Musique ♫:

J'étais là, allongée de côté sur le sable au milieu de nul part. La peine avait finit par avoir raison de mon éveil et je m'étais inéluctablement endormi. Réveillée par les rayons de l'aube j'étais restée immobile, ne trouvant pas la volonté de rentrer au village. Je ne ressentais plus rien.

Lentement le climat aride du désert vint réclamer son du sur ma personne. Le soleil ardent se mit à me brûler, j'en étais parfaitement consciente, mais je n'en avais que faire. Mon organisme se dé séchait de plus en en plus rapidement. Les heures passaient et ma peau brûlée finissait par se craqueler par endroit.

Néanmoins je ne souffrait pas tant que je restai inerte. Le pire étant sans doute que je savais que je n'arriverais pas à mourir même en agissant ainsi. J'étais devenue quelque chose d'étrange et effrayant qui ne se laissait plutôt toucher par les affres de la condition humaine. Le temps passa encore, la journée s'avançait. Une personne normal aurait sans doute déjà rendue l'âme après une exposition aussi prolongée face au soleil. Je finis par sentir une présence. Elle s'approcha de moi, sembla me soulever. Je crus apercevoir une sphère aqueuse léviter. Aussitôt je détournai la tête refusant de boire malgré mon état alarmiste.

Puis je le reconnu. Cet homme, qui était-il réellement ? Il était de nouveau là sauf que je ne voulais pas le voir, pas plus qu'il ne me sauve. Ses excuses sonnaient sèchement dans mes oreilles et je lui répondis d'un ton tout aussi impersonnel bien que faible.

-Laisse-moi ! Je n'ai pas besoin de toi.

Ni lui, ni personne. La solitude me suffisait. Au moins n'avais-je plus besoin d'espérer. Il continua. Comme si mes paroles avaient pu le heurter. Peut-être ? Était-ce encore de ma faute ? J'en avais assez. Je ne demandai plus rien, surtout pas lui, seulement qu'on me laisse tranquille... Je ne répondis donc pas. Pas tout de suite du moins. Il me fallait rassembler mes forces pour parler, mais aussi et surtout pour mettre en ordre mes idées. Le simple fait de devoir ressasser les événements de la veille était une peine que je m'auto-infligeai.

-C'est plutôt toi qui ne sait rien. Au contraire, je connais la souffrance de perdre celui que l'on aime.

Était-ce le moment de parler de Bake ? Absolument pas. Cela faisait pratiquement trois ans maintenant. J'avais plus au moins finit par tourner la page. Mais jamais je ne pourrais oublier ce qui s'était passé, la façon dont il était mort sous mes yeux. Peut-être devais-je faire pareil. Regarder Kioshi et m'enfoncer un éclat d'écorce dans la gorge pour rendre l'âme dans un dernier soupir. Saurait été une fin bien cruel, mais digne de ce nom pour moi.

-Va-t-en maintenant. Je ne veux plus te voir...

Je n'essayai pas de me débattre ni de me dégager. Je n'en avais pas la force. J'espérai simplement qu'il me repose là et s'en aille. Qu'importait la raison, qu'importait la faute. Quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, je ne pourrais lui pardonner de m'avoir permit de m'attacher à lui pour ensuite tout briser. Il était comme tous les autres...

Un marché ? Il y faisait une nouvelle fois référence. Comme si cela avait encore un quelconque sens à mes yeux. Tout me paraissait si lointain. Ses paroles, son regard, l'attention qu'il me portait... Il me racontait sa relation, celle qu'il l'avait eut avec Zanshi. A l'attendre on aurait cru qu'elle était davantage faite de regret que d'amour. Était-ce pour cela qu'il avait agit ainsi ? Non. Plus rien n'avait d'importance. Je ne devais pas m'en soucier. Pourtant son histoire me renvoyait à moi-même. Les souvenirs, ils refaisaient surface. Ils étaient si douloureux. Mais je ne voulais pas les taire. Ma fierté me l'empêchait. Il me pensait ignorante alors, qu'au fond, il n'était qu'un idiot.

