La voix de l'homme responsable de la présence de Setsuko en ce lieu se fait entendre et résonne quelque peu dans l'immensité de la salle. Il se présente comme Hoheinheim, Gouverneur de Taki. Ce qui en soit correspond à ce qui est inscrit dans la lettre qu'il a envoyée à l'enfant et n'est donc pas une surprise. Lorsqu'il l'invite à la suivre elle obtempère presque immédiatement en se concentrant sur les bruits de pas légers de ce dernier pour le localiser. Le tout à une vitesse néanmoins mesurée et avec ses habituels bras levés devant elle pour éviter les probables obstacles sur son chemin. Elle est légèrement perdue lorsqu'il s'arrête un instant mais parvient plus ou moins à la rejoindre.
Elle trébuche quelques instants plus tard sur la première marche de l'escalier qu'ils empruntent mais s'adapte rapidement à la situation. Un peu plus tard ils se trouvent dans une petite pièce et Setsuko entend la porte se refermer derrière elle. Et lorsque le Gouverneur reprend la parole sur un ton accusateur elle remarque qu'elle n'est pas orientée dans la bonne direction. Chose qu'elle corrige immédiatement avant d'avancer à tâtons jusqu'au bureau.
Pourquoi parle-t'il de mensonge? Ou plutôt, à quoi fait-il référence exactement? L'enfant ment constamment. Non parce qu'elle le désire mais parce qu'elle y est contrainte. Parce qu'
il ne lui laisse pas le choix. Est-ce la conversation de tout à l'heure avec la religieuse qui le pousse à dire cela? En tout cas elle ne voit pas d'autres explications plausibles à moins que l'homme l'ait faite surveiller depuis quelques temps déjà. Mais il a raison: la vie entière de Setsuko est un mensonge. Et les plus ironiques pourraient même la qualifier de vaste blague...
"Pour ce que j'en sais les Mamoru ne se mêlent pas vraiment aux autres, c'est vrai." en tant que dirigeant de Taki il sait de quoi il parle, c'est évident. "Il y a peu de gens qui apprécient leur présence. J'ai pu m'en rendre compte à la capitale."
Ceux qui l'ont vue pratiquer ne se sont guère montrés courtois à son égard. L'humain considère avec crainte les choses qu'il ne comprend pas. Et la crainte se traduit souvent par la violence verbale ou physique. Est-ce que les Mamoru se sont d'eux-mêmes mis à l'écart ou est-ce plutôt le comportement des autres à leur égard qui les a poussés à se reclure sur eux-même? Dans tous les cas la présence de Setsuko dans les rangs du Shûkai n'est pas un choix personnel mais le
sien. Chose qu'elle ne peut évidemment pas justifier dans cette conversation.
Elle opte donc pour le silence tandis que l'homme continue de parler. Il ne tourne pas autours du pot plus que nécessaire et lui offre directement un marché: son enseignement contre l'assurance de pouvoir disposer de ses capacités selon ses désirs. Il veut... l'utiliser? L'enfant baisse son regard absent en direction du sol et persiste dans le silence.
Il l'utilise depuis qu'elle est née. Elle n'est qu'un objet, un jouet. Une chose qu'on utilise puis qu'on jette. Cette idée lui fend davantage le coeur mais elle est tellement habituée à la douleur qu'elle n'y prête même pas attention.
- "Je..."
Le Gouverneur poursuit et précise certains détails de l'accord qu'il lui propose. Ainsi donc elle pourra refuser jusqu'à trois requêtes. Des veto qu'elle devrait utiliser avec parcimonie et lorsque ça s'avère réellement nécessaire. Impossible de savoir s'il s'agit d'une bonne chose ou non dans la mesure ou l'enfant ne sait pas le nombre de demandes qu'il lui fera. Il pourrait tout aussi bien la harceler constamment comme faire appel à elle une ou deux fois par année seulement. Mais elle ne peut pas lui donner une réponse. Car ce n'est pas la décision de la jeune fille qui compte mais bien la
sienne. Mais avant d'obtenir
son accord il reste à négocier ce qui peut l'être. Hoheinheim à posé ses conditions. À son tour de faire de même...
"J'aimerais apporter une clause supplémentaire à cet accord si vous le voulez bien." elle cherche ses mots. "J'aurai aussi le droit de refuser toute demande qui pourrait influer sur le Yomi, que ce soit de façon négative ou positive. Il y a un mince équilibre entre le monde des morts et celui des vivants même si les gens ne s'en rendent pas compte. Un équilibre qu'il faut à tout prix maintenir. Ce n'est pas seulement une nécessité mais aussi une règle qu'il ne faut pas enfreindre. Les conséquences seraient terribles..."
