Ether n'avait pas particulièrement passé une bonne nuit.
Dormir dans un campement de shukaijin, n'était en soi, pas franchement rassurant, surtout pour une Gogyou comme elle. Seuls la future Ombre, Shinda Michiki et Kaguya Milly étaient au courant de sa véritable nature sur cette île. Au final, la jeune femme n'avait même pas dormi du tout, préférant rester sur ses gardes au cas où la tente serait attaquée. Bien sûr, ce n'était qu'une paranoïa comme une autre, mais la nomade avait ses raisons. De plus, elle était trop surexcitée pour trouver le sommeil. En l'espace de quelques jours, elle avait débarqué sur Mizu, continent où ils n'avaient jamais campés elle et les siens, rencontré ce fameux Michiki, éventuellement trouvé un foyer pour sa tribu et rencontré un homme étrange répondant au nom d'Aedran, un Samui, frère du défunt mizukage. Ce n'était pas rien ! Assise sur son postérieur, la blonde regardait droit devant elle, soucieuse. Sacrifier leur liberté pour la sécurité... En seraient-ils capables ? Etait-ce vraiment ce qu'elle souhaitait ? Bien sûr, l'élémentaire avait toujours rêvé de suivre des cours avec des gens de son âge, chercher le pain en toute quiétude, des trucs de Normaux quoi ! Mais étant née Gogyou, tout ça lui était proscrit.
Elle avait des capacités pour être utile d'un point de vue de ninja, alors qu'elle était pacifique. Le comble hein ? Rejoindre Kiri signifiait probablement être mise à contribution. De plus, à voir l'intérêt que Michiki avait eu pour l'hérédité des dons de son clan, Ether avait peur d'être utilisée comme une arme. De toute façon, hormis son père, l'Ancien et elle, aucun membre de la tribu n'était un pur élément. Peut-être que parmi la prochaine génération, oui, mais pour l'instant ils n'étaient que trois. Enfin, ils n'étaient plus que trois plutôt. La blonde eut une pensée pour ses aînés décédés/assassinés et se leva. Rejoindre Kiri, d'accord. Semer la mort et la destruction pour restaurer le sanglant passé du village de la Brume ? Sûrement pas. En tant qu'élémentaire de vent, elle n'était ni palpable et encore moins visible lorsqu'elle était au naturel, ce qui pouvait s'avérer utile pour un rôle d'éclaireur ou espion. Ne connaissant ni la colère et encore moins la haine, comment pourrait-elle devenir une machine à tuer ?

L'aube pointait à peine le bout de son nez, ce fut le moyen que choisit Ether pour sortir de la tente.
Quelques soldats s'affairaient déjà autour du campement, et la demoiselle fit de son mieux pour passer inaperçue. Heureusement que ses pas étaient naturellement légers, mais son teint hâlé, sa blondeur et ses vêtements sable ne l'aidaient pas dans sa démarche. Quelques regards soupçonneux – malgré le bandeau du shukaï qu'on lui avait prêté - l’incitèrent à accélérer le pas pour quitter les lieux au plus vite. Cependant, malgré son malaise, l'éternel sourire de la Gogyou ne quittait pas son visage. A la moindre remarque désagréable, elle répondait par une charade à laquelle elle ne donnait jamais la réponse, puis partait en sautillant joyeusement. Mizu no Kuni était bien différente de Kaze, et même si sa première impression de l'environnement local fut bonne, la crainte de ne pas réussir à s'adapter était bien présente. Plus de 10 ans dans un désert, et voilà qu'elle se trouvait dans le pays le plus humide qui soit. Meh ! Tant qu'il y avait du vent, c'était parfait. Une fois enfin à l'extérieur de la zone shukaijin, la jeune femme ôta ce bandeau synonyme de prison, et le rangea dans son écharpe de hanche. Aaaah, elle pouvait finalement respirer ! Inspirant et expirant à grands poumons, la nomade s'imprégna de l'air de la forêt, dénué de toute présence humaine. Bien que les Normaux étaient une source intarissable de fascination, ne pas en voir du tout de temps en temps faisait plaisir.
BON ! Gambader maintenant ! Ether courut en riant entre les arbres, jonglant de branche en branche avant de brusquement s'arrêter. Elle observa les alentours d'un air frénétique, puis avec un air malicieux, elle se jeta dans le vide et se dématérialisa à quelques mètres du sol. WHEEEEEEEEE ! Ô joie ! Elle était le vent. Malin, joueur, libre de toute entrave. L'oiseau en cage rêvera des nuages. Non Panthos, je n'ai rien oublié. Unie à l'atmosphère, l'élémentaire virevolta entre les branchages, caressant les feuilles, flirtant avec la surface de la rivière. Ici, elle avait rencontré cet étrange mais néanmoins très intéressant Aedran. Ah tiens ? Le cadavre avait disparu. Mais elle se désintéressa bien vite de ce détail et vint côtoyer l'air brassé par les ailes d'oiseaux. Elle joua ainsi une bonne partie de la journée. Le reste de l'après-midi, elle la passa sous forme humaine dans un petit village côtier, occupée à assaillir chaque marchand de chaque échoppe de questions dérisoires. Il y avait tant de chose à découvrir sur ce continent, tant d'îles ! Si elle revenait pour de bon, Ether ne manquerait pas de profiter de tout ça avec autant d'entrain.