-Tu parles toujours sans savoir...

Je me dégageai de ses bras retombant sur le sable puis écartai d'un geste fébrile de la main sa chemise pour m'en débarrasser. Ma peau brûlée par endroit était de nouveau exposée au soleil. J’essayai de lentement lever mon bras gauche de sorte à ce qu'il puisse discerner la longue et fine cicatrice qui le parcourait.

-Il s'est suicidé sous mes yeux. Je n'avais que seize ans et je ne connaissais rien du monde. J'ai passé mes nuits à me droguer pour tenter d'oublier. Je me suis accidentellement blessée. Zanshi est venue à ma rencontre, elle ma soignée, à sa façon...

Mon index se posa ensuite sur mon œil invalide pour le désigner.

-Un autre jour j'ai refais l'erreur d'aimer la mauvaise personne. Je l'ai suivis sur un sombre sentier espérant pouvoir le ramener dans le droit chemin. Voici ce que cela ma coûté...

Tout aussi lentement, j'attrapais le pan de ma tunique pour le soulever légèrement, laissant mon ventre apparent. Cette cicatrice qu'il avait déjà vu était de nouveau visible. Malgré les années elle ressortaient toujours autant. Profondément marquée et blanchâtre seul la moitié était visible, l'autre étant caché par mon short.

-Un jour Yami s'est retrouvée sous le contrôle d'une ennemie. Nous nous somme affronté. Je ne pourrais jamais avoir d'enfant...

Le ton de ma voix était calme, posé. J'arrivais à m'exprimer si clairement. L'émotion ne me touchait que brièvement. Peut-être était-ce parce que j'avais cette étrange impression qui me laissait à croire que j'allais mourir d'un instant à l'autre. Ainsi pouvais-je tout dire sans craindre en retour. C'était tout bonnement ridicule. Je lâchai le pan de ma tunique qui retomba pour cacher cette meurtrissure.

-Je l'ai aimée au point d'en perdre la raison. Le jour où elle m'a rejetée, j'ai voulus attenter à ma vie. J'y suis presque parvenue. Peu de temps après je t'ai rencontré.

Je marquai une pause, reprenant mon souffle. Ma gorge était sèche et ma voix faiblissait de plus en plus.

-Dois-je continuer ? Où vas-tu encore de me prendre pour une ignorante pensant que j'ignore le prix de l'amour?

Je me montrai une nouvelle fois acerbe, le tout avec une tête d'ironie comme si, à cet instant, j'étais littéralement en train de me moquer de ma propre vie. Alors il essaya de me renvoyer la balle en souhaitant que je me mette à sa place. Modifier la version des faits. Voulait-il me faire culpabiliser ? Mes lèvres s'étirèrent dans un sourire sans conviction au point de les faire saigner. Cet homme était tellement pathétique...

-Moi je n'aurais jamais fait de mal à quelqu'un que j'aime...

Parce que je ne voulais plus être une sotte qui n'apprenait jamais de ses erreurs...

Musique ♫:

Il ne comprenait rien. Ce n'était nullement de ce genre de souffrance dont je parlais là. Pensait-il vraiment que je devais lui pardonner ? Moi j'en avais assez de toujours répéter les mêmes erreurs, d'accorder ma confiance aux mauvaises personnes.

-Tu m'as frappé... Qu'est-ce qui me dit que tu ne recommenceras pas ?

Je parlais sans le regarder. La lassitude me gagnait. Je n'avais aucune volonté, aucun désir, aucune aspiration. Mes perspectives d'avenirs actuelles se limitait seulement à quelques heures dans la même journée. Je souhaitai qu'on me laisse ici, seule, j'en avais besoin. Ou plutôt n'avais-je plus besoin de personne quand bien même cet idiot prétendait m'aimait je n'osai plus prendre le risque de le croire. Si je faisais cela la chute n'en serait que plus douloureuse.

