Assit sur la bûche de gauche, Natsuki laissait ses pieds se balancer sans rythme réel. De là où il était, il avait une bonne vue sur le terrain d'entrainement le plus utilisé par les genin et chûnin de Konoha, pour la raison principale qu'il était plat, vaste, et dégagé. Personne ne savait vraiment pourquoi trois larges bûches dressées en piliers trônaient en plein centre des lieux, mais de mémoire d'hommes, elles ont toujours été là, bien avant que le Village de Konoha ne soit érigé. Faisant ses recherches dans la bibliothèque des cigales à une époque où son imagination était encore capable de prouesses, le Nara tatoué leur avait alloué leur histoire et leur légende. Elles étaient les gardiennes de ce terrain, veillant sur chaque nouvelle génération de shinobis venu s'entrainer ici, témoignant de leurs efforts quotidiens et de leurs progrès sur le chemin qu'ils ont choisit de suivre.

Il y a quelques années encore, Natsuki les pensait éternelles. Puis le monde avait changé, basculé dans un futur incertain depuis l'apparition de la seconde fournée de Furyou. Que restera-t-il à ces trois bûches gardiennes à voir bientôt, si les derniers shinobis remparts échouaient ? Plus grand chose probablement, seulement une partie de l'humanité réduite en esclavage et gardée comme du bétail avec la marque de la servitude gravée dans la chair. Car oui, le Nara tatoué pensait que les Hommes échoueront face à cette poignée d'arrivistes aux pouvoirs monstrueux. Ils avaient déjà démontré leur force en rasant le Village de Kiri de la surface de la carte, puis leur génie en séparant les humains avec la promesse de la vie sauve pour quiconque rejoignait leur armée.

Mais malgré ce sombre avenir en perspective, Natsuki s'efforçait de positiver, ne serait-ce que pour lutter contre les ravages de sa malédiction sur la façon dont il percevait le monde. Le vieil adage disait : '' vit comme si tu devais mourir demain, mais apprends comme si tu pouvais vivre éternellement. ''. Mourir demain, c'était ce plus ou moins ce qui lui était proposé par les Furyou, mais en même temps, la mort pendait au nez des shinobis dans leur quotidien : ils la semaient, et s'y exposaient. Quant à apprendre... Le Nara tatoué enseignait maintenant davantage qu'il apprenait. Il s'était fermé à beaucoup de chose dans sa vie quand elle avait dégénéré, il ne lui restait de fait plus qu'un seul domaine dans lequel il pouvait transmettre encore : les arts shinobis.

C'était d'ailleurs ce qu'il se préparait à faire en ce matin d'été. Trois jours plus tôt, il avait rencontré une jeune adolescente dans un restaurant, laquelle venait à peine d'intégrer les rangs de l'armée de la Feuille. Celle-ci n'ayant pas vraiment d'expérience, il s'était proposé de lui consacrer un peu de temps d'apprentissage, offre qu'elle avait accepté. D'où la raison de sa présence sur le terrain d'entrainement : il l'attendait pour lui accorder sa première leçon.

Au final, Natsuki n'eut pas à attendre très longtemps : il ne tarda pas à apercevoir la frimousse mate de Kasaï arriver sur le terrain d'entrainement.

« Bonjour à vous. » répondit-il dès qu'elle arriva à porté de voix, et son sourire devint un peu plus large lorsqu'il l'entendit prononcer son nom clanique, ce qu'il ne lui avait pas révélé lors de leur première rencontre. « Je vois que mon appartenance au clan Nara ne vous est plus inconnu. Vous vous êtes renseignée sur moi pendant ces trois jours ? » demanda-t-il sur le ton de la plaisanterie.

La vérité était que lui, l'avait fait sur le compte de la jeune femme. Mais il n'avait pas apprit grand chose vu qu'elle venait d'arriver, sinon une : il s'était trompé sur son nom. Lorsqu'ils s'étaient présentés, il avait mal comprit et inversé son nom et son prénom. Ainsi, celle qu'il avait appelé jusqu'à alors Ikari répondait en réalité plutôt au nom de Kasaï.

« Je vais aussi bien que l'on me permet de l'être. Et content que vous soyez venue. » répondit-il sans quitter son perchoir.