Le soleil ne tarda pas à décliner et les Normaux commençaient à se rentrer.
Mh zut, il était peut-être un peu tard pour repartir au campement. Il lui fallait trouver un bâtiment avec un toit sur lequel dormir. Oui, pas dedans, dehors. Bah ouais, quand t’as à peine de la thune pour manger, tu ne prends pas de chambre hein ! Quoique quelques parties de poker, et pouf, elle l’aurait ce lit. Naaan, ne pas se faire remarquer qu’on a dit ! Hé bé, le temps passe si vite lorsque l'on s'amuse ! Milly allait sûrement s'inquiéter, mais maintenant que la Kaguya connaissait davantage Ether, il lui serait naturel de penser que la gamine jouait aux cartes avec de parfaits inconnus. Toute guillerette, la demoiselle poussa la porte d'une auberge.

« Bonsoiiiiiiir ! »

Les regards grincheux attestèrent d'une certaine morosité ambiante.
Ouuuké... Il était temps qu'elle débarque dis donc ! Affublée de son éternel sourire, elle se dirigea vers le comptoir.

« B'soiiir m'sieur ! Z'avez quoi qui s'mange ? »

Ether n'avait pas besoin de se nourrir pour survivre, mais vu que c'était l'heure des repas pour les humains, autant ne pas paraître bizarre. L'homme s'avéra fort aimable avec sa barbe hirsute – on aurait dit un gros nounours – et lui montra la carte. La jeune femme ne connaissait pas un seul des plats cités sur le papier, et pas un seul scorpion en vue, ni de plats épicés. Légèrement déçue, la Gogyou demanda une sorte de poisson, un met que l'on mangeait pour de grandes occasions au sein de la tribu, accompagné d'un riz aux gambas. Ouaiiis, des crevettes ! Elle patienta bien sagement, ce qui signifiait qu'elle fit le tour de l'auberge en demandant à tous les convives s'ils voulaient jouer au Uno. Bien sûr, elle se fit jeter, mais la blonde conserva un air ravi. Son repas prêt, elle s'en empara en remerciant chaleureusement l’hôte, et partit s'asseoir à la seule table éloignée et dépourvue de monde. La nomade sauta sur le banc, puis s'assit en tailleur. Devant son assiette, elle fit une brève prière à Gaïa, puis attaqua son contenu avec les doigts, mais en toute propreté hein ! Alors qu’elle savourait paisiblement son repas, la blonde entendit du brouhaha à l’entrée. Lorsqu’elle tourna la tête, elle put apercevoir des soldats du Shukaï qui importunait un homme.
Rah mais ils étaient partout ceux-là ! Espérons qu’ils ne s’installent pas pour de bon. Pourquoi les humains trouvaient-ils forcément nécessaire d’asseoir leur pouvoir sur leurs semblables ? Encore un comportement qu’elle ne comprenait pas. Il y avait tant que de choses qu’Ether ne parvenait pas à saisir à propos des Normaux, tant de sentiments dont la définition lui était inconnue. La demoiselle voulut se lever pour distraire l’atmosphère et proposer une partie de cartes, mais l’étranger s’en sortit merveilleusement bien. PAH, vous dites plus rien hein ? Ahah ! La jeune fille réprima un rire. Souviens-toi de ce que l’on t’avait dit ; ne te fais pas remarquer. Oui, ouiiii, je sais ! Au passage, la Gogyou écouta la conversation. Al Sa-Her, homme ayant également rencontré Michiki, leur rabattit le caquet en moins de deux. Puis le spectacle se termina dans aucun combat. Ah bah heureusement, elle se serait évaporée sinon !

