Combien de temps avait pu s’écouler depuis la dernière fois où il avait mis ses pieds en ce lieu ? Il ne s’en souvenait plus. Cela devait surement remonter à sa dernière mission officielle, voire plus tard même. La seule chose qui différait des fois précédentes était son état d’esprit en ce jour. Habituellement il donnait l’impression d’être dégouté et de ne pas apprécié le palais de l’ombre jaune, mais aujourd’hui il n’y avait rien. Rien qui ne change son attitude, rien qui ne laisse paraitre une quelconque émotion.

Cela faisait déjà un moment qu’il n’avait plus manifesté une quelconque émotion notable. À croire que sa dernière déconfiture avait ébranlée le masque qui le rendait si sûr de lui, le masque de vanité qui lui faisait clamer à toute heure de la journée qu’il était le meilleur. Aujourd’hui, c’était un Shiwoon sans artifices qui montaient les escaliers du palais. Son but ? Rien de plus qu’une entrevue avec l’homme qui dirigeait le village et au service duquel il s’était engagé à combattre si l’ordre lui était intimé, l’ombre jaune de la foudre, Karasu Tsumei.

Il savait qu’il n’avait point rendez-vous avec le Raikage, mais il ne s’en souciait guère. Ce genre de petits détails, il ne s’en était jamais préoccupé jusqu’à maintenant, et ne comptais surement pas commencer maintenant. Faut dire qu’à chaque fois où il avait eu à mettre les pieds en ce lieu, il y avait une bonne raison, et aujourd’hui plus qu’un autre jour, il lui fallait voir cet homme pour lui parler, de cette chose qui le tiraillait depuis un bon moment déjà, histoire de se retirer ce grand poids des épaules et pouvoir aller de l’avant.

Il avait atteint le secrétariat lorsqu’un rictus se forma sur son visage. La raison ? Un souvenir plus que douloureux que ce lieu soulevait en lui. Ce lieu qui lui avait offert sa première mission officielle, ainsi que sa première sensation d’impuissance. L’impuissance de sauver un ami. Le souvenir de Sanji lui était revenu encore une fois dans ce couloir. Revoyant la scène qui avait entrainé sa disparition. Une scène à laquelle aujourd’hui seul son poing réagissait en se resserrant d’avantage. Il traversa le secrétariat sans prêter attention à ce que la secrétaire aurait pu dire à cet instant, se dirigeant vers la porte qu’il était venu entrouvrir, afin de voir celui qui devrait normalement se trouver dans la salle sur laquelle elle donnait accès.

Quelques pas en plus suffirent, et il se dressa devant la fatidique porte. Son pouls s’accéléra un peu avant de retourner à la normale. Il resta immobile un long moment, se repassant tous les évènements qui l’avaient conduit aujourd’hui en ce lieu, afin de réaffirmer sa détermination et son engagement. Amorçant un exercice de respiration, il finit par recouvrer sa sérénité et s’osa enfin à toquer. Comme à son accoutumé, laissant trois à quatre secondes s’écouler, il ouvrit la porte et se glissa dans le bureau du chef, sans attendre d’y être invité, une autre de ses attitudes qui n’avait pas été affectée par son humeur de ces derniers temps.

«-Yo l’esclave, c’est encore moi ! Faut qu’on cause !»

Telles étaient là les paroles qu’il avait prononcé en se glissant dans le bureau de l’ombre. Son insolence n’avait apparemment pas disparu malgré les nombreuses déculottés qu’il avait enchainé. Il s’avança dans le bureau, se rapprochant de maitre Tsumei, celui à qui il voulait parler aujourd’hui. Hésitation et doutes renaissaient progressivement de lui à mesure qu’il se rapprochait. Néanmoins, faire machine arrière n’était plus envisageable. En cet instant, le prélude à l’anarchie nouvelle qui se dessinait en lui allait se jouer. Ses paroles, ils ne les avaient encore pas trouvées, mais il se risqua à exprimer une idée de manière plutôt simpliste.

«-J’aimerai prendre des vacances le vieux !... À l’extérieur du village… un long moment.»

La forme n’y était pas, mais le fond reflétait à peu près les grandes lignes de ce qui l’avait amené ici. Son regard se risquait enfin à s’élever vers le visage du kage, essayant d’imaginer la possible réponse qu’il pourrait recevoir à son assertion.

Le Furyou manipulateur d’esprits avait donc tenu parole, et avait tranché les liens qui unissaient Karasu Tsumei et son arme Kuchibashi, rendant toute communication entre eux difficile voire impossible. Laissé au sol, l’épée se plaignait par de faibles cliquetis désormais imperceptibles par son manieur. Lui, il réfléchissait, encore et toujours. Dans le noir il se demandait s’il n’avait pas oublié quelque-chose. Est-ce que son face à face avec le Furyou noir aurait pu mieux se passer ? Y avait-il eu la moindre petite erreur ?