L'adolescente semblait motivée à bloc. Elle avait amené avec elle un kunaï et une fronde, les deux armes avec lesquelles elle avait dû faire sa vie jusqu'à présent. Natsuki était curieux de savoir ce qu'elle valait avec, mais ce n'était pas pour l'immédiat. Surtout que lui était venu presque sans affaire, juste avec ses vêtements d'été habituels qui se résumaient à un t-shirt noir par-dessus un juste-au-corps en résilles et un pantacourt de la même couleur, sans motif. Il verra de toute façon bien assez tôt ce que Kasaï avait dans le ventre, avec la surprise qu'il lui gardait sous le coude pour plus tard. Par contre, il esquissa un nouveau sourire quand elle mentionna la carte particulière qui permettait de connaître avec quel élément le corps d'un shinobis était le plus en symbiose, un sourire qu'il expliqua en sortant une petite boite de sa poche : elle contenait un jeu de cartes d'apparence identique.

« Il semblerait que nous ayons eu la même idée. Bien, ce n'est pas grave, nous utiliserons la votre si vous voulez. Mais pas tout de suite. Pour le moment, vous pouvez ranger votre matériel, et vous installer en tailleur sur l'une des deux buches encore libres. Aujourd'hui sera une leçon très '' spirituelle '', puisque je vais vous aider à exploiter le chakra qui circule dans vos veine. Et cela commence par prendre conscience de l'étendu de vos réserves si vous voulez à terme être capable de repousser vos limites. »

Natsuki ramena ses jambes sous lui, et s'installa en tailleur sur sa bûche bien en face de Kasaï.

« Vous verrez, c'est relativement simple. Beaucoup plus que la gestion et l'utilisation efficace de votre énergie, mais nous n'y sommes pas encore. Pour commencer, vous allez fermer les yeux, et vous laisser guider par ma voix. J'aimerai que vous vous concentriez uniquement sur les sensations de votre corps, de sorte à ce que je ne sois qu'un murmure faisant office de fil d'Ariane. »

Sa voix se fit effectivement beaucoup plus douce, de sorte que la jeune femme puisse entrer en méditation sans qu'il ne la perturbe.

« Détendez vos muscles, et inspirez calmement. D'abord, sentez l'air qui entre dans vos poumons, percevez les odeurs qu'elle amène avec elle : les pins, l'herbe, la mousse la terre, l'été. Soufflez. Laissez l'air filer entre vos lèvres deux fois plus lentement qu'à l'inspiration. Recommencez. Maintenant, centrez votre attention sur vous-même, isolez-vous du monde extérieur. Tout proche de l'oxygène qui filtre dans vos bronches, vous devez commencer à le sentir, le chakra qui parcourt votre corps, palpitant dans un réseau similaire au système lymphatique. Inspirez doucement, et soufflez. Restez encore passive pour le moment. Efforcez-vous simplement de juste prendre pleinement conscience de cette circulation, de la comprendre, de capter ses ramifications et de visualiser son étendu. »

A ce stade, les paroles de Natsuki n'étaient plus que des murmures, portés par un courant d'air jusqu'aux oreilles de son étudiante. L'exercice dura une bonne demi-heure, durant laquelle il finit par se taire afin que Kasaï puisse se concentrer totalement, sans perturbation extérieur. Il ne soufflait par instant que quelques mots pour la guider dans son voyage intérieur.

« Doucement maintenant, inspirez grand une dernière fois, et soufflez en ouvrant les yeux. »

Comme si elle était revenue de loin, Natsuki l'accueilli d'un sourire.

« Comment vous sentez vous ? Et surtout, qu'avez-vous ressenti ? »

Là n'était bien sûr que le début pour Kasaï, alors simple observatrice de son propre système. Mais mieux valait y aller par étape : en brûler ne la mènera à rien, sinon la frustrer de ne pas réussir.

Natsuki commença par l'écouter verbaliser son ressentit sur l'exercice que Kasaï venait de faire, et plus précisément sur les mots qu'elle avait choisit d'employer.