Continuant son repas, Ether vit soudainement l’étranger devant elle, la fixant de son regard doré, lui demandant sans aucune conviction si il pouvait s’asseoir manger là. Aha, le son rocailleux de sa voix ! Doré ? Attendez… C’était quoi le sujet de la leçon de l’Ancien qui traitait des regards d’or ? Ah zut ! La main prête à rejoindre sa bouche pour gober une crevette, Ether reposa doucement la bestiole dans l’assiette, ne quittant pas du regard ces pupilles brillantes. Y’avait un « Tsu » dans le nom, elle en était sûre parce que ça sonnait comme un éternuement. Meh. Se jurant de réfléchir pendant qu’elle mangeait, l’élémentaire acquiesça frénétiquement de la tête.

« N’héchi… », elle avala sa bouchée de riz, « N’hésitez-pas ! »

Et il la fixait encore. Ce à quoi elle répondit en le fixant également de ses yeux bleus et de son éternel sourire. La Gogyou regarda l’homme s’asseoir et observa son visage. Etrangement, contrairement à tous ceux qu’elle avait bien pu voir, il ne possédait aucune expression faciale. C’était intéressant ! Avec un air empreint de curiosité, elle se demanda comment un humain pouvait être ainsi. Décidément, entre Aedran et ce type, y’avait de quoi faire ici ! Se souvenant que ce n’était pas poli, la blonde reporta son attention sur son assiette et récupéra sa crevette pour lui offrir le sort auquel elle était destinée.

« Bon appétit ! »

Alors qu’elle avalait sa crevette, Ether eut soudainement une révélation.
JISETSU ?!! La nomade plaqua brusquement ses deux mains sur la table, les yeux grands ouverts, puis manqua de s’étouffer. Une élémentaire d’air qui manque d’air s’vous plaît, ça craint. D’un violent coup sur le torse, elle parvint à faire passer la chose.

« ‘xcusez ! … Un pépin. »

Son fameux sourire et elle recommença à manger avec les doigts. Proprement j’ai dit !

L'étranger était poli. Non pas qu'elle n'était pas habituée à ce que les gens le soient envers elle, mais pas franchement. Généralement, la blonde récoltait des regards distants, voire méprisants par moment, même si cela lui passait au-dessus de la tête. Si les premières fois, Ether n'avait pas compris les raisons de ce dédain, ce n'est qu'en demandant à son père qu'elle comprit ; la Gogyou sentait la nomade et l'errante à des kilomètres. Non, elle ne puait pas – hé oh ! - le vent n'a pas réellement d'odeur en soi, il véhicule celle des autres, c'était son physique. La peau mat du désert, les vêtements couleur sable et usés, et le corps ciselé trahissant donc une vie plus ou moins rude. Mais l'élément le plus révélateur de sa nature bédouine était son comportement en marge des convenances habituelles. La jeune femme faisait de son mieux pour ne pas paraître étrange, mais n'assimilait pas encore – pas du tout en fait - toutes les subtilités de l'attitude humaine en société. Et au fond, elle s'en fichait un peu. L'homme s'installa donc en face de l'élémentaire, puis remercia celle-ci en se présentant, avant de finalement demander l'identité de son hôte temporaire. Ether lui sourit joyeusement, prenant bien garde d'avaler sa bouchée avant de parler.

