La Dame bizarre a dit:

Un sac en cuir vola à travers la pièce et alla s'écraser contre le mur en face. Il fut rapidement suivi par un sac de couchage et un kit de premier secours. Setsuna n'était pas dans un bon jour mais la missive que sa logeuse lui avait donné quelques minutes plus tôt n'avait rien fait pour l'améliorer. Alors qu'elle avait prévu de consacrer sa journée à un entraînement sur l'art du Kuchiyose. Mais non! Des foutus écureuils même pas capables d'éviter l'extinction requéraient l'attention d'une partie de l'équipe Tsukimi. Si c'était l'occasion de rencontrer cette fameuse Sahori, c'était aussi une magnifique perte de temps!

- "Trois jours!" râla-t-elle. "Trois jours de perdus pour des saletés de rongeurs acrobates!"

Setsuna aimait bien les animaux mais il ne fallait pas pousser non plus! Et puis si ces écureuils n'étaient pas capable de survivre par leur propres moyens, ils méritaient peut-être d'y passer... La jeune femme envoya sa bourse valdinguer à travers la pièce et lorsque cette dernière s'ouvrit en plein vol pour déverser son précieux contenu un peu partout, elle ferma les yeux puis inspira et expira longuement. Il y avait vraiment des journées comme ça où rien n'allait...

La noiraude reprit son calme et regroupa les affaires dont elle avait besoin pour passer trois jours dans la nature. Quelques boulettes de riz, un livre sur les Kuchiyose, une réserve d'armes de jet et une couverture vinrent bientôt s'entasser au fond de son sac. Puis elle jeta un dernier regard à la pièce avant de fermer la porte et descendre dans la rue. Elle rejoignit ensuite le point de rende-vous, à savoir les grandes portes du Shozaichi. L'avantage c'est que la forêt où elles devaient se rendre - et qui répondait au doux nom de San'rin' Kenroku-en - n'était pas très éloignée de la capitale. Le trajet ne prendrait pas plus de quelques heures si elles empruntaient un bateau pour descendre le Yangtze.

*J'espère que Yuki ne nous fera pas chanter en chemin...*

La jeune femme espérait aussi que cette Sahori n'était pas une gamine de onze ans que Yuki avait prise sous son aile. À cet âge, ça sautait encore partout et ça parlait pour ne rien dire. La perspective de faire un voyage coincée entre Yuki senseï, ses oursons et une enfant qui posait un flot ininterrompu de questions n'était pas vraiment pas réjouissante. La noiraude se dit qu'elle était peut-être un peu trop pessimiste et se résolu à voir le bon côté des choses. Après tout elle pourrait en profiter pour prendre l'air en pleine nature et s'entraîner avec sa coéquipière et Yuki...

Setsuna arriva la première et attendit patiemment devant les portes en prenant soin de se décaler sur le côté pour ne pas gêner le passage aux voyageurs qui arrivaient. Elle sourit un bref instant en se disant que quelques semaines plus tôt c'était elle qui se faisait interroger à l'entrée. Puis, se rappelant les trois journées qui l'attendaient, elle se renfrogna à nouveau et jeta des regards noirs autours d'elle en attendant le reste de l'équipe...

Un ours… ? La Gogyou, toujours en retard et à la ramasse cligna des yeux… Euh qu’est-ce que cette bestiole faisait ici… Il y avait un cirque ? !!! La voilà toute excitée en s’approchant, pour vite déchanter en l’écoutant marmonner… Ah…

-Où est Yu…

Marmonnait –elle à la fille de dos l’ayant rattrapé qui ne semblait pas l’avoir entendu, elle avait parlé trop bas… ou c’était fait ignoré… Qu’importe puisqu’en avançant son pas se stoppait net quand simplement de côté elle la reconnu, mais l’ours elle continuait son chemin… ? La Gogyou les regarda s’éloigner quelque peu, perplexe sur ce qu’elle devrait faire… Et Yuki sensei qui n’apparaissait pas… Quelque part, la kunoichi se demandait si ce n’était pas aussi simple d’esquiver la mission, mais on lui avait dit qu’elle rencontrerait sa partenaire ce jour-là… alors finalement, il fallait vérifier une fois pour toute, elle les rattrapait à nouveau…

-C’est toi Setsuna ?

