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Un début qui avait tout de ce qu'il y a de plus classique pour Natsuki. Son ordre de mission était arrivé dans la matinée, et après en avoir prit connaissance, il avait préparé ses affaires. Une demi-heure plus tard, il était déjà sur la route principale, les remparts de Konoha dans son dos, loin derrière la barrière d'arbres que formait la forêt du Village de la Feuille. Cette mission tombait plutôt bien à dire vrai, il avait sentit le besoin de changer d'air dernièrement. Konoha était étouffant en ce moment, aussi un séjour à Ame, même pour le travail, était le bienvenu à sa manière – même s'il se rendit compte plus tard que ce n'était pas beaucoup mieux là-bas. Cela ne l'était nulle part en fait, une raison de plus de croire que le problème venait de lui, et non du monde.

Il avait eu deux jours de voyage en solitaire pour méditer là-dessus, soit deux jours de plus dans sa vie à ajouter à tous les autres. Il n'était pas plus avancé qu'à son départ, si ce n'était physiquement : ses pieds foulaient le sol d'Ame désormais, maintenant qu'il avait passé la frontière séparant ce Pays de celui du Feu. Natsuki n'avait jamais eu beaucoup l'occasion de se rendre dans cette région du monde par le passé, même si limitrophe à sa nation, aussi il en ignorait une bonne partie de la topographie. Une carte lui était nécessaire pour se repérer et arriver à destination. Le trajet restait cependant vague, et plutôt que d'aller du point A au point B en ligne droite, il opta pour une courbe afin de passer une dernière nuit dans un petit village avant d'arriver sur le lieu de sa mission. Il est vrai qu'il aurait pu arriver un jour plus tôt en pressant le pas, mais ce n'était pas pour ce qu'il était payé qu'il s'en donnerait la peine. L'argent n'était de toute façon plus une motivation depuis longtemps, encore moins un but...

Il ne fit pas vraiment attention au nom de l'endroit où il se rendit, néanmoins quelque chose attira son attention : un chantier de proximité. A en juger par les échafauds, celui-ci était déjà bien entamé, et devrait toucher à sa fin sous une poignée de jour.

« Un dojo... » remarqua-t-il après s'être arrêté pour observer les ouvriers à l'oeuvre.

Ce genre d'établissement fleurissait partout ces derniers temps - non pas qu'ils étaient rares avant, bien entendu. Nombreuses étaient les écoles d'arts martiaux à travers le monde, les shinobis n'ayant pas le monopole du Taijutsu – ce dernier étant d'ailleurs le plus souvent propre à chacun, ou issu d'une école martiale particulière. Mais depuis peu, Natsuki avait l'impression d'en voir de plus en plus, à croire que la population en avait assez de dépendre des shinobis pour sa sécurité, de même qu'elle n'avait plus suffisamment confiance en l'armée des Daimyos. Le conflit Nation – Ordre avait plus d'impact que ce qu'en pensait le Nara tatoué... Un bon filon pour les maîtres de dojo.

Natsuki se surprit à vaguement se demander ce qu'allait enseigner ce dojo-ci quand il sera terminé. Il n'avait pas quitté le bâtiment des yeux depuis une poignée de minutes. Ce n'était pas tant les ouvriers en activité qu'il regardait, mais plutôt la forme finale de l'établissement qu'il s'hasardait à imaginer.

Un établissement emplit de soldats, une nouvelle force militaire entrant dans la balance des forces armées de ce monde.

Les locaux d’entraînements martiaux étaient en construction depuis seulement quelques jours, mais les employés d’Ame no Kuni mettent tellement de cœur à l’ouvrage qu’il était déjà possible de distinguer la forme que prendra le Dojo. Entre gestion, décisions et discussions, j’ai laissé la plus grande partie des leçons à mon jeune apprenti : Tajiro. Ce jeune civil de Gio, vanupied de naissance, a montré un réel intérêt à l’Art du Sabre et, aussi, à sa Voie.

« La Voie Zen, » dis-je au calligraphiste. « Ce sera le nom du Dojo! »

L’homme prend une note sur un bout de papier avant de prendre la parole.

« Donc, vous allez enseigner le Bushido, c’est ça? » Me demande-t-il en pointant ma classe encore à l’entraînement à quelques dizaines de mètres de l’établissement.

« Oh, non! Je déteste cette idéologie! »

« Quoi? Non, je veux dire, vous allez montrer à utiliser les Katanas, c’est ça? »

Je lui souris.

« En fait, quiconque voulant enseigner pourra le faire ici, gratuitement. Quiconque voulant apprendre, ici, pourra le faire, simplement en me versant la somme la plus minime possible pour que je puisse payer les taxes. »

L’homme me jauge pendant une seconde et, après un hochement de la tête, il retourne à son boulot. Je m’installe sur une roche un peu plus loin, déposant ma ceinture de sabres au sol. Je craque mon cou et observe le chantier. Tous ces ouvriers travaillent vite et bien.

*D’ici quelques jours, j’en serai à la décoration intérieure et au recrutement de divers professeurs! Tout ça, je le dois au dirigeant de Konoha, Onpu. Je lui suis très reconnaissant!*

Je vois plus loin, un petit nuage de poussière s’avancer très rapidement. J’attrape ma ceinture et son contenu et je me lève, observant les mouvements de cette chose. Lentement, elle ralenti, passant entre les multiples structures servants à la construction, jusqu’à arrêter complètement. Je plisse les yeux, croyant reconnaître l’homme qui apparaît.

« Natsuki? »

J’attache ma ceinture rapidement et je me mets à la course jusqu’à être près de lui. À quelques mètres, je l’interpelle.

« Natsuki! »

J’arrive à sa hauteur et, très souriant, ayant un bon souvenir de notre rencontre lors de la compétition dans la Nation de la Feuille, je sors ma main, lui présentant une poigne qu’il pourra serrer s’il en sent l’envie.

« Que faites-vous ici? »

L'appel de son nom le ramena à une réalité plus tangible. Qui donc le connaissait dans ce pays où il ne s'était jamais illustré ? Son regard fatigué balaya les environs, jusqu'à tomber sur un jeune homme arrivant à sa hauteur. Il le dévisagea alors un instant, ce dernier ne lui évoquant rien de particulier dans l'immédiat. Ses yeux tombèrent ensuite sur les nombreux sabres qu'il portait à sa ceinture, bien plus qu'il ne pourrait en manier en même temps avec ses deux bras d'humain. Oui, le Nara tatoué connaissait cet épéiste. Il l'avait vu il y a deux ans à Konoha, pendant une compétition sportive, puis un an plus tard lors d'un événement en bord de mer, inachevé à cause d'un membre déserteur dans les participants. Mais si Natsuki l'avait reconnu ce jour là, l'inverse n'était pas vrai, vu qu'il s'était présenté masqué au rendez-vous mystérieux qu'il avait reçu. Le moins que l'on pouvait dire est que le jeune homme avait bonne mémoire, pour se souvenir ainsi d'un nom et d'un visage vu une unique fois il y a si longtemps. Une qualité qui lui sauvera sans doute la vie aussi assurément qu'y parviennent les sabres qu'il maniait.

Une main apparut, amicalement tendu pour se faire serrer. Par réflexe mécanique, engendré par des années de services militaires, il y jeta un coup d’œil à la recherche d'un sceau ou d'un bague. Pas d'entourloupe à priori, il l'empoigna à son tour, un sourire factice mais cordiale sur les lèvres, une expression désolée sur le visage.

« Je suis désolé. » commença-t-il. « Je ne crois pas me souvenir de votre nom. »

Il y avait un '' Taku- '' quelque part dedans, mais c'était tout ce dont il avait retenu du nom. Et l'appeler par un diminutif à ce stade de leur relation serait extrêmement impolie. Il devenait peut-être dérangé et sauvage par moment, mais il n'en gardait pas moins la bonne éducation de ses parents.