Contre ma volonté il s'approcha de moi pour me porter. Je posai une main sur son torse pour tenter de m'y soustraire, cherchant à le repousser, mais dans mon état je ne pouvais rien et je ne tenais aucunement à batailler contre lui. Et sans que je ne m'en rende vraiment compte nous avancions vers le village caché du sable. Le fait de bouger avait éveillé les blessures de ma chaire meurtri. Au moins cela me prouvait que j'étais encore vivante et capable de ressentir quelque chose. Le soleil était toujours aussi ardent. J'avais de plus en plus de mal à le supporter. Comme pour mieux faire passer le trajet ou tenter une nouvelle fois de se faire pardonner, il proposa de me raconter son histoire, celle pour laquelle il s'était montré si distant la veille. Seulement ce n'était certainement pas en apprenant la façon dont son frère était mort que je me sentirais mieux.

-Dis-moi plutôt pourquoi est-ce tu as fais cela. Yami... Si tu tenais tant à Zanshi, pourquoi ?

Ce qu'ils avaient fait était impardonnable. Cela me touchait d'autant alors qu'il s'agissait de Yami, qui n'éprouvait aucun scrupule à entacher l'honneur de notre Sensei. J'espérai qu'elle n'avait pas profité de sa disparition pour... Non, elle n'aurait tout de même pas fait cela ?

-A-t-elle retenté quoique ce soit depuis l'incident ?

Le pire dans cet histoire étant peut-être que je la pensai capable de le faire. Si tel était le cas, alors j'aurais sans doute bien moins de mal à l'oublier que prévu. Il aurait été la goutte faisant déborder le vase... La tête posée contre son épaule pour ne pas chanceler dans le vide, je la redressai légèrement afin de me tourner vers lui et ainsi l'observer d'un regard pénétrant.

-Regarde-moi dans les yeux et dis-moi la vérité. Aussi, était-elle ta seule erreur ? Ou en as-tu eux d'autre ?

Toutes ces personnes aimées. A croire qu'elles ne pensaient qu'à elle. Je ne pouvais faire confiance à personne car ils ne le méritaient pas. J'espérai simplement qu'il aurait l'honnêteté et le courage de me dire la vérité. Auquel cas le silence serait la pire des réponses.

-Ensuite tu me raconteras ton histoire. Toute ton histoire... Je veux tout entendre de ta bouche...

Le fait de me mouvoir semblait me ramener à la réalité. Je ressentais à nouveau. Pourquoi ressentais-je cette immense tristesse au fond de mon coeur?

Zanshi, je ne l'imaginai pas autrement. Toujours sur la réserve à cacher ses véritables émotions. Quelque part nous étions tous les mêmes. Son comportement au près de Kioshi n'était pas excusable, mais je le comprenais. Avec ce fléau qui gangrenait ses pensées elle avait voulu se détacher des autres pour ne pas les faire souffrir. Je me demandai alors si ces paroles qu'elle m'avait adressait ne furent pas son dernier acte de compassion avant qu'elle ne disparaisse. Était-elle réellement morte ? L'avais-je vraiment tué ? Je chassai toutes ces pensées hors de mon esprit. A quoi bon ? Ce qui était fait était désormais fait. Il ne m'était plus possible de vivre en arrière. Tôt ou tard j'aurai à subir les conséquences de mes actes. Je me dis que le moment venue, j'accueillerai cette fin avec sérénité.

Je ne répondis pas à son histoire pas plus en apprenant que Yami l'aimait. Quelque part cela ne me surprenait guère car je comprenais. Elle n'aurait jamais pu aimer une folle mentalement déréglée dans mon genre. Personne n'avait besoin de quelqu'un comme moi. Et puis si elle n'éprouvait aucun scrupule à se jeter sur lui seulement quelque semaines après la mort de sa compagne, cela signifiait peut-être qu'elle ne valait plus la peine que je me batte pour elle. L'avait-elle seulement déjà mérité ? Je n'en savais rien. Moi-même je ne savais pas pourquoi j'avais des pensées si mauvaise à son égard. Sans doute essayais-je inconsciemment de soulager ma peine. De donner moins de poids à ses choix pour en atténuer les conséquences.