Disparu le ton enfantin et léger, cette fois, sa voix était des plus sérieuses, un regard autours, c’était bien elle avec un package, elle avec l’ours de Yuki-sensei… C’était une mauvaise blague ? Ou alors le Shukai allait dès lors avoir un problème avec la composition de son équipe, son petit doigt qui lui disait. Peut-être que si elle ne tuait pas d’écureuil… tout se passerait bien. N’empêche que…

-MAMMMAAAAANNNN !

Son attention se détournait quelque peu…

-Moi aussi je veux aller voir les écureuils ! Emmène-moi avec toi…

Sa génitrice ne lui répondit même pas, alors qu’il s’était enroulé de ses petits bras autours de sa jambe pour être sûr qu’elle ne file pas sans lui… Mais la femme avait la tête ailleurs, des soucis tout autre… La femme en face d’elle était bien celle qu’elle pensait il lui semblait, elle tapota la tête du gamin pour lui dire de s’éloigner… Ce n’était pas gagné, comme cette collaboration d’ailleurs.

-Voilà qui faisait longtemps, je suis Sahori, on fait équipe je crois, où est Yuki ?...

Aussi simplement que ça, comme si il ne s’était rien passé, si ça se trouve, elle ne se souviendrait même pas d’elle, mais au cas où…

-Are aussi est au Shukai.

Elle glissait ça, l’air de rien.

Lorsque l'ourse fit son apparition et s'approcha d'elle de sa démarche à la fois nonchalante et imposante, Setsuna eut un mouvement de recul instinctif. Il s'avéra finalement qu'il s'agissait de l'un des Kuchiyose de Yuki senseï et que cette dernière était malade, comme la femelle le lui indiqua de sa voix sourde. Le pesant mammifère lui demanda plus d'informations sur les écureuils et la noiraude l'observa un instant avant de répondre, partagée entre la surprise et la crainte. L'aura de puissance tranquille qui s'échappait de l'animal forçait l'admiration et le respect.

- "Heu... les écureuils, oui!" finit-elle par balbutier. "Et bien ils sont en voie d'extinction et on va devoir les protéger le temps qu'une équipe de chercheurs vienne pour les déplacer dans une réserve, grosso-modo. Et appelle-moi Setsuna s'il-te-plaît, pas "jeune humaine! Je te l'ai déjà dit pourtant..."

*C'est vrai, quoi! Je ne t'appelle pas la "vieille ourse" moi que je sache?* se garda-t-elle d'ajouter.

Elle lui détailla rapidement l'endroit où ils devaient se rendre et précisa certain points en se disant que cette ourse était au moins aussi motivée qu'elle par la perspective de garder des écureuils. Ça leur faisait au moins un point commun. Setsuna espérait simplement que l'invocation était aussi sûre que Yuki et qu'elle pourrait compter sur elle en cas de problème. Le duo s'ignora ensuite copieusement jusqu'à ce que l'ourse décide de se mettre en route, le tout en râlant sur sa maîtresse - du moins ce fut là la déduction de la jeune shinobi - qui se baignait nue dans des fontaines avec un Sunajin. Ce dernier devait certainement parler de Kibo, donc. Setsuna ne l'avait jamais rencontré et le connaissait surtout grâces aux récits de Yuki-senseï. Par contre la Samui ne lui avait jamais parlé de bains de minuits dans une fontaine. Allez savoir pourquoi...

- "Non mais!?! Tu peux pas partir comme ça!" s'insurgea-t-elle. "On doit attendre Sahori encore et puis... Hé, attends! Reviens!"

Peine perdue, le Kuchiyose se fichait complètement de ses remarques et continuait à prendre la direction du village. La noiraude leva les yeux au ciel et serra les poings avant de se lancer sur les traces de l'ourse. Logiquement ce devait être elle qui commandait la mission puisqu'elle représentait Yuki. Mais si elle devait se taper la présence d'une ourse bougonne tout en veillant sur ses saletés d'écureuils, quelque chose lui disait que sa patience allait être mise à rude épreuve. Enfin, les choses auraient pu être pires... Vraiment?

- "C'est toi Setsuna?"

Elle se retourna et fronça les sourcils en découvrant un visage familier: la femme qui leur avais mis des bâtons dans les roues, à Taku et elle. Et le mot était encore faible vu qu'elle avait fait exploser le chariot et tué le vieillard qui était également leur commanditaire. Ce qui avait signifié, entre autres, la parte de leurs primes. Mais celle-ci n'était pas seule... Un enfant vint se lover autours de ses jambes en l'appelant...