« Je suis venu rendre visite à de la famille qui habite dans le nord du pays, cela fait longtemps que je n'ai pas eu l'occasion de les voir. »

Mensonge éhonté, certes, mais pas à mauvais dessein. Le secret professionnel l'obligeait simplement à ne pas parler de ses missions, ni même de dire qu'il était en route pour. L'on ne savait jamais dans quelles oreilles pouvaient tomber une information, ou à qui elles pouvaient être relayées : il suffisait que son assignation ne joue pas dans les avantages de quelqu'un pour qu'il s'assure des embûches en plus. Le travail des shinobis, même s'il les amenait à faire raser des villages, devait se faire dans la discrétion la plus totale...

« Mais il se fait trop tard pour atteindre la prochaine destination avant le coucher du soleil, aussi je songeais à passer la nuit dans ce bourg avant de reprendre ma route demain. Je m'étais simplement égaré de ma recherche d'une auberge en observant le dojo qui est en train de se construire. »

Il regarda à gauche et à droite rapidement, avisant le chemin de village sur lequel ils étaient en plein milieu.

« Dites-moi. Vous qui étiez déjà là avant moi, savez-vous où je pourrai trouver un établissement pour passer la nuit ? Ou bien venez-vous vous-même d'arriver en ville ? »

Les petits villages n'avaient toujours d'endroit pour les voyageurs, tant leur localisation n'était pas propice au tourisme ou aux déplacements. Ils se contentaient de vivre pour eux-même, dans une relative autarcie. Néanmoins, si celui-ci devait voir un dojo de proximité se construire, cela allait forcément attirer du monde. De quoi faire tourner un nouveau commerce florissant pour chacun.

« Cela doit bien faire deux ans que je ne vous ai plus vu. Vous poursuivez toujours le même objectif ? » lança-t-il sur le ton de la conversation pendant que l'épéiste le conduisait.

Un objectif, oui, il le lui avait dit lequel à Konoha, pendant leur interview. Mais de là à se souvenir lequel... L'on avait beau dire que les Nara étaient des génies avec un QI à faire pâlir d'envie les éminences grises du monde, ils n'en restaient pas moins des humains : aucun, s'il ne s'est pas concentré pour la mémoriser, ne serait capable de se souvenir en détails d'une conversation ayant eu lieu avec un inconnu il y a des années. Un Yamanaka peut-être, si. L'on dit que les membres de ce clan maîtrisaient si bien leur esprit qu'ils devenaient apte à développer une mémoire aux capacités de stockage virtuellement illimité. De quoi se souvenir de chacun des battements de leur cœur. Fascinant...

Je souris à cet homme qui avait commenté, il y a de ça un long moment, un combat que j’avais fait pour la compétition de la Feuille d’Or à Konoha lors de mes premiers voyages. J’avais partagé avec lui quelques moments intéressants avant de finalement découvrir l’emplacement de Takujin, avant que toute cette aventure ne débute vraiment.

*Je suis si près du but! Je trouverai les survivants bientôt.*

Je secoue la tête rapidement, effaçant ses pensées négatives de mon esprit au moment où Natsuki empoigne ma main après une inspection rapide. Je me souviens bien de lui. Il avait un air plutôt blasé lors des commentaires, mais semblait très éveillé. Je me souviens surtout de ces tatouages!

« Takusanken, monsieur. N’hésitez pas à m’appeler Taku comme tous les gens le font. Mon nom est long et j’en suis conscient! »

J’écoute le Konohajin m’expliquer la raison de sa visite et, aussi, me poser quelques questions. Je ne le coupe pas, l’invitant de la main à marcher avec moi jusqu’au rocher où j’étais installé avant de le voir arrivé au Dojo.

« Bien, à quelques pas, il y a Gio. C’est un village plutôt nouveau dans lequel j’ai une maison qui m’a été offerte par les paysans après que je leur ai enseigné une partie de mon savoir au Sabre. Je vous invite à y passer la nuit, si vous désirez! »

Je tourne mon regard vers lui.

« Sinon, il y a évidemment une auberge près de l’entrée, à quelques pas des étables. »

Je m’installe au sol, déplaçant mes Katanas pour faciliter le mouvement.

« Disons que j’ai plusieurs buts! Je veux retrouver les survivants de mon village maintenant détruit, je veux que le Zen’Ryou puisse réellement faire une différence, je veux toujours aider les gens. »

Je marque une pause et retourne mon regard vers les ouvriers.

« C’est pour ça que je fais construire ce Dojo! Je compte enseigner l’Art du Sabre, mais aussi la Voie! Je veux faire en sorte que les cours soient gratuits! J’ai communiqué avec le dirigeant de la Feuille pour avoir sa bénédiction puisque cette région est près de la juridiction de Konoha. »

Mes yeux se déplacent vers les élèves qui terminent leur échauffement avant de commencer le sparring.

« Mon but, ici, est simple! De permettre aux civils de se défendre contre les bandits communs ou les bêtes, de leur permettre de gagner une certaine confiance et, aussi, de pouvoir apprendre l’étiquette d’un Samuraï, une nouvelle manière de voir la vie! Je veux qu’ils puissent se protéger et qu’ils découvrent que se battre n’est pas essentiellement la seule solution! »

Mon attention retourne à Natsuki.

« Pour ça je vais avoir besoin d’autres enseignants! Et, d’autres élèves! Si possible, j’aimerais qu’ils proviennent de différentes origines! C’est peut-être un peu trop demandé, présentement, » termine-je en rigolant doucement.

« Ce serait avec plaisir que j'accepterai votre hospitalité. » répondit Natsuki en hochant la tête.

Il était encore tôt, ou plutôt pas encore assez tard, pour que chacun retourne chez lui sous le couvert de sa maison, aussi Takusanken le conduisit plutôt ailleurs, un rocher qui dépassait du paysage et depuis lequel il observait les travaux. Natsuki jeta son sac à dos contre et s'installa à côté, posant ses yeux sans s'intéresser réellement sur le même spectacle ouvrier que lui.

« Je vois. » répondit-il finalement sans réellement voir quoi que ce soit.« Cela fait un moment que vous les chercher non ? » hasarda-t-il. « Déjà depuis votre séjour à Konoha. Cela vaut-il encore le coup de chercher ? Je veux dire, j'ignore ce qu'il s'est passé pour votre village exactement, mais depuis le temps, chacun n'a-t-il pas refait sa vie ailleurs ? Reconstruit une existence et bâtit un foyer depuis sa fuite. Je ne sais, je demande juste. C'est sans doute quelque chose auquel vous avez déjà réfléchit avant moi. »

Pour la suite par contre, il n'eut qu'un soupir dédaigneux.

« Tseu. Je ne vois pas en quoi votre projet de construire un dojo regarde Konoha et son Hokage. Comme s'il avait son mot à dire pour chaque boulangerie, hôtel et établissement qui doit voir le jour ici. Ame est un pays aux liens avec celui du Feu, et certainement pas sous la juridiction d'un Village shinobis, bien que les accords ont été traités avec ce dernier. C'est à cause de croyances comme celles-ci que la situation est si tendue entre les Daymio et les ninjas. Konoha est une armée privée certes, comme Suna et Kumo, mais un Village n'est pas éternel contrairement à un Pays. L'Ordre ne devrait pas prendre autant d'indépendance vis-à-vis de la Nation dans laquelle il est établit. Nous avons tous vu où cela nous a mené. Des guerres et encore des guerres, pour des raisons stupides. »

Il en eu un sourire amère.

« C'est notre quotidien à nous les shinobis remarquez. Nos duels pour les conflits d'intérêts de nos employeurs ne sont jamais rien d'autres que des guerres à plus petite échelle, je peux donc difficilement jeter la pierre. A la différence cependant qu'un petit affrontement par-ci par-là ne fait pas souffrir des pays entiers en collatéral. »

Il tourna la tête vers Takusanken, un sourcil arqué.

