La soirée était tombée sur le Village caché du Sable. Se hissant à la surface, échappant enfin aux odeurs et dégueulasseries qui empestaient les égouts, notre héros et son coéquipier, Akuzu Shinji, achevèrent leur mission avec brio. Le malade mental était désormais hors d’état de nuire et la jeune femme avait été ramenée saine et sauve. Prise en charge par une unité médicale de Suna elle fut transportée à l’hôpital le plus proche et placée en soins intensifs… quant à son ravisseur, ce dernier a été mis sous les verrous jusqu’à nouvel ordre.
Une bonne chose de faite.

Shinji était rentré chez lui, stipulant qu’il avait besoin de faire soigner la blessure reçue lors de son altercation avec le faux docteur et surtout, surtout, prendre une bonne douche pour éliminer toute la puanteur accumulée. Néanmoins, il avait donné rendez-vous à son coéquipier ce soir au Heaven’s Night, un bar de la cité du Sable. Seishirō avait lui aussi regagné son domicile et adapté son programme. Lui qui pensait rentrer chez lui et se reposer… c’était râpé !
Mais cette petite sortie nocturne lui ferait sans doute du bien, cela lui éviterait de ruminer ce qu’il a vu aujourd’hui… notamment les corps entassés dans les égouts, la bouche ouverte et une plaie béante au niveau du cou recouverte de sang… En fin de compte, sortir et boire un verre n’étaient pas de refus.

Après avoir lui aussi pris une douche et nettoyé au maximum sa tenue, notre héros gagna le centre-ville et atteignit l’enseigne du fameux bar. Visiblement, il était en avance… sans doute Shinji n’avait-il pas encore terminé de se pomponner pour ce soir !
A quelques mètres de l’entrée de l’établissement se trouvait quelques bancs. Fatigué après cette journée mouvementée, Seishirō s’approcha de l’un d’eux et se posa quelques instants. Le dos penché en avant, les mains qui pendaient entre ses deux cuisses et le regard dirigé vers le sol, le Kawaguchi faisait le vide en lui et profitait de cette belle soirée.

Le climat était doux, une faible brise filait entre les bâtiments et les cheveux verts de notre protagoniste. Relevant de temps à autre la tête afin de voir si son ami était en approche, Seishirō observait l’allée principale du village et les différentes enseignes. Certaines clignotaient, d’autres étaient détourées par des lumignons qui s’allumaient et s’éteignaient de façon rythmée ce qui attirait le regard. Cela faisait longtemps que le Kawaguchi n’était pas sorti le soir… d’ailleurs, en y repensant, sa dernière virée nocturne date de bien avant la mort de son grand frère. Il aurait tant voulu revoir son visage… le voir rire, s’amuser…

Soudain, alors qu’il fixait l’enseigne du Heaven’s Night, une main se posa sur son épaule. Comme tiré de ses pensées, il tourna brusquement la tête sur sa gauche avant d’esquisser un sourire.

« Bonsoir Shinji. Alors ? Te voilà propre et débarrassé des odeurs des égouts ? »

J'avais pris une douche, puis une deuxième et finalement une troisième. J'avais beau frotter avec insistance mon corps et réitérer l'opération à de multiples reprises, rien n'y faisait: l'odeur pestilentielle des égouts semblait s'être greffée à ma peau comme une sangsue sur une proie un peu trop confiante. Ce n'était sûrement qu'une impression, une vue de l'esprit et autre manifestation de mon subconscient mais je n'arrivais pas à me débarrasser de cette désagréable sensation aussi tenace qu'irritante. J'avais même mis à brûler mes vêtements qui n'avaient pas échappés aux saletés malgré les sacs poubelles dont je m'étais recouverts. Par simple acquis de conscience on va dire...

