Une journée de garde. Namiko n’appréciait pas vraiment cela. Devoir rester à l’hôpital de Kumo et attendre que les patients arrivent ce n’était pas assez excitant pour lui. Même s’il paraissait pondéré le garçon aimait l’action. Se retrouver dans des situations inattendues et devoir agir rapidement, même si dans son domaine c’était plus risqué qu’ailleurs, était quelque chose qui lui donnait un sentiment inégalable. Comme s’il devenait indispensable, le sort des autres dépendait de lui. On pourrait croire qu’il souffre d’un manque cruel de confiance pour avoir besoin de cela mais pas du tout. Ce qu’il apprécie, c’est être reconnu à sa juste valeur. Et, ce n’est pas en prodiguant des soins basiques à des citoyens qui pour la plupart du temps n’avaient rien de grave qu’il se mettrait en avant. Cependant, peu importe ses envies, les ordres étaient les ordres. Aujourd’hui, pas de mission ! Le dirigeant des eisei-nin avait était catégorique quand Namiko commença protester les consignes. Peu enclin à suivre les directives, il s’était tout de même résigné. On avait essayé de lui faire avaler que c’était pour reposer son organisme et qu’enchainer les missions n’étaient pas possible pour un médecin aussi jeune que lui. Foutaise ! Il se sentait en pleine forme. On enchaina en lui ressortant le couplet insistant sur l’importance de l’apprentissage auprès des médecins plus expérimentés mais rien à faire, il restait persuadé qu’il serait plus utile sur le terrain.
Les soins, ce n’était qu’une partie des compétences de la médecine. Namiko était plus spécialisé dans l’utilisation de pilules, poisons et autres drogues, que des choses utiles en dehors de l’hôpital en somme. Autant dire que la journée était longue.

Les blessures et maladies bénignes défilaient. Presque en file indienne, les citoyens venaient se faire soigner en quelques minutes vu qu’ils n’avaient rien. De nos jours, les gens vont chez le médecin pour rien, pensa Namiko. Ça va couter cher à Kumo un jour tout ça !
Le jeune eisei-nin avait été placé dans une petite salle au fond d’un long couloir où attendaient les patients. Il venait d’en finir avec un pouce cassé lors d’une séance de bricolage. Adossé contre le mur les bras croisés, il vit arriver le dénommé Kitase Shinichi. Namiko avait relevé son identité sur le bloc contenant quelques informations sur lui. A peine entré, il l’interrogea sur son travail. Le médecin savait très bien pourquoi il lui demandait cela. Son look particulier entrainait souvent ce genre de réaction. Au début, il le prenait un peu mal mais maintenant il s’en amuse et aime parfois jouer les scientifiques morbides avec les patients agaçants. Son accoutrement sombre le classait automatiquement dans les gothiques glauques faisant l’apologie de la mort et d’autres cultes étranges. En connaissant Namiko, on savait pertinemment qu’il n’était pas de cette trempe et que ce n’était qu’un style. Or, il ne put s’empêcher de répondre avec tact.

- Salut. Oui je suis médecin, docteur Ryukuu. Mais ne m’appelez pas comme ça sinon vous aurez le droit au médecin morbide auquel vous faisiez allusion. En disant cela, il tira sur son gant en latex pour le faire claquer.

Là, il s’approcha de lui et sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit le fit s’asseoir un peu brusquement sur la table des patients. En donnant quelques ordres classiques et posant des questions de routine tel que « Respirez à fond. », « Vous avez mal si j’appuie là ? », « Allongez-vous. », « Debout », il l’examina une première fois. Namiko utilisait volontairement une manière un peu directe de l’aborder pour montrer son assurance. Il prit son stéthoscope et écouta les battements de son cœur ainsi que son souffle. Hormis une respiration légèrement saccadée du fait qu’il venait de sortir d’un affrontement au vu de ses marques, il n’y avait rien de grave. Pendant son observation, il ne lui avait pas adressé la parole. Finalement, c’est en utilisant la technique coutumière permettant de repérer les dommages en profondeur qu’il décida d’entamer la discussion. Ce ninja avait l’air amical et en plus il était persuadé de ne jamais l’avoir rencontré. Namiko avait une extrêmement bonne mémoire du fait de son métier et se souvenait de tous les citoyens qu’il avait déjà croisés à Kumo. Et lui, il n’y était pas.

- Vous êtes kumojins ? Je suis persuadé de ne jamais vous avoir vu dans le coin. Qu’est-ce qui vous amène ?