« J'imagine que le Hokage vous a demandé de payer un impôt sur le revenu aussi, sous prétexte que vous prenez le travail des shinobis en permettant à la population de se défendre par elle-même ? »

Il eu un soupir, et ses épaules s'en affaissèrent.

« Nous gagnons notre vie sur les problèmes des autres, comme le font les médecins ou les boulangers certes, mais je trouve dommage que des freins soient mit dès que des solutions se proposent. Surtout quand il est question de la vie des autres. Enfin, heureusement pas avec tout. Je ne suis pas sûr de savoir ce qu'est le Zen'Ryou, mais si je devine bien d'après ce que vous m'en avez dit, c'est une organisation qui tente de venir en aide à la population dans le besoin, non ? Un de mes étudiants s'est aussi mit en tête de fonder un groupe dans ce genre. Et vous n'êtes pas les seuls à mener de tels groupuscules. C'est aussi empiéter sur le domaine des ninjas, mais ce n'est pas pour autant que les Villages leur demandent de payer des taxes là-dessus. Simplement parce que c'est impossible. Quant à leur donner la traque, vous imaginez la mauvaise publicité que cela ferait. »

Il secoua doucement la tête.

« Pour cela que je trouve un peu facile de taper sur un dojo parce qu'il est fixe. Mais bon, je comprends d'un autre côté le point de vue du Hokage. Il a un Village et ses habitants à faire vivre et nourrir. Personne n'aime voir ses opportunités de travail se réduire. Il prend donc l'argent où il peut, et surtout sur la concurrence. »

Natsuki ramena ses yeux sur le dojo.

« Cela va aller du coup, pour assurer des cours gratuitement ? Ce serait dommage que votre projet ne voit pas le jour juste pour une question d'argent, car c'est une bonne idée que vous essayez de faire germer je trouve. Apprendre à son prochain à manier non pas seulement une arme, mais un concept, une philosophie. Non pas l'art de devenir fort, mais celui de défendre et de se défendre. »

Il afficha un maigre sourire dans le vide.

« Mes connaissances sur la mentalité Samurai ne sont que très académiques, mais je ne pense pas me tromper en disant cela, car il y a une phrase que j'en ai retenu : '' une lame tirée au clair pour en garder mille dans leurs fourreaux.'' Je pense que cela illustre bien ce que vous visez, non ? »

Peut-être pas, en fait. Après tout, ce verbe désignait d'avoir un combattant suffisamment fort pour éviter à beaucoup d'autres de prendre les armes. Ou plus exactement, d'être une force de frappe dissuasive, retirant par la peur – mais pas par la menace – l'envie de se montrer belliqueux. Si ceux qui vivent du vol et du banditisme se heurtent trop souvent à des murs de résistance, alors peut-être cesseront-ils. Ici en tout cas. Takusanken lui cherchait plutôt à apprendre à son prochain à protéger ce à quoi il tient. Tant pis, le Nara tatoué avait juste mal placé sa citation.

« Sont-ce là tous ceux à qui vous enseignez pour le moment ? » demanda-t-il en désignant ceux qui s’entraînaient plus loin. « Cela ne fait pas tant que cela. Surtout si ceux à qui vous désirez enseigner ne sont que des hommes et des femmes du peuple. A proximité, cela va encore, mais peu peuvent se permettre de laisser toute leur vie bâtit loin derrière eux pour rejoindre votre dojo. Pourquoi vouloir d'autres formateurs du coup ? Je doute que vous atteignez rapidement la limite d'étudiants à instruire. »

Même s'il avait un ton quelque peu réservé, Natsuki ne pointait pas ce fait méchamment. La part de Nara en lui était simplement curieuse de savoir à quel point l'épéiste voyait son projet en grand.

Silencieux, j’écoute l’homme aux tatouages multiples m’expliquer son point du vue. Je me laisse bercer par la clémente température et la brise alors qu’il s’exprime sans la moindre hésitation apparente.

*Alors, il croit, tout comme moi, que les Shinobis se nourrissent volontairement de la douleur d’autrui. Ils existent uniquement pour l’argent et, malgré le sentiment d’appartenance qu’ont la plupart pour leurs nations, ils ne restent que des mercenaires à la solde du plus offrant ou de celui que le dirigeant choisi comme étant cible logique.*

Malgré un rictus de rage que je cache aussitôt, je reste toujours silencieux. Ma respiration change un peu et revient presqu’aussitôt à la normale. Ensuite, il me frappe, agressivement, avec une phrase qui vient, cette fois-là, me chercher profondément.

« Une lame tirée au clair pour en garder mille dans leurs fourreaux. »

Mon regard change du tout au tout.

Mes yeux s’écarquillent et, pendant une seconde, je digère cette notion.

*Serait-ce mon rôle? Devrais-je être une arme pour que les autres n’en nécessitent plus? Devrais-je répandre l’ordre ainsi?*

Je serre les dents, secoue la tête et revient à la discussion.

« Oui, » dis-je, encore un peu confus. « Il s’agit là de villageois provenant de Gio. Cependant, je compte accepter d’autres membres du Ame no Kuni ou d’ailleurs! Je ne veux pas me limiter. »

Je tourne la tête vers le Konohajin.

« Ni limiter les élèves! Je veux qu’ils puissent avoir le meilleur enseignement possible! J’espère qu’ils se développent et, ainsi, qu’ils développent leur entourage! Avoir plusieurs professeurs, ça ne peut être que positif! Aussi, je ne serai pas tout le temps présent! Et, je ne sais pas jusqu’à combien de gens pourraient être intéressés. »

Je me tourne maintenant complètement.

« Imaginez, Natsuki. C’est vraiment la première fois, dans le monde Ninja, qu’un homme montre aux civils à se défendre! C’est certain, la plupart d’entre eux n’auront jamais le contrôle du Chakra comme un Shinobi, mais ceux qui pourront sortir du lot aideront les leurs! Je ne veux pas créer une nouvelle force militaire, vous le savez! Cependant, si le peuple peut avoir quelques héros qui pensent à eux au lieu de penser en contrats et missions… »

Je laisse cette phrase en suspens, étant peut-être trop investi émotionnellement.

« Bref, je ne connais rien au Chakra, déjà! Je ne connais rien aux styles différents, aux pouvoirs spéciaux, aux potentiels cachés des gens! Je n’ai que l’argent et la volonté, que quelques notions d’une manière d’user d’un sabre, » continue-je, en clignant d’un œil. « Dites-moi, aimeriez-vous m’aider? Vos paroles semblent sages et vous avez du vécu, non? »

La question est sortie sans préavis, sans introduction. Je n’y avais pas pensé préalablement.

« Oui, je le sais. Rares sont les civils qui maîtrisent ne serait-ce qu'un minimum leur chakra. Mais ils ne sont pas les seuls, et cela n'empêche pas de devenir un bon combattant. Prenez les moines de Maskine, qui utilisent la Lumière de leur foi s'ils sont poussés à se battre. Plutôt que le chakra, ils exploitent le chi pour des effets tout aussi impressionnant. Et vous autres samurai, qui puisez dans l'énergie, je ne crois pas que vous ayez besoin de chakra pour trancher une montagne en deux. Je ne parle même pas des gladiateurs et autres artisans de l'arène, incapable d'utiliser une autre ressource que leurs muscles et leur cerveau pour se battre, et que je n'aimerai pas avoir contre moi. Si vous voulez mon avis, oubliez le contrôle du chakra, vous pouvez faire largement sans pour eux. A quoi bon de toute façon ? L'apprentissage de ces sources de puissance est long, fastidieux, et n'a d'intérêt que pour ceux qui vivent par le combat. A celui qui mène une vie ordinaire, être capable de défendre est amplement suffisant. »

L'Histoire a prouvé que le pouvoir montait souvent trop vite à la tête, et que cette raison était à elle seule un très bon prétexte pour qu'il soit jalousement conservé par une minorité sous le couvert de vouloir protéger l'équilibre.