« Difficile d'pas entendre ! Les gardes parlent toujours trop fort, comme si l'monde était sourd. », affirma-t-elle en riant, « Vot' prénom est intéressant, m'rappelle c'lui d'un marchand dans l'désert. », elle posa la crevette et posa une paume sur sa poitrine, « Ether ! Enchantée ! »

Lui aussi l'observa, et la blonde se contenta seulement de lever parfois les yeux et de sourire. Puis bien sûr, elle manqua de s'étouffer et sortit la connerie comme quoi il y avait un pépin. Le hic ? Bah y'a pas de pépin dans des crevettes, et encore moins dans le riz. Aha ! Prrrrrt... Même le truc des arêtes n'aurait pas marché vu qu'il y en avait pas non plus. Décidément, ce qu'elle pouvait être distraite ! Al Sa-Her lui fit donc remarquer ce « détail » et la Gogyou releva doucement la tête, joyeusement embêté. Ensuite, il demanda si il paraissait intimidant. Intimidant ? Ça devait sûrement signifier effrayant, non ? La nomade le regarda d'un air interrogateur. Pourquoi lui ferait-il peur ? Au contraire, elle le trouvait plutôt intéressant à observer. Aucune expression sur le visage, c'était pas tous les jours qu'elle pouvait considérer un humain où rien ne se passait sur sa tête ! Ether secoua vivement la figure de manière négative. La frayeur était une sensation qu'elle n'avait plus ressenti depuis au moins douze ans. Pour l'effrayer, il fallait bien plus qu'un inconnu à sa table. Elle lui sourit amicalement.

« Nan, vous m'faites pas peur, vous inquiétez pas ! C'est que... », elle hésita quelques secondes, « C'vos yeux. Ça peut paraître surprenant pour les hu... Les gens normaux. Me souvenait seul'ment d'un truc. 'Scusez si j'suis trop... », elle agita les mains pour remplacer le mot qu'elle ne trouvait pas, « J'vois pas souvent des gens en dehors d'ma tribu. Mais j'fais des efforts hein ! »

Ether sourit et mangea un peu de riz.
La couleur en soi ne l'étonnait pas tant que ça. Après tout, sa mère avait les yeux presque translucides, quasi similaire à la couleur de ses cheveux. Hélios, son paternel, l'on aurait dit que la foudre circulait dans son regard, synonyme de sa nature de Gogyou foudroyant. Panthos – que Gaïa le choie – ses yeux brillaient d'une flamme flamboyante, avant qu'elles ne s'éteignent douze ans auparavant, disparaissant à la suite de Thresha ainsi que de Kreth. Quant à l'Ancien, ses pupilles oscillaient entre le vert et le marron, rien de bien particulier. Rien n'étonnait la demoiselle, après tout, elle était élémentaire et ne se considérait pas comme une humaine, malgré le fait qu'elle en prenne la forme. Non, cela la fascinait plutôt. Découvrir de nouvelles choses, elle adorait ça ! Dans le cas présent, les yeux dorés La nomade continuait de déguster son plat, lorsque Al Sa-Her fit quelques remarques à son sujet. La blonde releva les yeux, étonnée. Lui aussi il aimait observer les gens sous toutes leurs coutures ? Probablement pas pour les mêmes raisons, mais bon !
Une combattante ? Ether réprima un léger rire. Elle, une combattante ? Pacifique comme elle était ? L'élémentaire leva les bras pour les regarder ; effectivement, elle n'avait jamais fait attention mais son corps humain était plutôt athlétique, ce qui ne la surprenait pas au final. Après tout, le nomade vit constamment dans et avec la Nature, se débrouillant sans aide extérieure, construisant, remballant, marchant et vivant au gré des éléments, il était logique que leurs corps s'adaptent à leur environnement. Mais une combattante, loin de là ! La jeune femme en avait probablement les capacités, mais ne s'en servait que pour s'extirper de situations dangereuses, à l'image de son élément, Ether était insaisissable. C'était en partie pour tenter d'améliorer sa combativité qu'elle comptait participer à cet examen chûnin-là. A bien y réfléchir, était-ce vraiment une bonne idée ? Elle risquait de s'attirer des ennuis si quelqu'un découvrait ce qu'elle était en réalité. Des ennuis ? Quels ennuis ? On a des ennuis que si on se fait prendre, aha !

