Nous revoilà sur l’île de cendre. L’endroit où je me sens le plus en phase avec mon environnement. C’est surement parce que mes sabres sont fait dans le même matériel mais eux aussi ont l’air heureux d’être sur cette île. Ils résonnent curieusement depuis que j’ai posé le pied à terre. Mais tout cela pour dire que je suis assez heureux de remettre mon corps au milieu d’une telle nature. Un endroit dévasté par la lave et les flammes. Une odeur acre qui flotte en permanence dans l’air. En plus, avec toutes ces roches basaltiques autour de moi, j’ai l’avantage sur n’importe quel combattant. Je ne peux pas perdre sur un terrain comme celui-ci.

Goren se dresse à côté de moi. Il y a derrière nous la forêt et sur notre gauche l’imposante montagne-volcan de Ra’Oni. Nous attendons. Nous attendons car il faut bien le faire de temps en temps. Nos alliés sont en route, je peux le sentir, je peux les savoir sur cette île. C’est comme si cette dernière communiquait avec moi. Elle me fait comprendre que des visiteurs indésirables ont traversé son seuil. Demon et Zennosuke. Lorsque Goren m’a annoncé une rencontre imminente, je savais à quoi m’attendre. Mais maintenant que nous ne sommes plus qu’à quelques minutes de cette nouvelle réunion, j’affiche la mine perplexe des hommes sceptiques. Je tourne la tête vers mon compagnon, autant Golem de pierre qu’il soit et lui demande :

« Tu penses que nous pouvons leur faire confiance ? »

Une question un peu bête. Non, nous ne pouvons pas. J’ai suffisamment vécu dans ce monde pour savoir que lorsque l’on ne veut pas être trahi, il ne faut pas accorder sa confiance. C’est le seul moyen. Je n’ai d’ailleurs confiance qu’en Goren. Il est seul qui m’est montré qu’il ne m’abandonnerait jamais. Il est comme mon défunt maitre : sempiternellement présent. Pour ça je le respecte et suis prêt à donner ma vie pour qu’il puisse passer une journée de plus à ravager des villages et violer des enfants. Goren répond, je lui lance un regard lourd de sens et d’appréhension. Il doit sentir le doute grandir en moi.

Je tourne la tête à nouveau pour regarder devant moi, je distingue alors au loin deux silhouettes empruntant le sentier principal en face de nous et qui semblent se rapprocher. Ils sont donc là, nous n’aurons pas à attendre plus longtemps. Il est temps de voir si l’alliance que nous avons formée a réellement une raison d’être où si tout cela n’est que du pipeau sur fond de mauvaise fois.

« Ils arrivent, Goren… »

Un frisson me parcourt le corps alors que la nuit noire englobe mon univers présent. Je ne sais pas ce que je redoute le plus, la confrontation avec ces deux hommes qui se disent nos alliés ou le fait de devoir jouer le jeu d’un homme prêt à coopérer. Je n’aime pas vraiment comment Zennosuke agit en notre présence, trop comme un chef et pas assez comme un allié égal. Les silhouettes sortent de l’ombre et les vrais visages se dessinent. Sur mon visage, ils peuvent sans doute admirer mon éternelle impassibilité. Je demeure de marbre. Tous les muscles de mon visage relâchés, seul ma mâchoire est crispée pour ne pas me donner l’air innocent que je n’ai pas. Au lieu de ça, un air neutre et à moitié sérieux s’imprime sur mon faciès. Le vent souffle sur ma tunique noire et je pose la main sur le pommeau de l’un de mes sabres…

Spoiler:

hrp:

Nous sommes tous de nouveau réunis. Le grand complet de l’alliance foireuse que nous avons mis sur pied il y a quelques mois déjà. Zennosuke se tient raide comme un pic, Demon a ses côtés. Le Kumojin fait d’ailleurs une remarque assez piquante à son allié sur le fait que ce dernier n’a pas vraiment respecté le nom de code qu’il s’était attribué. Je regarde les deux hommes se lancer des regards belliqueux sans pour autant intervenir. Je ne vois pas quel intérêt j’y trouverais et quand bien même j’en aurais un, je ne vois pas pourquoi je me fatiguerais à jouer le policier. Je les laisse donc entretenir petit à petit ce climat hostile. Je me contente d’écouter.