« Vous pensez vraiment que les héros du quotidien n'existent pas ? » coupa Natsuki dans un instant de silence. « Tous ne manient peut-être pas l'épée, mais ils sont là. Sinon, comment appeler le mari qui chaque hiver et malgré son âge avancé continue de couper et de ramener du bois de chauffage pour sa femme ? Comment nommer la mère qui veille toute la nuit au chevet de son enfant malade pour le réconforter et apaiser sa souffrance ? Comment désigner le médecin de campagne qui par tout temps et tout danger continue d'arpenter les routes pour en venir en aide à ceux qui en ont besoin ? »

Il haussa les épaules.

« Nous autres les shinobis sommes parfois appelés des héros aussi, mais nous ne le sommes que parce que c'est notre métier, et qu'il y avait un filon là-dessus, tout comme le boulanger gagne sa vie parce que la faim existe. Nous pensons peut-être en contrats et en missions, mais parce que nous devons gagner notre vie à l'instar de n'importe qui. Et tous comme les véritables héros de ce monde, ceux cités plus haut, la générosité et le don de soi est possible, mais limité : nous ne pouvons être le héro aux yeux que d'une poignée de personnes, et en aucun cas d'un monde. »

Natsuki risqua une question pour appuyer son idée, bien qu'avoir raison ou tort ne l'intéressait pas particulièrement.

« Jusqu'à ce jour, et ce projet de dojo, comment avez-vous gagnez les moyens de vivre, Takusanken ? Simplement en comptant sur la générosité de la veuve et de l'orphelin ? J'ai été lapidé dans un village pour cela une fois. »

Que de souvenir, remontant à une époque où il était encore jeune et insouciant. Six ans déjà, ce que le temps passe vite... Mais de retour au présent, une question l'attendait

« Quelle genre d'aide espérez-vous de ma part exactement ? » questionna-t-il en pivotant simplement la tête vers son interlocuteur. « Une aide financière, que j'attire du monde vers votre dojo, ou que je discute avec le Hokage pour réduire les taxes qu'il veut vous imposer ? »

Il afficha un maigre sourire.

« Inutile de répondre, je plaisantais. Je me doute bien que c'est un nouveau professeur que vous cherchez dans l'immédiat. Cependant, comme vous le supposez très certainement, je ne suis pas vraiment un manieur de sabre, et encore moins capable d'enseigner ce que vous voulez réellement transmettre : un principe de vie. La voie que vous souhaitez apprendre à vos disciples vous appartient. Même en le voulant, je n'arriverai qu'à en reproduire qu'un pâle reflet. Tout ce que je pourrais donner ici, c'est de l'expérience au combat. Un renforcement du corps peut-être, mais pas de l'esprit : ceci est un domaine dans lequel c'est votre mentalité qui doit primer. Autrement dit, je n'ai pas davantage à offrir à votre dojo que n'importe quel autre soldat de ce monde. D'où ma curiosité : qu'est-ce qui vous fait croire que je serai un bon professeur ? L'occasion parce que je suis juste de passage? »

Son sourire s'étira un peu, mais ne gagna pas ni en éclat, ni en authenticité.

« Vous ne me ferez pas croire que vous êtes désespéré au point de vouloir recruter le premier venu. La détermination dans votre voix trahit que vous ne confierez pas votre bébé à n'importe qui. Alors pourquoi me faire cette demande à moi, un soldat qui représente tout ce que vous semblez détester ? »

Ce n'était pas une proposition que lui avait soumit Takusanken, mais une invitation. La différence restait cependant suffisamment infime pour être négligeable : il n'aurait pas ouverte la porte de ses projets à quelqu'un en qui il ne voyait pas les valeurs qu'il recherchait pour le mener à bien.

La question était donc, qu'est-ce qu'il l'avait amené à?

Je sors un cure-dent d’une poche en me laissant lentement glisser de mon rocher. En écoutant Natsuki s’exprimer sur le sujet des héros de tous les jours, je courbe le dos et positionne ma tête entre mes mains qui s’appuient doucement sur mes genoux grâce à mes coudes. Ce mouvement se fait très lentement sans que j’aie besoin d’y penser. Le bout de bois s’infiltre dans ma bouche et, toujours en gardant un sourire lumineux, j’intègre toutes les paroles du Konohajin aux tatouages nombreux.

Ensuite, il s’aventure dans le domaine monétaire, me demandant d’où proviennent mes fonds. Tout en gardant ma tête appuyée sur ma main gauche, l’autre se libère et vient nerveusement caresser ma nuque. Je suis un peu réticent à lui expliquer la source de mes richesses, à lui dire qu’il y a de ça un bon moment, avant même que je ne le rencontre à Konoha, j’ai sauvé la vie d’un des plus grands criminels de cette terre et, qu’en échange, il m’a laissé pour mort. Après l’avoir retrouvé, il a accepté de partagé l’argent qu’il venait d’acquérir et, donc, depuis je n’ai plus un seul souci monétaire.

« Disons simplement que j’ai de l’argent, » dis-je pour fuir la question.

Je soupire légèrement voyant qu’il se lance sur un autre sujet, plus important. Pourquoi lui ai-je proposé de venir m’aider? Pourquoi voudrais-je de lui comme professeur? Que pourrait-il apporter? Je lui souris sans le quitter des yeux.

« Ce n’est pas mon bébé, c’est un retour que je fais au monde. Je n’ai pas besoin de professeurs, je veux des gens qui veulent aider les autres. Je n’ai rien contre les soldats, j’ai des problèmes avec les drapeaux. Je n’aime pas les frontières, je déteste la xénophobie et les secrets. »

Je redresse mon dos, expire longuement et m’étire en arquant mes bras au-dessus de ma tête. Lentement, ils redescendent et prennent position sur mes cuisses. Ma main droite attrape au passage mon cure-dent et se met à le faire danser entre mes doigts.

« Ici, dans le Dojo de La Voie Zen, j’espère pouvoir enseigner à tous. J’aimerais aussi que tous les élèves puissent apprendre ce qu’ils souhaitent. Si, par exemple, l’un d’entre eux n’aime pas les Katanas, j’ai un problème, » dis-je en rigolant. « Sérieusement, j’ai un rêve simple, ici! Des gens de partout qui viennent sur ce terrain neutre pour apprendre à des étudiants de partout des arts différents, voire uniques! »

Je penche lentement ma tête sur le côté, comme si j’observais Natsuki sous un nouvel angle.

« Je sais que les nations Shinobis ne veulent pas dévoiler leurs secrets. Je ne veux pas que ce soit le cas! Mais, il y a certainement des choses qui peuvent être montrées et enseignées sans révéler des secrets si importants! »

Je fais un sourire plus narquois qui ne dure qu’une seconde et ma tête reprend, ensuite, sa position initiale.

« Mais, pourquoi vous? Simplement parce que vous me semblez être une bonne personne. Je n’en demande pas plus. Vous avez été gentil avec moi, à Konoha, et je suis certain que sous vos airs las de tout, vous voulez aider malgré votre rôle de soldat, comme vous dites. »

Mon sourire devient malicieux. Un grand rayon solaire se faufile jusqu’à nous. Je sais pertinemment qu’à la lumière du jour, mon regard est spécial, car lorsque les jours sont très lumineux, mes iris deviennent jaunes et, quand la lumière est directement dirigée sur mes yeux, ils peuvent être dorés.