*Maman?*

Partagée entre le désir de croire à une mauvaise blague et l'espoir que c'était bien le cas, Setsuna garda le silence. Elle avait vraiment envie de sauter à la gorge de celle qui devait forcément être Sahori puisqu'elle l'avait appelée par son vrai prénom et non celui sous lequel Arekushi la connaissait. Mais la présence de l'enfant l'en dissuada. Quoi que la femme aux cheveux bleus ait pu faire, il y avait des limites à ne pas dépasser. La noiraude se renfrogna et croisa les bras en toisant sa vis-à-vis pendant que cette dernière se présentait officiellement et demandait où se trouvait Yuki. Plus de doutes possibles, c'était bien elle sa deuxième coéquipière. Autant le contact avec Van était facile, autant avec elle les choses risquaient de s'envenimer plus souvent qu'à leurs tours. Comme pour mieux confirmer cette option, Sahori jugea bon d'ajouter qu'Are était également au Shûkai.

- "Il semblerait, oui..." répondit-elle avec neutralité. "Du moins jusqu'à ce que les autorités se rendent compte qui il est vraiment. Quant à Yuki, elle est malade! Elle nous a envoyé Sunilda pour nous accompagner et garder un œil sur nous..."

Ce qui était une mauvaise chose en soi. Setsuna ne pouvait décemment pas tuer Sahori devant l'ourse qui s'empresserait de tout raconter à Yuki. Elle pourrait ainsi dire adieu à son apprentissage et au Shûkai. Et puis la femme aux cheveux bleus s'était montrée conciliante aussi par le passé. Bon, c'était aussi dans son intérêt mais il n'empêche... La noiraude soupira et détourna le regard, décidée à mettre de côté sa rancœur pour le moment. Après tout Sahori n'avait fait que suivre son propre ordre de mission par le passé. Et l'explosion qu'elle avait causée n'avait certainement pas pour vocation de tuer le vieillard. Au contraire d'Arekushi qui était un animal enragé, Sahori était plus mystérieuse. Est-ce que cela cachait un bon ou un mauvais fond? Setsuna n'aurait pu le dire et se devait donc de lui laisser le bénéfice du doute. Quelques temps, du moins...

- "Nous ferions mieux d'y aller, maintenant!" ajouta-t-elle simplement avant de se tourner vers Sunilda qui leur avait l'honneur de s'arrêter pour observer l'étrange scène. "À moins que tu sois d'accord de lui laisser quelques instants pour dire au revoir à son gamin?"

Un petit geste de bonne volonté ne pouvait pas faire de mal et montrerait à Sahori qu'elle ne souhaitait pas la confrontation pour l'instant. Elles étaient maintenues des recrues du Shûkai en mission et leurs états d'âmes importaient peu. Seule la réussite de la tâche qu'on leur avait confiée était importante et à ce titre, il valait mieux y avoir un minimum d'esprit d'équipe. Même si leur objectif était relativement simple, il valait mieux mettre toutes les chances de leur côté. Restait à voir si cela convenait à Sahori...

-Bon Seizo ça suffit ! Va voir papa ou il va aller pêcher sans toi !
-Quoi !? Papa part à la pêche ?!!!

Il fusa dans le sens inverse en oubliant ses regards tendres et ses câlins intenses de n’y avait pas encore quelques secondes. La mère leva les yeux au ciel. Sale gosse. Ah si tout pouvait être aussi simple, mais peut-être était-elle en veine, la noiraude semblait incline à jouer le jeu. C’était probablement autant dans l’intérêt de l’une que de l’autre d’agir ainsi de toute façon.

Le chemin était pris et quand la boule de poil se jetait à l’eau, l’élément de la Gogyou, cette dernière se contentait de marcher sur l’eau histoire d’arriver à une bonne profondeur et pour ne pas avoir à subir la corvée de la discussion en chemin, elle s’immergeait à la première occasion. L’eau et elle, ça ne faisait qu’un, aussi, elle n’avait nul besoin de remonter pour respirer et sa nage sous-marine n’avait rien à envier à une sirène. C’était son talent héréditaire après tout…

L’ours était trop lente et souvent donc, la fille devait se retourner pour vérifier sa présence et constater avec amusement les mouvements de ses pattes, comme des coups lourds et violents qui se posaient sur la surface. Le problème quand on forçait la nature, elle nous faisait forcer aussi. La kunoichi s’en amusa et profitait donc plutôt du décor, sans se priver de récupérer quelques trouvailles oubliées ou encore d’éviter les obstacles que le courant aurait voulu lui faire prendre en pleine face. Aucune chance, elle était dans son monde, le contrôle ici contrairement au reste du monde, était parfait.

