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Une journée comme les autres pour un Shinobi, ça veut dire quoi ? S’entrainer -souvent-, ou partir en mission. Pour Sagi cela voulait aussi dire se tourner les pouces quelques heures à méditer sur l’inutilité de faire les dites missions. Toujours aussi paradoxal, surtout envers lui-même, l’homme à l’œil rouge n’avait pour l’heure aucune envie de bouger, quel que soit l’idéal qu’il ait pu avoir envie de défendre. C’était comme ça avec lui, il y avait des jours avec, et des jours sans.
Il fallut pourtant que cette journée sans, évolue vers une journée un peu plus chiante encore. Lorsqu’il reçut la missive, le Kumojin était en train de finir sa petite séance de musculation personnelle, à coups de mouvements d’équilibriste sur les pieds arrière de sa chaise de cuisine. N’allez pas croire, ça demande des abdos ce petit exercice. Son immobilisme rompu, Sagi réceptionna l’ordre de mission et le parcouru rapidement.

Encore un bourgeois qui craint pour ses biens, tous pareils ceux-là.

La main du jeune homme s’illumina et se nimba de flammes l’espace de quelques secondes suffisantes à incendier le courrier au-dessus de son évier. Les préparatifs furent aussi rapides qu’expéditifs : il prit une douche, s’habilla de noir et de son manteau rouge, embarqua son épée et se donna un dernier coup de peigne avant de prendre la porte.
Pour cette mission il allait faire équipe avec Bakusho Akusei, membre du clan du même nom. Les joyeux allumés de l’explosif. Attend que je me repasse l’ordre de mission… Arrêter des voleurs ? Et pour ça on envoie deux membres du Kousei ? La mission partait déjà de travers avant même d’avoir commencé. Un jour il devrait avoir une discussion avec le mec qui distribuait les ordres, qu’il se mette bien dans le crâne qu’un type comme Kadoria faisait autant -voir plus- de dégâts que ses adversaires ! Mais bon, trop tard pour se plaindre, il était déjà aux portes de Kumogakure pour y retrouver son coéquipier.

Celui-ci l’attendait déjà, apparemment. Faut dire qu’à cette heure-ci, il n’y avait pas grand monde devant les portes alors… Un grand blond coiffé avec un pétard l’interpela et se présenta à lui comme son coéquipier de mission. Sagi haussa un sourcil lorsqu’il parla d’une histoire de surnoms. Pendant la guerre on surnommait le surnommait Sagi-le-héron mais depuis ce surnom s’était perdu dans les limbes de l’avenir. Maintenant il n’était plus que Sagi.

C’est bien moi. Pas de surnoms, juste Sagi ce sera parfait, dit-il en resserrant la sangle de son épée puis en prenant le chemin de la sortie. En route alors.

Le Shinobi prit une impulsion et se mit à courir à sa vitesse croisière qui n’avait rien de plus ou de moins que celle des autres Ninjas lorsqu’ils se déplaçaient.

C’est bien à Garakutamura qu’on va ? Lança-t-il par-dessus son épaule à son coéquipier lorsqu’il vit celui-ci remonter à sa hauteur. Un village qui porte bien son nom, le seigneur local est une ordure. Il évita un arbre et continua sa route à travers les rochers et les pics en direction du sud vers leur mission. T’es aussi un membre du Kousei si ma mémoire ne me fait pas défaut, bizarre qu’on ce soit jamais croisé.

La route n’était pas bien longue jusqu’au village où allait se dérouler leur mission. Arrêter des voleurs qui s’en prenaient aux seigneurs les plus riches du pays n’était pas une mince à faire car les seigneurs en question prenaient bien souvent grand soin à se protéger, eux et leurs biens. Ces types, au nombre de sept donc, ne devaient pas être des idiots. Et si le cambriolage risquait d’arriver dans la journée, les deux Genin devaient peut être pressé le pas. Sagi accéléra sensiblement, montant crescendo sa vitesse de course. Défilaient autour d’eux les arbres et les monts de leur si beau pays. Beauté à laquelle n’était plus qu’à demi sensible le jeune homme à la chevelure blanche. Quand on savait que tout ceci pouvait disparaître par la volonté de quelques personnes à travers le monde, cela laissait songeur quant à l’avenir.