« Allez savoir. Chacun a sa propre manière de ressentir et décrire tout ce qu'il éprouve. Votre définition de la bourrasque peut tout à fait correspondre à ce que je voulais que vous soyez capable de faire. C'est un début encourageant en tout cas. Vous avez réussi à rapidement prendre conscience de votre circulation, et j'ai même l'impression que sans y prendre garde, vous l'avez concentré dans votre abdomen. C'est ce qu'il y a de plus simple à faire, car c'est par cette plaque tournante que passe tous les canaux de chakra. A l'image de l'aorte du cœur, si vous voulez une explication schématisée. »

Natsuki déplia ses longues jambes, et se redressa de toute sa hauteur sur sa bûche. D'un geste, il invita son étudiante du jour à l'imiter. Outre l'aspect pratique pour l'exercice suivant, la grimace de la demoiselle ne lui avait pas échappé : sans doute n'avait-elle pas encore l'habitude de la position.

« Bien, nous allons désormais passer à l'étape suivante. Pour le moment, vous avez été dans l'observation passive de votre chakra dans l'organisme, avec un léger débordement inconscient sur ce que nous allons tenter maintenant : assurer une emprise dessus. L'exercice n'est pas difficile en lui-même, c'est simplement une question d'habitude, mais il est plus aisé d'y parvenir au début en étant debout. Cela fait moins de virages pour votre réseau d'énergie au niveau des membres lorsqu'ils ne sont pas pliés, et vous demandera donc en conséquence moins d'efforts pour le diriger. »

Profitant d'une brise chaude, il attrapa au vol une feuille emportée par le vent en la coinçant entre son index et son majeur.

« Je vais vous expliquer la marche à suivre en même temps, comme avant. Fermez à nouveau les yeux, et ne tombez pas. Le but ici est de parvenir à influencer votre chakra. Pour cela, vous devez vous concentrer à nouveau dessus, l'imaginer comme un torrent, ou pour rester dans votre champs lexical, comme un courant d'air. Imaginez-vous maintenant plongée dans celui-ci, sentez-le couler sur vous. Sentez le communier avec vous, ne faire plus qu'un avec votre être. Quand ce sera bon, tentez de lui imposer une direction, une vitesse de parcours, un lieu de canalisation. Ce n'est pas grave si vous perdez le contrôle par moment, c'est uniquement une question de temps et d'habitude. Au début il arrivera même qu'entre deux échecs vous n'arriviez même plus à l'imposer. Des fois, vous allez y parvenir mieux que d'autres. Il vous faudra du temps pour parvenir à une maîtrise parfaite, mais ce n'est pas ce qui est visé aujourd'hui, alors restez modeste dans vos attentes de vous-même. La patience est la mère de la réussite. Lentement mais sûrement, vous vous habituerez à cet exercice très complet. Petit à petit, vous saurez imposer votre volonté à votre circulation d'énergie. Vous parviendrez à développer votre réseau pour le rendre plus performant, et accroitre le passage du chakra là où vous en avez le plus besoin, une condition sine qua none pour ajuster la dose et l'intensité exacte d'énergie requise pour chaque technique, ni plus ni moins . »

Si Kasaï avait toujours les yeux fermés, alors elle ne dû sentir qu'un bref coup de vent avant que Natsuki ne lui saisisse doucement la main entre les siennes, glacées. Il y glissa alors la feuille d'arbre qu'il avait attrapé un peu plus tôt, et murmura dans le creux de son oreille : « Tenez-là. » avant de retourner d'un léger bond en arrière sur sa propre bûche.

« Commencez par les mains, essayez de concentrer votre chakra dedans, de le laisser filtrer entre vos doigts. Si vous y parvenez correctement, alors la feuille que je viens de vous donner devrait adhérer toute seule à votre paume à plat, peu importe le sens dans laquelle vous la tiendrez. Faites-la tenir dix secondes en opposition à la gravité, et je considèrerai que l'exercice sera réussit : vous aurez le coup de main pour activer la carte qui vous révèlera la nature élémentaire de votre chakra. »

Une bonne heure au moins était à prévoir, mais Kasaï avait le temps : Natsuki lui accordait la journée. Le Nara tatoué continua alors simplement de lui murmurer des conseils par moment, lorsqu'il voyait sur ses traits concentrés qu'elle peinait dans l'exercice.