En papotant, il repéra la raison de sa venue et fut pris d’un léger étonnement qui se traduit par un haussement des sourcils.

Hmm, une histoire un peu bancale quand même. Un kirijin ? Intéressant, Namiko n’en avait encore jamais rencontré. Enfin, il connaissait des habitants du pays de l’Eau puisqu’il était passé par ces ilots lorsqu’il fuyait la guerre avec sa famille, mais depuis que la guerre était terminée il n’y était jamais retourné. Depuis, le village de la Brume avait vu le jour tout comme Kumo au pays de la Foudre. La réputation de cet endroit était arrivée aux oreilles du médecin et on dit qu’il dispose de l’armée la plus puissante du monde connu. Shinichi semblait être un ninja plus gradé que lui puisqu’il disait être en mission loin de chez lui. Une histoire de bateau détruit l’avait amené à prolonger son séjour. Ce n’était pas vraiment le rôle du genin de savoir qui entre et sort du village et même si ses raisons étaient louches, il avait dû être contrôlé à son entrée. D’autant plus que Namiko n’avait pas eu vent d’une tension entre les deux pays.
En l’écoutant, l’eisei-nin continuait son examen. Premièrement, il était presque vidé de son chakra, il venait probablement de faire un effort énorme. Pour cela, c’était le repos le remède le plus efficace, même si Namiko avait quelques petits remontants qui pourraient l’aider. Secondement, certains de ses muscles étaient paralysés. De petites déchirures bénignes parcouraient ceux-ci. Elles étaient tellement microscopiques qu’elles se répareraient seules en fait. Seul un ninja extrêmement puissant pouvait posséder des techniques si précises. Le médecin ne savait pas qui mais il n’allait pas tarder à lui demander. Sa mission devait être sacrément périlleuse. D’ailleurs, au fil de la discussion Shinichi confirma ses déductions et lui annonça qu’il comptait bien repartir le lendemain. Bon, il faut réparer cela tout de suite, pensa Namiko. Il commença par le bras droit en appliquant le Chiyute no Jutsu.

- Je suis seulement genin pour le moment, j’apprends. Mais rassurez-vous, je sais soigner ce que vous avez. Dit-il d’un ton amical. J’ai été gradé il n’y a pas très longtemps. En fait, j’ai plutôt l’habitude d’être sur le terrain comme vous. Ne le prenez pas mal mais je trouve cela ennuyant de soigner des patients ici, je préfère partir en mission. Enfin j’imagine qu’un ninja comme vous préfère aussi partir à l’aventure que de garder les portes de son village, non ?

Lui, il était donc chunin ? Pas tant plus fort que lui finalement. Enfin, la puissance d’un médecin était difficilement mesurable par rapport à un ninja classique, il n’avait pas du tout la même fonction. Namiko avait remarqué son épée quand il était entré. Il savait que les shinobis de Kiri faisaient partis des meilleurs sabreurs au monde, si ce n’est les meilleurs. Le maniement des armes était un art que le garçon connaissait peu. Comme la plupart de ses compères, il savait utiliser les projectiles mais après c’était une autre affaire. Son arme à lui c’était la seringue en fait. Il passa au bras gauche.

- Ce sont des blessures peu courantes que vous avez là, l’ennemi devait être puissant. Dit le garçon d’une façon détournée dont on comprenait clairement qu’il voulait en savoir plus.

Il se tourna et partit chercher un petit bocal rempli de pilules dans sa veste.

Affronter le Kage… ce type était complètement inconscient. Évidemment, ce ne devait pas être un combat réel sinon il ne serait pas ici en train de se faire soigner dans l’hôpital de Kumo. Namiko n’avait jamais rencontré Kadoria Uriô en personne mais il avait entendu assez d’histoires sur lui pour s’en faire une bonne opinion. On disait que sa puissance surpassait celles de tous les jônins réunis du village. On raconte aussi que c’est un héros de la guerre qu’il fut l’un des principaux artisans de la fin de celle-ci. Le médecin ne savait pas vraiment ce qui tenait de la rumeur et la vérité, mais si ne serait-ce que le quart de ce qu’on disait était vrai, il forçait déjà le respect. Shinichi avait surement plus tenté de ne pas subir une défaite trop rapide que de combattre réellement. Un chônin contre un Kage ? Sérieusement, il n’avait aucune chance. Cependant, il avait fait preuve de beaucoup de courage et c’était tout à son honneur. Même un entrainement contre Uriô n’était pas de tout repos. Enfin, après ça on pouvait faire face à tout !