« Je ne veux pas que vous preniez une décision, Natsuki. Sachez simplement que si vous désirez montrer quelques passes à des élèves motivés, ce Dojo existe. Et, si jamais vous voulez m’aider, votre aide sera la bienvenue! Ça n’engage à rien, je me charge des dépenses et des risques, » dis-je en rigolant encore. « J’aurais assurément des problèmes avec les Clans Samuraï, mais je m’occuperai de ça à mon retour à Tetsu no Kuni. »

« De l'argent, hein ? » répéta Natuki d'un air entendu.« C'est bien ce que je disais : c'est facile de reprocher aux autres de jouer les justiciers pour vivre plutôt que par charité quand l'on a soi-même de quoi assurer son lendemain sans problème. Mais dans l'instant, l'on s'en fiche un peu tous deux : il n'est pas question de savoir si mon métier est formidable ou non, mais de voir à quel point votre projet peut l'être. Et comment je peux y contribuer. »

Il se frotta une cerne de l'annulaire, ce qui ne l'effaça pas pour autant.

« Vous savez Takusanken, si je vous collais mon poing dans le visage, vous auriez mal. Il n'y a pas d'autres secrets jalousement gardé dans l'enseignement militaire de Konoha. Il n'y a donc rien de mystique et d'interdit dans mes connaissances martiales que je pourrai enseigner ici. Je fais partie de l'ancienne génération, celle qui n'a pas connu l'Académie du Village, mais qui a fait son apprentissage au sein du clan. Aucun marque déposée sur l'art de lancer une main fermée sur sa victime. Apprendre à se battre chez nous, c'est renforcer son corps. En dehors des bases, nous utilisons chacun notre propre style apprit en autodidacte, et développé sur le terrain, dans le sang des autres comme le notre. »

Durant un long moment, il resta silencieux, à faire le point sur sa situation et celle de Takusanken.

« Il y a longtemps, j'ai été jeune, et bien que je savais déjà que le monde était moche, j'avais des rêves. Celui de rendre notre terre un peu meilleure à vivre en faisait partie. La réalité et le temps ont apporté tous deux des changements qui leur sont propres, et qui m'ont conduit à revoir tout à la baisse. J'en avais presque oublié tout cela, et vous me faîtes penser à ce '' moi '' d'avant quand je vous entends parler. »

Natsuki posa ses yeux sur le samurai, et l'observa de longues secondes comme s'il voyait quelque chose d'autres bien au-delà.

« Votre projet mérite que l'on y porte attention et de bénéficier d'autres choses que des taxes de la part de Konoha. Je veux bien essayer de vous prêter les moyens de vos ambitions Takusanken. Mais pas maintenant. Je dois d'abord finir – commencer – d'aller au nord du pays pour y voir les miens. Mais je reviendrai vous accorder deux mois. Je verrai ce que je peux apporter ici pendant ce laps de temps. »

Il allait sans dire qu'ensuite il retournera chez lui, au Pays du Feu, ne pouvant s'absenter trop longtemps du Village de la Feuille. Mais deux mois devraient être possible. A part la tension avec les Daymios, il ne devrait à priori rien se passer de grave dans les prochains temps. Quant à l'unité dont il était le chef, Iji devrait pouvoir chapeauter sans soucis la nouvelle recrue. Et pour ce qui était de son équipe shinobi... s'il en avait encore une en état, cela se saurait.

Il trouvera bien une excuse pour rester dans la région quelque temps, lorsqu'il aura terminé ce qu'il avait à faire plus au nord.

« Et pour information, je ne suis pas las de tout. Je suis juste fatigué. »

Fatigué de l'existence que sa malédiction lui faisait mener. Au quotidien, cela allait, mais il y avait toujours des jours plus marqués que d'autres...

« Les samurai sont-ils donc aussi secrets que les shinobi concernant le bushido ? Ou bien avez-vous juste fait autre chose pour attirer la fureur de vos frères épéistes ?

Souriant, comme toujours, je me relève lentement. Tout en écoutant les propos, encore, de Natsuki, je courbe mon dos produisant ainsi un bruit de craquement à trois successions rapides. Je fais de même avec ma nuque et mes épaules. Je lance, ensuite, le cure-dent entre mes lèvres en même moment où le Konohajin propose de donner deux mois de son existence à ce humble projet.

Je lui tends la main pour l’aider à se relever.

« J’apprécie et j’accepte, évidemment, votre aide. Je suis certain que d’ici votre retour, le Dojo sera complété! »

Je me mets ensuite en direction de Gio puisque mon ventre réclame nourriture et je commence à sentir l’envie d’être au chaud, chez moi. J’avais invité Natsuki et je comptais bien lui permettre de bien dormir, confortablement, et d’être bien nourris spécialement parce qu’il prend de son temps pour moi et les habitants de la petite cité.

Lorsqu’il me questionne sur les Bushi, je le regard pendant une longue seconde, toujours en marche en direction du village, pour voir s’il est sérieux. Ensuite, je me mets à rire d’une voix franche et honnête. Je rigole pendant plusieurs pas avant d’essuyer une larme tout en tentant de reprendre mon sérieux malgré les multiples spasmes d’hilarité qui m’assaillent.

« Oh, Natsuki, » dis-je en riant. « Les Samuraï avec leurs traditions et leur culture, vous savez! Ils sont encore pires! Je crains qu’ils n’apprécient pas que j’enseigne les préceptes du Sabre s’ils viennent à l’apprendre. Inversement, ils ne sortent pas beaucoup de leur coin de monde. »

J’expire pendant une longue seconde.

« Je veux réparer ça aussi! Ils sont enfermés dans leur monde de Fer, de Givre et de Glace. Fermés à la vie, fermés à ce qui se déroule en dehors de leurs frontières. C’est mon peuple, mais c’est aussi un combat que je désire porter plus tard. »

Je tourne légèrement ma tête vers l’homme de la Feuille.

« Je serai le chef de cette nation, un jour, vous savez? Je changerai les esprits de tous les habitants de Tetsu no Kuni! D’ici quelques années, il y aura beaucoup de changement dans le Nord. »

Sur cette phrase, nous arrivons à Gio. Ce village est composé presqu’uniquement de fermiers. Les quelques autres boulots sont la forge, l’auberge, les quelques commerces et le maire. Il y a, ici, que quelques gens ayant les connaissances techniques pour fabriquer des outils ou réparer des objets. Par contre, ce peuple est motivé et a le travail à cœur.

Lorsqu’Eden et moi avons aidé cette petite ville à survivre à une grave tempête, ils m’ont récompensé d’une maisonnée plus loin, à l’extrémité Sud du village. Cette maison a reçu des gens comme Miko et d’autres Shinobis, mais, aujourd’hui, elle sera l’hôte d’un invité de marque : Natsuki Nara.

Je dirige la marche jusqu’à ma demeure tout en conversant simplement avec le Ninja expérimenté. Je lui montre, çà et là, les vendeurs et, avant d’arriver chez moi, je passe chez le boulanger prendre un bon pain et lui acheter un vin de sa réserve secrète. Par la suite, à quelques pas de mon seuil, je passe prendre de la charcuterie. Ce repas sera un peu plus gras que je ne l’avais prévu.

*Tant pis!*

Je laisse donc mon compagnon entrer, accueilli par quelques chats et quelques chiens que je laisse vaquer chez moi. Tous les animaux et insectes savent qu’ils sont les bienvenues s’ils respectent certaines règles simples! Ainsi, je dépose les vivres sur la table et montre de la main une des chaises à mon invité.
Je prends une coupe et souffle pour en enlever la poussière.

« Un verre? »

Takusenken l'emmena en direction du fameux village Gio, celui dont il avait fait mention à plusieurs reprises. Il lui parla un peu de la bourgade, des commerces alentours, puis il lui montra la maisonnée dans laquelle il vivait. A peine le rônin l'avait invité à entrer que se dressa un problème : celle-ci était peuplé d'animaux domesticables. Les plus proches réagirent aussitôt à la présence du Nara tatoué : la plupart des chats hérissèrent les poils en crachant avant de prendre la fuite, alors que l'un ou l'autre chiens se mirent en position d'attaque, grognant à babines retroussées. Natsuki passa une main inconfortable sur son bras, puis se tourna vers sont hôte.