Le principe de l'essaie-erreur, sans doute l'un des systèmes les plus utilisés par l'être humain quand qu'il s'agit de progresser dans l'inconnu. Natsuki appréciait lui aussi beaucoup cette méthode lorsqu'il était question d'enseigner à ses étudiants. Ils apprenaient mieux ainsi, par eux-même, tout en étant sûr d'avancer dans la bonne direction, car le Nara tatoué veillait à ce qu'ils ne s'égarent pas. C'est la raison pour laquelle il attendait, les bras croisés sur la poitrine, sans rien dire alors que Kasaï enchainait les échecs. Réussir à concentrer son chakra quelques part pour la première fois n'était pas facile. C'est un peu comme apprendre à faire du vélo. Au début l'on rate, l'on rate encore, mais si l'on garde courage, si l'on persévère, alors l'on finit par réussir. Et si une fois le coup de main intégré, l'on ne l'oublie jamais. La jeune femme restait bloquée à la seconde étape pour le moment, celle où elle ratait encore, mais Natsuki ne s'inquiétait pas plus que cela : elle avait la motivation, elle y arrivera tôt ou tard.

Lorsqu'elle perdit confiance, et exprima sa frustration à haute voix, il se contenta d'y répondre d'un sourire, ses yeux glissant du visage de la demoiselle jusqu'à sa main. Kasaï suivit alors son regard elle-même, et réalisa quelle prouesse elle venait de réussir, inconsciemment encore une fois.

« Vous voyez ? Vous pensiez trop à la feuille, et pas assez à l'exercice. Laissez-vous aller davantage, utiliser votre instinct pour vous guider là où la logique ne parvient plus à suivre. Et... Et faites attention à la quantité d'énergie brute que vous êtes en train de relâcher là : votre feuille commence à prendre feu. » fit-il remarquer en voyant que de la fumée s'échappait de cette dernière.

L'acte n'était pas encore tout à fait maîtrisé sciemment, mais au moins elle avait prouvé qu'elle en était capable. Elle avait du sang de shinobis dans les veines, et donc les moyens d'accomplir ce qu'elle voulait réussir. Natsuki l'applaudit poliment.

« Allez, encore une fois Kasaï. Mais volontairement cette fois-ci. Réussissez les dix secondes demandées, et nous nous intéresserons à la nature de votre énergie. L'un ne peut pas aller sans l'autre en fait. Pour activer les cartes qui révèlent l'affinité naturel d'un chakra, vous aurez besoin de le déverser à travers elles pendant quelques instants. C'est plus ou moins ce que je vous demande d'exécuter avec cette feuille d'arbre à moitié cuite. Autrement dit, si vous n'y arrivez pas volontairement, cela va être difficile d'activer la carte. Certes, je pourrais vous compter fleurette pendant vous l'avez en main avec espoir que vous réitérez votre exploit non intentionnellement, mais ce serait vous retirer une source de motivation. »

Un simili-sourire sur les lèvres malgré son regard fatigué et ses yeux toujours cernés, il tira deux des cartes de sa poche qu'il avait apporté, chacune prise entre deux doigts.

« Gardez courage, l'une d'entre elles n'attend que vous pour révéler votre potentiel. »

Natsuki la laissa encore s'exercer un peu, puis lorsqu'il fut satisfait de ses progrès, il lui lança comme annoncé la carte : il l'avait assez fait mijoté, il était temps pour elle de découvrir ce qu'elle voulait savoir.

« Vous allez voir, je vais vous expliquer, c'est tout simple. » annonça-t-il en sautant de sa bûche pour retourner sur la terre ferme. « Comme je vous l'ai dit, vous n'avez qu'à laisser filtrer votre énergie à travers vos doigts pour qu'elle imprègne votre carte, laquelle va réagir en fonction. Il y a cinq réactions possible. Si le papier se liquéfie, c'est que votre chakra est naturellement affilié à l'eau. S'il brûle, c'est que votre élément de prédilection est le feu. Si la carte se fend en deux, alors votre énergie est rattachée au vent. Dans le cas où elle s'émietterait, les techniques liées à la terre vous seront possible. Et enfin, si elle se froisse, alors vous aurez davantage de facilité à exploiter la force de la foudre. Dans mon cas par exemple... »

Le Nara tatoué déchargea un peu de chakra dans la carte qu'il tenait. Celle-ci se fendit alors en son centre de part et d'autre.

« … j'ai une affinité naturelle avec le vent. A votre tour, faîtes comme je vous ai apprit : c'est l'heure de vérité. »

Il l'encouragea avec ce qui se voulait être un sourire sur une grande étape de la vie d'un shinobi : la découverte de son affinité, et donc du sens qu'allait prendre ses entrainements à venir.