Au moins le Kadoria dû reconnaître au membre du clan Bakusho une franchise bien sympathique en ces temps troublés. Converser avec lui n’était donc pas dénué d’intérêt, surtout au vu de l’analyse assez pertinente qu’il fit de leur section militaire, le Kousei. Comme il le souligna lui-même, la section d’assaut comportait bien des brutes, auxquelles Sagi ne s’identifiait pas. Lorsqu’il termina sa tirade, le Genin lui répondit.

Je suis également ravi de voir autant de franchise parmi mes camarades de combat Akusei, c’est important que nous ayons confiance les uns envers les autres. Je ne crois qu’à moitié à la paix tendue que nous entretenons avec les autres villages cachés. Surtout après l’enlèvement de la fille du Raïkage. Bientôt viendra à nouveau le temps de se battre et ce jour-là, ce sera avec plaisir que je le ferais à tes côtés, monsieur le soutien aérien. Pour ma part c’est bien simple : je sèche toutes les réunions, ou presque, du Kousei. Incompatibilités entre membres peut-on dire. Je me vois comme un combattant polyvalent. L’équilibre est source de pérennité dit un vieux dicton. Mais ma capacité de destruction gravitationnelle fait aussi de moi un destructeur de cible stratégique, un peu comme les membres de ton clan, mais dans un registre différent. Tu auras peut être l’occasion de le voir durant la mission, si ces types cherchent à nous résister.

Le soleil était déjà assez haut dans le ciel. L’air s’était réchauffé et le froid hivernal n’avait rien de dérangeant sous l’effort qu’ils faisaient pour arriver au plus vite à Garakutamura. Les trois quarts de la route avaient été parcouru, aussi s’arrêtèrent-ils pour une petite pause bien méritée, sur un petit renfoncement rocheux à flanc de montagne. C’est là que son partenaire reprit la parole, car quelque chose dans le discours de Sagi semblait l’avoir dérangé, et travaillé vu la longueur de son discours.

Rassures-toi, j’ai un esprit très professionnel en mission. Certes il m’arrive de critiquer certains employeurs mais à moins d’un très gros heurt avec mes convictions, je n’irais pas remettre les ordres d’un contrat en question ni refuser de les exécuter. Tout ce que je peux faire dans ces cas-là, c’est leur dire « C’est la vie », acheva-t-il avec un long soupire avant de se relever et de se remettre en route pour la dernière ligne droite avant leur arrivée. Excuses ma curiosité mais, ta façon de t’exprimer sur notre situation me laisse penser que tu as plus d’expérience qu’il n’y parait. Aurais-tu participé à la guerre par le passé ?

Les deux Kumojins avaient quelques points en commun, assez en tout cas pour pouvoir se parler franchement l’un à l’autre et entretenir un début de rapport amical. Mais Sagi ne se faisait pas trop d’illusions car s’il y avait bien une chose à laquelle il ne croyait qu’à moitié, c’était l’amitié. Et pour cause, le jeune homme au manteau rouge n’avait jamais eu ce que l’on pouvait communément appeler des amis. Des rivaux ça il en avait eu en pagaille et avec certains pendant la guerre il avait entretenu une sorte d’animosité presque amical du point de vu de certains membres de sa famille à qui cela ne plaisait guère. Mais depuis, nada.