Puis je m'étais attelé à soigner ma blessure qui barrait mon torse sur la diagonale. Je n'avais ni les moyens, ni l'envie ou la confiance nécessaires pour aller la faire ausculter chez un médecin et je m'étais donc rabattue sur une recette vieille comme le monde pour la désinfecter: une bonne dose d'alcool versée sur la plaie puis des bandages propres pour la recouvrir. Bon je m'étais un peu fourvoyée dans la pose du tissus sensé la recouvrir, j'avoue. Mais l'essentiel était fait et j'avais un bon espoir de guérir entièrement même si j'allais certainement porter une cicatrice pour le reste de ma vie. Qu'importe finalement puisque ça ajoutait encore un petit côté bad body supplémentaire à mon allure. Et puis il paraît que les femmes aimaient ça, les cicatrices. Et puis ce pseudo docteur psychopathe avait au moins un mérite: celui d'entretenir ses divers outils qu'il qualifiait de chirurgicaux. J'avais pu remarquer à quel point ses lames brillaient dans la faible lueur des bougies et même si c'était un sociopathe avéré, il avait au moins eu le bon goût de garder son matériel dans un état remarquable. Tant mieux d'ailleurs! Manquerait plus que je me chope une infection à cause de tout ça...

L'heure du rendez-vous avec Seishirō approchait aussi je passai rapidement des vêtements propres avant de me recouvrir de mon manteau fétiche puis rabattre la capuche sur mon visage. Un dernier regard à mon miroir pour m'assurer que mon cache-oeil était bien en place et masquait complètement mon oeil crevé barré d'une cicatrice et je rejoignis la rue devant chez moi. J'allongeai ensuite mes jambes pour gagner en vitesse et rejoindre le Heaven's Night. J'étais un peu en retard mais je ne me rendais pas à un rendez-vous galant après tout et puis je n'avais pas dépassé le quart d'heure de politesse. Je terminai toutefois ma progression en avançant sur les toits avant de me réceptionner aussi souplement que je le pouvais devant l'enseigne du bar. Je trouvai ensuite le Kawaguchi sur un banc en dessous de moi et allongeai ensuite mon bras pour venir la poser sur son épaule, histoire d'attirer son attention. Ceci fait je me laissai choir sur le sol à côté de lui alors qu'il me demandait si j'avais pu me toiletter à ma convenance.

- "Franchement je suis pas sûr que cette odeur me quittera un jour!" déplorai-je avec un petit sourire toutefois. "Et pourtant crois-moi j'ai fais mon maximum pour l'enlever mais j'ai l'impression qu'elle me suit toujours. Enfin... Ce n'est sûrement qu'une impression. Je l'espère en tout cas! Et toi? Remis de toutes ces émotions?"

Je ne pensais pas que j'arriverais un jour à oublier la vision de tous ces corps décharnés et pourrissants dans cette sépulture souterraine indigne. Tout au plus j'apprendrais à vivre avec et peut-être à l'oublier de temps à autre mais cette image m'avait marquée plus profondément que ce que je pensais. Du coup boire quelques verres ne devenait plus un simple plaisir mais bien une nécessité pour se changer les idées. Et je supposai qu'il en était de même pour Seishirō. Dans tous les cas il valait mieux ne pas ressasser ce que nous avions vu lors de cette mission et tenter d'aller de l'avant. Le tout en parlant de tout et de rien. De n'importe quoi tant que ça nous éloignait de ces événements...

- "Allez viens on a bien mérité d'aller s'humecter un peu le gosier après tout ça! Comme promis je t'offre le premier verre!" fis-je en lui tapant le dos d'un geste amical. "Non en fait je t'en dois deux c'est vrai! J'avais oublié le passage de la note explosive..."

Nous pénétrâmes donc dans l'établissement qui abritait aussi bien des tables de jeu que des chambres à l'étage, réservées aux prostituées et à leurs clients. Dans le cas présent ce qui nous intéressait était la partie centrale avec des tables en tout genre. La plupart étaient occupées aussi nous décidâmes d'aller prendre place au comptoir. Ce n'était pas plus mal, on aurait pas besoin d'appeler les serveuses à tout bout de champ pour nos commandes. Il n'y avait rien de mieux que d'être à la source, c'est à dire au bar. Je levai le doigt pour attirer l'attention du barman et commandai un verre de saké tout en invitant le jeune homme aux cheveux verts à prendre ce qu'il désirait. Nous n'allions pas tarder à être payés pour nos services et je ne comptais de toute façon pas me montrer pingre avec un type que j'appréciais. Les ryos n'étaient que peu de chose en comparaison avec l'amitié, même naissante...

