Foutu tremblement de terre... Il venait tout juste d'arriver dans ce merveilleux temple qu'il devait déjà repartir. Effectivement, il n'avait pas vraiment informé les autorités de son voyage pour Taki no kuni. Du coup, quand on eut besoin de chair fraîche et crédule pour aller faire de l'humanitaire, on pensa forcément à lui! Le message arriva par les voies magiques du Ninjutsu, et ni une ni deux, le chevelu se retrouva à faire la route en sens inverse. Sincèrement, si cela le chagrinait un peu de quitter un si bel endroit, il fut plutôt soulagé quand à l'idée de ne pas passer les prochains mois enfermé dans un temple.

Le voyage fut bien plus rapide qu'à l'aller, l'urgence du message en étant sans doute la cause. Apparemment, un drame avait frappé le pays du bois, et en bon samaritain, l'empire avait décidé d'envoyer des secours. Naoki n'avait aucune compétence en médecine, et s'il connaissait quelques gestes de premiers secours, il serait bien embarrassé face à une jambe fracturée ou une plaie puante. Cependant il avait d'autres talents, et il eut tout son trajet pour se convaincre - aller savoir comment- que nul autre que lui ne pourrait accomplir cette tâche.
Tant qu'il n'était pas confronté à la réalité, l'androgyne pouvait minimiser le cataclysme qu'avait subit cette nation. Après tout, n'ayant lui-même jamais souffert des remous de Mère Nature, comment pouvait-il comprendre la situation? Pourtant, quand il arriva enfin à la capitale, il dut admettre la réalité. Une belle petite troupe s'affairait déjà à la tâche, et bien que ce petit monde ne manquait pas d'organisation, le sentiment d'urgence était omniprésent. Personne ne lui offrit un rire de connivence, ni même un sourire. Il eut tout juste le temps de se présenter, qu'on l'envoya travailler.

"Tiens, suis moi, nous allons faire l'inventaire."

Le ton ferme ne laissait aucun doute quand à la marche à suivre : il fallait obéir. Aussi, Naoki se retrouva à prendre des notes, comprenant au fur et à mesure les détails de sa mission. Vu le méli-mélo de tentes (le terme "bâches" serait plus adapté), de denrées non périssable, de médicaments, et de toute sorte de choses nécessaires à la survie, il devra se charger du ravitaillement. Évidemment qu'il s'était posé la question du comment transporter tout ce foutoir jusqu'aux terres sinistrées, mais il avait bien trop peur de connaître la réponse pour s'y pencher plus sérieusement.
Heureusement pour lui, l'avenir ne tarda pas à rassurer son pauvre dos. Si personne ne fut choquée par cette étonnante machine, le Tôhatsu fut tout simplement ébahi. Il se doutait bien que l'homme était capable de tout, mais ce monstre de métal pouvait-il réellement voler? Pourtant il ne rêvait pas, et qui plus est, cet O.V.N.I s'en sortait plutôt bien!

Notre fleure sauvage resta ainsi muette tout le temps de l'atterrissage, et même lorsque la capitaine de ce monstre prononça son nom, il ne put sortir de son mutisme. Enfant pétrifié par l'enthousiasme, il s'avança lentement vers la demoiselle et lui tendit les feuilles qu'il tenait jusque là.

"..."

Oui bon au moins il avait essayé, mais ses cordes vocales semblaient trop perturbées pour façonner le moindre son. M'enfin, il ne fallait pas être un génie pour identifier un Tôhatsu quand on tombait dessus. Cette coiffure démesurément longue, cette méconnaissance de la technologie, si on mettait de côté sa classe naturelle, Naoki incarnait en ce moment le parfait enfant des bois. Il réussit tout de même à marmonner le mot "Inventaire", mais ce fut bien là tout ce qu'il put fournir à cette charmante demoiselle.