C'était le moment. Sans dire un mot, Natsuki observa Kasaï se concentrer à nouveau – mais pas trop – jusqu'à ce que la magie opère. La carte de révélation qu'elle tenait s'activa en réaction au chakra qui la parcourra, et s'embrasa. Une petite flamme apparu dessus, comme sur une chandelle, puis la carte se réduisit en une poignée de secondes à l'état de cendres dispersées par le vent. L'élément de l'adolescente était donc Katon, le feu. Difficile pour le Nara tatoué de lui apprendre vraiment à exploiter cette affinité aux travers de techniques, étant donné que lui-même n'était pas affilié au feu, mais pour ce qui était de la maîtrise générale de son énergie, son expérience pouvait encore lui être profitable. Kasaï lui fit d'ailleurs part de sa satisfaction que ce moment ai été partagé avec lui, ce à quoi il répondit d'un sourire :

« C'est toujours mieux d'avoir quelqu'un avec soi pour avancer, et surtout pour traverser les grandes étapes de sa vie. L'inconnu fait alors moins peur. »

Il la laissa profiter de sa réussite et de la fierté qu'elle en tirait, alors qu'elle s'amusait à provoquer de petites flammèches sur des feuilles.

« Comme je vous l'ai dit, il y a cinq éléments principaux, chacun ayant un avantage et une faiblesse sur un autre. Dans votre cas, le feu traversera sans problème des techniques affiliées au vent, mais se fera battre aisément par l'élément aqueux. »

Vint ensuite l'instant où Kasaï comprit où s'était posée sa nouvelle limite. Lorsqu'elle se tourna vers lui, il en déduisit donc qu'elle voulait savoir comment s'affranchir de cette dernière.

« Ce que je vous ai fait faire depuis ce matin sont les bases de tout : contrôle du chakra, gestion de ses réserves, juste dosage etc... Il est donc indispensable que vous les maîtrisiez, car ce n'est que sur des fondations solides que vous pourrez vous bâtir et progresser. Bien entendu, un contrôle parfait demande des années de pratique et d'expérience, mais n'est pas nécessaire pour aborder la suite. Retenez simplement le modèle de la pyramide : si vous n'arrivez plus à aller plus haut, c'est qu'il vous faut d'abord revoir les étapes du dessous : renforcer les fondations, ou en ajouter de nouvelles. Comme vous n'en êtes qu'à votre tout début, je ne vais pas vous surcharger de connaissances : vous n'en retiendriez pas la moitié, et seriez incapable d'exécuter un quart du restant. De fait, pour aujourd'hui, je ne vais vous apprendre qu'une dernière chose – deux si je vois que vous vous débrouillez bien - : les mudras. »

Natsuki décroisa les bras, et s'avança de quelques pas en direction de Kasaï, de sorte à ce qu'elle puisse voir en détail ses mains.

« Les mudras, ou signes, sont des composantes essentielles pour recourir à la plupart des techniques shinobis. Ils vous aident à malaxer votre chakra, c'est-à-dire mélanger votre énergie physique et spirituelle pour produire la quantité dont vous avez besoin, selon ce que vous voulez en faire. Il y en a douze, chacun nommé par un signe du zodiaque. '' Tigre, Dragon, Serpent, Lièvre, Rat, Cheval, Coq, Chèvre, Chien, Boeuf, Singe et Sanglier. '' »

Natsuki laissait quelques secondes flotter entre chaque mudra, qu'il effectuait en même temps qu'il les prononçait. Cela permettait à Kasaï d'associer le nom à la gestuelle des mains. Il ne s'agissait que d'un premier contact, il ne s'attendait donc pas à ce qu'elle les retiennent tous si vite passé en vue.

Spoiler:

« Pour commencer, vous allez les effectuer en même temps que moi. Vous sentirez probablement de la chaleur dans vos mains, c'est normal : ce sera votre chakra malaxé qui rejoindra le reste de la circulation. Pas de danger. »

Natsuki commença à lui apprendre les signes de manière très simple : il prononçait le nom de l'animal, et effectuait le signe correspondant avec ses doigts. Son étudiante du jour n'avait qu'à l'imiter jusqu'à mémorisation.

« Tigre. » … « Serpent. » … « Rat. » ...

L'exercice dura de la sorte une bonne heure et demi, Natsuki haussant progressivement la difficulté en accélérant le rythme, ou en enchainant deux puis trois signes à la suite.