- "Dis-moi tu connais Tsukiko?" le questionnai-je sur le ton de la conversation. "Je l'ai rencontrée l'autre soir dans un bar du centre-ville et je crois savoir qu'elle fait parti de ton clan. Non, en fait j'en suis carrément sûr vu qu'elle maîtrise le sable tout comme toi! Une chouette fille je crois mais qui semble quand même avoir quelques soucis avec d'autres Kawaguchi. Peut-être que tu pourrais veiller un peu sur elle? Je crois qu'elle en a bien besoin! Mais surtout ne lui dis pas que c'est moi qui t'ai dit ça hein? Ça risque encore de me retomber sur le coin de la tronche..."

Nos commandes arrivèrent et nous trinquâmes rapidement avant de porter le verre à nos lèvres et en ingurgiter l'alcool. Je poussai une légère grimace lorsque l'alcool me brûla la gorge même si j'appréciais plus que tout cette impression après la journée que nous venions de passer. Je reportai ensuite mon attention sur mon collègue:

- "Je ne connais pratiquement rien de toi en fait maintenant que j'y pense! Alors parle-moi un peu de ta vie, de tes buts et autres rêves. Ce genre de trucs, quoi! Je ne sais même pas si tu as un senseï tiens..."

En attendant sa réponse je levai une seconde fois le doigt pour rappeler le barman et recommander la même chose. Il valait mieux puer l'alcool que la merde après tout n'est-ce pas?

Après avoir posé sa question, son interlocuteur répondit sur un ton lamenté que l’odeur des égouts s’était sans aucun doute incrustée à tout jamais sur sa peau et ses vêtements. Chose qui fit rire notre protagoniste, d’ailleurs. Puis il poursuivit, retournant la question au jeune Kawaguchi.

« Oh pour ma part ça va… je pense que l’image des corps empilés les uns sur les autres va me rester quelques temps mais bon, au lieu d’aller voir un psy, je ferai comme tout le monde : je refoulerai tout ça jusqu’à l’oublier ! s’exclama-t-il avant de rire à nouveau. »

Il est vrai que la vision d’horreur de cet après-midi laisserait des traces, mais il fallait vivre avec… et puis, leur mission était justement de préserver les habitants du village de ce genre de détraqués, non ?
Shinji se tourna alors vers l’enseigne du Night’s Heaven, tapa délicatement le dos de son nouvel ami et l’invita à aller boire ce verre tant attendu ! De plus, il lui rappela la promesse faite quelques heures plus tôt : un verre. Deux verres même, puisqu’il avait considéré la blague au sujet de la note explosive de mauvais goût. Sur ces mots, Seishirō l’interrompit :

« Oh allez, tu m’offres le premier et j’offrirai le deuxième, ça te va ? »

Le borgne hocha alors de la tête, acceptant ainsi ce nouveau marché. Quand il devait être question d’alcool, son raisonnement était très vite réprimé au profit de son… « addiction ».
Et, sans dire un mot de plus, les deux compagnons traversèrent la rue avant d’entrer dans le bar.

Il y avait du monde ce soir, l’atmosphère assez lourde et étouffante mais avec le temps Seishirō et Shinji finiraient pas s’y habituer. Après avoir rapidement examiné la salle, voyant que bon nombre de tables étaient prises ou réservées, les Sunajins se frayèrent un chemin jusqu’au comptoir avant de se poser contre le bois. Notre héros aurait aimé pouvoir s’asseoir, après une journée de marche dans les égouts, mais bon il s’en contenterait. Et puis, voyons le bon côté des choses : le service serait rapide !
Shinji prit alors les choses en main : il leva le doigt, interpellant ainsi le barman, et commanda un saké avant de laisser le choix à son ami. Celui-ci réfléchit alors quelques secondes avant de choisir :

« Une bière Kirin à la pêche s’il vous plaît. »

Sur ces mots, il sentit le regard de son interlocuteur se poser sur lui. Une bière ? Il demandait une simple bière ? Et bien oui, il souhaitait entamer la soirée avec une bière. Il consommerait… progressivement ! Après avoir choisi ce qu’ils allaient boire, nos deux protagonistes attendirent patiemment leur boisson. Et, pour entamer la conversation, le borgne tourna la tête en direction de son interlocuteur et lui parla de Tsukiko, lui demandant s’il la connaissait. Il conta son histoire, expliqua les circonstances de leur rencontre… puis, après avoir fait une petite pause dans son discours, il se pencha légèrement dans sa direction et lui posa une question :

