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Sa main se tendait en arrière, prête à s'abattre sur ma joue tandis que je lui adressais toujours ce sourire provocateur. Il l'aurait fait si Kibo n'était pas entrée dans la ruelle, observant la scène loufoque qui se passait devant lui. J'avais presque envie d'en rajouter en annonçant au rêveur avec un air de chaton malheureux qu'il voyait le vrai visage de son maître : prêt à battre celle qu'il aimait.

Finalement le Yamada se stoppa dans son geste tout en soupirant comme pour faire évacuer la pression. C'était ainsi qu'il discutait désormais ? Il frappait avant d'avoir des explications ? Ne m'avait-il pas dit autrefois qu'il était de ceux qui réclamait de connaître les faits avant de punir ?! Et de quoi étais-je coupable cette fois-ci ? Hum... Peut-être parce que j'avais quitté Suna sans sa permission... J'avais oublié qu'il fallait que je lui demande l'autorisation comme une enfant voulant sortir de table... Je levais les yeux aux ciel dans une moue blasée a cette simple idée. Pourquoi m'étais-je un jour enticher d'un homme comme lui, si différent de moi ? C'était la question à un million de ryos et je voulais bien les donner à celui qui saurait me trouver la réponse !

Quand mon regard se posa de nouveau dans la direction de Kibo et Ema, ces derniers n'étaient plus là... J'arquais alors un sourcil avant de regarder Kioshi. Il m'avait déjà plongé dans ce genjutsu par le passé si bien que je le reconnaissais facilement. Nos invités n'auraient même pas le temps de voir que nous n'étions plus vraiment là puisque le temps ne s'écoulait pas de la même manière. Visiblement, le Kazekage voulait me parler et quelque chose me disait que ça allait encore chauffer pour mon matricule... mais qu'en avais-je à faire ?!

Je le regardais donc en retrouvant un semblant de sourire, attendant la suite, alors qu'elle ne tarda pas à venir puisqu'il me plaqua contre le mur tout en augmentant la température autour de nous. Je l'observais avec un regard aguicheur devant cette démonstration de brutalité qui avait le don de m'exciter et qui ne serait pas sans lui rappeler un certain ébat torride au détour d'une ruelle similaire à celle-ci alors que le soleil était encore levé...

Malheureusement, et bien entendu, le discours qu'il tenait en reprenant mes propres paroles laissaient plutôt suggérer que la discussion serait plus houleuse que sensuelle... Au contraire son regard était dur, sa voix froide et il haussait même le ton alors qu'il manquait presque de pleurer. J'avais envie de faire un commentaire désagréable comme quoi le Kazekage ne devrait pas pleurer et faire preuve de faiblesse mais je m'abstenais pour une raison aussi étrange que précédemment quand je n'avais pas su me montrer virulente... Bon sang... Ce désagrément qui ne se produisait visiblement qu'avec lui était somme tout problématique...

Jeter sa confiance aux ordures... Jouer avec ses sentiments... ? J'avais fait ça moi ?! Pour le coup j'arquais un nouveau sourcil l'air dubitativement sincère.

« Ta confiance ? En quoi ne l'ais-je pas respecté ? Je suis désolée mais il va falloir éclairer ma lanterne... »

Je marquais une pause avant de reprendre.

« Quant au fait de jouer avec tes sentiments... Je suppose que tu parles du baiser public ? Si tel est le cas je ne vois pas pourquoi je ne m'octroierais pas le droit de témoigner l'amour que je porte... Enfin... Il en serait ainsi si tel était le cas mais tout le monde sait que les sentiments ne sont qu'un ramassis d'ennuis et de faiblesses ! »

Mon regard était des plus sérieux sur cette révélation qui avait l'air de le piquer au vif.

« Quant à ceci... »

Disais-je en prenant l'une de ses mains pour faire descendre ses doigts sur ma nouvelle cicatrice.

« Ne la voit pas d'un mauvais œil. C'était la mise en danger nécessaire à ma survie... »

Exprimais-je presque sur le ton de la confidence sans une once d'amusement désormais mais au contraire un timbre solennel. Je faisais en sorte de me dégager ensuite du mur et de son emprise, sans agressivité, pour reculer de quelques pas de lui tout en me penchant légèrement en avant les mains dans le dos, insouciante et souriante :

« Le temps passe lentement ici non ?! Ma vie possède désormais le même rythme de croisière... »

L'immortalité m'appartenait. Le temps ne m'était plus compté...

La première chose qui me frappait était son sourire. Depuis tout à l'heure il était énervé et voilà qu'il s'était radouci alors qu'il avait envie compris l'origine de cette balafre disgracieuse. Il était content... pour moi ? Parce que la maladie ne m’atteignait plus ? J'aurais presque pu en être touchée – comme en témoignait mon air hagard de quelques instants – si ce nouveau cœur ne m'en empêchait pas. Je me contentais donc de conserver cette expression tout le temps où il s'approcha de moi avec cette attitude avant de se stopper. Ce fut ce geste qui reconnecta mes neurones et me fit étirer un nouveau petit sourire. Ouf... Décidément, je préférais débattre et témoigner par les mots que de le voir s'y mettre par les gestes...

« J'étais mourante... donc faible. »

Me contentais-je de répondre.

« Etre consolée : non. Que l'on se souvienne de moi : possible... Après tout, l'ancienne moi craignait plus que tout la solitude... »

Oui l'ancienne moi...
Il semblait se décomposer à mesure qu'il parlait, tirant bien vite un trait sur son esquisse de sourire trahissant sa joie en apprenant la nouvelle de ma guérison.
Il exprimait même son désarroi en écartant les bras en croix tout en me demandant d'aller jusqu'au bout et de détruire cette faiblesse. Les bras hein... Nous nous trouvions bel et bien dans un genjutsu pour qu'il en dispose de deux. Cette vision me faisait pencher la tête sur le côté en conservant un fin sourire.

« Une croix hein... Face à une Ketsueki... Quelle faute de mauvais goût... »

Commençais-je tout en m'approchant de lui. Il voulait que je transperce son cœur non ? Il fallait bien que je fasse quelques pas dans sa direction donc...
Je me retrouvais finalement à sa hauteur, le contemplant dans les yeux.

« Tout cela n'est qu'une illusion. Même la mort ici est éphémère. Tue moi si cela soulage ta conscience... »

Je tirais un kunai de ma poche et le laissait courir sur sa chemise à l'endroit où reposait son palpitant. Je ne le blessais ni même n'appuyais pas assez fort pour découper le tissu. Mes yeux écarlates rivés aux siens, de même teinte, je laissais planer le silence avant de retourner la lame contre moi et de rouvrir ma cicatrice. Je n'éprouvais aucune douleur dans ce monde illusoire et il fallait qu'il comprenne.

Je plongeais ma main dans ma cage thoracique, laissant mon sang jaillir dans un flot impressionnant et arrachais mon cœur dans cette vision d'horreur. Le palpitant continuait à battre au creux de ma main tandis que je lui expliquais, parfaitement normale – si tant est que la normalité était quelque chose que l'on pouvait m'attribuer... -

« Il appartient à toutes les générations de Comtes avant moi. Il est celui qui chasse mes maux et m'en octroie de nouveaux... Yami n'a plus son cœur. Celui là ne lui appartient pas... »

Ce n'était plus celui qui avait toujours battu dans la poitrine de l'ancienne moi. Ce n'était pas moi qui était différente : c'était mon cœur et son histoire qui avait changé.

Je lui tendais littéralement mon nouveau cœur tout en ajoutant :

« Toi vas y. Transperce ce cœur qui ne m'appartient pas mais qui me confère la vie si cela te défoule ! Tu pourrais même le faire avec le katana de Zanshi... »

Lui glissais-je en observant l'arme à sa taille.
Quelle symbolique...

Le désespoir se peignait sur son visage mutilé par l'angoisse. Il ne cherchait plus qu'à fuir comme un enfant apeuré par une sinistre vérité. En était la preuve ses suppliques incessantes pour que je ne prenne plus la parole, comme s'il ne pouvait en supporter davantage, atteignant les limites qu'il pouvait supporter.

Cela était intéressant à regarder. J'apprenais de son comportement et jusqu'où il était capable d'aller. Il me forçait même au mutisme par une nouvelle illusion prise dans la première. Je ne pouvais littéralement plus sortir aucun son, sentant le poids invisible d'une barrière éphémère.
Qu'à cela ne tienne, je n'avais plus besoin de parler : j'avais dit l'essentiel, le reste lui appartenait. Et puis... les mots n'étaient pas les seuls à pouvoir exprimer des choses...

La rage grondait dans sa voix, s'élevant de manière croissante comme la température à mesure que les secondes défilaient. Il me posait des questions auxquelles il n'attendait visiblement pas de réponse puisqu'il m'en avait destitué la possibilité. Toutefois, la moue joyeuse que j'arborais suffisait sans doute à lui répondre. Si j'étais heureuse ? Jamais je ne m'étais sentie aussi bien ! Sans cette souffrance, cette agonie que je ne parvenais presque plus à ressentir tant je m'y étais habituée avec le temps mais que mon corps ne parvenait plus à supporter. J'étais guérie ! Comment cela ne pourrait-il pas me rendre heureuse ?! Toute la faiblesse de mon corps et celles de mon âme, avait été balayé par le rituel de l'ascension ! J'avais juré de mener les miens sur un tout nouveau chemin de grandeur, sans commettre les erreurs du passé ni même sans m'y appuyer : me tournant simplement vers un avenir que je créerais de toute pièce.