« Sans exemple maintenant. » annonça Natsuki avec son faux sourire éclatant sur les lèvres.

Et l'entrainement – ou le jeu – reprit, Kasaï ne pouvant désormais plus compter que sur sa mémoire.

« Chèvre. … « Sanglier. » ...

Kasaï ne s'était vantée sans raison : elle apprenait effectivement très vite les bases. Enfin, Natsuki émettait tout de même quelques réserves encore. C'était peut-être comme pour les tables de multiplications que les jeunes étudiants s'efforcaient d'apprendre par coeur. Le jour même, il les connaissent car ils les ont gravé dans leur mémoire de travail, mais le lendemain, la moitié – si ce n'est plus ! - est déjà oubliée car elle n'a pas réussit à passer au travers du filtre de la mémoire sémantique. Dans le cas de la jeune adolescente, il s'agissait même d'intégrer tout ceci dans la mémoire procédurale, de sorte à ce que les signes s'exécutent d'eux-même, presque sans qu'elle y réfléchisse.

« Merci Kasaï. » dit-il en attrapant la bouteille qu'elle lui lança. « A vos connaissances. »

Il leva sa bouteille légèrement pour porter son toast, puis avala quelques gorgées à l'éternelle goût de cendres, comme tout ce qui passait ses lèvres.

« Comment vont vos doigts Kasaï, pas trop éprouvés ? Vous verrez, ce sont les premières fois qui sont difficiles, une fois que vous aurez davantage l'habitude cela ira mieux. Et puis, vous aurez rarement dans votre vie à devoir exécuter autant de signe à la suite : c'est vraiment particulier à l'apprentissage. Il va juste falloir beaucoup vous exercer maintenant, afin que la composition des mudras devienne automatique chez vous. »

Il but encore un trait d'eau, puis referma le bouchon de sa bouteille.

« Comme je vous l'ai dit plus tôt, les signes servent à malaxer le chakra pour le rendre suffisamment malléable dans le but de réaliser des techniques. Au début, vous vous contenterez donc d'apprendre un large éventail d'attaques, de défenses et d'utilitaires '' classiques ''. Elles sont très courantes, beaucoup de shinobis les connaissent, et ont des mudras bien définit. Mais avec le temps et l'expérience, vous en viendrez à développer vos propres techniques, moins connues - voire même uniques. Vous verrez alors que instinctivement, vous trouverez les mudras nécessaire à pratiquer pour les réussir. D'autant plus que les signes incantatoires ne se limitent pas au douze que je vous ai montré : ils en existent beaucoup d'autres, en général spécifiques à telle ou telle technique de très haut niveau. Mais inutile que nous nous y intéressons pour le moment, vous n'y êtes pas encore. »

Natsuki croisa les bras sur sa poitrine, et observa quelques instants son étudiante du jour, qu'il jaugea.

« Bien, je vous avais dit que je vous enseignerai quelque chose d'autre encore si je voyais que vous vous débrouillez bien avec l'apprentissage des mudras. C'est le cas. Je vous propose donc d'apprendre une technique toute simple, pour vous faire la main. Mais à une condition.

Un simulacre de sourire fin se dessina sur ses lèvres tandis qu'il laissa flotter le suspense quelques secondes.

« J'aimerai que vous rejoignez mon équipe shinobis. »

Encore quelques instants de silence, pour lui laisser le temps d'apprécier la proposition.

« Je sais qu'au restaurant, je vous avais dit que mon équipe était complète, mais il y a eu du changement depuis. Mon étudiante hospitalisée s'est trouvée une nouvelle passion pendant sa convalescence, et elle aimerait de fait poursuivre dans cette voie plutôt que sur celle de ninja. Du coup, je me retrouve avec une place vacante. Et comme vous m'aviez dit que vous cherchiez une équipe à rejoindre, je vous propose d'apprendre sous ma tutelle. Si vous êtes toujours disponible et intéressée, bien entendu. »

Évidemment, il avait plaisanté sur un point : même si Kasaï refusait son offre, il lui apprendrait tout de même la technique qu'il avait en tête.