Le ton parfaitement sérieux et presque apeuré qu'elle emploie tend à prouver qu'il ne s'agit pas d'un mensonge cette fois-ci. Les morts n'aiment pas qu'on empiète sur leur territoire. Et en réaction ils pourraient très bien décider d'interférer davantage avec celui des humains. Ce qui provoquerait le chaos. Et un changement en profondeur du Yuukan tel que les gens le connaissent. Un changement qui n'apporterait rien de bon.
"Et puis... Dans tous les cas je ne peux pas vous donner une réponse tout de suite. J'ai besoin de quelques instants seule pour y réfléchir!"
Quelques instants pour obtenir
son approbation. Comme s'
il comprenait ce qu'il se passe,
il apparaît alors à sa droite.
Son aura est atténuée, moins sombre que d'ordinaire. Est-ce qu'
il craignait à l'entrée du temple? Quoi qu'il en soit elle est forcée de constater qu'
il a pu pénétrer en ces lieux conformément à
ses dires. Quelque part elle espérait qu'
il avait tort. Mais il semblerait néanmoins que
sa puissance soit atténuée. L'enfant garde son regard rivé sur le mur, focalisée sur le démon. Et se désintéressant complètement du Gouverneur comme si elle avait oublié jusqu'à sa simple présence.
*En voila un marché intéressant...*
*Dois-je accepter?*
*Le souhaites-tu?*
Elle reste silencieuse quelques instants.
Il lui demande son... avis? Ce serait bien la première fois. Qu'est-ce qui motive cette concession? N'est-ce qu'une ruse pour juger de sa loyauté ou s'intéresse-t'
il vraiment à son avis? Peut-être qu'
il ne sait pas lui-même si cette offre est une bonne chose ou non.
*Je ne sais pas...*
*Tu ne sais pas ce que tu désires?*
*Si, bien sûr mais...*
*En te faisant rejoindre les rangs du Shûkai je savais que ce genre de cas pouvait se produire. Ce n'est pas une surprise même si je pensais que cette situation ne se manifesterait que dans quelques mois. Voir dans quelques années. Pourtant cet humain pourrait t'enseigner des choses utiles pour renforcer ta puissance. Et je souhaite que ma progéniture soit portée par quelqu'un qui le mérite. Tu dois gagner en puissance pour obtenir cet honneur. Et supporter cette épreuve qui n'aura rien de plaisant...*
Honneur... Voilà bien un mot qui semble... déplacé à Setsuko vu la sujet évoqué. La gamine a souvent rêvé de se débarrasser de
lui. Mais
il se garde bien de lui apprendre des choses qui pourraient l'aider à y arriver. Peut-être alors que Hoheinheim Van... Rien n'est certain. Mais même l'incertitude vaut mieux que l'enfer dans lequel elle est plongée depuis sa naissance.
*Oui. Oui, je crois!*
*Alors acceptes!*
*D'accord!*
*Shôjo?*
*Oui?*
*Ne crois pas qu'il te permettra d'échapper à mon emprise. Ce serait une grave erreur. Je sanctionnerai la moindre attitude rebelle de ta part d'une manière qui t'ôtera pour longtemps l'envie d'avoir de telles pensées. Et tu sais que ce ne sont pas des paroles en l'air. Tu crois avoir atteint le summum de la souffrance? Détrompes-toi! Tu en est loin. Très loin...*
*Je.. Jamais je n'ai pensé une seule seconde que...*
*L'humain a raison: tu es une piètre menteuse!*
L'aura s'atténue puis s'estompe entièrement, laissant les deux êtres vivants seuls dans la pièce. Setsuko semble émerger d'un rêve tout en prenant une longue inspiration comme si elle avait eu la tête plongée trop longtemps sous l'eau. Elle tremble encore quelques instants jusqu'à ce que la chaleur rassurante de l'endroit reprenne ses droits.
"Si vous acceptez mes conditions alors j'accepte les vôtres..." glisse-t'elle finalement, contredisant sa demande précédente.
Ce possible accord ne lui garanti pas seulement des perspectives d'avenir. Il est aussi synonyme d'espoir. Reste à savoir si ce dernier est fondé ou rien de plus qu'une illusion. Setsuko joint ses mains crasseuse à la base de son ventre et attend donc la réaction du Gouverneur et les éventuelles instructions qu'il pourrait alors lui donner. Le tout pendant que son sang continue de s'écouler dans son dos, sur ses jambes puis sur le sol de la pièce où il forme une petite flaque à la base de ses pieds nus.