« Peut-être que tu pourrais veiller un peu sur elle ? Je crois qu’elle en a bien besoin ! Mais surtout ne lui dis pas que c’est moi qui t’ai dit ça hein ? Ça risque encore de me retomber sur le coin de la tronche… »

Bien sûr qu’il la connaissait, Tsukiko Kawaguchi… et c’est justement parce qu’elle avait quelques soucis avec le clan que notre héros s’était rapproché d’elle. La pauvre était montrée du doigt par les autres membres de la famille, de par son extravagance et par son… histoire… Il sourit avant de répondre :

« Ahahah ! Si cela peut te rassurer ! On devrait se voir prochainement d’ailleurs… enfin je crois… »

Alors qu’il venait d’achever sa phrase, les deux boissons arrivèrent : le saké pour Shinji et la bière pour notre Kawaguchi. Après avoir entamé la petite bouteille et transvasé son contenu dans un grand verre, nos ninjas du Sable trinquèrent puis burent plusieurs gorgées de leur alcool respectif. Ils avaient attendu ce moment toute la journée, enfin leurs efforts étaient récompensés !
Tandis que Seishirō buvait tranquillement son verre, son voisin avait complètement vidé le sien avant de le poser et de sentir en lui les effets de l’alcool : une longue brûlure… voilà qui désinfectait !
Il grimaça, visualisant mentalement le chemin que prenait cette douce boisson dans son corps, puis tourna à nouveau la tête vers notre Sunajin :

« Je ne connais pratiquement rien de toi en fait maintenant que j'y pense ! Alors parle-moi un peu de ta vie, de tes buts et autres rêves. Ce genre de trucs, quoi ! Je ne sais même pas si tu as un senseï tiens…
- Je pourrais te retourner ta phrase : moi non plus je ne connais rien de toi. Et bien allons-y par étape, je me présente puis à ton tour… j’ai l’impression de participer à un rendez-vous galant ! déclara-t-il sur le ton de la plaisanterie. Donc, je suis un membre du clan Kawaguchi comme tu t’en doutes et mon prénom est Seishirō… Il marqua une courte pause, comprenant que son interlocuteur connaissait déjà ces informations, puis poursuivit. Ma vie est banale, j’ai un grand frère et une petite sœur, mon père qui gère les affaires du clan avec le conseil et ma mère qui s’occupe de nous… enfin de ma petite sœur surtout, mon frère et moi sommes assez grands aujourd’hui. Sinon, mes buts ou mes rêves… et bien j’aimerais devenir un ninja reconnu. Je ne vais pas dire une légende, ce serait beaucoup trop prétentieux, non, je veux simplement voyager et que les gens se souviennent de moi. Sinon, pour le senseï, j’ai un rendez-vous dans deux jours avec Kibō, un Juunin de Suna… qui sait, j’intègrerai bientôt une équipe ! »

Il attrapa son verre, trempa ses lèvres dans la bière et aspira deux gorgées. Il repensa à sa famille… il avait eu tort de dire qu’il avait une vie banale ! Au contraire, il devrait plutôt s’en réjouir, montrer qu’il a de la chance ! Enfin… Il reposa son verre sur le comptoir et conclut :

« Et toi ? Que peux-tu me dire sur toi ? »

Je souris lorsque Seishirō me dit qu'il avait l'impression d'être à un rendez-vous galant. C'est vrai que ma manière de présenter les choses pouvaient laisser penser ce genre de choses même s'il n'en était évidemment rien. Je l'écoutai ensuite attentivement me parler des affaires de sa famille et notai au passage que son père faisait parti du conseil qui gérait le clan Kawaguchi. Autrement dit qu'il avait de l'importance et que le jeune homme en face de moi pouvait fort bien reprendre un jour son flambeau. Du moins c'est ce que j'imaginais alors que je sirotais mon verre de saké histoire de ne pas me mettre minable alors que mon vis-à-vis en était à la bière. Peut-être qu'il n'avait pas vraiment l'habitude de consommer de l'alcool ou plus simplement qu'il avait plus de retenue que moi. Ce qui n'était pas forcément une mauvaise chose tout compte fait...