Ses questions devinrent ensuite étranges et il s'en excusa d'avance.
Servir une patrie ? Pourquoi ? Son clan était libre de toute contrainte engendrée par les villages. Et même si ils envisageaient de rejoindre Kiri, c'était en partie pour la sécurité des éventuels prochains Gogyou de la tribu. Hors de question de servir dans une armée. La guerre ? Très peu pour eux. Ether ne comprenait pas ce besoin d'expansion, cette soif de pouvoir et de sang. Ne faisant jamais preuve de violence pour des raisons évidentes, la jeune femme n'approuvait pas la politique des villages. Après avoir rencontré Michiki, la Gogyou craignait pour l'intégrité des siens. Même si il lui avait promis qu'il les traiteraient comme tous les autres membres, elle doutait. Et si il profitait de leur nature pour s'en servir comme des armes ? Ils n'étaient que trois véritables élémentaires dans sa tribu à l'heure actuelle, mais tous les membres possédaient le gêne pouvant donner naissance à un nouvel élément. C'était précieux, dans tous les sens du terme. De plus, s'enchaîner volontairement à un village pour satisfaire les ordres d'un régent, ça n'avait aucun sens.
Ether avait toujours cru que son rêve était de vivre dans un village et pouvoir chercher son pain le matin sans risquer de se faire tuer, vivre au grand jour en tant que Gogyou. Mais suite à l'entrevue avec la future Ombre, elle ne savait plus. Devenir kirijin, signifierait-il oublier leurs racines, s'adapter à la vie citadine qu'ils fuyaient ? Étaient-ils prêts à ça ? Ils étaient hermétiques à la civilisation depuis des siècles, ils n'étaient pas pourris par les manigances des civilisés. La nomade vivait depuis si longtemps dans le désert qu'elle le considérait comme chez elle... Son chez-elle ? Kaze était donc sa maison ? Venir ici serait abandonner le sable, les moines du vent, les montagnes... Y penser ne ferait que la faire davantage douter. Elle devait retourner auprès de sa tribu pour rapporter les nouvelles, la décision ne se prendrait qu'à l'unanimité, personne e devait se sentir lésé.

Étrangement, Ether se retrouvait dans les paroles de l'étranger.
« Ce que faisait les gens normaux » ? Marrant, elle aussi appelait les humains des Normaux. Lui aussi ne serait pas humain ? A part être probablement un Jisetsu, en quoi était-il différent des gens autour d'eux ? La demoiselle devint curieuse et cessa de manger pour l'écouter. Ce n'était pas comme si elle avait vraiment faim de toute façon. Il souffrait donc d'une malformation dans le cerveau. Malformation ? La blonde eut du mal à comprendre la portée du mot, ne l'ayant jamais entendu. Elle fronça donc les sourcils, et ce n'est qu'en écoutant la suite qu'elle comprit. Aaaaah ! Un truc ne marchait pas correctement dans la tête ! Ah ? Intéressant ! La nomade soutint sa tête via ses deux mains et continua de l'observer avec curiosité. Il ne connaissait donc aucune émotion, cela devait être lié au fait qu'il ne possédait pas la moindre expression sur le visage. Sur ce point-là, la Gogyou le comprenait parfaitement. Elle ne connaissait pas la haine, malgré les meurtres des siens par des tiers, ni la colère et tout ce qui en découlait. L'arrogance et toutes ces choses, elle les laissait aux humains qui savaient très bien comment ça marchait, à son grand désarroi. La méfiance était peut-être le seul « défaut » qu'elle préférait garder, lui permettant de survivre en milieu hostile. En revanche, la joie, elle savait ce que c'était ! Toujours souriante, la jeune femme ne trahissait aucune tristesse. Pourtant, ce dernier sentiment, elle ne faisait que le réprimer et l'oublier volontairement. Quant à la peur, comme dit plus tôt, elle ne l'avait plus ressenti depuis douze ans, elle s'était seulement transformé en adrénaline, une bien meilleure drogue.
Quant à l'amour, l'élémentaire ne savait pas ce que c'était non plus, ne l'ayant jamais ressenti à proprement dit. C'était à limite si le mot lui était inconnu. Elle connaissait l'affection de ses parents entre eux et à son égard, ainsi que celle qu'elle vouait à sa tribu, mais l'amour comme il devait sûrement le suggérer, pas la moindre idée de ce que c'était. Son père avait pris bien soin de ne jamais lui enseigner quoi que ce soit à ce sujet, contre l'avis de sa mère bien sûr. Ses parents l'avaient élevés d'une telle manière qu'il y avait beaucoup de chose qu'elle ne comprenait pas, et l'une de ces conséquences étaient que par exemple, déterminer la beauté d'une personne, elle en était incapable. Ether considérait seulement que, selon les critères humains, untel devait plaire à un autre, point final. C'était pour cela que la demoiselle conserva son engouement habituel.