« Je n'ai pas un très bon feeling avec les animaux, comme vous le voyez... Pouvez-vous leur dire que je ne veux aucun mal à personne ? »

Il aurait très bien pu le faire lui-même, mais pour rappeler qui était le mâle alpha ici, il lui fallait montrer lui aussi les crocs, chose qu'il préférait éviter. Les animaux étaient trop imprévisibles, et de toute façon, il ne se passait jamais rien de bon dans ces cas-là. Triste de devoir imposer par sa présence la contrainte à son hôte, mais c'était cela ou laisser l’agressivité des bêtes grimper en flèche jusqu'au point de rupture.

Installés à table, Natsuki cru déceler un bref instant dans la manière dont Takusanken observa le repas du soir qu'il regrettait de ne pas pouvoir proposer mieux. Il balaya alors le doute de son hôte d'un sourire.

« C'est très aimable à vous de me recevoir sous votre toit, Takusanken, et plus encore de m'offrir le couvert pour ce soir. »

La qualité importait peu au Nara tatoué, tout ayant le même goût dans sa bouche. Alors que la cendre soit grasse ou préparée avec amour, cela ne lui faisait aucune différence. Le vin à l'inverse était lui bien plus dangereux.

« Malgré toute l'impolitesse que cela représente par contre, je vais devoir refuser le vin. Je supporte assez mal l'alcool : j'ai détruit la maison d'un ami la dernière que j'ai touché à de la liqueur. Ce serait dommage de prendre le risque et d'abimer celle-ci. » avoua-t-il sur un ton qui se voulait plaisanterie.

C'était vrai, mais pas que. La première et dernière fois qu'il avait vraiment bu, il s'était relevé le lendemain dans un état presque serein, apaisé. C'était presque comme si pendant quelques heures, le fardeau de ses peines et ses souffrances s'était envolé de ses épaules. Sans être une solution, c'était un répit à sa tourmente qu'il avait à porté de verre. Un répit tentant, mais qu'il n'avait plus jamais touché, grâce à l'homme qui s'était qualifié de son premier mentor. Un homme qui, hanté par son passé, se noyait dans l'alcool pour l'oublier car incapable de l'affronter. Une attitude qui avait inspiré le dégoût du jeune Natsuki de l'époque, mais qu'il comprenait aujourd'hui : l'alcool lui était un poison servant d'antidote à un autre poison. Une raison de plus pour ne pas ressembler à ce méprisable pochetron. Lui-même avait l'air misérable, mais cela ne justifiait pas à ses yeux de se prendre dans la spirale et descendre encore plus bas. Cela avait été déjà assez dur de résister à l'envie de s'enivrer à nouveau pour s'échapper de ses moments de crises les plus aigües après sa découverte, aussi il ne voulait même plus se laisser la moindre opportunité de flancher dans sa résolution.

« J'aimerai vous poser une question Takusanken. Qu'est-ce qui vous a fait vous ouvrir au monde ? »

Une question curieusement formulée, qui nécessitait peut-être des précisions.

« Je veux dire. Vous m'avez décrit les samuraï comme étant enfermés dans leur région, et ne s'intéressant pas à ce qui se passe autour. Et au vu de votre art ainsi que de la manière dont vous m'en parlez, je ne crois pas me tromper en supposant que vous avez vous-même eu votre apprentissage chez eux, non ? Mais malgré cela, vous êtes intéressé par votre prochain, qu'importe d'où il vient. Vous avez une idée, un projet non pas pour votre peuple, mais pour le peuple. »

Tandis qu'il parlait, il avait commencé à couper une partie de la charcuterie en tranches à l'aide d'un doigt recouvert de chakra avec l'aisance d'un ancien habitué de la cuisine. Cela ne valait pas la précision chirurgicale des scalpels en médecine, mais pour de la viande morte, c'était suffisant. Le pain par contre fut rompu, et non tranché : les restes d'une éducation aux anciennes croyances transmise au sein du clan à chaque génération. Ce qui illustrait d'ailleurs très bien la suite de son propos.

« En général, lorsque l'on nait et grandit dans un milieu fermé, l'on ne connait que sa culture. Ce que l'on vit tous les jours est considéré comme la '' normalité ''. Je ne trouve donc pas curieux la façon de penser qu'ont les samuraï du Pays du Fer que vous m'avez décrit. Ce que je trouve intéressant par contre, ce sera de savoir ce qui vous a ouvert les yeux ? Comment se fait-il que bien qu'ayant vraisemblablement grandit dans le même milieu que les autres épéistes, vous vous soyez démarqué par votre mentalité pour emprunter cette voie qui est la votre aujourd'hui ? »

Il haussa les épaules. Les shinobis n'étaient pas si différents dans le fond. Ils grandissaient dans une culture qui leur était propre. Certains évoluaient en contact avec le monde, d'autres non.

Et quelques uns ne trouvaient même plus leur place dedans, ou la cherchait encore.

Dès que nous pénétrons chez moi, les chats et chiens s’enragent. Mon visage, au départ surpris, se change lorsque je vois la réaction de mon invité. Je n’en connais pas la source, mais il possède quelque chose qui peut effrayer les animaux. Mon expression s’adouci et je chasse doucement les bêtes par la porte principale sans trop d’énervement.

« Ce sont des bêtes qui viennent simplement se réfugier chez moi. Ils ne m’appartiennent pas vraiment si ce n’est que nous passons du temps ensemble. Ils sont libres de sortir s’ils agissent mal! »

Je rigole un moment puis Natsuki m’explique qu’il ne tolère pas l’alcool. Souriant de nouveau, je lui fais un simple signe de la tête signifiant ma compréhension. Je sépare la nourriture et, suivant l’exemple de mon interlocuteur, je dévore plusieurs bouchés. J’avais complètement oublié de manger tout au long de la journée. Je suis impressionné par mon appétit. Néanmoins, j’essaie de conserver une certaine étiquette et politesse.

Natsuki prend la parole. Il me questionne sur mes désirs et mes buts, sur la raison de mes actions. Il s’interroge aussi sur ma relation avec les Samuraï et le Pays du Fer. Je prends un moment pour mettre de l’ordre dans mes idées en me servant une coupe de vin rouge bon marché et en prenant soin de bien avaler ce qui était encore dans ma bouche.

« Disons simplement que ma malchance est devenue une chance! Mon village a été détruit et j’ai dû fuir. Ce faisant j’ai rencontré un homme de Kawa no Kuni qui m’a aidé à survivre et enseigné certaines choses. »

Je prends une petite gorgée et réfléchi à l’angle que je veux prendre avec mes explications.

« Je veux aider parce que personne ne le fait. Je veux montrer à tous qu’il est possible d’être sous une même bannière, si on veut. Je veux que les gens soient libres, c’est tout! Je veux qu’ils soient confortables, libres et qu’ils puissent vivre autrement que toujours effrayés qu’une autre guerre éclate ou qu’un mercenaire arrive et détruise tout. »

Je prends une pause durant laquelle je mange encore un peu de viande et avale une autre lampée.

« Je suis un enfant de Samuraï d’un clan particulièrement traditionnel élevé par un voyageur du désert qui se chargeait, dans l’ombre, d’affaires louches et essentiellement criminelles. J’ai toujours cru que les miens étaient morts et, donc, j’ai été surpris de savoir qu’ils attentaient à ma vie. Au final, j’ai grandi avec ça. J’ai compris. Les gens ont peurs, Natsuki. Ils veulent pouvoir vivre sans peur. Les gens sont racistes, xénophobes et apeurés par toute la violence et les guerres. Je ne veux plus qu’ils le soient! C’est simple! C’est pour cette raison que je cherche toujours à aider mon prochain et que, par ailleurs, je veux réellement faire un changement. »

Je savoure une troisième gorgée que je laisse, pendant un moment, sur ma langue avant de la faire disparaître.

« Et vous? Dites-moi, que voulez-vous? »

« J'aimerai un verre d'eau. » répondit-il simplement.