En chemin, en bonus, elle en profitait pour récupérer le casse dalle du soir, s’amusant à accrocher ses prises à sa ceinture l’air de rien. Inconsciente que ça attirerait sûrement les prédateurs aquatiques… Heureusement que dans une rivière ils ne pouvait pas être si terrible que ça vous vous dites… Ouais, mais enfin, un brochet ça peut vous couper un doigt hein !

Aussi l’aventure fut rythmée parfois de quelques bagarres avec la poiscaille qui en voulait à son butin, un dont elle était contrainte de perdre une partie. Quand l’ours quittait la rivière, la Gogyou mit un temps à la rejoindre elle et sa partenaire… C’était avec une mine contrariée et une jupe de cadavre de poisson, qu’elle faisait son apparition.

-Ils m’ont piqué mon préféré ! Qui fait le feu ? J’ai faim.

Une fois débarrassés de l'enfant, le trio put enfin reprendre sa marche sous la houlette de Sunilda. L'ourse exprima clairement son impatience en se mettant à courir jusqu'au Yangtze, entraînant dans sa course les deux élèves de sa maîtresse. Ils y parvinrent rapidement même si le kuchiyose les devança largement. En se portant à la hauteur du mammifère qui nageait à présent au milieu de la rivière, ce dernier leur indiqua que c'était le chemin le plus court pour rejoindre la forêt.

*Le plus court peut-être mais pas le plus pratique!* soupira-t-elle.

À l'inverse de Sahori qui semblait nager comme une sirène dans l'eau et de Sunilda qui pouvait compter sur ses pattes puissantes pour se propulser, Setsuna n'était pas très à l'aise en présence de ce liquide transparent. Et puis il était tout simplement hors de question de mettre un pied dans la flotte quand on voyait avec quelle aisance la Gogyou s'y déplaçait. Cette peste aurait pu en profiter pour lui jouer un sale tour. Peut-être un peu trop prudente ou rancunière, la noiraude resta donc sur la terre ferme et progressa par bonds réguliers pour rester à la hauteur de ses coéquipiers. Setsuna en profita pour répondre à la question que l'ourse leur avait posée quelques instants plus tôt.

- "Pour le moment je me débrouille pas trop mal en Ninjutsu mais j'ai encore beaucoup de progrès à faire et Yuki senseï m'aide à développer cet art aussi souvent qu'elle le peut. Quant au reste disons que... ce n'est pas glorieux!" lâcha-t-elle avec un léger sourire au coin des lèvres. "Je suppose que n'importe quel entraînement pourra m'être profitable vu mes capacités actuelles mais j'avoue avoir un goût prononcé pour l'art du Kuchiyose! Pour l'instant je ne suis capable de rien dans ce domaine mais vu que je t'ai sous la main tu pourrais peut-être m'apprendre deux-trois choses utiles?"

Setsuna n'avait pas encore osé déranger leur senseï à ce sujet, estimant que cette dernière leur apprendrait ce qu'il faudrait savoir en temps et en heure. Mais puisque l'ourse leur avait posé la question, elle aurait eu tort de se priver de cette occasion d'en apprendre plus sur le sujet. Restait à voir si Sunilda était encline à aborder le thème et à partager quelques-une de ses connaissances avec elle. Mais dans le doute...

Après quelques heures de progression soutenue, la trio arriva finalement à l'endroit où il fallait quitter la rivière. La noiraude resta avec Sunilda tandis que Sahori semblait s'attardait dans l'eau encore un peu. Et lorsque cette dernière les rejoignit enfin avec une jupe remplie de cadavres de poissons. Setsuna lui adressa un regard sceptique et à moitié dégoûté en voyant sa coéquipière. Elle se réjouit néanmoins de l'air contrarié que cette dernière arborait.

- "Ça va tu t'es bien amusée avec tes poissons?" râla-t-elle. "Non parce que si tu veux encore batifoler un peu dans la flotte te gêne surtout pas hein? C'est pas comme si on avait une mission à remplir après tout..."

D'un autre côté avoir déjà de quoi se nourrir le soir-même était une bonne chose. Si la rancœur que la jeune femme avait envers son homologue aux cheveux bleus ne l'avait pas empêchée de se montrer courtoise, elle l'aurait certainement félicité pour ce met copieux qu'elle avait pris le temps de.. heu... pêcher? Le terme semblait un peu terne vu la manière dont Sahori avait attrapé ses poissons. Mais les choses étaient ce qu'elles étaient...