-Vous iriez-bien ensemble. Vous pourrez prendre soin l'un de l'autre...

Mes paroles n'étaient pas hypocrites, elles étaient juste totalement vide de sens. Je n'en pensai rien, mais ne leur souhaitai aucun mal. Je voulais simplement me détacher de ces deux personnes qui m'avaient tant fait souffrir. Il y eut un long instant de silence durant lequel nous continuions d'avancer. Mes yeux étaient clos, ma tête reposai contre son épaule. L'astre diurne continuait de verser son rideau ardent sur ma peau. De multiples picotements, semblable à des aiguilles que l'on m’aurait enfoncé dans la chair me parcouraient le corps. Nous progression de plus en plus lentement. Le ton de sa voix chancelait tandis qu'il me contait l'histoire de son frère. Ces dernières paroles attisèrent mon attention.

-Cet incident n'est-il pas survenu le jour de sa naissance ? Comment peux-tu avoir tous ces souvenirs de lui ?

Kioshi s'arrêta brusquement avant de commencer à balbutier, confus.

« Non... enfin si... mais... »

Je relevai la tête, intriguée. Je crus comprendre ce qu'il voulait dire. Aussi, même si je ne pourrais jamais lui pardonner pour ce qu'il m'avait fait, je tenais aucunement à lui faire du mal, lui pas plus qu'à Yami.

-Ce n'est rien. J'aurais voulu le rencontrer. Merci de m'en avoir parlé. Mais sache que tu n'as pas à t'en vouloir pour cela. Nous faisons ce que nous pouvons pour ceux que nous aimons, mais il ne nous sera jamais possible d'en faire davantage. Nous devons accepter cela si nous voulons continuer d'avancer et continuer de veiller sur ceux que nous aimons.

Nous, car je parlais bien de lui et moi. Je venais de réaliser cela à l'instant. Sans doute chercherait-il encore à détourner ces mots contre-moi, à me donner tort, à jouer sur les non-sens.Qu'importait....

Je m'écartai ensuite de lui du mieux que je pus pour reposer un pied sur le sol. Sitôt mes jambes se dérobèrent et je tombai à genoux. Je réprimai un gémissement de douleur. Les yeux ouverts, je pus constater de l'état déplorable de mon corps brûlé. Je ne pouvais rien faire, seulement lui non plus ne serait pas capable d'aller plus loin. Si j'avais été totalement humaine, je serais sans doute déjà morte, ou totalement inconsciente. Je passai lentement mes doigts sur le sable sans parvenir à ressentir la sensation des grains s'y glisser.

-Reposons-nous ici...

Puis je redevins totalement silencieuse. Je ne le regardai pas, mon attention se perdait vers l'horizon lointaine dans la direction opposée à celle de Suna. A présent je luttai intérieurement pour garder ma tête vide pour ne pas revenir à mon état normal. J'essayai de ne pas penser à l'avenir craignant plus que jamais de m'y retrouver seule...

Musique ♫:

Le temps s'écoulait. Les secondes, les minutes peut-être même les heures, comme autant de grains de sable qu'il y avait dans le désert. J'étais là. Lui aussi. Seul quelques mètres nous séparaient, mais nous étions tous deux dans des mondes séparés cherchant deux choses différentes. Moi je cherchai désespéramment un moyen de me perdre tandis que lui n'aspirait qu'à se retrouver lui-même. Comment pourrions-nous nous comprendre ?

Une ombre gigantesque se profilait sur l'horizon lointaine. Était-ce un mirage ? Une illusion ou bien l'écho d'une catastrophe qui s'apprêtait à s'abattre ? Il y avait cet intense bourdonnement. Cela se rapprochait rapidement. Elle paraissait si grande. Le vent soufflait de plus en plus fort faisant danser nos chevelure respectives jusqu'au précipice de ses caprices. Moi j'étais au bord de celui de l'oubli tandis que Kioshi était proche de la déraison. Le sable tournoyait tout autour de nous, impétueux et indomptable. Nous étions des âmes frêles et brisées incapable de nous rappeler qui nous étions.