Non, il ne prenait pas Takusanken pour un idiot, il voyait très bien où il voulait en venir avec sa question. Mais l'épéiste avait soulevé un point intéressant, aussi il trouvait dommage de changer de ton tout de suite.

« Vous voulez retirer la peur du quotidien des hommes, mais c'est pourtant celle-ci qui maintient une société cohérente. La plupart des Hommes ne sont bons que parce que la crainte existe. C'est la peur de la loi, et des représailles en la bafouant qui fait qu'un individu apprend à grandir et rester sur le droit chemin, tout comme la peur de la mort l'incite à ne pas chercher querelle avec son prochain. Quoi que l'on en dise, la paix se trouve toujours quelque part une souche de peur. Bien sûr, des gens foncièrement bons, il en existe aussi, des qui vivent heureux et en harmonie avec les autres sans y voir un intérêt ou craindre la législation en vigueur, mais ils sont si peu nombreux, en regard du reste. En armant vos disciples, ne cherchez-vous pas à conduire les bandits qui s'en prennent à eux à les redouter au point de ne plus oser attaquer ? Là encore, ce système ne fonctionne que sur une base de peur. Des criminels mourront, jusqu'à arriver à une paix par la purge, quand les autres ne seront plus tentés de continuer à vivre par le vol et le meurtre. Au final, je n'étais tant dans le faux avec cette philosophie samurai que j'ai cité plus tôt. Puisque métaphoriquement, c'est en permettant à davantage de personnes '' de bien '' de tirer leurs lames au clair que vous espérez que les '' mauvais '' garderont les leurs dans leurs fourreaux. »

Il haussa les épaules.

« Je ne critique pas, il faut bien commencer par quelque part. Et cela reste mieux que d'attendre pendant que le monde continuer d'exister autour de nous. Vu l'état de celui dans lequel nous vivons, personne ne peut sauver tout le monde, et encore moins sans l'usage de la violence à un moment ou à un autre. Et de ce que j'en ai vu jusqu'à présent, ce sont les dojos comme votre projet, qui enseignent autant la force que la philosophie, qui sont les plus à même de faire les plus grandes avancées dans cette voie. Les moines de Maskine l'ont bien comprit eux aussi. Le pouvoir seul est aveugle, sans direction où aller, alors que l'objectif lui ne peut jamais être atteint s'il n'a pas la force nécessaire pour y arriver. »

Puisqu'il était dans les citations inspirées, autant en faire une nouvelle. De lui cette-fois.

« La force est au katana ce que la philosophie est au fourreau : ils ne peuvent pas aller efficacement l'un sans l'autre. »

Natsuki touchait assez peu à son assiette, avalant par-ci par-là une tranche de charcuterie ou un morceau de pain. Puis il s'arrêta un instant, réfléchissant à ses premières motivations datant d'un autre temps pour répondre correctement à la question de Takusanken.

« Comme je vous l'avais dit avant, au début, j'étais comme beaucoup de gamins. Je voulais devenir fort pour protéger. Protéger ma vie, mais aussi celles des autres, qui n'ont pas la capacité de le faire eux-même. Je savais déjà que c'était un chemin irréalisable, que l'on ne peut pas '' sauver le monde entier.'' Mais je trouvais motivant de tout faire pour tenter d'effleurer cet objectif ne serait-ce que du bout des doigts, même sans jamais y parvenir, car j'aurai déjà fait beaucoup en essayant. Mais les années ont passé, et je devenu plus terre-à-terre, moins rêveur. »

Il soupira en se souvenant : cela ne s'était pas arrangé au fil du temps...

« Et aujourd'hui, j'en suis simplement à chercher la paix. Ma paix avant celle des autres, pour commencer... »

Une paix intérieure qui semblait ne jamais être à porté.

« J'ai toujours été d'accord avec l'adage qui prétend que le voyage importe davantage que la destination. Mais il y a des jours où il me tarde d'arriver. »

Tout voyage ne se fait hélas pas à pied, et nécessite un cheminement bien plus psychologique que physique. Les blessures de l'âme étaient les plus longues à soigner, et il n'existait aucun raccourci : seulement des gens sur qui compter pour continuer d'avancer.

« Nous vivons tous avec un bagage, c'est comme cela. Certains s'imposent, d'autres se choisissent, le tout est d'être capable de continuer d'avancer, car le temps, cruel assassin qu'il est, n'attend pas ceux qui stagnent sur place. »

Finissons sur une autre phrase inspirée, puisqu'il était bien lancé.

« Après tout, la vie est ce qui défile pendant que les projets s'accumulent. L'erreur du plus grand nombre. »

Et lui-même, où en était-il ?

« Nous sommes très différents, non? »

Je souris longuement, pensant au fait que l’homme avec qui je partage mon repas cherche beaucoup d’explications et de raisons aux choses, qu’il désire avant tout sa propre paix et terre-à-terre.

« Je ne suis pas fort, je ne veux pas l’être. Je ne cherche pas à blesser. Je ne crois pas que la peur soit une solution efficace pour changer les gens profondément, mais je dois admettre que, temporairement, c’est logique. Je ne sais pas si c’est possible de sauver le monde, mais je le découvrirai! »

J’avale deux, puis trois, gorgées du vin.

« Je comprends votre point de vue. Il ressemble à ceux que j’ai déjà entendus. Par contre, je suis heureux de voir que vous ne désapprouvez pas. »

Je lève le regard et croise celui de Natsuki.

« Généralement, les gens cherchent à me dissuader, certains par peur pour ma santé, d’autre parce qu’ils croient que c’est impossible et inutile. Il y a aussi l’autre catégorie, celle qui veut m’empêcher de tenter le coup parce que ça les oblige à changer la vision qu’ils ont d’eux dans le miroir. »

Je recule doucement sur mon banc.

« La vérité est que je n’ai aucun intérêt de savoir si une personne aime ou non ce que je fais ou ce que je suis. Je vais continuer d’avancer malgré les risques et réussir malgré les obstacles et les sacrifices. Quel est ma raison de vivre si ce n’est de tout tenter pour arriver à aider les êtes vivants? »

J’ai un petit rire inattendu.

« Je comprends vouloir être bien, mais ce n’est pas mon but. Je serai bien lorsque tous les autres le seront. Je n’ai pas le droit d’arrêter entre temps! »

Je lève ma coupe après ces mots.

« Je ne sais pas dans quel état je serai, après ce périple, ni quels choix j’aurai à faire. Toutefois, une chose est certaine, je ne laisserai jamais cet objectif de paix disparaître. »

« Ah, cela... » acquiesça Natsuki. « Des comme cela, il y en aura toujours. Un homme qui battit et mène un projet trouvera toujours trois groupes devant lui. Le premier se compose de ceux qui le soutiennent, et le second de ceux qui s'y opposent. Mais sincèrement, je ne pense pas que ce dernier soit le pire. Pour moi, celui qui contraint le plus, et malheureusement le plus nombreux aussi, c'est le troisième : ceux qui ne font rien. Ils attendent même quand leur situation leur est pénible, parce que c'est plus facile que d'agir. »

Et encore une fois, il est question de peur.

« Cela dit, votre mentalité est en partie la bonne : Ne faites pas attention à ceux qui se dressent face à vous. Concentrez-vous plutôt sur ceux qui vous soutiennent, et vous donne la force d'avancer. Vous en aurez besoin, car seul, vous atteindrez vite votre limite. Enfin, cela vous le savez déjà, puisque vous m'avez demandé de l'aide pour votre dojo. Et j'imagine que je ne suis pas l'unique personne à qui vous avez fait votre demande – ou comptez la faire. »

Natsuki émit cependant des réserves lorsque Takusanken lui parla de l'ampleur de sa détermination. Des réserves qui préféra garder pour lui afin de mieux les formuler.