Zennosuke est celui qui parle le plus. C’est un peu normal, c’est lui qui nous a convoqué dans ce lieu. D’ailleurs, paraissant assez bien renseigné sur la géographie de celui-ci, il nous demande de nous déplacer. Nous le faisons sans broncher et très rapidement, nous nous retrouvons un peu plus loin, dans un endroit où il devrait nous être plus facile de repérer d’éventuels intrus. Lorsque nous nous arrêtons, je jette un regard à droite puis à gauche, m’assurant qu’il n’y a pas de présence ennemie aux alentours. Pour cela, je concentre une petite quantité de chakra dans mon cerveau et commence à « sentir » le chakra de mes compagnons. A première vue, il ne devrait y avoir personne d’autre dans les environs, ce qui est assez encourageant. Ce n’est pas que je ne fais pas confiance à mon Kumojin préféré, c’est plutôt que je préfère rester prudent en toute circonstance.

Je lève la tête vers Zennosuke qui continue de parler. Il interroge Demon sur sa nouvelle découverte sans omettre le fait qu’il n’a pas réussi à faire part de notre alliance au chef de son village. Ce dernier point ne me surprend pas plus que ça mais me laisse néanmoins perplexe. Je demeure cependant de marbre en apparence et me contente de regarder Demon qui maintenant narre ses récentes découvertes. Je remarque d’ailleurs chez le jeune homme un calme nouveau. Un calme qui pourrait pourtant cacher la tempête à venir… Je l’écoute, les informations qu’il apporte sont vraiment consistantes et précises, il semblerait qu’il est bien fait son travail. J’enregistre au rythme de la narration tout ce que je peux assimiler et tente de le ranger par ordre d’importance dans ma tête. Un Furyou parasite ? Voilà qui pourrait être intéressant. Demon finit sa tirade et se tourne vers moi. L’espace d’un instant nos regards se croisent pour ensuite plonger l’un dans l’autre. Moi aussi calme qu’un iceberg et lui on ne peu plus maitre de lui-même. Il m’annonce alors qu’un certain Jistesu Homura en aurait après moi. N’oubliant jamais un visage, je l’écoute jusqu’à la fin et assimile le reste des informations qu’il me procure.

Je me redresse un peu, le dos droit et les yeux vifs. Je regarde Demon mais m’adresse à tous d’une voix des plus claire bien que pas très chaleureuse.

« Je sais qui est cet Homura, c’est un homme dangereux… Pour ce qui est d’Arekushi, j’ai déjà quelque chose de prévu pour lui, à la première occasion, sa tête tombera. Enfin pour ce qui est de la bibliothèque, je crois en effet que je vais me hâter à cette tâche dans les plus brefs délais... »

Voilà, une petite phrase, ni trop de mots ni trop de calambours. Je regarde mon compagnon qui mesure toujours une tête de plus que moi et lui demande à Zennosuke comment s’est passé son séjour à Konoha. Je fais alors un pas en arrière afin de passer d’acteur actif à acteur passif. C’est à Zennosuke de parler, je ne crois pas que ce qu’il nous dira sera parfaitement clair et honnête mais l’homme a suffisamment montré son dévouement envers l’organisation pour qu’on l’écoute avec respect. Je pose donc la main sur le manche de mon sabre et fixe le Kumojin du regard.

Vous pourriez trouver que je ne parle pas beaucoup, vous auriez sans doute raison. Mais en même temps, je n’en vois pas l’intérêt. Pourquoi m’investir plus que nécessaire ? Je suis de ceux qui font tout sur papier et qui rendent un compte rendu détaillé, pas de ceux qui s’égarent en bonne paroles…

Spoiler:

J’écoute… J’ai l’impression de ne faire que ça depuis le début de notre entrevue. Mais écouter peut s’avérer plus utile que parler dans certaines circonstances. Le fait de rester silencieux me permet en effet d’accumuler les informations et de les enregistrer avec plus de facilité. C’est l’une des raisons pour lesquelles je reste muet. Une autre étant que je n’ai tout simplement rien à dire. Mais la conversation évolue et mon intérêt aussi. Des Furyous nous passons à d’autres sujets complètements différents. Je remarque alors que Zennosuke et Demon semblent en pleine altercation sur le sujet des Jisetsu. Cela ne m’étonne pas beaucoup. Le Kumojin à parfois trop tendance a donner son avis moralisateur sur ce qui ne le concerne pas et le démon de Kiri est de nature belliqueuse. Un rien peu le faire sortir de ses gonds. Néanmoins il parvient à se maitriser ce qui me montre bien que je n’ai pas tout à fait le même homme en face de moi. Peut-être est-il ressorti du Shukaï avec un peu plus de maturité.