Le grondement s'intensifiait. L'ombre était gigantesque, dense et s'étendait à perte de vue. Elle arrivait droit sur nous. Si cela n'aurait été que moi je n'en aurais eu cure, la laissant m'engloutir, me dévorer pour me faire définitivement disparaître de la surface de ce monde. Tel était ce que j'aurais voulu. Malheureusement il fallait que cet idiot soit là. Ne me laisserait-il donc jamais tranquille ? Ce stupide infidèle totalement irrécupérable. Il m'avait fait du mal. Il méritait de mourir. Hors je ne voulais pas. Il n'avait pas le droit de me faire cela.

-Kio...shi...

Dis-je dans un murmure à peine audible comme si je venais soudainement de me rappeler qu'il existait. Mon regard se tourna vers lui. Il était recroquevillé sur lui-même, terrassé par ses propres démons.

Tout simplement irrécupérable...

J'essayai de me lever péniblement. Ma peau craquela, laissant des lambeaux de chaires se détacher. Du sang se mit à couler le long de mes cuisses. Je fis un pas en avant vers-lui, puis m'effondrai en tendant le bras. Le sable pénétrait dans mes plaies. Je ressentais de la douleur. Devais-je remercier cette calamité qui allait s'abattre sur nous ? Car en me fixant un nouveau but, elle me ramenait lentement à la réalité.

-Kio...shi...

Répétais-je a peine plus fort que précédemment. Le nuage de sable se soulevait lentement. J'avais de plus en plus de mal à discerner sa silhouette repliée sur elle-même. Le vent fouettai désormais mon visage. Les éléments se déchaînaient contre-nous. J'eus la sensation que l'on me brûlait vif, comme si tout mon être tombait en lambeau. C'était en effet cela. Je regardai mon bras. En dessous de la chair et du sang desséché s'effritant en poussière se trouvait une nouvelle peau lisse dont la couleur était semblable à celle de l'acier. A chaque fois que je perdais une partie de mon corps qui était aussitôt remplacée par une nouvelle. Elle était différente.

L'histoire se répétait. C'était toujours la même chose. J'étais vraiment trop bornée...

Je me relevai cette fois-ci avec plus d'entrain, plus de conviction. Nous ne devions pas mourir. Pas aujourd'hui. Le monde s'effondrait. Le sable et le vent se déchaînaient. Nous étions chez-nous. Et quand j'arrivais sur lui. Ce fut une main griffue qui se posa sur son épaule. Je compris que je n'avais jamais été vraiment moi-même avant cet instant. Mes bras l'entourèrent comme pour le protéger. Dans le creux de son oreille il put entendre un dernier murmure.

-Décidément... Tu n'es qu'un gamin capricieux Yamada Kioshi.

Dans la seconde qui suivit la tempête arriva, la gueule béante, pour nous engloutir...

Les ténèbres nous enveloppaient. La tempête n'était plus. Ici ne résonnait que le lointain écho du silence rapidement brisé par le son de sa voix. Il me cherchait. Je pouvais parfaitement le distinguer, comme si nous étions en plein jour. Son visage désemparé était face au mien. Le chakra ne circulait pratiquement plus en lui. Mes yeux pouvaient le voir.

Mes yeux ? Mes deux yeux ? Qu'étais-je réellement ? Ces griffes articulés, était-elle mes mains ? Elles entourèrent délicatement les poignets du Yamada et ce avec douceur.

-Calme toi Kioshi. Je suis là, c'est terminé.

Oui, c'était définitivement terminé. Du moins je l'espérai. J'ignorai ce qui allait advenir de moi. Ma nouvelle condition m'effrayait en même temps qu'elle m'accordait une certaine félicité.

-J'ai... j'ai peur...

Je tremblai. Enfin j'osai le lui dire. Au fond peut-être était-cela mon plus grand secret, ma plus grande crainte. A savoir la fait de craindre ma vie, mon avenir de ce dont pouvait être fait le lendemain.