- "Ceci dit le feu j'en fais mon affaire! D'ici une heure de marche on devrait avoir rejoint l'arbre indiqué si le plan est aussi précis qu'il semble l'être. Alors autant manger une fois sur place vu que de toute façon on aura pas grand chose d'autre à faire à part surveiller ces rongeurs et leurs queues ridicules! Ça vous va?"

La proposition étant plutôt sensée, le trio s'accorda pour progresser encore un peu avant de manger. Et lorsqu'ils parvinrent finalement devant le grand arbre plusieurs fois centenaire qui abritait les écureuils, la nuit commençait lentement à tomber. Après s'être assurés que les intéressés étaient encore sur place et que rien ne semblait les menacer directement, ils entreprirent de préparer le repas du soir. Setsuna alluma le feu avec un jutsu et le bois s'enflamma rapidement pour crépiter avec force. Tandis que le poisson grillait, la noiraude s'allongea sur l'herbe et observa tour à tour ses coéquipiers:

- "Dis-nous Sunilda, ça fait combien de temps que tu connais Yuki senseï? Comment s'est passée votre première rencontre d'ailleurs? J'imagine qu'à l'époque elle était bien plus turbulente qu'aujourd'hui?"

Mais il n'y avait rien de mieux qu'une bonne discussions agrémentées d'anecdotes pour détendre l'atmosphère. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que vu l'ambiance ça n'allait pas être du luxe. Setsuna jeta un vague regard à Sahori avant de reporter son attention sur la majestueuse ourse...

- "Tant qu'à faire... Tu as déjà rencontré Kibo?" ajouta-t-elle d'une voix plus hésitante. "Est-ce le genre de personne qui mérite l'amour de notre Senseï?"

Attendre pour manger ? La nouvelle ne ravissait pas la Gogyou qui malgré tout suivait la bande sans broncher, on allait pas franchement lui donnait le choix de toute façon, son mal prit en patience, et maintenant encombrée par le poids des poissons, elle se rendait compte que l’idée n’était pas aussi excellente. Quelle chieuse celle-là ! Tout le monde aurait pu être content ! au lieu de cela, la Gogyou arrivait épuiser au bord de l’arbre, elle imitait la grosse ours qui se jetait au sol après s’être défaite de ses prises…

Ses oreilles trainaient malgré elle…

-Manger son cœur ?... Quelle idée. Pourquoi ?

Mais le sujet vira rapidement sur un point que les deux autres femelles semblaient trouver plus intéressant, la vie sentimentale de leur sensei et sur ce point, la Gogyou se montrait assez sèche vu le détour que cela prenait…

-La vie sentimentale de Yuki-sama ne regarde qu’elle, vos avis, on s’en cogne un peu.

Elle croisa les bras un air las quand un truc lui tombait sur la tête, en relevant le nez, la kunoichi pouvait apercevoir le petit farceur, un des machins qu’elle devait protéger… Génial.

-C’est eux ? Ils ont rien d’exceptionnel ces bêtes là… Est-ce que ça serait un bizutage ou une mauvaise blague, un truc du genre… ?

C’était bien la peine d’avoir Yuki en sensei et être mariée au Capitaine du Buki… Au moins, on ne pourrait pas accuser le shukai de traitement de faveur… Fort heureusement, l’odeur du poisson lui redonnait des sentiments meilleurs, quand elle pensait à manger, aussitôt bondissant, la fille disparaissait avant de revenir avec son tas de bois… Plusieurs fois de suite, elles devaient passer la nuit ici après tout et le gros nounours lui faisait peur, pas question de s’en approcher de trop près, toutes les excuses étaient bonnes. Aussi en quelques bonds, la Gogyou se logeait en hauteur sur une grande branche… Verdict ?

-Rien à l’horizon. C’est mort ici…

Elle souffla déçue en s’affalant sur la grosse branche…

- Personne n’a pensé à demander pourquoi ils étaient importants ? Et pourquoi on n’a pas directement emmené les scientifiques… ?

Aussi agaçante qu’une enfant qui s’ennuyait avec ses questions, mieux valait trouver le moyen de l’occuper…

-Par entrainement, tu pensais à quoi grosse ours ?

Ouais, parce que, si ça l’intéressait pas, elle ferait mine de ne pas entendre en montant à la cîme de l’arbre… Eh eh !