Ken louait une chambre dans un de immeubles les plus miteux de Shozaichi. Dans le quartier le plus mal famé, proche du marché noir et de toutes ses activités illicites. Son salaire de simple soldat ne lui permettait pas de vivre dans le luxe et lui-même n'y accordait aucune attention, ayant passé sa jeunesse à dormir à même le sol. Un studio de 20m carré, austère, vide de toutes fournitures ou ustensiles, avec une seule petite armoire qui se dressait contre le mur dépeint et poussiéreux, ainsi qu’un futon à même le sol qui avait connu de meilleurs jours. Une petite fenêtre et une ampoule d'usine qui pendait par un film au milieu de la place venaient apporter la lumière nécessaire.

Le jeune homme avait choisi cet endroit pour se rappeler qu'il n'était pas chez lui, que vivre une douce vie loin de la violence humaine n'était pas un de ses droits. La sécurité, la facilité et le confort émoussaient, détruisaient les sens et réflexes d'un guerrier, et sans tranchant, un homme n'était que l'ombre de lui-même, un mort en sursis. Voilà pourquoi Ken avait jeté son dévolu sur cet endroit à la fois hostile et précaire, de manière à rester en permanence sur ses gardes, un état d'alerte constant qui était devenu une sorte de sixième sens, semblable à l'ouïe ou l'odorat chez une personne lambda.

Il sentit donc plus qu’il ne vit le message arriver quelques secondes avant qu’il n’apparaisse à genoux sur sa fenêtre. Une missive dans les mains, le Shinobi fit un signe de la tête a Ken, lui tendit le message et disparut dans la seconde, peu désireux de rester au contact d’un Suzurane.

Il s’agissait de son prochain ordre de mission, le jeune guerrier devait se rendre immédiatement aux portes du village pour participer à une action humanitaire au Pays du Bois. Il n’y avait aucune autre information, il déchira le bout de papier qu’il balança par la fenêtre, saisit sa veste et s’éclipsa aussi rapidement, laissant sa porte ouverte. Il n’y avait rien à voler dans ce trou à rat.

Lorsqu’il arriva au lieu de rendez-vous des dizaines de personnes s’affairaient déjà à droite et à gauche, gesticulant dans tous les sens. Semblable à une gigantesque fourmilière les êtres humains vaquaient à leurs occupations dans une organisation à toute épreuve. Ken n’était pas en avance, mais pas en retard non plus. Il s’avança donc tranquillement vers ce que son peuple appelait les navires des nuages, des monstruosités volantes capable de braver tempêtes, vents et gravité grâce à une avancée technologique dont il ne connaissait aucun détail. Sans être surpris pour autant il repéra rapidement la personne qui semblait dirigeait toute cette foule et se présenta.

- Suzurane Ken, si il y’a un problème, ne m’appelez pas, sauf s’il s’agit d’étriper quelqu’un.

Sans attendre de réponse et sans autre forme de procès, il monta à bord et s’installa sur un paquet de caisses, observant nonchalamment les derniers préparatifs se terminer. Il n’avait jamais vraiment apprécié la hiérarchie, même dans son clan pourtant à cheval sur l’étiquette. De là à ce qu’il donne son respect envers un quelconque supérieur sans aucune raison, il y avait bien une barrière supérieure à la distance qui les attendait jusqu’à Ki no Kuni.

HRP:

Elle était tout simplement radieuse. Ce mélange de lumière et de gentillesse était tout ce qu'il fallait pour faire pencher la balance, et faire primer l'enthousiasme sur la peur de l'inconnu. L'enfant des bois n'était point sorti de son mutisme, mais le sourire qu'il offrit à sa charmante leader montrait qu'elle venait de s'octroyer sa confiance. Il garda pour lui le frissonnement qu'il eut lorsqu'elle lui caressa la main, et même s'il réussit à ne pas virer au rouge, la dame du ressentir son léger tressaillement.