« Z'êtes observateur, mais faut que j'vous corrige un peu ! », dit-elle en riant, « J'viens d'Kaze et 'suis nomade ! Ma tribu est pacifique. Ouais, ça peut paraître naïf comme on m'dit souvent, mais c'est comme ça ! Un certain Aedran m'a fait la morale y'a deux-trois jours à c'propos. On s'bat qu'pour s'défendre, c'tout. La violence gratuite n'a aucun sens à nos yeux. », elle fit une pause pour regarder ses yeux dorés, « Vous êtes un Jisetsu, non ? Désolé, me trompe p't'être. », elle lui sourit joyeusement, « C'marrant, j'vous comprend un peu avec vot' particularité. J'ai pas d'cellule cassée, enfin je crois, mais y'a des sentiments que j'ai jamais ressenti non plus, ou que j'ne comprend pas. Y'a des mots que j'ai pas saisi aussi m'enfin ! C'est l'souci quand on est différent. »

Elle n'en dit pas plus, après tout, elle ne le connaissait pas.
La nomade mangea quelques portions de son plat et se rappela soudainement d'un truc. Cet homme avait rencontré Michiki et disait être un proche de ce dernier, plus ou moins. Peut-être saurait-il alors comment il était réellement ? Etait-il différent des autres humains ? Le peu que la jeune fille en avait vu, non. Lui aussi semblait attiré par le pouvoir, le besoin d'être craint et respecté, deux termes qui n'allaient pas ensemble à ses yeux. Et puis, assez parlé d'elle ! Ether ne se considérait pas intéressante, elle préférait découvrir les autres. Et puis, cet homme était assez fascinant ; cette histoire de sentiments était captivante.

« Vous avez dit d'vant les gardes, qu'vous connaissiez Shinda Michiki. Vous l'connaissez bien ou lui avait juste dit genre, coucou ! Parc'que j'l'ai vu aussi y'a quelques jours... Et j'ai besoin d'savoir comment il est vraiment. Ça pourrait êt' important dans l'futur. », elle sourit à nouveau, même si elle était soucieuse et perplexe, « Vous v'nez d'ici ? Vous faites quoi dans l'coin ? », elle mangea une crevette, « Vot 'histoire avec l'cerveau, vous l'vivez bien ? »

Se rappelant que les gens n'aimaient pas trop être assaillis de questions, elle se calma.
Ce continent lui était inconnu, il était bourré de shukaijins entraînés et son entretien avec le futur Mizukage l'avait légèrement refroidie. Sa bonne humeur habituelle était toujours présente, mais légèrement entaché par ce qu'elle avait pu ressentir face au gouverneur. L'attitude de Milly ne la rassurait pas non plus. Est-ce que sa démarche était vraiment une bonne idée ?

Le prénom du Jisetsu signifiait « le magicien » dans une langue probablement morte.
Il était vrai que la consonance lui disait quelque chose, mais rien de bien précis. Encore une chose qu'elle ne savait pas et qu'elle se ferait une joie de découvrir ! L'homme ne lui tint pas rigueur quant à son comportement un peu décalé par moment, et au contraire lui assura que cela n'avait rien de bizarre. La question n'était pas qu'elle ne maîtrisait pas la langue commune, au contraire, c'était juste qu'elle trouvait que les mots ne suffisaient parfois pas à exprimer réellement le ressenti d'une personne. Il y a des choses que l'on ne peut dire avec des mots. Et parfois - voire souvent même - les Normaux utilisaient quantité de termes pour exprimer la même chose, et se plaisaient aussi à blesser leurs semblables avec ces mêmes termes. En fait, son plus gros problème était qu'elle ne comprenait pas pourquoi les gens s'encombraient de tant de mots pour une seule et même chose. M'enfin !