Toutes les chouettes étaient parties dans des directions différentes, et la seule chouette malade s’en était allée mourir auprès du réel sceau de Gogyou Makka. Ainsi, plus personne ne pouvait réellement savoir ce qu’il en était. Même le Yondaime n’en savait plus rien. Kumo était épargné. Mais pourtant, la cité avait été attaquée presque au même moment. Il n’y avait pas de lien. Le maître ne pouvait croire que c’était à cause de ses actions que son village avait été attaqué.

Après tout, on l’avait déjà puni pour sa trahison. Et si effectivement on avait voulu lui infliger une autre sanction, les Furyous seraient allés plus loin et ne se seraient pas simplement contenté du quartier Hakushi. Il y avait encore des zones d’ombre…

Mais tout se dissipa avec l’arrivée d’un jeune Kumojin. Les mots « esclave », « cause », « vieux » et « vacances » résonnèrent rapidement et lourdement dans l’esprit déjà occupé du Yondaime. Il mit rapidement un nom sur l’énergumène qui venait de rentrer. Dentô Shiwoon. Ce n’était pas la première fois qu’il se montrait aussi irrespectueux.

Des vacances ? Je n’y vois pas d’inconvénients…

Il trois coups secs sur son bureau, son regard se remplit alors d’un mépris perceptible. Deux gardes entrèrent dans la pièce, appelés par les petites « frappes » du Kage.

… mais tu les passeras dans les geôles. Gardes, emmenez-le sur le champ.

Il détourna rapidement ses yeux de ceux du Genin. Il n’avait pas de temps à perdre à écouter les sornettes d’un Kumojin irrespectueux, idiot et surtout qui voulait prendre des vacances alors que le monde entier était en danger.

Partons sur une peine d’une semaine minimum. Lorsque tu auras compris la leçon, demande à me voir. Mais si jamais j’estime que tu n’es pas prêt, ta peine doublera. Et ce à chaque fois.

Il fit signe aux gardes, sans pour autant regarder à nouveau le jeune inconscient.

Spoiler:

L’appréhension et le doute l’envahissaient de manière croissante alors qu’il continuait d’observer l’homme en face de lui. Karasu Tsumei, l’homme pour qui son senseï n’avait que respect et estime, l’actuel détenteur du flambeau de Kumo, l’ombre de la foudre. C’était cet homme-là qu’il avait en face de lui, le quatrième Raikage. Mais pourtant, ce n’était également pas cet homme qui était dans le siège de l’autre côté de ce bureau. Exprimer ce qu’il dégageait actuellement, n’était pas vraiment une mince à faire. En comparaison avec ses précédents passages en ce lieu, ce n’était plus la bonne soupe habituelle.

Sa prestance habituelle avait comme qui dirait pris un congé, sans parler encore de sa mine des plus morbides. Un aspect qui donnait presque envie de croire qu’il allait faire une dépression et passer le flambeau. De quoi bien mettre la pression sur Shiwoon qui craint tout à coup de voir l’homme déversé ses maux sur lui, alors qu’il n’attend réellement qu’une chose, un accord officiel pour son départ. La formule qu’il a employé laisse croire qu’il veut aller se la couler douce bien que la réalité soit tout autre chose. Enfin, lui plus que quiconque comprendrait le langage codé employé là, après tout coder ses messages devrait être coutume pour le Kage. Et apparemment Shiwoon avait eu raison de penser ainsi car voilà que la réponse était favorable. À moins que non…

Ah Non !! Je dis OBJECTION ! Mon entrainement ne peut se faire dans les geôles !

Peine perdue à répliquer ? Il semblerait car voilà que des shinobis s’emparaient du genin tandis que l’ombre enchaina avec la durée de la réclusion. Une semaine. Une longue affreuse et abominable semaine en prison… Mais pourquoi ? Qu’y avait-il de mal à vouloir s’entrainer loin du village pour mériter un emprisonnement ? Le Kage était-il jaloux de l’initiative du Dentô ? L’idée qu’il puisse aller pour un moment loin du village sans avoir de comptes à rendre à son retour lui était-elle si désagréable ? Naturellement, fidèle à lui-même, et à son tempérament, Shiwoon rétorqua en hurlant à en casser la baraque alors que les shinobis l’entrainaient vers la sortie :

Alors parce que monsieur est glandouillard, on a plus le droit d’aller s’entrainer hors du village ? Non, mais… Ne vous gênez pas… Restez là assis à lire au lieu de vous entrainer…. Comptez sur les autres pour stopper les Furyous… Tiroflan de Kage ! Ce n’est pas encore finiiiiii sachezzz-leeeeeee !!