La conversation tourne court et les questions générales surviennent. Avons nous d’autres informations sur les villages ? Sommes-nous aptes à en apprendre plus aux autres sur ces derniers. Mon regard traverse lentement chacune des personnes autour de moi. Ils ont tous l’air plutôt honnête à leur manière. Je ne vois pas pourquoi je ne le serais pas aussi à mon tour. Mais alors que je pense commencer à parler, Goren arrache sa manche d’une volée de main. Il dévoile la marque indélébile qui se trouve sur son bras. Le S des Serviteurs des Furyous. Mon regard s’appui sur mon partenaire. Je n’avais aucune envie de faire part de cette marque pour le moment mais il faut croire que le golem de pierre en a décidé autrement. Alors qu’il s’exprime pour justifier cette marque et annoncer l’un de ses plans, je retrousse moi-même ma manche jusqu’à mon épaule. Mon S est semblable à celui de mon compagnon en tout point et nos alliés doivent surement commencer à se demander si nous sommes réellement fiables.

« Croyez bien que passer Serviteur est la dernière chose que j’aurai souhaité. Néanmoins, c’est le cas pour le moment. Pour ce qui est de ton plan Goren, je n’ai rien contre. Pour ce qui est des villages enfin, je peux simplement dire que dernièrement j’ai été à Suna. Ils me connaissent là-bas. J’y ai rencontré un homme intéressant mais il est trop tôt pour m’avancer sur quoi que ce soit. J’ai également rencontré un membre d’une autre organisation nukenin. Il semblerait que nous ne soyons pas seul. Mais encore une fois, il est trop tôt pour savoir s’ils seront ennemis ou alliés à l’avenir.»

Je n’ai pas grand chose à dire, il faut l’avouer. La conversation, ce n’est pas moi qui l’anime. Tout le monde se tourne vers Zennosuke, c’est à lui de gratifier l’audience de ses propres informations. Pour ma part je n’ai fait ces derniers mois que me renseigner sur le Shoraizen et me rendre à Suna. Pas beaucoup en somme. J’en attends un peu plus de la part de mon Kumojin qui a l’air de vouloir prendre la parole. Je m’encre quant à moi dans le silence, désireux de continuer à écouter plutôt qu’à parler.

La première remarque de Zennosuke sonne comme une sonnette d’alarme dans mon esprit. Jusque là, je pensais être le seul à éprouver des appréhension quant à cette curieuse alliance que nous formons tous. Mais en fait, je me rends compte que nous en sommes tous au même point. Cela me fait réaliser que c’est sans doute en ce point que réside notre plus grande faiblesse. Heureusement, notre collaboration est pour le moment secrète. Néanmoins, notre pseudo entraide ne tient qu’à un fil et il est assuré que nous nous entretuions si jamais une tierce personne cherchait à semer la zizanie dans notre groupe. Ainsi, je relève le regard vers le Kumojin, je le rends plus insistant. Moi qui devait paraître tout sauf intéressé depuis tout à l’heure, je dois sembler curieusement impliqué à cet instant.

Zennosuke continue de parler. Il parle longuement, en évoquant dans un premier temps ce qu’il pense de notre plan quant à l’île. Apparemment, il n’est pas indisposé à s’y rendre ce qui est plutôt bon signe. Il faut croire que nous pouvons tout de même bosser ensemble. Il continue ensuite en embrayant sur un autre sujet de conversation : Kiri, le village de la brume et sa réincarnation, le Shukaï. Je me redresse à mesure que les mots sortent de sa bouche. Chacune de ses paroles, je fais en sorte de l’emmagasiner au qu’à où l’information se révèlerait importante. Je ne lâche pas l’orateur du regard bien qu’il le croise avec défi. Il sait à quel point la question de Kiri et du Shukaï me tient à cœur et bien que Demon soit tout autant un ancien Kirijin que moi, il semble averti du fait que je suis particulièrement impliqué dans la transition qu’à fait mon ancien pays.