Pour autant, comme me l'avait appris mon père, j'étais désormais immortelle mais pas pour autant invincible ! Je ne devais pas me sentir supérieure au point d'en sous estimer mes ennemis : c'était l'erreur majeure qu'avait commise mes aïeux...

La lame sortait de son fourreau, prête à frapper mais encore avec hésitation alors qu'il m'exposait celle que j'étais autrefois tout en décrétant n'être aujourd'hui plus que ce que j'avais toujours détesté. Peut-être que cela avait été le cas un jour mais maintenant que j'y étais je ne trouvais plus cela si désagréable que cela... En fait je m'y habituais même au point de ne plus vouloir m'en passer !

J'esquissais un nouveau sourire provocateur avec l'intime conviction que cela parviendrait à le faire flancher et à aller jusqu'au bout de son geste. Ses yeux de rage meurtriers ne demandaient qu'à détruire l'entité qui se trouvait devant lui : celle là même qu'il ne reconnaissait pas et dont il ne voulait pas.
Mon geste eut l'effet escompté, la lame de sa très chère Ecarlate transperça ce cœur avec symbolique. Mon sourire restait figé alors qu'un mince filet de sang s'écoula au coin de mes lèvres, les yeux vacillants dans le vague. Peut-être que cela m'aurait fait mal et même détruit s'il avait s'agit de mon propre cœur mais celui là, celui ayant appartenu aux générations de détenteurs du pouvoir dans ma famille était dévoré par les actes impies qui constituaient notre héritage. Son geste ne m'inspira qu'un petit rire goguenard étouffé par cette mort illusoire.

L'univers factice vacilla finalement, nous laissant rejoindre la réalité de cette ruelle depuis laquelle les brouhaha de la fête nous parvenaient. Kibo et Ema étaient là. Mon regard dans le vague se porta sur Kioshi alors que je sombrais dans l'inconscience.

Je ne savais pas combien de temps s'était écoulé depuis mon évanouissement. Lorsque j'ouvrais les yeux à nouveau, je fus aveuglée par une lumière bien trop blanche dans une salle si sombre. Je voulais instinctivement me protéger avec mes bras pour m'habituer à la luminosité mais ceux si furent retenus par des entraves. Je baissais le regard pour apercevoir alors qu'ils étaient attachés à une chaise, tout comme mes jambes. Ma langue roulait dans ma bouche en touchant la peau de ma joue pour exprimer mon agacement. Un interrogatoire... Sérieusement ?! N'avait-il pas fait comprendre qu'il ne voulait plus m'entendre ?! Pire encore, cette pièce sombre et exigu : je la connaissais. Si bien que je cherchais a me pencher pour regarder a travers la fenêtre obstruée par un mince interstice si le ciel était désormais vert et comportait plusieurs lunes...

Kioshi se tenait non loin de moi tandis que je soupirais et lui adressais un nouveau sourire :

« Mes sous vêtements sont violets... »

Autant gagner du temps : il verrait très bien de quoi je voulais parler ! Après tout, n'était-ce pas avec une question concernant la couleur de mes dessous qu'il avait tenté de me faire perdre mes moyens le jour de notre rencontre alors que je souhaitais rejoindre le Kakumeigun ?! Bien évidemment il ne me connaissait pas encore à l'époque pour me croire incapable de lui donner un visuel plutôt qu'une réponse gênée...

Je ne pensais pas que lui annoncer la couleur lui provoquerait une réaction... si vive. La gifle partait, tout comme ma joue qui en avait suivi le mouvement et qui me laissait une impression échaudée : je ne pouvais pas le voir mais j'étais certaine d'avoir l'empreinte de sa main gravée sur mon visage.

Je retenais mon souffle un instant tout en me raidissant. D'accord... Je n'avais plus du tout envie de jouer désormais... Lui semblait dans un état de crispation avancé : on aurait presque dit un junkie en manque tant il ne paraissait être plus que l'ombre de lui même... Tiens donc mais ce n'était pas mon rôle ça normalement ? Etre son ombre... C'est bien ce qu'il m'avait demandé dans cette pièce à l'époque.

Lorsqu'il ouvrait la bouche à nouveau, je comprenais enfin pourquoi cette agitation : il me reprochait d'utiliser des souvenirs qui, vraisemblablement, ne m'appartenait pas.

« Et qui crois-tu que je suis dans ce cas ? Pas Megami en tout cas si c'est ce que tu laisses suggérer... »

Me contentais-je de lui répondre.
Entre temps il avait quitter la source de lumière pour se retirer dans l'ombre en dégainant sa lame. Pourquoi s'était-il exilé dans l'obscurité pour le faire ? Lui même ne voulait pas se voir dégainer son arme ? Pourtant il la verrait bien lorsqu'il la retournerait contre moi : et nul doute qu'il allait le faire.

Il avait également retiré sa toge de Kage, se présentant a moi en tant que Kioshi et non en tant que Kazekage. Tant mieux ! C'était après tout le premier qui était concerné.
L'acier pointa dans ma direction tandis que je l'observais avant de relever le regard vers lui, aucune crainte dans les yeux comme dans la voix ni même d'animosité ou de provocation mais un simple ton neutre comme pour une conversation banale.

« Te rendre ta Yami ? Je ne l'ai jamais prise. Je suis Yami. Ta Yami. Comme tu le dis... »

Que pouvais-je lui dire d'autre alors qu'il s'entêtait à croire le contraire ?
Je levais les yeux au ciel.

« Cela devient pénible... C'est moi ! Un point c'est tout ! Tu veux des preuves ?! »

Je soupirais.

« Très bien. L'aphrodisiaque, la danse du ventre, le petit déjeuner, les brûlures sur les bras en allant chercher mon kuchiyose, les brochettes de scorpions grillées : les pinces et la queue, mes visites quotidienne dans ta tente pour t'apporter a manger, la ruelle, l'oasis, Yuki no Kuni, tes visites à l'hôpital, ma visite en solitaire chez tes parents dans le désert … blablabla et encore bien d'autres. »

Je levais les yeux en fouillant dans ma mémoire pour évoquer des moments et des souvenirs que nous avions ensembles ou qui s'y rapportaient : et il y en avait !

« Certains étaient heureux mais beaucoup se sont soldés par des disputes ! »

Il aimait l'atmosphère conflictuelle visiblement pour toujours la rechercher... Pourquoi est-ce que j'étais attachée à une chaise dans ce cas ? Il y avait mieux comme ambiance chaleureuse !
J'observais une nouvelle fois sa lame et la désignait du menton :

« Alors ? C'est quoi le plan ?! »

S'il voulait faire quelque chose qu'il le fasse ! Nous n'allions pas y passer la nuit...
J'esquissais un sourire avant de me mordre la lèvre inférieure au sang pour en faire léviter le mince filet qui s'en échappait jusqu'à le faire claquer sur l'entrave de mes mains afin d'en libérer une : je ne comptais pas vraiment m'éterniser ici pour ma part...

« Dans la voie de shinobi l'humanité se fait rare... Penses-tu vraiment que celle que tu appelles l'ancienne Yami était un exemple d'humanité ? Tu es bien naïf si tu crois qu'un Ketsueki ne satisfait pas sa soif de sang... »

En effet, des frasques j'en avais commise plusieurs. Cela passait par le massacre de mes ennemis en y prenant bien mon temps et un certains plaisir non dissimulés, mais le sang des innocents avait aussi parfois coulé...

Lorsqu'il me présenta son cou j'arquais un sourcil.

« Non. C'est gentil mais je n'ai pas soif... »

C'était catégorique. Pourquoi le ferais-je ?
Seulement je n'avais pas compris que j'y étais forcée comme en témoignait la lame qui traversa ma cuisse suite à mon refus. Sous la surprise, je grimaçais sans crier mais mon regard exultait de rage comme une bête enchaînée et désormais blessée. Mes yeux n'exprimait plus qu'une chose : la vengeance et la mort...

La douleur était lancinante et bon nombre de mon hémoglobine s'échappait de mon corps. Je la contrôlais pour me libérer de mes entraves et repousser mon bourreau pour mieux fondre sur lui, la lame toujours plantée dans cette plaie béante.
Mon sang virevoltait au dessus de lui comme autant de pieux menaçant de le transpercer tandis que mon visage exprimait toute l'étendue de ma rage, la mâchoire serrée.

Je l'avisais dans cette atmosphère de jugement dernier, prêt à le découper de toute part. Ma respiration était plus lourde et même si j'étais déterminée je ne m'étais toujours pas exécutée comme hésitante à l'idée de prendre cette vie alors que j'en avais déjà pris des milliers d'autres avant lui...

Il riposta le premier d'une manière me prenant au dépourvu. Ses lèvres se déposèrent sur les miennes tandis que je percevais le goût de son sang... Il s'était délibérément ouvert la bouche pour que j'en prenne. La rage retombée pour laissée place à la surprise un instant, je le repoussais vivement tout en me retirant moi même en arrière, adossée contre le mur adjacent. Je l'observais, les yeux hagards et le souffle court alors que des émotions qui ne m'appartenaient pas m'assaillaient. J'avais pris de son sang de nombreuses fois et le lien que j'avais avec lui se trouvait être le plus fort à tel point que j'étais capable de percevoir ses sentiments à travers son hémoglobine. J'étais assaillie par l'inquiétude, l'espoir et l'amour aussi : tout autant d'émotions contradictoires qui mettaient mon esprit en déroute.