Akusei, comme il le précisa lui-même, n’avait pas participé à la guerre sur les premières lignes mais en arrière garde, jouant déjà à l’époque le soutien financier chargé de ramener du fric à la maison pour continuer le combat. Un truc que n’aimait pas faire Sagi en fait. Il n’avait jamais aimé être payé pour tuer, détruire, piller etc… Banaliser son métier en le rémunérant était peut-être la chose la plus abjecte qui soit après la torture et d’autres crimes qui faisaient perdre toute leur humanité à ceux qui les pratiquaient.
Et oui, le Kadoria avait des principes. Des principes qui pour beaucoup entraient en totale contradiction avec ceux du leader de Kumogakure no Sato. Cela devait d’ailleurs interloquer son coéquipier qui s’attendait peut être à travailler là avec un cousin du Raïkage totalement acquis à sa cause.

En effet, continua-t-il en riant tout bas, aucun Shinobi stupide n’a jamais survécu bien longtemps. Et si ton clan est encore là à faire partie de cette coalition au sein du village, c’est que ses membres sont loin d’être stupides. En tout cas bien moins que les miens qui laissèrent le clan être dispersé à tous les vents. Mais bon, tout ceci, c’est du passé aujourd’hui. Concentrons-nous sur la mission : nous arrivons.

Joignant le geste à la parole, Sagi s’arrêta en haut d’une bute, le Bakusho à ses côtés. En face d’eux apparu un village d’une taille modeste mais dont les ramures étaient vastes de par les champs qui l’entouraient. Les habitations étaient disposées au gré des plantations et les bâtiments principaux, comme le moulin, l’auberge ou ce genre d’infrastructures. Et au milieu de tout ça, une bien belle maison. Bâtie comme un palais d’ailleurs, avec une enceinte extérieure et au moins trois étages intérieurs. Et Sagi se doutait fortement que l’intérieur serait au moins aussi impressionnant que l’extérieur. Déjà à l’époque, cet endroit avait une sale réputation… Ils demandèrent donc audience, furent introduit dans la somptueuse demeure rempli d’au moins autant de richesses que de gardes, et furent amené au propriétaire des lieux, le seigneur de Garakutamura.

Celui-ci passa quinze minutes à se plaindre de leur lenteur à arriver, et à se lamenter sur les dégâts que feraient les vols de ces hommes sur ses richesses. Honnêtement, pensa Sagi en silence, sept hommes ne devaient pas pouvoir voler une trop grosse masse d’objets précieux non-plus ! D’accord ça ne serait pas beau à voir mais bon, il s’en remettrait hein ? Mais le Genin l’avait plus ou moins promis à son partenaire de mission : pas de prise de partie. Ils étaient là pour empêcher un cambriolage, c’était ce qu’ils allaient faire. Finalement on leur annonça un tour du propriétaire bien normal en ces circonstances. Vu leur dégaine aux deux Ninjas, les gardes du seigneur ne firent pas trop les malins avec eux et les escortèrent à travers toute la maisonnée. Les chambres, les salons, la cuisine, la salle de garde, la chambre des domestiques… Sagi jeta un coup d’œil à ces derniers puis continua son chemin en prenant note de tous les recoins facilement accessible et des ouvertures sur l’extérieur que l’on pouvait rapidement atteindre lorsque l’on était motivé. Une fois leur patrouille effectuée, ils revinrent tous les deux dans le hall d’entrée depuis lequel tous les étages supérieurs étaient visibles.

Je ne suis pas un voleur, répondit-il à son coéquipier en continuant de lever les yeux vers les hauteurs. Je suis sept voleurs. Ce qui veut dire que je dois multiplier par sept les points d’entrées ou de sorties, ou alors tenter de n’en utiliser qu’un seul pour sept personnes.

Le seigneur leur avait signalé la présence de son coffre à bijoux principal au troisième étage, sous le grenier, dans ses appartements. Mais son or n’était pas là : il se trouvait au sous-sol. Les voleurs avaient donc là deux cibles stratégiques pour leur larcin.