« C'est une bonne chose que d'avoir son projet bien en tête et de s'y tenir. Cependant, si je peux me permettre le conseil, n'oubliez pas de vous remettre en question de temps à autre, et de vous interroger sur le sens de ce que vous faites. Car il est très facile de se perdre en chemin lorsque l'on cherche à tout prix à atteindre quelque chose. Prit dans l'élan, il arrive que l'on ne se rende même plus compte des moyens employés pour réussir, persuadé d'être dans le juste et son bon droit. Ce serait bête de finir ainsi vu ce que vous essayez de faire. Regarder derrière soi permet d'être sûr que l'on n'a pas trop dévié de la route que l'on souhaitait tracer. »

L'Enfer était pavé de bonnes intentions après tout, une raison de plus pour que Takusanken prenne garde à ne pas changer le paradis qu'il voulait bâtir en cocyte. C'était trop facile de sauter le pas, mais beaucoup de plus compliqué de revenir en arrière. Souvent même il n'y avait pas de retour possible. Natsuki connaissait son sujet là-dessus...

Arrivant à la fin du repas, il repoussa doucement son assiette, et vida son verre d'eau. Il prit le temps d'observer plus en détail la pièce où il se trouvait tandis que Takusanken terminait lui-même son repas.

« C'est une maison plutôt modeste dans laquelle vous vivez, à ce que je vois. » commenta-t-il avant de hausser les épaules. « Ce n'est pas comme si des gens comme nous avaient besoin de plus en même temps. Chez moi ne me sert essentiellement que pour dormir, je suis rarement au domicile. Et je pense qu'il en est de même pour vous depuis que vous êtes ici. Entre les cours que vous souhaitez donner, et la construction de votre dojo à superviser, il y a de quoi tenir occupé. »

Enfin, il disait cela, mais c'était à peu près pareil pour n'importe qui. La plupart des habitants de ce monde vivaient en rythme avec le soleil, travaillant du levé au couché du soleil. La différence principale avec les shinobis étaient que ces derniers avaient tendance à voyager de plus en plus au fur et à mesure qu'ils prenaient du grade, et de fait, passaient de moins en moins de temps chez eux. Ses parents illustraient parfaitement cet exemple.

« Vous avez besoin d'aide pour la vaisselle ? » questionna-t-il en désignant le couvert.

Par la fenêtre, l'on pouvait voir que le soleil commençait doucement à se coucher derrière les montagnes au loin, et Natsuki désirait en faire de même. Il fallait qu'il se lève tôt demain, et son sommeil étant déjà précaire, il ne pouvait pas se permettre d'en écourter les heures.

D'un autre côté, il avait déjà tant d'années de sommeil en retard, il n'était plus à une près...

« Vous avez raison, Natsuki. »

Je laisse un petit rire passer entre mes lèvres, subtilement.

« J’ai tendance à me laisser gouverner par ma passion et mes objectifs. Il est vrai que je dois faire sûr de ne pas, en cours de route, devenir ce que je déteste! »

Je termine mon assiette.

« C’est justement pourquoi je m’entour de bonnes personnes! J’aime discuter avec eux de mes buts et de voir quelles sont mes faiblesses et mes erreurs. Avec les gens, c’est plus simple d’apprendre et de grandir! »

Une brise fraiche passe par la fenêtre et me fait un peu sursauter. Je réalise à ce moment qu’il commence à être tard. Je ne termine pas ma coupe et dépose le tout sur le comptoir. Natsuki aussi a terminé son repas et m’offre gentiment de m’aider avec la vaisselle ce que je refuse d’un large sourire.

« Non, c’est gentil! Je m’en chargerai demain. »

Je reprends position à la table.

« Il commence à se faire tard. Je vous invite à prendre place sur le sofa dans la pièce d’à côté aussitôt que vous êtes fatigué. Vous pourrez avoir accès à tout ce que vous voulez dans la maison sauf à ma chambre. »

Je baille longuement.

« Je vous laisse, Natsuki, mais ne m’oubliez pas! Je vous souhaite bonne continuation et à dans deux mois si nous ne nous voyons pas demain matin! »

Je me lève et lui offre ma main, encore. Ensuite, je me dirige vers ma chambre, fermant la porte à clé et laissant des objets bruyants à son pied. Je fais de même à la fenêtre et m’installe dans mon lit, les yeux fixant le plafond, laissant lentement le sommeil me rattraper.

*Suis-je sur la bonne voie? Ai-je raison de faire tout ce que je fais? Je veux vraiment le bien, pour tout le monde, mais est-ce que je m’y prends réellement de la bonne manière?*

Natsuki hocha la tête, mais ne se sentait pas d'humeur à l'exploration de la maison, aussi il se fit juste indiquer la salle d'eau, seul endroit susceptible de l'intéresser. Takusanken lui tira un sourire en s'enfermant dans sa chambre : le concert d'installations qu'il entendit lui montra que le sabreur prenait sa sécurité très à cœur, et vouait peu de confiance à celui qu'il avait invité chez lui. Pouvait-il lui jeter la pierre ? Certainement pas. C'est ainsi que le monde dans lequel ils vivaient leur avait apprit à survivre. Il ferait exactement pareil à sa place. Sauf que lui ne le pouvait pas, le canapé n'offrant aucune ligne de défense possible en dehors des mines terrestres, ce qu'il préféra éviter au cas où son hôte voudrait soulager sa vessie durant la nuit plutôt que de venir lui faire du mal. Il s'abstint donc de toute manœuvre de guérilla, et s’endormit sur le canapé après s'être lavé des affres du voyage.

Au lendemain, il se leva à peu près en même temps que Takusanken, et sans sévisse : cela prouva qu'aucun des deux hommes n'avaient tenté de rejoindre la couche de l'autre. Ils se saluèrent après un rapide petit déjeuner, puis Natsuki reprit sa route en direction de son lieu de mission. Il trouva l'usine de métal sur la fin de la journée, et se expliquer sa tâche dans la soirée par l'équipe de réparation. Le jour d'après, il travaillait aux côtés des ouvriers, pataugeant dans la même mélasse et suant aux même efforts que les autres ouvriers. Son affinité à l'élément terrestre fut un grand atout, effectivement, mais il ne demeura pas suffisant au vue des réparations à effectuer. Le Nara tatoué eu donc à accomplir autant avec le ninjutsu qu'avec la force de ses bras. Un travail laborieux et éprouvant, mais aussi très enrichissant intellectuellement, puisqu'à son terme il savait désormais mettre en place une canalisation alternative le temps de réparer l'autre, dans le cas où la fosse sceptique de Konoha se boucherait et déborderait un jour par exemple. Une corde de plus à ajouter à l'arc de ses compétences, entre celle de l'attèle en pierre et l'animation d'ombres chinoises.

L'ensemble des réparations dans l'usine de métal d'Ame prirent une semaine, essentiellement parce que le stagiaire de l'équipe ajouta trois jours de travaux supplémentaire en ouvrant la mauvaise vanne et en inondant le sous sol où était entreposé le matériel, en plus de ruiner ce qui avait déjà était fait.

Fidèle à son engagement, Natsuki reprit la route du Village de Gio après avoir touché son maigre salaire, dont l'essentiel terminera dans les caisses de l’État. N'importe comment, Il était surqualifié pour cette mission, mais comme aucun autre shinobi remplissant les pré-requis n'était disponible pour la remplir à ce moment-là, il l'avait donc accepté. Un prétexte comme un autre pour voir du pays, profiter du voyage avant d'atteindre sa destination. Un voyage qui l'avait égaré vers un épéiste au rêve entreprenant, et modifié ses projets à court terme. Un sabreur qu'il retrouva en fin de journée devant un dojo auquel les derniers coups de marteau était mit pour en faire tenir l'enseigne.

« J'ai l'impression que le bâtiment est terminé. » lança Natsuki dans son dos en guise de salutation. « Vous allez pouvoir ouvrir officiellement maintenant. »

Le premier pas d'un grand projet auquel Natsuki apportera une pierre. Mais rétrospectivement, il se demandait pourquoi il avait accepté de.