Ses yeux, des armes ?
C'est vrai qu'en regardant les choses de cette manière, oui, c'étaient des armes meurtrières.
Pourtant, du point de vue d'Ether, ces pupilles pouvaient permettre bon nombre de miracles ! Mais c'était encore son pacifisme qui parlait. Il fallait qu'elle se rende à l'évidence, la vie n'était pas comme elle le souhaitait ; Le monde voyait le mauvais avant le bon. Triste vérité. Les deux jeunes gens s'observaient mutuellement, ne sachant trop quoi chercher. Cet homme était intéressant à regarder, dans l'optique qu'il n'y avait absolument rien à voir. C'est à dire que, généralement, la blonde passait son temps à analyser le visage des humains pour mieux en comprendre les fonctions et les expressions. Mais là, Al Sa-Her n'avait pas la moindre expression faciale et c'était fascinant. Lorsqu'elle disait qu'il n'y avait rien à voir sur sa face, ce n'était pas péjoratif en soi, non, ce n'en était que plus fascinant. La jeune fille pourrait passer la journée à le regarder pour vérifier qu'aucune ride ne trahissait la moindre émotion. Le nukenin s'exprima ensuite avec des mots assez compliqués et la demoiselle eut du mal à suivre. Heureusement, elle avait comprit dans l’ensemble le message qu'il avait voulu faire passer.
La différence... Ether appréciait ce mot, ses sons et sa signification. Pourtant, il effrayait le reste du monde. Pourquoi ? En quoi ce terme était-il si négatif aux yeux des Normaux ? Le Jisetsu confirma ses soupçons quant à sa véritable nature et lui offrit son prénom de naissance, Uji, qu'elle accueillit avec respect. Donner son identité à un parfait étranger reste un moment unique dont il faut profiter. L'homme la trouvait intéressante pour sa différence. L'était-elle tant que ça ? Jurait-elle tellement avec le décor qui l'entourait ? Il fallait croire. Tout dans son attitude et sa manière de parler la distinguait de ses pairs. Etait-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Sur ces pensées, elle acquiesça à ses dernières paroles.

« S'limiter à des noms imposés, limite nos propres libertés. »

ça expliquerait pourquoi le nom Gogyou était très peu utilisé dans sa tribu, voire enfoui.
Bien sûr qu'ils étaient fiers de leur nature et de leurs origines, mais ce nom restreignait leur liberté, ce qui ne les empêchaient pas de le garder au fond de leur cœur. Il répondit ensuite à la question sur Michiki et confirma ses intuitions ; Il n'était pas digne de confiance. Il était même « fourbe ». C'était bien ça alors, le futur Mizukage était bien trop à l'opposé de leur manière d'être et de vivre pour s'engager auprès de lui. Comment une tribu pacifique comme la sienne pourrait accepter d'être utilisée comme une arme, alors qu'elle ne cherchait qu'à évoluer dans la paix ? Parce que c'était bien de ça dont il s'agissait. Quel intérêt aurait-il à accepter de vulgaires nomades au sein du village de la Brume, si ce n'est pour en exploiter ses capacités si particulières ? Il fallait vraiment que la nomade rejoigne son clan pour leur parler.

« Merci d'vot' réponse. J'm'disais bien qu'il espérait davantage d'nous que c'qu'il en f'sait paraître. »