Cherchant à oublier tout cela, je m'essuyais la bouche d'un revers de main et avalais plus d'une fois ma salive pour en chasser ce goût si familier et dérangeant. J'en profitais également pour retirer la lame de ma cuisse, me faisant étouffer un cri de souffrance avant de déchirer un morceau de tissu de ma manche pour en faire un garrot sommaire. J'aurais très bien pu me soigner mais je voulais conserver de mon chakra et surtout : je voulais conserver une cicatrice, qu'il se souvienne à jamais de ce qu'il m'avait fait pour me récupérer.

J'aurais pu prendre l'arme et la retournée contre lui, cela aurait été assez ironique, mais je n'en avais pas le cœur et n'en fis rien. Au contraire, je me relevais et lâchais le katana au sol avant de m'enfuir, claudiquant dans la nuit. Je préférais les toits pour moins me faire remarquer par les passants se promenant et usais toujours de mon chakra pour faire couler mon sang normalement malgré l'artère sectionnée sans quoi je me serais déjà effondrée pour sombrer dans la mort.

J'étais perdue. A mesure que je courais sans vraiment savoir où je me rendais : le manoir étant bien trop évident pour qu'il m'y poursuive, des bribes de souvenirs m'étaient renvoyés. Des images des moments que j'avais passé avec lui, que j'aimais, et avec mes amis. Je revoyais la façon dont je les avais traité en les revoyant depuis ma guérison aussi, un comportement insupportable dont j'étais la première sciée, meurtrie et vengeresse envers moi même. De violents maux de tête, suite à ces chamboulements comme à mon utilisation constante de chakra, me prirent si bien que je portais l'une de mes mains à ma tête.

Je descendais finalement du toit pour me retrouver dans une ruelle déserte, posant une main contre le mur en reprenant mon souffle alors que mon garrot était trempé et que de minces filets continuaient à s'en échapper pour ruisseler le long de ma jambe. Je rouvrais finalement les yeux après avoir perçu sa présence. Il n'était pas loin. Je le sentais tout proche à travers notre lien de sang et lui m'avait probablement pisté avec ses dons de senseurs. Un mince sourire s'étira sur mes lèvres tâchée d'hémoglobine qui s'en écoulait également le long de ma bouche.
Peu importe où j'irais : il me retrouverait et peu importe où il serait je percevrais sa présence...

Mon cœur corrompu par des siècles d'hérésie battait à tout rompre dans ma poitrine. Mon père me l'avait confié non pas pour me soigner mais pour se débarrasser de cette puissance invasive et aliénante : j'en étais persuadée. Cela aurait été stupide de croire qu'il avait pu se soucier de moi au point de me confier le cœur immortel... J'étirais un sourire d'amertume à cette pensée tout en me laissant glisser le long du mur de la bâtisse pour m'asseoir sur le sol alors que Kioshi approchait.

J'étais désormais sauve et possédais l'immortalité. J'avais toujours crains le temps qui passait et qui me conduisait indéniablement vers ma mort alors qu'aujourd'hui je n'appréhendais plus ce même temps qui n'avait plus d'emprise sur moi...
Ce que je craignais en revanche, c'était la force qu’exerçait ces guides spirituels, anciens Comtes Ketsueki et dirigeants de mon clan depuis sa création, et qui n'avait de grandeur que la folie qui les avaient conduits à leur perte.

Lorsque le Yamada s'approcha de moi, je relevais simplement la tête, plantant mon regard dénué d'animosité dans le sien.

« Je ne veux pas me battre contre toi... »

Me contentais-je d'avouer avec une voix emprunte de peine.

« Nous nous sommes assez déchirés comme cela toi et moi... »

Je repensais à ma rencontre avec lui quand je voulais rejoindre le Kakumeigun et de tout ce qui en avait découlé. Ma rupture avec Shinji aussi qui m'avait brisé en deux alors que j'étais déjà ravagée par le fait que Megami prenait l'ascendant sur mon esprit pour contrôler mon corps, une fois de plus. Kioshi m'avait appris a faire confiance et à me confier sur mes problèmes. De mentor il était devenu mon confident, mon ami et puis mon amant. Il avait toujours été là pour moi tout comme je m'étais toujours tenue à sa disposition et avais même plus récemment imposée ma présence chaque jour auprès de lui pour lui rappeler qu'il n'était pas seul lorsqu'il brouillait du noir à son tour. Nous partagions depuis toujours le même désir : aimé et être aimé en retour. Lui par l'Ecarlate et moi par lui... Les choses avaient peu à peu évoluées dans ce sens jusqu'à aujourd'hui. Notre rencontre n'était pas simplement le fruit du hasard : elle était la mise en relation de deux âmes torturées. L'un par sa culpabilité de bons nombres de choses et ce sentiment d'être affreusement seul tout en étant entouré et l'autre par sa culpabilité de ne rien connaître aux conventions sociales et aux sentiments ainsi que par cette solitude persistante et de rejet d'autrui qui était bien réel...

J'étais autrefois seule et prisonnière de mon propre monde que je m'étais bâtie pour fuir celui auquel je ne comprenais rien et ne pouvais me mêler. Mais Oniri était apparue dans ma vie et m'avait appris l'amitié et le plaisir. Shinji m'avait appris l'amusement et la spontanéité. Kioshi m'avait appris la confiance. Ogami m'avait appris la fraternité. La m'avait appris ce qu'était la Famille à travers les liens du sang ainsi que l'inquiétude. Tetsui m'avait appris à protéger ceux que j'aimais au péril de ma vie comme s'ils étaient l'essence même de mon existence... Et tous, il m'avait permis une chose... Grâce à eux je m'étais appris l'attachement.

Et alors que je regardais le Yamada tout en repensant à tout cela, un sourire chaleureux se dessina sur mon visage et des larmes ruisselaient le long de mes joues...

Il n'avait jamais voulu me faire de mal et pourtant... Y avait-il été contraint ? Ne voyant guère d'autre option dans ce sentier de perdition que je le forçais à arpenter avec moi ?
Tout en clamant cela, il s'agenouilla face à moi pour soigner ma blessure. La chaleur qui se dégageait peut-être inconsciemment de sa paume eut le don de me faire quelque peu grimacer tandis que cela éveillait en moi de nouveaux souvenirs.

« Tu te souviens ? C'est toi qui m'a appris la médecine. Tu es même allé jusqu'à t'injecter un poison pour que je te guérisse alors même que je débutais tout juste... »

Repenser à cela me fit étirer un sourire.

« Tu fais définitivement trop confiance aux gens Kioshi... »

J'aurais pu ne pas réussir à le soigner ou même vouloir le laisser succomber de cette dose mortelle. Il aurait certainement pu s'en débarrasser mais il avait tout de même souffert le temps que je l'en libère. Il m'avait fait confiance, à moi, une Ketsueki.

Son front se posa contre le mien après cela, expirant longuement tout en me démontrant de l'affection. Il m'avait blessé mais ses sentiments n'avaient pas changé pour autant... C'était même à cause d'eux qu'il en était venu à une telle extrémité. Je ne lui en voulais pas. Des blessures, en tant que shinobi, j'en aurais bien d'autres. Toutefois, je savais à quel point il n'aimait pas voir de nouvelles marques apparaître sur mon corps, cela lui rappelait sans doute qu'il n'était pas parvenu à me les éviter. Pourtant il n'en était en rien fautif mais il était ainsi, il portait le fardeau des autres sur ses épaules, quitte à le faire s'effondrer lui même.

Ses yeux se rouvraient, solennels, alors qu'il me posait une question dont il attendait beaucoup de la réponse. Qui suis-je désormais ? Yami... comme depuis toujours... Je n'avais pas changé, c'était mon cœur qui l'avait fait...

« Moi même. »

Lui répondais-je tout en l'observant dans les yeux avec intensité avant de reprendre.

« Je crois... »

Une part de mes sentiments étaient revenus, je savais que je tenais à lui plus que tout, et à d'autres, pour autant une sensation de vide demeurait sans que je ne puisse la décrire. Je ressentais toujours la présence pernicieuse et aliénante de mes aïeux ainsi que de leurs siècles de massacres et de trahison pour gravir les échelons. Ils ne partageaient pas mon corps mais mon esprit et des vestiges de leurs vies semblaient ressurgir de temps à autre, me laissant en proie aux doutes.

« Je ne suis plus touchée par la maladie, mon temps n'est même plus compté mais on dirait bien que je dois composer avec un autre genre de malédiction... »

Je soupirais, perdue et chamboulée avec les événements alors que, heureusement, comme toujours, il était là pour m'empêcher de sombrer.
Mes mains se nouèrent autour de sa nuque alors que je commençais à être en proie à la fatigue, laissant ma tête reposer contre son épaule.

« Mon père ne m'a pas sauvé par altruisme. Il y voyait là une bonne occasion de se débarrasser du fardeau de nos ancêtres. J'en suis persuadée... »

Est-ce que je me sentais trahie pour autant ? Non... Il avait agit dans son propre intérêt tout en servant le mien, cela m'allait donc même si je déplorais une certaine amertume à l'idée qu'il ne l'avait pas fait pour moi.