Ainsi Sunilda avait tenté de bouffer le coeur de Yuki lors de leurs premières rencontres. La noiraude s'était attendue à peu près à tout sauf à ce genre de déclarations. Elle s'imagina un instant devoir faire face à l'ourse dans ces conditions et un frisson lui parcourut l'échine. Elle prétexta ensuite aller chercher du bois et lorsqu'elle revint prendre place, ce fut à une distance respectable de la Kuchiyose. Des fois que l'envie lui reprenait de bouffer du coeur humain...

*Et Yuki qui n'est pas là si jamais ça dégénère...* songea-t-elle à regret.

Sunilda avait sûrement de bonnes raisons d'avoir agi ainsi ou, tout du moins, des excuses. Mais la jeune femme ne tenait pas en apprendre plus sur le sujet pour le moment. Sahori exprima sa surprise et cette fois-ci elles étaient d'accord. Ça devait bien être la première fois, tiens! Leur pseudo accord pour enterrer la hache de guerre ne comptait pas vraiment...

- "Yusuke et Yuki-senseï, vraiment?" releva-t-elle, surprise.

Elle avait déjà rencontré le blond mais jamais elle n'aurait imaginé qu'ils avaient eu une histoire ensemble. Le monde est petit, comme on dit. Setsuna aurait bien voulu en apprendre plus mais le tas de flotte ambulant coupa court rapidement à la discussion, arguant que cela ne les concernait pas. Bon elle n'avait pas tort! Mais la curiosité est parfois dur à réprimer. Setsuna tourna le regard vers les écureuils lorsque cette dernière attira leur attention sur eux. La noiraude se fendit ensuite d'un léger sourire lorsqu'elle demanda si c'était une blague ou un bizutage.

- "On aurait du faire comme Yuki-senseï et se faire porter pâles!"

Si ça se trouve la Samui avait flairé le coup foireux et avait décidé d'envoyer Sunilda à sa place. Si c'était le cas, elle ne pouvait décemment pas lui en vouloir. C'est clair qu'il y avait plus passionnant que de surveiller une bande d'écureuils. Setsuna suivit du regard Sahori qui allait prendre place sur une branche.

- "J'imagine que tu prends le premier tour de garde?"

Elle s'allongea ensuite dans l'herbe et observa le ciel étoilé en poussant un léger soupire de fatigue. Cette journée de voyage n'avait pas été de tout repos. Sa coéquipière enchaîna ensuite avec une série de questions sur l'importance des rongeurs et l'absence des scientifiques. Setsuna ne s'était pas vraiment posé la question à vrai dire mais quand il s'agissait des civils, on était toujours surpris. Ces types - qu'elle imaginait comme de vieux croulants - devaient certainement avoir besoin de temps pour se préparer, emballer leur petit matériel, tout ça. Fallait pas trop leur en demander non plus, c'était pas des shinobis. Juste... ben des scientifiques!

- "Ils nous auraient plus ralentis qu'autre chose... En parlant de ces écureuils, on devrait pas les mettre en cage ou un truc du genre? Au moins ce sera plus facile de les surveiller et puis ils seront prêts pour le transport comme ça!"

La noiraude prépara ensuite le poisson et le mit à griller en se léchant les babines. Et lorsqu'ils furent bien cuits et qu'une douce odeur leur titilla les narines, elle en lança un à Sunilda avant d'en apporter rapidement un à Sahori sur sa branche. Poisson qu'elle s'était d'ailleurs fait un plaisir de remplir de piments. Elle avait bien fait d'emporter avec elle quelques épices...

- "Bon appétit!" fit-elle avec un semblant d'indifférence.

Lorsqu'elle redescendit de l'arbre pour rejoindre le feu, plusieurs oiseaux s'envolèrent des branches d'un arbre à une trentaine de mètres d'eux. Les écureuils levèrent leurs museaux dans la même direction avant de s'agiter et courir le long du massif tronc puis entrer dans l'un des trous qui le parsemaient.

Se porter pâle ? C’était trop tard pour ? La Gogyou considéra la question longuement et vu le lieu où elle avait atterrie… Oui malheureusement… Les mettre en cages ? La kunoichi les observa en descendant se cachaient dans l’arbre… ça s’annonçait compliquer…

-Et on les sort d’où les cages… ?