Ether ne s'attendait pas à ce que Al Sa-Her se montre aussi coopératif, et il lui avoua également la raison de sa venue ici ; Une histoire de Dojutsu et de surpasser le pouvoir de son clan. Oh ? Ses buts à elle lui paraissait soudainement bien dangereux. Alors, il n'était pas là pour Kiri. Bon, d'accord. Dommage, ça aurait pu être sympa ! Enfin, si seulement sa tribu décidait finalement de s'installer sur le continent. Ensuite, il s'exprima à propos de sa particularité émotionnelle et expliqua qu'à cause – ou grâce ? - à elle, il n'était pas en mesure de le vivre bien ou mal. Non, il s'en fichait royalement à vrai dire. Et lorsqu'il rajouta que, au contraire, elle lui était bien utile dans le cas où il était capable de prendre des décisions inimaginables, elle l'observa avec curiosité. Mais il lui coupa l'herbe sous le pied et la coupa dans son élan, lui assurant qu'elle ne désirait absolument pas savoir de quoi il s'agissait... Bah euh, si justement ! Légèrement ennuyée, la jeune femme se contenta de hausser les épaules en souriant.
C'était marrant, parce qu'il avait toujours un air hyper sérieux. C'était un peu la tête de l'Ancien lorsqu'elle venait de lui faire une boutade et qu'il n'avait pas rit. En fait, ça donnait presque envie de le chahuter rien que pour rigoler. Héééé ! Est-ce qu'il réagissait aux blagues ? Ether était prête à lui faire une charade comme elle savait si bien les faire, mais le nukenin lui posa une question qu'il lui passa brutalement l'envie de rire. Toujours cachée derrière son éternel sourire, l'élémentaire écouta sagement ce que Al Sa-her avait à lui demander. Une question, il n'en avait qu'une seule ; A quel point pensait-elle être différente ? Son sourire joyeux devint plus énigmatique et elle jeta un œil autour d'elle, observant les Normaux ici présent.

Hormis l'enveloppe corporelle humaine qu'elle se plaisait à adopter pour des raisons évidentes de praticité, qu'avait-elle en commun avec ses voisins ? Ou plutôt qu'est-ce qui la différenciait tant d'eux ? Disparaître aurait probablement suffit à répondre à son interrogation, mais bien que la Gogyou s'était dévoilée à Michiki pour des raisons de négociations et que la Kaguya l'avait apprit par accident, personne n'était au courant. Peut-être que des gens s'en doutaient, mais ce n'était pas elle qui leur aurait dit quoi que ce soit. Alors pourquoi le dirait-elle à un homme rencontré dans une taverne loin de chez elle, hein ? Il faudrait la cuisiner davantage pour qu'elle ose dire ce qu'elle était. La jeune femme se contenta de reporter son attention sur le nukenin, silencieuse. Même si elle n'en montrait rien, Ether était lasse de devoir jouer à ce genre de jeux et cacher en permanence sa nature. Sa différence n'était pas si importante au fond, mais les humains aimaient détester ce qui ne leur ressemblait pas. Et malheureusement – heureusement ? - pour son clan, ils n'étaient pas leur reflet exact. A quel point était-elle différente d'eux ? Bonne question. L'élémentaire baissa brièvement les yeux sur ses mains bandées, puis les posa à nouveau sur son interlocuteur. Son sourire avait inconsciemment perdu de son éclat. Allait-elle vraiment faire ce qu'elle pensait faire ?

« J'pense pas être la mieux placée pour répondre à vot' question. 'Suis sûre que n'import'qui ici saura étrang'ment mieux parler de c'que j'suis qu'moi. Les autres savent toujours mieux qu'vous qui vous êtes qu'vous-mêmes. Enfin, ils s'plaisent à l'penser. », dit-elle en riant pour cacher sa soudaine tristesse.

Gogyou, monstre, erreur de la nature...
Apparemment, c'était tout ce qu'ils étaient ; Des abominations.
Vous aurez beau dire « hé j'suis pacifique, câlin ! », la réponse serait un visage déformé par la haine et la crainte, le tout ponctué par des insultes. Et ensuite, vous vous faites viré pour ce que vous êtes. En quoi ne faire qu'un avec les éléments de la Nature qui nous entoure était une monstruosité ? Les Gekei se transforment bien en animaux et les Aburame s'amusent avec des insectes ! Elle est où la différence s'il vous plaît ? Parce qu'ils sont à la limite des Djinns, non, ça le fait pas ? La logique humaine était épatante ! Mais heureusement, tous ne pensaient pas pareil. Allez... Faut bien commencer quelque part. Au mieux, il lui demande de partir, au pire, il la tue. Youpi. Quitte à jouer avec le feu, autant le faire en s'amusant. Son visage s'éclaira à nouveau.

« Z'êtes fort en charade ? », demanda Ether avant de rajouter, « Mon premier est un jeu chinois, mon second est une plante traditionnelle et mon troisième est un adverbe. Mon tout est c'que j'suis. », elle le regarda quelques instants et prit une bouchée de riz. « Elle est facile. »

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