« Jamais plus je ne pourrais récupérer mon cœur... Mais cela n'a pas d'importance car il t'appartiendra toujours... 

Déclarais-je en posant une main sur sa joue, le regard de nouveau plongé dans le sien.

Conciliant et soucieux comme à son habitude, Kioshi me demandait si je souhaitais qu'il retrouve mon père : pour quoi faire ? A quoi cela servirait-il ?

« Je préfère laisser les problèmes là où ils sont. »

Et mon père en était un sacrément costaud... Je ne doutais pas des capacités du Yamada mais je ne voulais pas qu'il ait à affronter mon paternel : il aurait choisi la discussion et une approche pacifique teintée d'amertume quand mon père lui n'aurait pas hésité à se débarrasser de lui comme bons nombres des personnes : civils comme shinobis, qu'il avait massacré durant son siècle passé d'existence.

Il demeurait attentionné, là aussi comme à son habitude, et m'aidait à me relever avant de vouloir me porter probablement à cause de ma blessure à la cuisse qui était pour moi comme pour mon corps, de l'histoire ancienne, malgré la marque qui y resterait comme bonne preuve des événements. J'arquais un sourcil et lui lançait un regard consterné.

« Je peux marcher tu sais... »

Mais bien sûr il fallait qu'il me protège toujours, me couvre pour m'éviter tout tracas, tout danger ou toute blessure, quitte pour cela à m'étouffer et me priver de ma très chère liberté. Nous avions déjà eu une discussion à ce sujet et une fois de plus celle-ci s'était montré houleuse. Autant dire que je n'avais aucune envie de débattre une nouvelle fois : pas ce soir après tout les états d'esprits par lesquels j'étais passés et qui m'avaient éreinté.

Je le laissais donc faire, trop fatiguée pour m'engager dans la pente de la dispute même si je n'en pensais pas moins. Il s'arrangea pour sécuriser le périmètre de notre marche avec des clones : il n'aurait plus manqué que l'on me voit déambuler dans les ruelles de Suna de nuit dans les bras du Kazekage... Mon autorité en prendrait un sacré coup et je ne tenais pas à ce que cela change. Il n'y avait qu'avec les personnes que j'affectionnais que je me dévoilais sous un nouveau jour. Un jour porteur d'humanité et de sentiments alors que j'étais et serais toujours quelqu'un de froid et sans pitié pour les autres. Une chose était en revanche commune à tous : j'agissais ou faisais mes choix toujours dans mon intérêt et par extension, celui de mon clan.

Si bien que lorsque je me surprenais à être heureuse de le voir si souriant et qu'il m'annonça que nous allions « chez nous », je crus manquer un battement.

« Chez nous ? »

Répétais-je interloquée et un brin prise par la panique.
Il était évident qu'il ne parlait pas de son installations au manoir – que je n'aurais de toute façon pas souhaité puisque hébergé le Kazekage parmi les miens était bien trop risqué pour les deux parties – mais de la mienne...

« Moi ?! Dans le quartier Yamada ?! »

J'écarquillais les yeux de stupeur.

« Tu as perdu l'esprit ?! »

M'empressais-je d'ajouter.

« Ma place est auprès des miens, dans le manoir. Crois-tu seulement que je désire vivre dans une tente ?! »

Je ne voulais pas jouer les Comtesses mais les faits étaient tout de même là. J'appartenais à un clan noble et le manoir était ce que j'avais toujours connu en dehors de l'orphelinat. Il n'était pas question que je troque ma vie de château désert pour une tente dans le désert !

« Ce mode de vie te convient, et j'en suis heureuse pour toi, mais cela n'est pas mon cas. Ni maintenant, ni jamais. »

Mon ton était catégorique : jamais cela n'arriverait. Non seulement ce n'était pas du tout à l'ordre du jour mais je me voyais d'autant plus éprouver quelques difficultés à continuer mon éradication des Jashinistes en habitant dans la tente du Kazekage...

Puisque je me doutais que mes paroles ne lui donnait guère plus envie de me prendre dans ses bras – ce qui au fond me ravissait – j'en descendais de moi même, retrouvant le plancher des chameaux sous mes pieds et commençais à faire quelques pas peu assurés sous la douleur lancinante que je ressentais encore mais qui ne m'empêcherait pas pour autant d'avancer. J'avais affronté la maladie au quotidien : cette blessure sommaire ne saurait jamais l'égaler en terme de souffrances...

J'avais beau aimer le Yamada il ne pouvait me l'imposer car jamais je ne pourrais renoncer non pas à mon confort de vie mais à l'héritage des miens ni même dénigrer les vestiges de notre puissance pour tomber en désuétude et vivre entre quatre morceaux de tissus : ma fierté, mon égo et mon éducation m'en empêchait de façon viscérale ! Ô grand jamais je ne me résoudrais à tomber si bas...

Je soupirais avant de poursuivre ma route vers mon vrai chez moi.
Il était Yamada, j'étais Ketsueki. Il vivait à travers la lumière de son coeur et je vivais dans l'obscurité de mes actes. Certaines choses pouvaient changer mais d'autres ne le pourraient jamais...

Je n'avais pas fait dix pas qu'un autre Kioshi venait me barrer la route. Je m'apprêtais à m'insurger malgré le fait que je m'attendais ce qu'il fasse quelque chose du genre, lorsque je fus prise de cours lorsqu'il posa un genou a terre, la mine sertie d'un sourire que je ne lui avais que peu connu, les paumes en l'air comme s'il était en train de me vénérer ou quelque chose de cet acabit qui était franchement dérangeant.

J'arquais un sourcil avant de voir ce qu'il tenait dans sa main : un anneau. J'écarquillais les yeux de stupeur devant cet objet. Etait-il sérieux ? Nous venions de nous disputer pour la énième fois après m'avoir planté le katana de son ancienne concubine dans la cuisse et voilà ce qu'il me proposait ?! Je devais rêver … Oui en fait toutes ces émotions en si peu de temps m'avaient fait sans doute perdre l'esprit si bien que ce que je vivais en ce moment n'était pas réel ! Non ça ne pouvait pas l'être ! En fait j'étais même peut-être prisonnière d'un genjutsu !

A vrai dire, voir le Kazekage un genou à terre devant moi avait quelque chose de galvanisant et flatteur mais celui qui était devant moi était Yamada Kioshi, l'homme pour lequel j'avais des sentiments et non pas le Kazekage : il était simplement lui même.
Je tournais la tête pour regarder derrière moi et observer un Kioshi bien différent et opposé a celui qui se tenait fièrement au sol devant moi. Le véritable Yamada avait vraisemblablement compris la portée de mes mots mais il n'avait pas pour autant empêcher ou interrompu l'action de son clone.

J'étais prise au dépourvue et ne savais pas vraiment comment réagir. Ma tête me lançait tout comme ma blessure fraîchement refermée, j'étais éreintée et perdue face à tous ces événements et ne voulais plus qu'une chose : qu'on me fiche la paix.
Voir la plaque en partie détruite autour du cou du clone ne m'aidait d'ailleurs pas tellement... Ce bijou fort en symbolique qu'il me présentait avait été façonné a partir d'un autre qui l'était tout autant pour le Yamada. Autant dire que c'était LA preuve de ses sentiments à mon égard : le genre de preuve que j'avais attendu plus d'une année. Etais-je pour autant encline à cela ? Non...
Les choses avaient changé et tout demeurait encore confus dans mon esprit à peine retrouvé et rétabli mais évidemment il avait choisi ce moment et ce moyen...

Kioshi avait la manie de brider ma liberté sous couvert de ma protection par crainte qu'il m'arrive quelque chose or j'étais shinobi et cette voie était faite de risque tout comme la vie en général et jamais il ne parviendrait à me maintenir en cage, quel que soit son discours, ses méthodes, ou son autorité ! Et il pensait au mariage ? Pourquoi ne pas continuer à vivre notre relation comme nous l'avions toujours fait auparavant ? Cela lui serait peut-être profitable mais pour moi cela l'était beaucoup moins...

Mon intérêt et celui du clan passait avant tout le reste et je n'étais pas convaincue qu'être l'épouse du Kazekage Yamada soit très bien perçu au sein des miens. Notre relation ne l'était déjà pas. Ma crédibilité chuterait sans aucun doute alors que les tentatives d’assassinats pour prendre la place de « la cheffe de clan incompétente et ramollie, aveuglée par ses sentiments» grimperaient en flèche.
Cela dit, ils pourraient également voir cela comme une opportunité... Après tout, rien n'était plus haut dans l'échelle que d'être l'épouse du Kazekage à défaut d'être lui-même, ce qui donnerait, par extension, plus de pouvoirs aux Ketsueki et de possibilités - cette perspective avait quelque chose d'alléchant : je devais bien l'avouer -.
Kioshi se laissait, de surcroît, facilement influencer par ses émotions...
A contrario, cela se montrait plus difficile encore de s'aventurer dans Kaze pour rayer de la liste les personnes que je voulais six pieds sous terre...

Quoi qu'il en soit, il n'était pas question que j'investisse le quartier Yamada même s'il me prenait l'envie d'accepter sa proposition !
Je l'aimais mais... l'engagement ? Rien que d'y penser cela me donnait des frissons d'angoisses... Brrr … Mais... s'il fallait se sacrifier et renier ses principes pour le bien du clan... Dans ce cas...