- Je vous crois, mais vous êtes bien chanceux d’être en vie. Et un petit peu inconscient je pense aussi. Dit-il en souriant.

Namiko se rapprocha de lui avec une pilule entre les doigts. Le médecin disposait de nombreux remontants comme celui-ci, c’était un peu son passe-temps. Quand il n’était pas en train d’exécuter les ordres du village, il travaillait dans le laboratoire pour confectionner de nouveaux produits. Toujours utile en mission, il les amenait partout avec lui. A cet instant, c’était une pilule de chakra pur qu’il donna à son patient. Elle n’était pas très concentrée en chakra et ne recouvrait donc pas la totalité de ce qui était perdu. D’après ses calculs, elle redonnait un dixième du maximum de l’individu, un petit boost en somme. A son niveau, il n’était pas encore capable d’augmenter les doses, mais il cherchait toujours le moyen d’améliorer ses confections. Namiko lui tendit la pilule.

- Prenez ça, vous récupérerez votre chakra plus vite. Vous disiez être en mission de rang B ? Quel était le but ? Je n’ai jamais fait de rang B, je ne suis pas assez expérimenté mais j’espère que ça arrivera bientôt.

En effet, le médecin n’avait fait que des missions de bas niveau et n’était pas encore sorti du village. Bien que la patience ne soit pas un de ses défauts, il commençait à se lasser de ne faire que des travaux sans grand intérêt. Il fallait un début à tout mais Namiko avait soif d’expériences ! C’était tout de même une opportunité pour lui de travailler à l’hôpital car il lui arrivait de rencontrer des shinobis plus expérimentés comme Shinichi qui lui racontait leurs péripéties. On apprend beaucoup de ses pairs et le garçon en avait fortement conscience.

Namiko espérait que son patient avait raison. Il travaillait dur et assidument pour grimper dans la hiérarchie et pouvoir exécuter des missions plus périlleuses. Chaque semaine, il passait de nombreuses à s’entrainer. Dans son cas, il devait s’exercer presque deux fois plus que tout le monde car sa progression devait porter sur ses capacités de shinobi mais aussi de médecin. Pour cela, il alternait entre les différents terrains d’entrainement que possédait Kumo et le labo. Parfois, il lui arrivait de suivre des cours directement dans l’hôpital et d’assister à des opérations dans le but d’observer et apprendre. A ce jour, Namiko n’avait pas encore de sensei et il n’avait pas vraiment de modèle. L’affectation à une équipe ne devait pas trop tarder et il avait très vraiment de savoir avec qui il coopérerait. Progresser c’est bien, mais progresser à plusieurs c’est mieux. De temps à autre, il trouvait d’autres genins seuls sur les terrains mais de nature très discrète Namiko ne les abordait que rarement. En tout cas, les paroles de Shinichi lui firent très plaisirs. Entendre cela d’un étranger qu’il connaissait à peine c’était encourageant, comme quoi il donnait une bonne image de sa personne.

- Je m’appelle Namiko. Répondit-il. Tu as des équipiers ? Enfin tu es chônin, peut-être que tu as des élèves plutôt ? J’ai hâte d’avoir un sensei, cela ne devrait pas trop tarder.

En effet, Shinichi avait dit être en mission au pays de la Foudre. Aussi loin de chez lui, il devait sûrement être accompagné. Sur une mission comme celle-ci il devait être entouré de ninjas au moins aussi fort que lui. Peut-être qu’il avait un médecin avec lui ? Il posa directement la question.

- Tu connais des médecins à Kiri ? Je n’en ai jamais vu, je ne sais pas s’ils fonctionnent comme ici.

Quant à des éventuels élèves, Namiko espérait lui aussi en avoir un jour. La transmission du savoir et de la mémoire était quelque chose d’important pour lui. Il se devait d’enseigner aux futures générations toute sa connaissance. Cependant, ce jour était encore loin. Peu expérimenté, il avait encore tout à apprendre. Néanmoins, pendant un instant il s’imagine en tant que sensei. Le regard bienveillant, une posture droite, il dirigerait son équipe avec fermeté et affection. On ne dirait pas comme ça mais c’est un jeune homme qui s’attache vite aux gens qu’il aime. Ses élèves, il les chérirait énormément et serait dur avec eux pour qu’ils sachent qu’il tient à eux. Très protecteur, normal en tant que médecin, il sera leur guide mais à la fois le rempart qui les protégera. La tâche de sensei était difficile, il fallait à la fois laisser les genins faire leurs preuves mais aussi assurer leur sécurité.
Namiko passa au dernier membre touché. Les soins étaient presque terminés. Désormais, il avait surtout besoin de repos. Quelques heures à vrai dire, le temps que son corps se remette du traumatisme. Concentré, il appliquait le jutsu réparateur tout en écoutant les dires de son patient.