Kasaï était très expressive, et cela la rendait de fait très facilement compréhensible. En l'occurrence, c'était de la joie qu'elle manifestait ici. Elle ne s'attendait pas à trouver si vite une équipe apparemment, et la nouvelle la transportait. Natsuki afficha alors un sourire en réponse à son enthousiasme. Lui aussi avait de quoi être satisfait : avec Kasaï, Mastudaï 2.1 était complète, et composée de trois éléments particulièrement intéressants. Satochi d'abord, le plus prometteur du trio, chez qui il voyait un véritable potentiel lattant à développer. Shiya ensuite, une pierre brute dont il craignait que ses six bras ne suffisent pas à la tailler tant la façon d'aborder le monde et les principes le composant était différente chez les deux hommes – un défi de taille donc, et une nécessité. Et enfin Kasaï maintenant, une jeune femme qu'il ne connaissait pas encore assez pour émettre un pronostique, mais dont la page blanche qu'elle était promettait une progression à suivre toute particulière. A plus forte raison qu'elle était la seule des quatre à ne pas avoir grandit dans un univers shinobi. Comment percevra-t-elle le monde à travers ses yeux émeraudes sans la doctrine des ninjas inculquée habituellement à un âge où l'on ne peut pas encore penser par soi-même ? Natsuki avait hâte de le découvrir.

« Bienvenu au sein de Matsudaï alors. Il n'est désormais plus nécessaire que nous nous vouvoyons. Je t'expliquerai un peu plus tard le but et la façon dont je conçois mon équipe, et si tout te convient, alors je te ferai signer le document d'admission officielle. Car je pense que dans l'instant présent, même si être intégrée dans une équipe shinobi t'enchante, tu es moins intéressée par la paperasse que d'apprendre ta première technique. Alors commençons sans plus attendre. Ce que je vais t'enseigner est la création de cinq projectiles élémentaires. Regarde bien. »

Natsuki s'éloigna de quelques pas avant de composer deux mudra avec ses doigts, puis frappa du pied le sol devant lui. Cinq éclats rocheux en jaillir alors en arc de cercle et fusèrent droit sur une dizaine de mètres avant de retomber sous le coup de la gravité.

« Ce que tu as vu là étaient des éclats de pierre, un autre élément avec lequel je partage une certaine affinité. Dans ton cas, tu devras remplacer le deuxième signe par... … celui-ci... » montra-t-il après quelques instants de réflexion. « … pour obtenir une volée de flammes plutôt que de la matière rocheuse. Commence par une seule projection, ce sera plus facile pour toi. »

Natsuki lui remontra les deux mudras à composer, avant d'approfondir son explication.

« D'abord, ressens le chakra se malaxer dans tes mains. Perçois cette énergie que tu veux exploiter, et guide-là vers là où elle est nécessaire. Tu n'es pas obligée d'expédier ta flamme comme moi : la plupart des utilisateurs de l'Art du Feu préfèrent cracher leur brasier par la bouche, ou moins couramment par les mains. Là-dessus, je ne peux que te conseiller de suivre ton instinct : essaie, et fait ce qui t'apparait d'être le plus naturel. Tu n'y arriveras peut-être pas du premier coup, mais si tu visualises bien ce que tu veux produire, alors la technique finira bien par venir. Vise simple, une petite flamme suffira pour débuter. »

L'exploitation optimale de la quantité de chakra malaxée et déployée lui viendra avec le temps. Dans l'instant, il était probable qu'elle gaspille plus d'énergie que nécessaire pour un résultat moins performant, mais il n'existait pas mille façons d'apprendre à maîtriser son pouvoir : beaucoup d'efforts, de sueurs, et de persévérance.

A aucun moment il ne doutait que Kasaï n'ai pas ses qualités.

Natsuki fit silence. Kasaï était en pleine concentration, et il savait à quel point il était important pour les novices d'être le plus serein possible les premières fois qu'ils s'essaient à utiliser des techniques de Ninjutsu. Avec l'expérience, elle apprendra à les exécuter immédiatement, et sous la pression d'un combat. Pour le moment, l'habitude lui manquait, et c'était surtout cela qu'elle devait acquérir.

La patience étant une vertu du métier que Natsuki comptait dans son répertoire tant qu'il n'était pas en phase de crise, il attendit simplement, immobile, le regard fixé sur sa nouvelle étudiante. Vu de loin, l'on pouvait croire apercevoir deux statues figées au milieu du terrain d’entraînement, complétant à merveille les trois bûches habituelles. De près, c'était autre chose. Le Nara tatoué savait apprécier un effort mental lorsqu'il en voyait un. Là où les autres ne trouveraient peut-être qu'une adolescente aux yeux clos et aux sourcils froncés, lui lisait parfaitement la détermination avec laquelle Kasaï se concentrait, et les efforts qu'elle déployait pour rassembler son énergie, pour visualiser son objectif, et tracer le chemin le plus droit possible pour l'atteindre.