Je me retournais vers l'original et l'unique version pour laquelle j'éprouvais des sentiments et m'adressais à lui depuis ma position éloignée de quelques mètres.

« Une pale copie n'obtiendra pas de réponse... »

Là dessus je me remettais en marche, passant a côté du clone joyeux, alors même que la situation ne s'y prêtais absolument pas, sans un regard.
Pourquoi tout était si compliqué ? Pourquoi rendait-il tout cela compliqué ?!
Je serrais les dents et les poings tout en soupirant, continuant ma route, ne pensant plus du tout à la douleur lancinante de ma cuisse.
J'avais besoin de plus de temps pour réfléchir à la question et reconsidérer sa proposition. Peser le pour et le contre de celle-ci et donc les sacrifices comme les bénéfices que je pourrais en tirer. Définitivement trop de choses s'étaient passés et je n'avais guère les idées en place pour y pousser ma réflexion...

J'étais rentrée sans qu'il ne me suive ce qui en soit relevait sans doute du miracle le connaissant... Toujours était-il que je n'avais pas traînée à me caler confortablement dans mon lit afin de débuter ma nuit.

Bien entendu, je ne réussissais pas à m'endormir, ma tête regorgeant de pensées à l'égard de ce qui s'était passé et à vrai dire je n'évoquais pas là la demande de Kioshi non, cela était bien secondaire comparé aux fragments de mes sentiments et mon humanité qui avaient refait surface... J'étais perdue et indécise. Je n'étais pas totalement comme avant mais je n'étais plus comme avant hier non plus et ne pouvais nier l'attachement que j'éprouvais envers certains...

Je déglutissais. J'avais besoin de conseils mais j'étais au demeurant une fois de plus seule. J'ignorais ce qu'il était advenu de mon père depuis qu'il m'avait confié le cœur immortel, ni même s'il était encore en vie, bien que je doutais du contraire : jamais il ne m'aurait sauvé si cela aurait signifié donner sa vie en retour, il n'était pas assez bienveillant et touché par les émotions pour cela, à contrario de moi...

Je soupirais. C'était cette faiblesse pour une Ketsueki qui faisait également ma force. Mon père aurait-il été capable d'accepter un mariage arrangé pour étendre son influence ? Ma mère l'avait bien fait en tout cas pour mieux le poignarder quand elle avait vu une brèche dans sa méfiance... Je n'avais aucunement envie de reproduire le schéma de cette harpie ! Avait-elle un jour aimé mon père ? Aussi hautaine et détestable avait-elle été, j'étais convaincue que oui sinon jamais je n'aurais retrouvé une photographie d'eux deux dans sa chambre au manoir alors même qu'elle avait déjà planté mon paternel qui lui errait en solitaire dans les vastes terres de Kaze no kuni...

J'étais tiraillée. Devais-je accepter pour accroître dans une certaine mesure le pouvoir de mon clan ? Accepter serait par dépit, simplement pour servir mes intérêts et non pour lui faire plaisir. Je l'aimais mais ne comprenais pas l'importance du mariage : tout cela était désuet pour moi. Pourquoi se marier alors que nous pouvions continuer a entretenir notre relation comme autrefois ?! Ou plutôt même la débuter puisqu'on ne pouvait pas vraiment dire qu'elle avait vraiment commencé entre ses propres doutes et ma santé défaillante. Maintenant que cela était réglé il souhaitait officialiser les choses, c'était touchant en soi mais également affreusement inutile. Pour quoi faire ? Avions nous besoin de prouver aux autres ou de les informer sur notre relation ? Je n'avais que faire de l'avis du bon peuple : c'était bien le dernier de mes soucis.

Finalement je m'endormais malgré tout après quelques heures de réflexion. Lorsque le petit matin arriva, je fus réveillée par Méphisto qui venait de sauter sur mon lit, son intarissable sourire carnassier vissé sur la gueule.

« Le soleil brille de conviction encore aujourd'hui... »

Me disait-il dans un feulement un rien moqueur.
Je fronçais les sourcils ne comprenant pas trop où il voulait en venir jusqu'à ce qu'il pointe la porte de sa patte. Je me redressais, arquant un sourcil avant de triturer l'arrête de mon nez d'agacement. Que n'avait-il pas compris dans ce que je lui avais dit la veille ?!

Je me levais du lit, vêtue de ma nuisette noire et rouge qui ne laissait que peu de place à l'imagination concernant la proéminence de mon buste barré d'une cicatrice verticale, et me dirigeais vers la porte prenant une grande inspiration avant de l'ouvrir.

Je ne pouvais définitivement pas m'attendre à trouver ce que je trouvais devant mon pallier. Kioshi en costard et nœud papillon, les cheveux coiffés mais les pieds demeurant nus. Des cernes perlaient sous son regard plus stressé qu'autre chose. Il tenait dans sa main un bouquet de rose – je n'en avais que peu eu du fait de leur rareté dans notre contrée désertique - , une fiole de sang y était accroché – le sien je supposais – et la bague de la veille y était également présenté ainsi qu'un kunai à son opposé. On pouvait dire qu'il avait au moins le mérite d'y mettre les formes...

Je le regardais de toute ma hauteur alors qu'il demeurait un genou à terre, ne sachant guère quoi dire comme hier. Ses attentions étaient touchantes ainsi que l'effort qu'il y avait mis mais pensait-il que cela allait changer quoi que ce soit ?

Il me sortait une phrase cousue de fil blanc qui me faisait lever les yeux au ciel et croiser les bras contre ma poitrine pour signifier mon imperméabilité.

« Penses-tu vraiment que ta tenue, aussi chic soit-elle, changera quoique ce soit par rapport à la veille ? »

Je soupirais.

« J'attache certaines importances à la prestance, il est vrai mais uniquement la mienne. Tu portes cette tenue alors que tu n'en as aucune envie, je suis même sûre que tu n'y es pas confortable. Etre toi même ou faussement chic ne change rien à ma décision. »

Et j'étais même blessé au fond qu'il puisse penser que son apparence pouvait changer la donne... Croyait-il vraiment que je me serais éprise de lui si c'était le cas ? On ne pouvait pourtant pas dire que le Yamada était un modèle de prestance et d'élégance et cela n'empêchait pourtant pas mon attachement à son égard. Finalement là était tout le problème : il ne parvenait pas à me comprendre ou me cerner. La preuve en était que jamais il ne m'aurait demander par le passé de ne pas quitter Suna pour assurer ma protection alors que lui irait pour porter secours à ma meilleure amie. Il bridait ma liberté sans même comprendre que jamais il n'aurait d'emprise sur cette dernière.

Ses bonnes intentions qui partaient d'un bon sentiment faisaient plutôt effet inverse. Tenter de m'acheter avec l’apparence... Comme si cela m'était important !

« Lève toi. »

Lui demandais-je. Ce n'était aucunement un ordre et mon ton était plutôt posé malgré l'agacement sous-jacent qui en découlait.

« Pourquoi tiens tu réellement à cette histoire de mariage ? Tu réalises que ce n'est pas vraiment la voie d'un shinobi ?! Et encore moins celle d'un Kage... »

Le village était en crise à bien des échelons et voilà qu'il pensait à se marier... ce n'était pas vraiment la priorité... De plus, la vie d'un shinobi était bien éphémère alors pourquoi y songer ?

« Comprends bien que je ne refuse pas ton amour mais ta proposition. Pourquoi ne pas simplement entretenir notre relation comme d'habitude, sans pour autant se lier par quelque chose d'aussi futile que le mariage ? Cela changerait quoi ?! Hormis être plus officiel ? Absolument rien et je n'ai que faire de l'officialité de la chose ! »

Et pour preuve le fait que j'avais commencé à entretenir une relation avec lui avant même que la sienne ne soit terminée.

Il n'apportait que trop de crédit à des choses insignifiantes. Je n'avais pas besoin de me marier pour connaître la portée de mes sentiments. Tout cela était simplement absurde en plus de le mettre en plus grand danger en se liant avec mon nom. Aussi bien à cause des miens que par les Sunajins qui ne verraient pas l'officialisation de l'union Yamada/Ketsueki d'un très bon œil quand on savait à quel point mon clan était méprisé. Je n'avais aucune envie de lui nuire : les choses étaient très bien comme elles étaient et déjà suffisamment complexes pour ne pas en rajouter.

Je m'approchais de lui et prenais la fiole, la bague et le kunai puisqu'il semblait y prêter importance. Je débouchais la fiole et en bu le contenu d'une traite sans méfiance pour lui prouver qu'il aurait pu m'empoisonner sans que je ne le soupçonne. Il s'agissait bien de son nectar, je reconnaissais son arôme entre mille et pouvais percevoir toute la tension qui l'habitait à travers notre lien. J'attrapais la bague et contemplais l'intérieur où était gravé nos deux noms ainsi que la date présumé de notre union et défaisais mon collier, celui avec un croc de cristal façonné par Ogami que je ne quittais rarement, et y passais l'anneau avant de le ré-attaché autour de mon cou.