Il me parla ensuite de son but, à savoir devenir un ninja reconnu et éventuellement voyager. Nous étions différents sur ce point car si j'espérais évidemment me faire un nom dans le monde shinobi ce n'était pas ma priorité absolue. Et puis je n'avais vraiment aucune envie de quitter Kaze no Kuni pour explorer le reste du monde. Ma vie était ici, ainsi que mes espoirs et mon avenir. Je comprenais toutefois ce désir de découvrir de nouvelles choses même si le désert se révélait déjà suffisamment rempli de surprises en tout genre pour que je ne souhaite pas aller voir ailleurs. Taku avait malgré tout su éveiller en moi une certaine curiosité quant au monde qui entourait le pays du vent et j'avais presque envie de voir ce qu'était la neige et autres bizarreries du genre dans d'autres contrées. Peut-être qu'un jour je céderais et que j'oserais franchir les frontières de notre contrée mais pour l'heure ce n'était absolument pas au programme...

Seishirō me retourna ensuite la question et me demanda ce que je pouvais lui dire sur moi. C'était une bonne question à vrai dire car la plupart des choses que je faisais n'étaient pas légales et je ne savais pas si je pouvais suffisamment lui accorder ma confiance pour répondre avec honnêteté. J'avais plus ou moins envie de botter en touche mais j'avais lancé le sujet en premier et il aurait été fort malpoli d'ignorer son interrogation même si pour le coup elle devait être motivée par la politesse. Je vidai le reste de mon verre d'une traite avant d'en commander un second en levant la main à l'intention du barman et en lui désignant mon contenant vide avant de reporter mon attention sur mon camarade du jour.

- "Ma vie est sûrement moins passionnante que la tienne maintenant que j'y pense!" commençai-je en me roulant une nouvelle cigarette. "Je suis un Akuzu ça tu le sais déjà. Mon père est mort lors de l'attaque de Makka sur le village et ma mère l'a suivi quelques années plus tard. Je crois que si c'est la maladie qui l'a emportée, le chagrin résultant de la perte de mon paternel à également joué un rôle même si je ne peux pas vraiment en être sur. Et puis le passé appartient au passé de toute façon et je ne suis pas du genre à regarder en arrière. La réponse m'importe peu au final..."

Je marquai une courte pause tandis qu'on m'amenait mon second verre. Le ton que j'avais employé signifiait clairement que je ne cherchais pas la compassion ou la pitié des autres. J'estimais au contraire que ces épreuves m'avaient endurcis et sans m'en féliciter, j'appréciais ce fait. Me remémorant que Seishirō s'était proposé de me l'offrir, je me cru obligé de le lever à son attention afin de trinquer à Suna d'une voix forte qui fit tourner quelques têtes dans notre direction. J'allumai ensuite ma cigarette et en tirai quelques bouffées pour chasser le goût persistant et un brin désagréable de l'alcool dans ma gorge avant de reprendre:

- "Donc, j'en étais où? Ha oui, mes parents! Bon ben après leur mort j'ai été élevé par mon oncle et ma tante. On peut pas vraiment dire que la cohabitation se soit fait s'en heurts et je me suis un peu laissé aller à l'époque. J'ai fugué, commencé à boire et à fumer, le tout en ayant pas l'âge requis pour tout ça! J'avais besoin de ma liberté tu vois? Du coup j'ai décidé de totalement me couper du clan qui de toute façon me voyait plus comme un élément perturbateur qu'un digne membre des Akuzu. Du coup je me suis débrouillé seul et j'ai commencé à me faire de l'argent en faisant des combats dans une arène du centre-ville. Peut-être que tu as en as déjà entendu parler d'ailleurs, elle se trouve dans une cave de l'un des bars dont je tairai le nom!"

Deuxième pause pour reprendre un peu de Saké et tirer sur ma cigarette avant de l'écraser dans le cendrier entre nous. Mon regard se perdit un instant sur la clientèle présente avec l'espoir d'y trouver une tête connue et que j'aurais pu inviter à notre table. Non que la discussion ne soit pas intéressante ou que Seishirō m'ennuie, mais plus on était de fous, hein?