Pour le moment, tout ceci était nouveau pour elle, et sans doute y avait-il là la curiosité propre à tous les enfants pour les nouvelles expériences de la vie. Mais si la volonté dont elle faisait preuve actuellement traversait le temps, si elle parvenait à rester aussi déterminée qu'elle lui semblait l'être actuellement, alors elle avait les moyens d'aller loin. Ne restait dès lors plus qu'à espérer qu'à l'inverse de beaucoup de jeunes, ses aspirations et ses attentes ne soient pas étouffées dans l’œuf, et sa vie fauchée beaucoup trop tôt. Un constat lugubre en soi, puisque trop souvent, rester en vie consistait à prendre celle des autres. Infliger à autrui ce que l'on ne souhaitait pas subir nous-même. Shinobis, un métier fantastique, mais qui se pavait dans le sang. Un sujet qu'il avait déjà abordé brièvement avec Kasaï durant leur première rencontre, d'ailleurs.

Les doigts de l'adolescente s'animèrent soudainement. Elle était prête. Deux mudras, et la technique fut projetée. Natsuki en esquissa un sourire, dans la mesure où son étudiante avait agit plus par instincts que par volonté : elle n'avait ouvert les yeux qu'après l'avoir lancé. Trois petites flammes prirent vie dans l'atmosphère, et achevèrent de se consumer quelques mètres plus loin. Pas mal du tout pour une première fois, à croire qu'il était bon professeur, ou qu'elle avait cela dans le sang. Il pencha plutôt pour la seconde option. Lorsque Kasaï se tourna vers lui, rayonnante de sa réussite, il la gratifia d'un sourire.

« Sincèrement, pour un premier essaie, c'était pas mal du tout. Je ne sais pas si tu as visé plus de flammes que ce que je t'ai conseillé, ou si tu as su spontanément en produire davantage, mais le résultat est bon : je ne peux que te féliciter. Te féliciter, et te mettre en garde maintenant. L'art du Feu est le plus destructeur de tous, tu dois donc faire preuve de précaution lorsque tu l'utilises. D'une part, car tu peux te blesser toi-même plus gravement qu'avec d'autres affinités, et de l'autre, car une fois que le feu a prit vie, il ne s'arrête plus tant qu'il a quelque chose à consumer. Alors garde bien à l'esprit que les techniques de ce registre peuvent déclencher de véritables incendies. Si tu ne veux pas que ce que tu désires illuminer finisse calciné, souviens-toi de ce conseil. Tout ira alors pour le mieux, tant que tu te montreras consciencieuse. »

Il posa une main sur la tête de Kasaï et l'ébouriffa légèrement avant de se pencher à sa hauteur, et lui afficher un sourire aussi véridique qu'il le pouvait. Ses cernes devaient être horrible à voir de si près.

« Et je sais que tu le seras, maintenant que tu es avertie et consciente du danger. » lâcha-t-il avant de se redresser de sa hauteur. « Bien, je pense que ceci conclu ta leçon du jour. Tu as déjà eu pas mal à emmagasiner, alors je ne vais pas te charger davantage. Entre les signes, ta première technique, et ta condition physique à maintenir, il y a de quoi t’entraîner pour quelques temps. Je te propose donc que nous nous séparions là-dessus. Profite de l'après-midi pour te reposer un peu, les premières utilisations du chakra en terme d'applications pratiques ont tendance à épuiser plus que ce que l'on pourrait le croire. Mais c'est ainsi que tu vas développer tes réserves. »

Natsuki plongea une main dans sa poche, et en sortit une note qu'il remit à sa nouvelle étudiante.

« C'est mon adresse. Viens me voir demain, et je t'expliquerai comment fonctionne mon équipe. Je te ferai signer aussi ton formulaire d'inscription, afin que tu fasses officiellement partie des nôtres. Sauf si bien sûr, tu changes d'avis entre temps. »

La matinée touchait à sa fin tandis que le soleil approchait de son zénith, mais déjà, Natsuki sentait qu'il n'avait pas perdu sa journée. Kasaï non plus, selon toute vraisemblance.