« Je ne la porterais pas au doigt mais elle m'est suffisamment précieuse pour que je la porte autour du cou. »

La symbolique restait là. De sa plaque regorgeant de noms qu'il portait au cou, il ne restait que les deux tiers alors que je portais le dernier qui avait changé de forme, au mien.
Quant au kunai, je m'en servais pour m'ouvrir ma paume que je lui tendais. Il n'était pas Ketsueki mais s'il voulait un contexte officiel alors il devrait se prêter à cela. Il avait déjà goûté le mien il y avait bien longtemps mais il n'avait jamais bu celui désormais pur exempté de tout maux, de la Comtesse que j'étais devenue. Cette symbolique était, à mon sens, bien plus forte qu'un anneau autour du doigt et il savait à quel point le sang, et surtout le mien, m'était précieux.

Kioshi m'apprenait quelque chose dont je me doutais déjà : sa vie actuelle ne lui convenait pas ou en tout cas il ne l'avait pas choisi. Bons nombres des Sunajins et même d'autres dirigeants voyaient en lui un Kazekage trop laxiste et pacifique. Nous avions toujours été gouverné par des personnes indignes de confiance trempant dans les sales coups : en cela Kioshi était différent et même l'exact opposé. Il se montrait naturel, il se montrait tel qu'il était lui même : il ne cherchait pas le pouvoir.

Son idéal de vie se résumait à fonder une famille et vivre dans le désert avec son clan nomade, comme autrefois. Comprenait-il que ce n'était pas du tout mon ambition ? J'avais des choses à régler avant d'espérer songer à une vie si monotone et paisible.

J'avais appris à éprouver des sentiments et acquis mon humanité par le fruit d'un dur labeur moi qui n'y avais auparavant jamais été confrontée et quelques personnes pouvaient s'estimer chanceuses d'en bénéficier à l'heure d'aujourd'hui. Ma conception des sentiments se résumait à l'essence même de son expression. Lorsque je haïssais c'était viscérale, lorsque j'appréciais c'était sincère, lorsque j'aimais c'était sans limite. Cependant, plus que ces sentiments, il y avait quelque chose qui prédominait par dessus ceux là et qui les surplomberaient toujours, demeurant ma priorité numéro une : moi... Mon intérêt passait avant tout le reste et en l’occurrence mes ambitions ne pourraient être satisfaites dans la vie que Kioshi voulait m'offrir.

J'étais égoïste mais la vie n'était pas faite pour vivre d'amour et d'eau fraîche à mes yeux : elle était faite pour accomplir des choses que l'on jugeaient justes et justifiés. Il fallait que je restaure la grandeur d'antan de mon clan pour qu'il ne disparaisse jamais à cause de mon laxisme.

Je me pinçais une fois de plus l'arrête du nez en l'écoutant, penchant entre la consternation et l'empathie. Je n'avais pas envie de le blesser lui qui y prêtait tellement d'attention. Ses mots me touchaient d'une certaine façon, il tenait à moi , il m'aimait, c'était indéniable et c'était ce que je voulais mais cela me suffisait.

« Je n'ai pas choisi d'être Ketsueki, je suis née ainsi. Dépourvue des miens j'ai dû me débrouiller et apprendre par moi même et via autrui. Une enfance dans la solitude... Ce n'est pas la vie que je souhaites pour les miens et je me dois de redresser mon clan pour qu'il ne sombre pas dans l'oubli avec son héritage. »

Il reprenait mes mots, me demandant si je voulais poursuivre notre relation comme avant, chacun de son côté, il n'avait pas besoin d'être mêlé à mes affaires qui pourraient s'avérer dangereuses. Je ne trempais pas dans un monde si joyeux que le sien, je me devais de faire des sacrifices pour le bien de mon clan et le mien : ce qu'il n'accepterait jamais.

« Oui, c'est ce que je veux. Rien ne nous empêche de partager des nuits même si chacun demeure dans son habitat. »

Si j'avais peur de m'impliquer...

« Hmm... L'engagement n'est en effet pas quelque chose qui me ravie et cela n'a rien à voir avec toi si cela peut te rassurer. »

Il n'en était pas la cause mais plutôt la conséquence.

« Je ne suis pas de ce genre de femme docile ne s'exposant jamais au danger Kioshi et je sais à quel point cela te dérange. Tu as toujours cherché à me protéger et m'éviter le conflit, allant parfois jusqu'à brider ma liberté qui m'est si précieuse. Je ne peux qu'imaginer que vivre sous le même toit renforcera cet aspect et détruira mon indépendance or j'ai des affaires à régler que tu le veuilles ou non... »

Le comprendrait-il ? J'en doutais fortement mais ce n'était pas comme si j'avais besoin de sa compréhension.

« Il s'agit du genre de choses qui pourrait te mettre en danger indirectement et ce n'est pas quelque chose que je souhaite. Si notre relation est officialisée et connue de tous alors le moyens de pression de mes ennemis sera tout trouvé. »

Faire du mal à Kioshi pour me faire chanter. Je n'avais pas besoin de cela, c'était déjà bien assez difficile à mener comme cela. Cela dit, cette difficulté périlleuse m'exaltait, les choses n'étaient pas savoureuses lorsque c'était trop simple...

« Tu as prêté serment auprès des tiens, mais es-tu incapable de le faire pour moi ? »

Il s'approcha de moi, apposant ma main ensanglantée contre sa joue chaude, mes yeux se plantaient dans les siens sans qu'il ne s'en dégage quoique ce soit.

« Tu sais très bien qu'un serment entre Ketsueki n'a que peu de valeur... »

Alors un serment prononcé par un Ketsueki à quiconque ? Je ne pouvais lui promettre de me tenir tranquille : c'était dans ma nature, j'avais besoin de m'élever avec les miens tout en évitant leur coups de poignards dans le dos. La confiance n'existait pas entre Ketsueki.

Il m'exprimait son amour à travers mot et baiser pour me le prouver et je le lui rendais. Puis il me clamait ses désirs, fonder une famille... Un concept qui m'était bien étranger moi qui n'en avait pas , qui n'en avait plus ou qui n'en avait même jamais eu. Oublier tout le reste et ne penser qu'à nous... C'était aussi ce que je faisais en décidant de ne pas l'impliquer dans mes histoires : je pensais à nous, à lui et sa sécurité. Toutes ces paroles me firent esquisser peu à peu un sourire d'amertume parce que cela sonnait comme une évidence que j'avais sans doute toujours rabrouée pour ne pas avoir à y faire face. Nous étions le jour et la nuit autant dans nos caractères que nos modes de vie et nous nous confrontions à un mur. Si nous suivons les convictions de l'un, l'autre en serait forcément malheureux et pas à sa place. Etait-ce ce que l'amour était censé signifier ? Des contraintes et une vie malheureuse pour rester auprès de l'autre ?

« Moi aussi. Et c'est justement pour ça que... »

Répondais-je sincèrement à son « je t'aime » avant de poursuivre après un instant d'hésitation.

« Kioshi... Tu mérites une vie qui te convienne, tout comme moi d'ailleurs. Ouvre les yeux comme je viens de le faire... Nous sommes trop attachés à nos valeurs pour espérer faire des sacrifices, même pour l'autre et quand bien même nous les ferions nous en serions indubitablement malheureux. Ce n'est pas ce que je veux pour toi. Ma vie et mon nom ne pourra jamais me permettre de mener une vie comme ce que tu idéalises et ce n'est d'ailleurs pas dans mes principes ni même ce que je souhaites. »

Voyait-il où je voulais en venir ?

« Tu mérites mieux qu'une Ketsueki courant après ses ambitions et ne vivant que pour elle et les siens... »

Mon regard restait rivé sur le sien tandis que ma main ensanglantée demeurait sur sa joue.

Continuer ainsi, chacun de son côté… Limite je pourrais voir ailleurs que ça ne la dérangerait pas non plus ? Et, depuis quand le serment d’un Ketsueki ne vaut rien ? Est-ce celle qui ne pense qu’à son clan depuis le début et qui semble même le placer avant moi ?

« Penses-tu vraiment ce que tu dis ? »

Ma main avait abandonné tout contact avec elle, abandonnée le long de mon corps, comme si toute force l’avait quittée. Mes jambes ne me tenaient que par l’effet de la gravité et automatisme. Sa phrase… Ses mots résonnaient en boucle dans ma tête.

« Tu mérites mieux qu'une Ketsueki courant après ses ambitions et ne vivant que pour elle et les siens... »

De tous les mots qu’elle avait pu choisir, c’était ceux-là qu’elle avait prononcé. Le Destin s’exprimait-il de nouveau au travers de ces termes ? Ce n’était pas la première fois qu’il entendait ça. Je méritais mieux qu’une Ketsueki courant après ses ambitions… Et je méritais mieux qu’une Habashi névrosée… Au final, ne méritais-je personne ? Ai-je parlé de mérite à un moment ou à un autre ? Je ne les avais pas choisies sur ce critère-là. Et si c’était pour leur bonté, ça se saurait.

Mériter mieux… C’était la dernière phrase que Zanshi m’avait dite avant de mourir. Les mots de notre ultime dispute. Les mots symbolisant son fantôme. Les mots qui rouvrirent ma cicatrice béante. Quelle serait la suite ? Yami allait-elle mourir ? Etait-ce fini également ? C’était une voix faible, troublée, qui lui répondit.