Namiko avait donc l’honneur d’être le premier ninja médecin que son patient rencontrait. C’est vrai qu’ils étaient encore peu nombreux, la plupart des apprentis de l’académie se dirigeait vers la voie classique du combattant. Certes, c’était moins prestigieux et il fallait un certain don pour ce domaine, mais les villages en avaient besoin. Les missions faisaient beaucoup de blessés, chaque pays disposait de son hôpital. Cependant, c’était également une histoire de caractère et de sang-froid. Tout le monde n’était pas capable de garder sa sérénité en voyant un corps brulé au troisième degré ou un proche en train de succomber aux effets d’un poison. Le mental, c’était probablement la capacité la plus développée chez un médecin. Shinichi enchaina en ajoutant que d’après lui Kiri et Kumo se ressemblait. Namiko n’avait jamais vu Kiri, ni même le pays de l’Eau. Mais, en entendant cela, il se disait qu’il pourrait s’y plaire si un jour il venait à le visiter. D’ailleurs, il en profiterait pour rendre visite à ce patient qu’il appréciait.

Shinichi n’avait jamais eu de sensei, ni même d’équipe dans sa période de formation. Namiko trouvait cela triste, il avait surement dû apprendre seul. Néanmoins, il pouvait être fier de ce qu’il était devenu car il ne le devait qu’à lui-même. Le garçon écoutait attentivement ses paroles car qui sait, peut-être que lui aussi finirait seul. Après tout, la solitude, il connaissait déjà, même si la sienne était souvent voulue. Son caractère ne lui apportait que peu d’amis et il s’en portait bien. Il appréciait se retrouver avec lui-même. Dans sa chambre, sur un rocher dans les montagnes, dans le laboratoire, en mission, cela ne le rebutait pas. Il vaut mieux être seul que mal accompagné. Namiko n’était pas narcissique ni enclin à toute relation, mais il voulait côtoyer des gens qui ne le jugeaient pas sur son physique, et c’était dur à trouver.
Par contre, son patient avait des élèves qui l’attendaient chez lui au village de la brume. Avoir un sensei comme lui, ça devait être cool vu comme il parlait d’eux. C’était une tâche difficile mais très enrichissante humainement pensa le médecin. Ce n’était pas simple d’apprendre à des genins souvent intenables à cause de leur énergie débordante. Shinichi parlait d’eux presque avec affection, on sentait que malgré tout ce qu’ils devaient lui faire subir, il les aimait. C’était cela que Namiko voulait, il voulait exactement cette relation avec son futur sensei.

Pendant qu’il parlait, le jeune eisei-nin continuait de prodiguer ses soins. Son travail était presque terminé et il allait pouvoir libérer le kirijin. D’ailleurs, celui-ci ne tarda pas à l’interroger sur l’avancée des opérations. Il avait hâte de rentrer chez lui, ce qui se comprenait parfaitement. Le garçon aussi adorait son village. Etre loin de chez soi ce ne devait pas être simple. Le médecin n’avait pas eu de foyer pendant longtemps et connaissait cette sensation. A cet instant, Namiko n’imaginait jamais quitter Kumo et voulait y vivre toute sa vie. Il ne se doutait pas qu’un jour son destin basculerait vers d’autres horizons. Le genin envoya sa dernière dose de chakra curatif.

- C’est terminé. Je te conseillerai bien de te reposer mais je pense que tu préfères repartir chez toi de suite. Alors un conseil, ne te presse pas et évite les efforts trop violents pendant au moins vingt-quatre heures. Donc, pas de combat.

Il retourna chercher une pilule dans ses affaires et la tendit à Shinichi.

- Pour la route, à prendre dans deux heures sinon ça pourrait avoir des effets que tu regretteras. Il tendit sa main vers son patient pour la lui serrer. Enchanté de t’avoir rencontré Shinichi, j’ai apprécié rencontrer un patient intéressant au milieu de tous ces hypocondriaques. A l’occasion, si je vais à Kiri, je saurai me souvenir de toi. Ajouta-t-il en souriant.

Namiko enfila sa veste, ses heures étaient terminés et il se dirigeait vers un repos bien mérité.