Il continue de parler et aborde le sujet des nouvelles acquisitions territoriales du Shukaï. Il les énumère, faisant comme si nous devions comprendre quelque chose. Il parle de rattachement politique et du fait que les populations des pays annexés ne sont certainement pas heureuses de leur sort. Lorsqu’il termine de parler, je ne peux m’empêcher d’intervenir. Pour une fois, j’ai aussi mon grain de sel à rajouter au sablier. Je m’avance d’un pas tout en dépliant lentement le bras, paume ouverte, comme pour exprimer une évidence.

« Ces pays se sont ralliés au Shukaï à cause des promesses qu’il leur offrait. Ils ne se sont rendus compte qu’après coup qu’ils ont été dupés. Tout comme je l’ai toujours dit, les villages exercent sur leurs sujets une illusion perpétuelle et le fait que le Shukaï agisse ainsi retire mes derniers doutes quant au fait qu’il n’est pas différent des autres puissances de ce monde. Je ne sais pas exactement ce que tu insinue en nous parlant de cela Zed, mais s’il s’agit d’une proposition pour entraver cette nouvelle nation et lui retirer tout le pouvoir qu’elle a acquis sur le dos des pays neutres, je pense que je peux me permettre de te dire qu’en tant qu’ancien Kirijin, je serais prêt à mettre ma nature belliqueuse à l’accomplissement de cette tâche. »

Voilà une phrase bien longue et j’en ai peut-être trop dit. Il faut savoir rester sage dans le silence mais parfois la parole peut également s’avérer utile. Il faut savoir alterner, c’est la clé. Je recule d’un pas et c’est Demon qui s’exprime. Ce dernier retire ses vêtements et nous expose ses blessures de guerres. Il nous apprend également quelque chose qui me scotch sur place : Gogyou Maka serait peut-être encore vivante. N’ayant entendu parler de cette entité que par le biais de vielles légendes et racontars accompagnant les histoires sur les Furyous, je suis particulièrement surpris. Tout le long de mon corps se propage un frémissement d’excitation. Je vis à une époque où les morts reviennent à la vie et où le monde n’est plus dominé que par les hommes. C’est grisant et particulièrement intéressant. Demon continue cependant de parler et, une fois n’est pas coutume, change de sujet pour s’orienter sur Mizu no Kuni et sa possible conquête.

La proposition m’amuse. Le jeune démon propose cela comme s’il s’agissait de quelque chose de banal et de facile. Néanmoins, même si sa naïveté m’amuse, je ne peux m’empêcher d’envisager sa proposition comme réelle, concrète. Je m’avance donc de nouveau et cette fois, lâchant Zennosuke du regard, je m’adresse à tous mes alliés.

« Demon, tu parles de conquérir Mizu no Kuni comme s’il s’agissait d’ouvrir un pot de confiture. Certes, l’acquisition de ce territoire serait un atout, mais il faut regarder les choses en face, nous ne sommes que quatre ici présents. On ne conquiert pas un pays avec quatre ninjas. Néanmoins, j’ai dans l’idée que les Kirijins qui demeurent toujours au pays de l’eau seraient tentés d’acquérir leur indépendance en tant que soldats errants, au moins autant que d'autres nukenins aimerait la leur procurer. D’ailleurs, c’est cet objectif que nous devrions nous imposer : Faire de Mizu no Kuni une nation de « sans-patrie ». Nous obtiendrions ainsi plus facilement ce dont nous avons besoin pour enfin mettre le Shukaï à genoux. La puissance militaire de masse ! »

En parlant de puissance militaire, il est clair que je fais référence aux ninjas habitant le pays et au clan Kaguya qui, a défaut d’avoir rejoint le Shukaï, réside encore à Mizu no Kuni sous la forme de petits groupuscules isolés. Réunifier la patrie sous la bannière de la lumière noire… j’avoue que l’idée est tentante. Mais je n’ai aucune chance d’y arriver seul. C’est la raison pour laquelle je jette un regard circulaires à mes compères, attendant leurs réactions.