« Je vois… Tu crains que je ne devienne un fardeau… C’est vrai que tu me regardes de haut depuis que j’ai perdu un bras… »

Ou d’inquiétude ? Mais je n’étais pas en état de discerner correctement les mimiques du corps. Ces derniers jours, j’étais passé au travers d’un mélange de sentiments aussi forts que contraires. La perte de Yami, nos retrouvailles, sa guérison, ma décision, et finalement, le coup de grâce.

Avec Zanshi, je m’étais contenté de partir en claquant la porte, lui laissant faire le prochain pas si je comptais vraiment pour elle. J’avais fui… Mais je ne laisserais pas le sort s’acharner sans me battre cette fois !

« Il est grand temps de te remettre à ta place ! »

D’un bond, je pris mes distances avec la demoiselle. Malgré mon bras manquant, j’avais vaincu Kibõ avec facilité. Malgré mon bras manquant, j’avais été le mentor de la Ketsueki. Malgré mon bras manquant, je savais encore très bien me défendre !

« Qu’importe si je dois vivre sous un toit ou subir milles maux, je ne ferais pas les mêmes erreurs qu’avec Zanshi. Je me fiche de ce que je mérite ! »

D’un signe, un clone en tout point similaire à moi prit forme à mes côtés. Devenais-je fou ? Qu’importe. Je ne fuirais pas ! Personne ne t’enlèvera à moi cette fois !

« Si je te bats, je passerais cet anneau à ton doigt ! Si tu gagnes, cet anneau ne signifiera plus rien et on fera comme tu voudras ! »

Comme elle l’avait dit, nous étions des ninjas. La loi du plus fort prévalait encore. La grande Comtesse saura-t-elle se mesurer à un estropié ? Usant de nos deux bras, on forma les signes nécessaires à ma plus grande technique : mon corps se réchauffa tant que mon sosie disparut rapidement dans une volute de fumée. Les fleurs fanèrent presque instantanément, le bois de la porte craqua, le tapis roussit, la toile des tableaux se troua, et la pierre des murs semblait se liquéfier. Le manoir fondait autour de moi. Et je quittais la fumée, un soleil ardant fonçant droit vers la Ketsueki sans hésitation aucune. Que pouvait-on lire dans mes yeux ? L’amour ou le désespoir ? En tout cas, par la fenêtre de la chambre on voyait un ciel bleu. Aucune illusion cette fois. Ma chaleur n’avait pas su réveiller Zanshi, mais peut-être atteindra-t-elle Yami ? Mais pour la première fois, ça n’était pas au sort de décider de ma vie. Je la tenais au creux de ma main. De cette main brûlante qui fondait vers la poitrine de la demoiselle pour récupérer le cœur qu’elle avait repris.

Music ♫:

Si je pensais ce que je disais ? Me posait-il vraiment cette question ? M'avait-il entendu une seule fois dire quelque chose que je ne pensais pas ?! Il m'avait pourtant reproché plus d'une fois ma franchise pour le savoir !

Il se métamorphosa complètement, son regard emplit de tristesse et presque vide et son teint livide ainsi que sa voix tremblotante montrait un homme brisé. Voyait-il une autre solution ? Je ne voulais pas de l'engagement pour plusieurs raisons que je lui avais exposé et il ne voulait pas continuer comme nous l'étions en ce moment alors à quoi bon ? Rendre l'un des deux malheureux n'était pas l'idée que je me faisais de l'amour et d'un couple, aussi abstraite soit cette dernière notion pour moi.

J'arquais un sourcil à l'entente de ces paroles. Qu'est-ce qu'il racontait ? Cela n'avait aucun rapport en plus de n'avoir aucun fondement !

« Est-ce que j'ai déjà dit ça ? Tu sais très bien que si c'était le cas je n'aurais pas pris de gant pour te le dire. »

Il commençait à dérailler le pauvre... et je le constatais d'autant plus lorsqu'il clamait me remettre à ma place. Pardon ? Et elle était où ? En dessous de lui, c'était ce qu'il voulait dire ?! Ben voyons. Il commençait à sacrément m'agacer surtout lorsque je le vis faire un bond de plusieurs mètres en arrière dans une posture de combat. Etait-il sérieux ? Je n'avais aucune envie de me battre ni de lui faire du mal alors que visiblement cela ne semblait guère le déranger lui. C'était ça sa conception de l'amour ? Une lame dans la cuisse pour me faire retrouver les esprits et maintenant un combat dans ma propriété pour me « remettre à ma place » ? Tout ça parce que Monsieur le Yamada et Kazekage capricieux n'obtenait pas ce qu'il voulait et n'était pas satisfait de la façon dont allait les choses ?! Il ne devrait pourtant pas glisser sur ce terrain là avec moi et il devait pourtant le savoir... oh que non...

Voilà qu'il remettait Zanshi sur le tapis pour la énième fois... Allait-il arrêté un jour de nous comparer ? Tout cela était absolument ridicule. Je levais les yeux au ciel en l'écoutant parler, n'ayant guère bouger de ma position tandis que désormais plus de cinq mètres nous séparaient.

Il me proposait un marché pas plus censé que le reste qui me faisait soupirer avant d'arborer un air arrogant et malsain :

« J'accepte le marché ! »

Il me suffisait de gagner et toute cette mascarade prendrait fin. Il me fallait arrêter le psychopathe naissant devant moi, près à en découdre et m'atteindre pour me prouver ou se prouver je ne sais quoi. S'il voulait montrer qu'il pouvait se défendre seul face aux miens il serait sans doute déçu...

Un clone apparu pour l'aider a composer des mudras puis disparut presque aussitôt à cause de la chaleur qui se dégageait de lui. Les murs, le sol et le plafond fondaient, se craquaient ou roussissaient sous l'action de cette haute température. Le tapis rouge se pulvérisait et la toile des tableaux se trouaient et noircissaient. Il comptait vraiment en découdre ici ? Et voilà qu'il s'approchait de moi à vive allure, carbonisant le couloir au passage tandis que je ne bougeais pas de ma place, me contentant de tendre la main vers l'avant, un sourire mauvais et perfide vissé au coin des lèvres. Mon poignet effectuait une rotation pendant sa course tout juste débutée qui se stoppa nette.

Son sang était mien. Il m'en avait offert toute une fiole que j'avais accepté avec plaisir. Cette hémoglobine qu'il m'avait offerte en gage de son amour et qu'il me forçait à utiliser contre lui. Je régulais son flux sanguin, tordant ses artères et ses veines tout en le forçant à s'agenouiller. Il était immobilisé, il me fallait lui faire retrouver la raison.

« Je tiens ta vie entre mes mains désormais... »

Comme pour appuyer mes propos, j'enserrais son aorte, l'artère du cœur, modifiant le flux sanguin si trouvant lui causant une vive douleur dans la poitrine. J'aurais pu simplement accélérer la pression de son flux sanguin s'y trouvant pour lui créer un infarctus. J'aurais pu le tuer mais me contentait de lui infliger une souffrance que je savais difficilement supportable l'ayant moi même subit par mon paternel.

J'en arrivais presque à éprouver un plaisir malsain de le voir ainsi douloureux. C'était ma vengeance latente pour les coups reçus hier et cette tentative de meurtre à mon encontre.

« Je n'ai pas l'intention de me battre avec toi, ni même de te blesser. Pourtant tu souffres en ce moment n'est-pas ? »

Il me contraignait à le faire...
Ma tête inclinée sur le côté, je l'observais avec un rictus acerbe.

« Ma patience à des limites Kioshi. Et on peut dire que tu viens de les dépasser... »

Mon regard était plus intense que jamais et je ne savais pas s'il parvenait à en percevoir toute la portée depuis sa position au milieu du couloir et encore éloigné de moi.

« Je pourrais te créer des hémorragies internes que même tes capacités médicales ne sauraient stopper avant que le dernier souffle de vie ne te quitte. Arrête toutes ces idioties ! Te rends tu compte de ce que tu étais en train de chercher à faire ? Me blesser : encore ? Me tuer ? Ou bien me carboniser comme tu as réussi à le faire sur la dépouille de ta chère Zanshi ?! J'en ai plus qu'assez de tes manies tantôt protectrices tantôt dangereuses. Ton instabilité pourrait presque faire pâlir la mienne ! »

Tout le monde savait que je pouvais me montrer dangereuse et en cela ils se méfiaient naturellement de moi, ce qui n'était pas le cas de Kioshi qui était un être inspirant confiance. En soit, son comportement torturé était plus mauvais encore que le mien.

Je fronçais les sourcils.

« Si je n'avais aucune envie de l'engagement comme je te l'ai déjà signifié tu dois bien te douter qu'il n'en est toujours pas question et encore moins après cette facette que je viens de découvrir ! Si c'est là ta conception du sentiment d'amour soit, mais ne compte pas sur moi pour le partager et l'entretenir avec une personne si possessive. »

Ne se rendait-il pas compte que son comportement venait de tout remettre en question ? Il n'était pas question que je supporte cela une minute de plus.

« Commence par te calmer avant d'espérer quoique ce soit. Et comprends bien que je n'ai pas l'intention de modifier mes habitudes : notre relation me convient parfaitement sans toutes ces fioritures ! »

Mes ambitions allaient bien au delà d'une vie d'amour et d'eau fraîche. L'amour existait mais il devait comprendre que ce n'était pas ma priorité d'autant plus lorsque j'observais là où cela menait. J'avais d'autres affaires personnelles à régler pour ne pas m'encombrer de ces sauts d'humeurs incessants.