Recevant alors un coup sur la tête pour lui intimer de se taire, le Dentô finit par la fermer. Mais il n’en avait surement pas fini avec son kage si les choses en restaient là.

Combien de temps s’était écoulé depuis sa dernière apparition dans ce bureau ? Il ne le savait plus vraiment, il fallait reconnaitre que beaucoup de temps était passé. Un mois, deux, peut-être même trois, qui sait ? Pour lui les mauvaises dernières expériences qu’il y avait vécu furent telles qu’il n’avait plus eu que deux petites choses en tête par rapport à ce lieu, l’effacer totalement de sa mémoire pour ne plus en avoir un quelconque souvenir, ainsi que ne plus jamais y remettre les pieds. Néanmoins, comme d’habitude, il y avait une grande différence entre les vœux qu’il formulait, et qu’il voudrait réaliser, et ce qui se passait réellement dans sa vie…

En cette fin d’après-midi, il allait devoir y retourner pour une autre entrevue en tête à tête avec ce Kage. Un fait qui soulevait de nombreux souvenirs en lui, et pas des plus beaux dira-t-on. Il y avait quand même de quoi avoir la rage quand on y repense. Terminer aux petits soins des gardiens de prison pour une simple permission… Enfin, là n’était plus vraiment la question vu qu’après sa sortie il avait dû retourner pour présenter ses excuses, conformément aux avis de certaines personnes qui étaient passées le voir durant son séjour. Mais les choses telles qu’elles étaient ne le satisfaisaient pas. Baisser l’échine devant quelqu’un, dans le seul et unique but de mener une vie paisible sans attendre de remontrances d’un ainé.

Il était à présent guéri totalement de ses blessures, bien qu’on lui avait conseillé pour le moment de ne pas trop forcé sur son poing droit qui avait le plus subi. Il avait fait son sac, et demandé à sa cousine de s’occuper de la maison. Cette fois-ci, il était prêt pour cet aller simple. Aucune négociation, aucune soumission, aucune déviation. Il était en retard sur ce qu’il s’était programmé pour lui-même, et cela se ressentait facilement sur son nouveau comportement. Son ardeur et sa frénésie habituelle avaient finies par laisser place à un silence des plus suspicieux, tel le calme avant la tempête.

Il finit par se mettre en route sur les coups de dix-huit heures, la totalité de ses sens en alerte cette fois, pour que rien ne lui échappe, marchant comme si de rien était, tout en étant pleinement conscient de ce qui se passait autour de lui. Une marche lente et silencieuse qui ne dura qu’une trentaine de minutes pour le conduire au pied du bâtiment qui abritait les bureaux de cet homme dont la simple vue à présent lui était insupportable, Karasu Tsumei. À son entrée dans l’édifice, les gardes présents se levèrent instantanément, car il fallait dire qu’il était dans une tenue des plus guerrières pour cette fois. Il eut vite fait de leur signifier qu’il n’était pas là pour faire un rictus mais pour parler avec le kage, avant de continuer sa route malgré les avis non favorables des présents.

Dès l’instant où il prit l’escalier, il éteint sa présence au risque de paraitre on ne peut plus suspect, tout en se focalisant au maximum sur ce qui l’entourait, cherchant à déterminer ici et là, la position de tout le comité qu’on pourrait lui envoyer, si encore une fois, cet homme perdait de nouveau la raison. Il marcha calmement et lentement et s’arrêta juste devant la porte de ce bureau avant de faire réapparaitre sa présence de manière très significative à celui qui se trouvait à l’intérieur.
Comme à son éternelle habitude il entra sans demander l’avis du maitre des lieux, à la seule différence qu’il toqua deux fois avant d’ouvrir directement la porte… Au moins on ne pourrait dire qu’il n’avait pas appris quelque chose de cette Bakushô au sang chaud. (Prenez la rime en ‘’o’’… J’suis bon en narrateur hein ?). Il marcha d’un pas des plus décidé et alla s’installer dans l’un des sièges en face du Kage. Au diable les bonnes manières, il n’avait plus rien à perdre dans tous les cas, surtout vu l’aura qu’il sentait arriver. Ça n’allait pas voler bien haut cette fois, malheureusement.

Yo ! Faut qu’on cause pour de vrai cette fois, Raikage ! Le coup de la prison sans avoir écouter mes motivations, je ne l’accepterais pas cette fois !!

Insolent ? Non, ce n’était pas de l’insolence, juste une nécessité sarcastique à souligner le fait qu’il n’avait plus de temps à perdre maintenant. Et puis, si ce n’est pas avec l’aide du Kage, et bien il ne devra que tourner le dos à Kumo dans ce cas, donc, autant être cru et faire dans le rapide pour ne pas tergiverser longtemps.