Ne pouvant forcer son courage, Naoki s'avança d'un pas démesurément lent sur cet étrange machine. Il ne pouvait s'empêcher de penser que cette chose était une sorte d'animal issu d'un autre monde, et la précaution qu'il mettait d'en chaque geste, de peur d'offenser ce monstre, en devenait presque ridicule.
Il prit donc un certain temps pour arriver jusqu'à sa cabine, et vous pensez bien qu'il était juste impensable pour notre claustrophobe de passer tout le voyage dans cette cage. Il ne voulait offenser personne, mais il ne put s'empêcher de lâcher un "Non" plutôt sonore lorsqu'il comprit qu'il devra passer plus de dix heures là dedans. D'ailleurs, il ne prit point le temps de visiter les lieux, se contentant de balancer ses bagages, ou plutôt son très léger sac de voyage, sur ce qui lui servira de lit.

Il dormira à la belle étoile, et quand ce ne sera pas possible, dans une énorme pièce, avec les fournitures, ou dans toute autre endroit ne lui rappelant pas une cage. D'ailleurs, comme pour tromper son malaise, il passa tout le voyage a passé d'un endroit à l'autre de l'appareil. Enfin... il lui fallut tout de même deux heures avant d'être assuré que ce truc pouvait effectivement voler, et une heure pour trouver une marche plus ou moins décente. L'embarcation ne tanguait pas autant qu'un navire, mais on ne peut pas dire que le plancher était particulièrement stable.

Bref, vous l'aurez compris, notre jeune ninja profitait pleinement de cette expérience unique. D'ailleurs, durant ce voyage il en vint même à oublier la tragédie qui sous-tendait cette opération, pris comme il l'était pas l'étonnante technologie de cette femme.
Il apprit d'ailleurs que dans le désert des pays du vent, un clan de shinobis était entièrement consacré à la fabrication de ces monstres métalliques. Le monde était plein de surprises...

Ils décollèrent rapidement, sans fioritures, la personne en charge semblait connaitre son métier et mettait un point d’honneur à ce qu’ils ne perdent pas une seconde. Le machin de métal énorme se mit à vrombir en s’élevant dans les airs. Le bordel était tel que Ken fut réveillé de sa petite sieste improvisée. Il tomba des quelques mètres ou il ‘s’était refugie pour se la couler douce, au sommet de de plusieurs dizaines de caisses de bouffes et médicaments. Il s’écroula avec un bruit mat sur le pont et ce aux plus grand plaisirs des « marins » qui manœuvraient habilement la bête.

Il se massait gentiment l’épaule sensibilisée par la chute en s’éloignant vers les cabines en contre bas. Aucunement vexé par la scène qu’il venait d’offrir il voulait simplement s’exiler, se retrouver seul, s’éloigner de cette masse humaine qui le mettait mal à l’aise et proche d’une colère froide qu’il ne parvenait pas à contrôler. N’ayant pas le pied marin ni aérien il descendit d’une démarche maladroite et manqua plusieurs fois de s’empaler sur les marches. Les rires de l’équipage le suivirent quelques temps avant de s’évanouiraient complétement alors qu’il descendait de plus en plus profond, au cœur même de cette monstruosité de métal.

Il était à présent difficile de simplement s’entendre respirer ou réfléchir, et c’était exactement ce genre d’états abrutissants que Ken recherchait. Ne pensait à rien et se laisser aller par les douces oscillations du navire et ce bourdonnement assourdissant qui empêchait toute concentration.

Le jeune Suzurane se trouva donc une petite place de choix entre deux machines qui tremblaient et crissaient sous l’effort qu’elles fournissaient. S’allongeant sur le dos et callant sa veste sous sa nuque en guise d’oreiller, Ken sombra immédiatement dans un sommeil étrangement réparateur, loin de toutes ses pensées qui frôlaient la folie et sondaient les ténèbres de son âme.

Il ne se réveilla qu'une fois les moteurs entièrement coupés, alerté par cette soudaine immobilité et ce silence de mort qui régnait à présent dans la salle des machines. Il semblait que le voyage dans les nuages était terminé. Ken ne savait aucunement le nombre d'heures qu'il venait de dormir mais il sentait en lui une force nouvelle, revigorée, un atout qui l'aiderait sans nul doute à tenir sa soif de sang à l’écart, bien à l'abri dans les tréfonds de son esprit tourmenté.