Vu la nature, un peu, peureuse, de notre client, glissa-t-il à mi-voix, je pense qu’il va poster plus de gardes que nécessaire autour de ses appartements. Si je devais rentrer, je le ferais… par-là, acheva-t-il en se retournant vers la porte d’entrée principale. Du hall, ils peuvent facilement monter vers les appartements et créer une diversion pour s’attaquer au sous-sol et aux richesses qu’il renferme. Pour un coup comme ça, il faudrait avoir quelqu’un à l’intérieur des murs. Sagi se gratta l’arrière du crâne. On ne pille pas les seigneurs de la foudre aussi facilement, ils devaient avoir un complice dans chaque maisonnée pour leur donner les indications dont ils avaient besoin pour millimétrés leurs coups. En tout cas, c’est comme ça que j’aurais fait si j’avais été un, ou sept voleurs. Ton analyse ?

Adossé à un mur et les bras croisés, Sagi écouta attentivement la théorie de son coéquipier. Ils se rejoignaient bien sur le fait qu’il y avait un infiltré au sein du domaine. Mais Akusei allait encore plus loin en proposant d’ores et déjà un coupable -ou un suspect présumé coupable si l’on préfère-. Sagi n’était certain de rien et l’hypothèse du Kumojin, comme toute autre hypothèse, ne pourrait se confirmer qu’une fois les voleurs en mouvement. Le Kadoria se permit donc de souligner un fait important.

N’oublie que nous savons qu’ils sont sept. Autrement dit on les a vu lors de leurs larcins, à un moment ou à un autre. Si nous avions eu plus de temps nous aurions pu enquêter sur les autres vols mais là… Ta théorie se tient, empoisonner la nourriture pendant le diner pour laisser le champ libre… Celui qui fait ça doit avoir une connaissance très pointue des dosages…

Sagi se gratta le menton. La réflexion quant à la possibilité d’un suspect s’arrêterait là pour la mission. Car le prochain vol risquait d’avoir lieu dans la soirée, et qu’ils n’avaient pas le temps de tergiverser plus longtemps. Cependant l’idée de bosser le ventre vite ne lui plaisait qu’à moitié. Peut-être allait-il descendre tant que le soleil était encore levé pour prendre un bon repas en prévision… Le Shinobi se redressa brusquement en claquant des doigts.

Viens avec moi, on va aller grignoter un bout au village.

Le Ninja repoussa les portes de la maison et sorti. Akusei lui emboita le pas après un temps de pause. C’est en chemin que le Shinobi aux cheveux blancs reprit la parole.

Il est possible que les voleurs soient déjà là, dans le village, sous une fausse identité. Si on croise un groupe de six cuistots qui papotent, je crois qu’on aura le jackpot. Sagi rit tout bas de sa rime et continua. Et puis je n’aime pas bosser le ventre vite… Sinon, pour ce soir, si on n’arrive pas à les dénicher dans l’auberge ou les alentours… Voilà ce que je te propose : si tu connais cette technique, laisse un clone consistant dans la salle des coffres avec les gardes, et un près de la chambre du seigneur au cas où. Si jamais tu vois les gardes s’endormir, fais semblant de l’être aussi. De mon côté je vais rester en planque sur le toit, avec un clone caché sur dans le hall pour le repérage. Quand à toi qui semble adroit à créer des pièges, attend à l’entrée de la maison, en planque. Pour que le coup soit réussi, il faut les prendre tous les sept la main dans le sac, lorsqu’ils sortiront de la maison avec le butin. Nos clones nous permettront de savoir à quel moment agir. Sagi claqua de nouveau des doigts. Une petite série d’explosions, et un petit piège à gravité sur quelques objets du butin et le tour sera joué. Ils ne pourront ni fuir, ni prendre un butin bien trop lourd pour eux !

Ils entrèrent dans la seule -et miteuse- auberge de Garakutamura. A première vue, rien de bien choquant mise à part des gens du cru qui les regardèrent d’un œil mauvais. Sagi s’installa à une table et lorsque son coéquipier le fût aussi, il l’interrogea.

Alors, qu’en dis-tu ?