prévue pour accueillir une personne à la place du buste. Le centaure ainsi créé put progresser au même rythme que la meneuse d’expédition. L’œil de Kumonosu se porta sur elle :

- Il n’est pas prévu pour deux personnes, raison pour laquelle je ne l’ai pas sorti plus tôt. Et peut-être cela vous permettra-t-il au moins d’économiser un peu de chakra.

Quitte à finir cette mission, autant le faire vite et bien. Sans chakra, elle ne serait pas utile. En se partageant la dépense, les deux shinobis pourraient palier aux faiblesses éventuelles de l’autre. à condition qu’ils ne collaborent pleinement pour l’avenir.

L’auberge en question était plutôt et situé en plein cœur du quartier où tous ces meurtres avaient lieu – ou plutôt d’où était issu tous les macchabés retrouvés dans la Capitale. Le choix n’était clairement pas anodin, et la tenue adoptée par la suite par la Kawaguchi encore moins : une tenue civile. Le marionnettiste était déjà assez élégamment vêtu mais malgré tout, elle lui avait « suggéré » l’idée d’une tenue « anodine » et pas trop « élégante », et d’enlever le signe. A lui de se décider s’il préférait montrer, ou non, son appartenance à une quelconque autorité.

Quant à la chambre, c’était une seule et unique chambre, avec deux lits séparés – cela allait de soi. A nouveau, sa décision n’était pas laissée au hasard. Ils allaient poursuivre un psychopathe et, peut-être que dans leur enquête, ce dernier les retrouverait bien avant. En théorie, l’un comme l’autre ne craignait rien grâce à leur entraînement Shinobi mais personne n’était à l’abri d’un danger. Et il était plus aisé de piéger quelqu’un seul, qu’en groupe. Autant dire, d’une manière ou d’une autre, c’était pour garder un œil l’un sur l’autre mais également pouvoir échanger des informations calmement.

Pour finir, elle avait grassement payé l’aubergiste pour qu’il ne vende pas trop la mèche à quiconque sur leur identité, ou la raison de leur présence. Ajoutons à cela qu’elle avait fait appel à quelques noms de Suna du monde de « l’hôtellerie » pour que cet homme soit totalement convaincu qu’il fallait se taire … En somme, tout était fait pour que ce lieu devienne leur « planque ». C’était clairement une meilleure option que d’habiter dans une grotte ou une maison abandonnée poussiéreuses.

- Nous commencerons demain, donc.

Elle était épuisée, et optait pour se reposer entièrement, recouvrir à son chakra, et à ses esprits.

*

- Je te propose que l’on analyse une deuxième fois le corps de la dernière victime. Elle a été bien conservée apparemment, puis de se séparer pour que chacun interroge les proches des récentes victimes.

C’était peut-être classique, et peut-être même reprenaient-ils le cheminement des prédécesseurs mais, il fallait confirmer les données du dossier et surtout se faire sa propre idée sur la situation sans une quelconque influence externe.

Son ton était guilleret, son teint frais, et ses yeux pétillants d’intérêt. Elle était définitivement dans son élément, loin de Suna et loin des protocoles de son clan. Ici, inconnue de tous, elle était capable de faire tout ce qu’elle désirait en toute liberté, et cela, elle comptait bien en profiter ! Certes, on disait que la célébrité ouvrait plus de porte que l’anonymat mais, en l’état, c’était l’anonymat qui permettait plutôt de passer partout par les portes arrières, ou par quelques passages bien sombres et secrets … Oui, définitivement, une Ombre se glissait bien mieux dans les dédales du mystère qu’une Lumière.

Elle se releva d’un bond du sol où elle était, près de la table où gisait les cadavres de son petit déjeuner copieux, et emballer deux ou trois affaires (carnet, stylo, laisser-passer … etc).