- "Donc je me suis fait pas mal de ryos et j'ai pu me louer une chambre que j'ai d'ailleurs toujours aujourd'hui. Mais ces combats m'ont coûté un oeil!" fis-je en levant brièvement le cache qui recouvrait un oeil crevé barré d'une cicatrice à la verticale. "J'étais pas trop expérimenté à l'époque faut dire ici parce que si tu me voyais aujourd'hui... Enfin bref je vais pas me lancer des fleurs non plus mais je suis plutôt doué pour écraser des nez dans cette arène. Ouais, on va dire ça!"

J'estimais avoir suffisamment exploré ce sujet et qu'il était inutile d'en rajouter plus, notamment en ce qui concernait mes autres occupations. Je commandai un troisième verre et interrogeai du regard Seishirō pour lui demander s'il voulait grouper nos commandes afin d'éviter de déranger le serveur toutes les trois minutes. Ce qui allait de toute façon arriver au final...

- "Mes buts? Bah disons que j'en ai plusieurs mais le plus important pour l'instant reste d'acquérir ce bar justement. Et oui notre présence ici n'est pas totalement anodine. Tu vois le type là-bas à cette table?" fis-je en désignant un gros bonhomme entouré de deux videurs et d'une ribambelles de prostituées. "C'est lui le proprio! Je sais qu'il refusera de me vendre son bien parce que c'est une véritable mine d'or! Mais heureusement il existe plusieurs moyens de pressions pour obtenir ce que l'on souhaite! Mais que ça reste entre nous d'accord? S'il a la puce à l'oreille ça va rendre les choses bien plus compliquées!"

Je gardai mon oeil valide rivé sur le type en question encore quelques instants avant de décocher un sourire à mon vis-à-vis. Le temps de vider mon troisième verre et je décidai de commander directement la bouteille cette fois-ci. Il me restait encore à exposer certains points pour que Seishirō puisse me connaître un peu mieux:

- "Sinon pas de senseï, non! Et je crois pas que j'en voudrais un pour être honnête! Je mentirais si je disais que ma vie me satisfait pleinement mais je peux au moins mener ma barque comme je l'entends pour le moment ce qui est déjà pas mal je trouve. Et puis je ne suis pas vraiment un lève-tôt et un fana des longues séries d'entraînements alors je suppose que je ne serais pas l'élève le plus attrayant de Suna. Mais si l'occasion se présente un jour ne dis pas que je refuserais à tous les coups, faudrait que je vois de quoi il en retourne exactement avant de me prononcer! Pour le reste, je ne vois pas ce que pourrais ajouter de plus! Je t'en ai déjà dis pas mal et j'ai l'impression que je ne fais que parler d'ailleurs..."

En parlant d'équipe... J'avais déjà entendu à plusieurs reprises parler de ce Kibo mais je n'arrivais toujours pas à mettre un visage sur ce nom. Il semblait assez réputé et il fallait que j'en apprenne un peu plus à ce sujet.

- "Qui est ce type avec lequel tu as rendez-vous en fait, ce Kibo?" questionnai-je alors en retour. "C'est pas lui qui fricote avec la petite Shûkaijin, là? La noiraude à la peau pâle? Elle a fait parler d'elle celle-là! C'est pas courant de voir une fille comme ça dans le coin et puis personne ne sait vraiment à quoi s'en tenir avec cette histoire d'Alliance des Pays Neutres ou quelque chose comme ça je suis plus sûr. T'en penses quoi d'ailleurs de cette démarche? Tu crois vraiment que plusieurs pays qui se regroupent ont une chance de s'entendre et d'agir à l'unisson? Connaissant les Hommes j'avoue que j'ai un doute sur le sujet. J'espère juste qu'ils ne vont pas nous mener à une nouvelle guerre!"

Parler politique n'était pas vraiment le sujet rêvé lors d'une soirée dont le seul but était la détente. Mais vu que Seishirō était le fils d'un conseiller du clan Kagaguchi, il y avait fort à parier qu'il avait entendu diverses choses à ce sujet et qu'il avait une idée plus précise de la question. J'arriverais peut-être à apprendre des choses intéressantes grâce à lui...