Les faire sortir, pas tant un problème, elle inonderait le tronc par le premier trou sous sa main… M’enfin, pour l’heure, il lui fallait manger, un estomac qui criait famine. Cependant… Elle eut comme l’impression d’avoir avalé des flammes en croquant dans son poisson, à côté, ça papotait sans trop se soucier de ce qu’elle fabriquait et à vrai dire, la Gogyou n’avait pas l’intention de se soucier d’eux non plus… Non là tout de suite, il lui fallait de l’eau. Ironie quand on la savait Gogyou d’eau. Subitement, elle disparaissait de la zone en espérant rejoindre la rivière proche, la langue et la gorge en feu, c’était encore plus difficile de courir, cependant, aucun mal à rejoindre l’endroit où elle plongeait la tête bouche grande ouverte.

Pas sûr que ça lui faisait du bien, mais au moins, le contact gelé avec l’eau réveillait ses autres sens, la sensation désagréable finissait par lui passer ou presque, en relevant la tête, ses mains essuyaient ses yeux pour chasser le sur plein d’eau. Un bruit, toute son attention captivée dans un point et un cri à la hauteur du rugissement qui lui était adressé….

Toute la forêt qui se réveillait, partout l’envol d’oiseau et les buissons qui vibraient, la surface de l’eau se recouvrait d’une tâche sombre quand la Gogyou glissait dedans… Sans remonté à la surface tout de suite. La kunoichi se redressa malgré tout un côté de son visage ensanglanté… Une paume d’une de ses mains retenait ce qui lui restait de chair à ce niveau avec dépits…

Elle ne l’avait pas venu venir, pas du tout même et des liens aquatiques avaient capturé la bête qui à peine quelques centimètre de la surface se débattait en vain pour remonter et survivre. Sous la colère, la Gogyou la regardait souffrir avec attention, elle la regardait mourir… ? Pourtant, le calvaire de l’animal ne durait que quelques secondes au final. Son emprise se relâchait et pour dire vrai, elle-même qui créait la force dans le courant la poussant au bord de l’autre côté de la rive, là où le puma ne demandait pas son reste pour fuir. Les gouttes de sang continuaient quant à elles à tomber sur la surface de l’eau agitée que la fille n’avait pas quittée, comme figée, sur l’impact de sa blessure. Pourtant, la seule chose qu’elle guettait, c’était de s’assurer qu’elle n’avait pas blessé son bourreau, étrange, quand on savait qu’elle avait des morts sur les mains qu’elle avait beaucoup moins considéré. Un temps révolu ?

-Je veux rentrer.

Mais ce n'était pas aussi simple que ça.

Je jetais des regards autours de moi à la recherche de ce fameux puma, un kunaï dans la main gauche. Je ne savais pas grand chose sur ces bestioles mais j'étais pratiquement certaine qu'une ourse suffirait amplement à dissuader un de ces prédateurs. Sunilda devait au moins faire trois fois sa taille et sa musculature massive était largement suffisante pour envoyer balader un félin d'un seul coup de patte. Sans parler de son caractère qui suffirait à intimider la plupart des humains. Je n'étais pas facilement impressionnable pourtant je n'étais pas vraiment à l'aise en la présence de cette plantigrade. Et encore moins depuis que je la savais à l'origine de cette longue cicatrice sur le bras de notre senseï. Ce fut donc les sens en alertes mais avec une confiance absolue que je guettais la noirceur des environs à la recherche de l'éventuelle trace de ce puma...

- "Le feu devrait arriver à le dissuader de s'approcher trop près! Sinon j'imagine que tu te feras un plaisir de le renvoyer d'où il vient n'est-ce pas Sunilda?"

Je n'étais pas vraiment certaine que nous pouvions compter sur l'ourse tant que nous n'étions pas en danger. J'imaginais assez aisément les instructions que Yuki avait pu lui donner: se contenter d'observer ses élèves et les laisser agir à leur propre guise tant que ça ne mettait pas la mission ou leur vie en péril. Du moins c'est ce que j'aurais fait dans l'optique d'évaluer et préparer au mieux des jeunes dont j'aurais eu la responsabilité. D'un autre côté je ne savais pas vraiment ce qu'impliquait le rôle de senseï et des responsabilité qui devaient peser sur ses épaules. Ho bien sûr j'avais une vague idée de la question mais ça restait du domaine de l'imagination. Et puis entre la théorie et la pratique il y avait bien souvent un monde de différence. Et encore...

- "Sahori tu vois quelque chose toi?" demandai-je en me retournant vers ma coéquipière.