-S'il te plaît ne me laisse pas. Pardonne-moi, je ne voulais pas...

Sans plus attendre je lui sautai au cou. Allait-il se rendre compte que je n'étais plus moi-même ? Allait-il me rejeter ? Me prendre pour un monstre ?

-Je... j'aurais tant voulue que nous partagions ce repas ensemble...

Je commençai à sangloter, saisi par les regrets, mais fus surprise par une soudaine sensation... Sa joue contre la mienne je pouvais tout ressentir, le sable séché, la moindre parcelle de son épiderme, la chaleur qui se dégageait de lui, mais aussi tellement plus... Mes yeux étaient toujours ouvert tandis que nous étions l'un contre l'autre. Dans son dos, autrement dit face à moi se trouvait un enfant. Qui était-il ? Des images apparurent, je voyais tant, si loin...

Je sentis que je n'étais pas seule à effectuer ce long voyage. Kioshi en faisait de même, parcourant les chemins sinueux et escarpé de mon âme. Il put y voir toutes ces personnes qui m'étaient chers. Le visage de Yami, celui souriant de ma mère, il avait tant de chose, tant de personne. Comprenait-il a quel point je tenais à lui, à quel point il m'avait fait du mal ? C'était mon cas à présent. Aujourd'hui il y avait beaucoup de chose que je comprenais...

« Pardonne-moi » répétais-je avec sincérité.

Pourtant mes lèvres n'avaient pas bougée.

Une légende raconte l'histoire d'une déesse issue du grand-nord. Elle rêvait d'un monde où tous les hommes pouvaient s'aimer et se comprendre...

Musique ♫:

Il était si jeune. Ses mains ensanglantées gravait maladroitement un nom sur une plaque...

Il était prisonnier. Son ami défiait un torrent de flamme...

Il avait apprit d'elle, son élève avait tenté de s'ôter la vie...

Il l'attendait dans sa tente. Seulement elle ne venait pas.

Elle tombait dans ses bras. Son corps était glacial tandis que l'aube se levait sur le désert.

Cette promesse... l'enfant me la murmurait.

« Si le collier venait à se remplir un jour, il aura failli. Car ils seront plus nombreux dans le ciel que ici bas sur terre. »

Le soleil se levait à nouveau sur le désert. Il était entouré par les siens, par ceux qu'il aimait. Et d'immense rempart s'élevèrent autour de lui obstruant le ciel.

Il se retrouvai enfermé, seul assis devant une table attendant ce qui ne viendrait plus jamais.

Et moi où étais-je dans toute cette neige ? Je n'avais pas froids, je n'avais pas peur, mais je me sentais abandonnée. Elle n'était pas là pour moi. Elle me manquai tant...

« Maman où es-tu ? »

Pourquoi courir éternellement après ceux qui nous sont chers si nous ne les laissons jamais nous rattraper ? La vie continuait. Le monde avançait et nous étions toujours en retard.

Sa peine me déchirait le cœur. J'avais envie de pleurer pour ce frère que je n'avais jamais connue.

Une main chaleureuse se posa sur mon épaule. Moi j'entrais dans la pièce. Il se blottit contre-moi. Je l'attrapai par le poignet pour l'attirer dehors.

Nous étions toujours prisonniers dans la tempête. Perdu dans l'obscurité mes bras entouraient sa nuque. Je le serrai contre moi, la tête basse appuyée contre son épaule ; pleurant en silence.

« Merci... Merci pour tout. Je... Je ne laisserai plus aucun nom apparaître dessus. Je t'aiderai. Je serais là. Je te le promet !»

La félicité me quitta. Mes griffes s'effritèrent comme de la terre séchée laissant réapparaître mes doigts. Je ne ressentais plus a travers lui, mais avec lui.

Je m'endormis avec un cœur allégé car enfin partagé...

Je n'étais plus seule au milieu de la neige.
Il était de nouveau libre au milieu du désert.