Je maintenais toujours l'étreinte de ses veines et artères suffisamment pour l'immobiliser en plus de le faire souffrir.

« Je peux te relâcher ou je continues ? Ne t'avises pas de me dire oui et de poursuivre l'affrontement d'une quelconque manière car en plus de perdre ma confiance et mon amour totalement tu le regretterais amèrement... »

Je l'écoutais parler. Il évoquait ses souffrances à travers les différents tourments qu'il avait connu pour ou par les autres. Pensait-il être le seul dans ce cas ? Il se plaçait en victime comme s'il était l'unique être ayant vécu des choses difficiles. Son enfance à lui avait été heureuse, entouré des siens. Ce n'était pas ainsi que j'avais grandi. Je ne m'en étais jamais plains car cela faisait partie pour moi de la normalité n'ayant jamais rien connu d'autre.

« Je n'ai pas l'intention de partir ou de te laisser. Je ne veux simplement pas de cet engagement. Rester avec toi comme nous le faisons jusqu'à maintenant me va parfaitement bien. »

Que ne comprenait-il pas dans mes propos ? Pourquoi étais-je obligée de le lui répéter ?!

« Tu veux t'engager avec moi alors que notre histoire n'avait pas encore vraiment débuté. Elle le pourrait maintenant et c'est encore trop tôt pour songer à davantage. Nous passions notre temps à nous quereller parce que nos points de vue ou nos modes de vue diffèrent trop l'un de l'autre : je ne souhaite pas m'engager si cela reste ainsi. »

Une relation d'amour entraînant un conflit perpétuel ? Très peu pour moi. Les sentiments avaient beau être présents une telle situation ne pouvait être supportable et viable sur le long terme.

Malgré la douleur vivifiante qui le paralysait, il parvenait à se mouvoir, comptant sur la seule force de sa volonté et de sa détermination pour y parvenir. J'écarquillais quelque peu les yeux de le voir agir ainsi, sachant pertinemment que ses veines et artères tordues n'étaient que plus douloureuses s'il bougeait en plus de leur torsion. Il m'aimait, cela était indéniable et également touchant mais il en devenait étouffant : bridant ma liberté et voulant m'imposer son mode de vie que j'avais pas l'intention d'adopter un jour.

J'avais songé à l'hypothèse qu'il puisse venir vivre ici lui mais ne le lui avait pas soumise puisque cela ne me paraissait pas vivable en considérant les miens et nos principes et convictions.

« Tu es bien trop sûr de toi. Oniri seule est parvenue à te prendre un bras, mon clan entier pourrait aisément te prendre la vie. »

Répondais-je lorsqu'il avançait que les Ketsueki ne pourrait lui causer du tord.
Ils avaient l'habitude du massacre sans sommation comme ceux perpétrés en toute discrétion. Bons nombres d'entre nous étaient des assassins confirmés et tous l'étaient dans l'âme... Le risque était trop grand à prendre.

« Je ne pourrais guère te protéger convenablement des miens comme tu sembles le penser. Si la mutinerie est conséquente il me sera impossible de les contenir pour empêcher leurs noirs desseins. Je suis puissante et bien plus que la plupart d'entre eux mais unifiés ils le sont davantage. »

Ne jamais sous estimer ses ennemis ou sur estimer ses capacités : c'était le non respect de ce conseil qui avait précipité les miens dans leur chute inexorable. Je n'allais pas laisser Kioshi faire de même.

Il se trouvait désormais devant moi, la main tendue dans ma direction et le regard planté dans le mien. Lorsqu'il exprima son désir de brûler à nouveau si d'aventure je n'avais rien à lui offrir et refusais de prendre sa vie, je resserrais l'étau de mon poignet qui se répercutait sur lui, lui provoquant de nouvelles douleurs plus virulentes encore.

« Est-ce là ta suggestion ? Je n'ai pas d'autres choix que d'accepter ou ma vie me sera prise ? C'est là ce que tu veux ?! Ce que j'ai pour toi ce sont mes sentiments ! Ais-je vraiment besoin de te le prouver ? Tout ce que j'ai fait auparavant pendant plus d'une année pour te le témoigner ne te suffit donc pas ? Qui était là auprès de toi lorsque tu ne voyais plus qu'un gouffre dépourvu de lumière ? Qui était là pour te prouver son affection quand la personne normalement désignée pour le faire n'en faisait rien ? Qui était là pour effacer ta solitude ? Qui veillait la cuve qui te maintenait en vie jour et nuit dans les pays enneigés ? Je ne suis peut-être plus aussi démonstrative que j'ai pu l'être par le passé mais mes sentiments à ton égard n'ont pas changé c'est juste que tu ne parviens plus à t'en contenter et veux forcer les choses malgré mon ressentiment sur la question. »

Mon poignet tendu se serra d'un coup avant de retomber le long de mon corps, marquant mes ongles dans ma peau. J'avais relâché ma technique et serrais la mâchoire.

« Rien n'empêche de se retrouver plus souvent qu'auparavant si c'est ce que tu souhaites mais ne me force pas en me parlant d'engagement dont je ne veux pas. Contente toi de la relation telle que nous la vivons actuellement ou bien met y un terme à jamais. »

Je fronçais les sourcils, plus sérieuse que jamais.

« Tu peux rester quelques temps au manoir pour voir si cela fonctionne si cela te chante mais ne t'avise pas d'imposer ton mode de vie au sein de ma demeure. Je ne saurais le tolérer. »

J'avais une réputation à maintenir tout comme une autorité à conserver.
Là dessus, je tournais les talons, lui exposant mon dos en prouvant par ce geste que je maintenais ma confiance envers lui, et entrais de nouveau dans ma chambre, allant vers ma penderie pour laisser tomber ma nuisette au sol avant d'enfiler une tenue plus propice à une kunoichi et lui repassais devant pour me diriger vers la cuisine où mon petit déjeuner m'attendait. Mon regard se porta sur les murs brûlés et fondus par endroit me faisant inspirer et expirer profondément tout en poursuivant ma route.

Tenue de Yami:

Qu'aurait dit l'ancienne moi ? C'était la question que m'avait posé Kioshi. Je n'avais su lui apporter de réponse car je n'en avais aucune idée. L'idée de la voir faire un tel pas en avant pour prouver son affection aurait sans doute été vu comme une déclaration inespérée mais la crainte d'une telle promesse se serait elle aussi sûrement manifestée malgré tout.

J'avais voulu changé de sujet, fermant le débat en allant me changer pour lui signifier qu'il n'y avait plus à en discuter mais bien évidemment il revenait à la charge de plus bel. Je le connaissais pourtant suffisamment pour m'en douter et plutôt m'étonner du contraire.

Sa main retenait mon poignet au passage, me figeant sans détourner pour autant ma tête dans sa direction. De quoi avais-je peur ? Là était sa nouvelle interrogation dans un désarroi presque palpable. Je fermais les yeux avant de les ré-ouvrir et les poser sur lui.

« De rien. »

Cela n'était pas tout à fait vrai.

« Rien ne m'effraie, c'est davantage la certitude de comment cela se déroulerait qui m'agace d'avance. »

Ma paume ensanglantée remonta vers sa bouche de son propre chef, le faisant récolter quelques gouttes de mon hémoglobine, acceptant mon propre présent qu'il avait décliné un peu plus tôt. Mon faciès neutre ne cachait pas sa surprise, me faisant hausser les sourcils tandis que mes yeux s'écarquillaient légèrement face à son geste. J'avais pris du sien il prenait désormais du mien, liant sa vie à la mienne. Il ne s'agissait là pas de l'échange exprimant la domination du buveur sur l'autre comme il pouvait en être question entre Ketsueki. Ce geste était exempt de toute trace de pouvoir, n'exprimant que purement et simplement le lien d'attachement entre deux êtres. Cela avait bien plus de valeur pour moi que l'anneau à porter autour du doigt que j'avais gardé autour du cou.

Je me prenais à esquisser un sourire avant de soupirer.

« Ma vie est trop complexe pour que je la partages constamment avec toi. Tu n'imagines pas tout ce que cela impliques. Te voir en souffrir serait bien la dernière chose que je souhaite. »

Mais comme d'habitude il semblait s'en moquer comme si cela ne pourrait jamais l'atteindre.

« J'ai besoin de réaliser certaines choses, d'atteindre certains objectifs qui me feront faire des choix difficiles et parfois même dangereux ! J'ai besoin que tu les acceptes sans brider ma liberté sous prétexte d'assurer ma protection. »

S'il partageait ma vie sans cesse il se montrerait trop présent, toujours sur mon dos sans que je ne puisse être libre de faire ce que je veux. Je préférais notre relation comme elle l'était actuellement plutôt que d'imaginer vivre ce calvaire. Pour autant j'avais besoin de sa présence car la solitude était la pire de mes faiblesses ne l'ayant que trop côtoyé durant de longues années.

« Restaurer mon clan me demandera des sacrifices et une expansion de mon champ d'action. Je pense que je devrais aller rencontrer le Daimyo pour lui offrir les services du clan Ketsueki. »

L'un de mes projets était annoncé. Qu'en penserait-il ? Suna resterait toujours ma priorité absolue mais il fallait que je m'en détache quelque peu si je désirais accomplir certaines choses auxquelles l'influence du Daimyo me serait indispensable.
Mon regard le toisait, observant la moindre de ses réactions.