Ou plutôt à l'endroit où elle se trouvait quelques instants plus tôt, dans les branchages de l'arbre. Cette chipie avait disparu Kyubi sait où et je n'avais même pas remarqué qu'elle s'était absentée. Est-ce que Sunilda l'avait vu disparaître? Quelle mouche avait bien pu la piquer celle-là? Maintenant que nous avions besoin d'être solidaires pour contrer l'éventuelle menace de ce félin elle avait pris la poudre d'escampette. Mon ressentiment à son égard ne fit qu'augmenter et je fronçai les sourcils sans toutefois exprimer les pensées assassines qui envahissaient mon esprit.

- "Où est-ce qu'elle est passée encore?!" maugréai-je en soupirant.

Je n'eus pas besoin d'attendre longtemps avant d'avoir un début de réponse. Un puissant rugissement déchira la quiétude de la forêt et un cri lui répondit en écho. Un cri de douleur! Je réagis presque immédiatement et bandai mes jambes pour courir dans la direction d'où les bruits provenaient en prenant au passage un bout de bois enflammé pour m'éclairer et repousser le puma qui devait se trouver dans les parages. Le tout sans prêter grande attention à Sunilda. Je n'appréciais pas vraiment la Gogyou mais pas suffisamment pour rester inactive si elle était en danger. Nous étions une équipe, du moins en théorie. Et une équipe se basait sur l'entraide tout en laissant ses sentiments personnels. C'est ainsi, du moins, que je commençais à voir la chose.

J'arrivai quelques instants plus tard au niveau de la rivière et un mouvement à la surface de l'eau attira mon attention. Levant ma torche improvisée devant moi je reconnus Sahori et décelai une profonde plaie le long de sa joue. Un second mouvement me permit de poser le regard sur le puma qui disparut rapidement dans l'obscurité de l'autre côté de la berge. J'hésitai un moment à lui décocher quelques armes de jet mais le peu de chance de le toucher m'en dissuada. Et puis Sahori était blessée... Je pris conscience alors qu'elle s'était rendue à la rivière après le sale tour que je lui avais joué. Épicer sans retenue son poisson avait semblé être une idée aussi amusante que séduisante sur le moment mais ce mauvais tour avait failli très mal tourner. Je revis l'image de son fils flotter devant mes yeux et un profond sentiment de culpabilité m'envahit sans que j'arrive à savoir pourquoi: la Gogyou n'avait-elle pas tué le vieillard que nous devions protéger Taku et moi quelques semaines plus tôt? Ne méritait-elle pas de mourir pour avoir ôté la vie à un innocent?

Mais dans le fond j'avais bon coeur même si je faisais de mon mieux pour paraître insensible. Et je n'avais pas pour habitude de rester indifférente à la souffrance des autres. Spécialement, d'ailleurs, quand j'en étais à l'origine. Je restais un instant silencieuse en observant ma coéquipière d'un regard qui se voulait impénétrable avant de faire quelques mudras pour faire apparaître cinq clones katon à qui je donnais l'ordre de rejoindre l'arbre pour le protéger en notre absence. Je ne savais pas ce que Sunilda faisait et je préférais jouer la carte de la sécurité. La mission devait passer avant tout n'est-ce pas? Puis je mis un pied dans l'eau et tendit une main à ma coéquipière pour l'inviter à la saisir. Je savais qu'elle était dans son élément dans cette rivière mais je ne cherchais pas vraiment à l'aider, juste à faire preuve de bonne volonté...

- "Allez Sahori, viens!" murmurai-je gentiment sur un ton encourageant. "T'es amochée mais ça n'a pas l'air trop grave je te rassure!"

En réalité j'en avais aucune idée mais il valait mieux jouer la carte de l'assurance dans ce genre de cas. Du moins, je crois...

- "Et puis ton poisson n'a rien si ça peut te rassurer..." ajoutai-je sur une note plus légère.

Je n'étais vraiment pas la plus douée lorsqu'il s'agissait de détendre l'atmosphère et encore moins pour faire de l'humour. Mais faire preuve d'empathie envers une personne que je ne portais pas spécialement dans mon coeur, c'était une chose nouvelle pour moi faut dire... J'hésitai un instant à m'enfoncer davantage dans l'eau pour me porter à sa hauteur mais ma méfiance était toujours là, sous-jacente. Est-ce que Sahori avait deviné que j'avais volontairement assaisonné son met plus que de raison? Je n'en doutais pas un instant. Et si elle souhaitait se venger, s'enfoncer plus avant dans l'eau revenait à lui fournir moi-même un moyen de me faire du mal. Ce fut donc partagée entre la méfiance et l'empathie que j'attendis la réaction de ma coéquipière...