Maskine, une religion à la fois étrange et belle. Imparfaite et douce. La limite des moines et leur force résident en cette dernière. Certains considèrent que ce fut toujours une religion, d’autres une façon de combattre, un mode de vie, la recherche de la paix. Mais comment lier certains de ces aspects ? Comment croire que Maskine peut apprendre aux gens à se battre alors qu’il prône l’équilibre et la paix ? Certains n’auraient pas pu répondre à cette question, mais Maskine aide à se défendre, à se protéger ceux qui sont chers.

Howaito ne s’est jamais réellement posé la question de la raison de son départ. Il aimait les moines, il les chérissait comme s’ils étaient une partie de sa famille. Mais quelque-chose s’était petit à petit creusé. Un écart. D’un côté, dix ans avaient suffit à faire de lui un des moines les plus prometteurs et les plus respectés. Il n’avait plus rien à apprendre, mais il avait tout à découvrir. Il ne savait pas où sa vie allait le conduire, mais il avait envie de se laisser bercer par le vent, par le destin.

Sa vie pouvait sans doute être résumée en chapitres. D’abord son enfance paisible malgré la Grande Guerre, heureuse. Puis le meurtre de ses parents, l’entracte. Puis la recherche de vérité, de deuil, de force : son apprentissage chez les moines. Mais maintenant, les pages étaient vierges, et c’était à lui de les écrire par ces actes. Il était seul, de façon bien réelle, même s’il l’était depuis longtemps. Il espérait simplement que les moines de Ta no Kuni continueraient à comprendre sa décision, quitte à ne pas l’accepter.

Que faire à présent ? Ses pas le faisaient voyager au cœur du Pays des Rizières, qu’il connaissait et chérissait tant. Il repéra un rocher relativement plat et assez large pour qu’il puisse s’y asseoir au bord d’un sentier. Ce lieu était idéal pour respirer et profiter du calme. Mais à peine quelques minutes plus tard, il ressentit une présence, qui ne le gêna point.

« Bonjour, peut-être puis-je t’aider ? »

Il n’avait même pas rouvert les yeux. Maskine lui offrait la protection nécessaire pour se défendre si besoin était. Mais il ne sentait pas de réelle animosité en cet étranger. Tout le contraire du moine qui, malgré sa tranquillité et son esprit large, gardait en lui un animal des plus féroces.

Etranger, ou plutôt étrangère. Sa voix indiqua son sexe, et ses mots le fil de la vie qu’elle suivait. Elle recherchait le calme, la paix pour son esprit. En bref, elle n’espérait qu’une seule chose : tomber sur un moine. Elle n’avait pas réellement tort lorsqu’elle affirmait que seul un moine, de Maskine par exemple, pouvait l’aider. Mais après tout, la méditation n’était pas le seul moyen pour arriver à ses fins, lorsque ces dernières sont axées sur la recherche de l’équilibre. Bien entendu, cette rencontre avait de nombreux points communs avec celle qu’il avait eue à Kaze no Kuni. Kawaguchi Tsukiko était une kunoïchi, était-ce le cas pour cette inconnue ? Peut-être, sûrement même.

Après tout les moines vivaient dans tous les pays du monde. Si elle s’était rendue jusqu’au Pays des Rizières, ce n’était pas pour rien ni pour tomber sur n’importe quel moine. Elle cherchait Maskine, elle cherchait ceux qui avaient la plus grande réputation. C’était malin, mais cela prouvait surtout que son objectif était important pour elle, qu’importe ce qu’il était pour autrui ou pour Howaito.

Bien que toute cette réflexion ait pu être futile si jamais l’inconnue était résidente de Ta no Kuni, l’ancien moine se décida à ouvrir l’œil et à croire en ce qu’il avait imaginé, c'est-à-dire à considérer la jeune femme comme ayant assez de volonté pour voyager dans un autre pays.

« Un moine pour t’apporter le calme et la sérénité ? Intéressant… »

Il se craqua la nuque, puis se leva progressivement. Une fois bien droit, il pointa du doigt la direction du temple le plus proche, tout en adressant un nouveau regard à la jeune femme qui ne s’était d’ailleurs pas présentée. Ce n’était pas bien grave, vu que le Gekei ne l’avait pas fait non plus.

« Tu trouveras un temple dans cette direction à environ dix kilomètres. Là-bas, si tu as de quoi les convaincre, on te priera de t’asseoir et on t’apprendra à méditer comme une gentille petite demoiselle. Il faut avouer que dans les moments les plus importants de la vie : les combats, les moments de tension : croiser les jambes et méditer peut s’avérer très intuitif… et suicidaire. »

Il esquissa un sourire, et se retourna malgré le fait que son visage resta tourné pendant quelques secondes vers la direction du temple.

« Ou sinon, tu peux me suivre. Et je t’enseignerai autre chose qu’une simple posture accompagnée de versets. »

Sans même attendre de réponse, il marcha dans la direction opposée.

La jeune femme dévoila des talents oraux plutôt surprenants. Même très inattendus. Elle avait sorti tout un tas de politesse juste pour accepter la proposition du moine, qui ne put qu’esquisser à son tour un sourire en entendant cela. Cela sonnait faux, mais au moins elle avait eu le mérite de faire l’effort. A moins que ce soit quelque-chose d’accoutumé pour elle ? Tant de questions si peu importantes au final. Les deux personnes verraient bien où tout ceci allait les mener de toute façon.

Ils marchèrent à deux sur les terres hétérogènes du Pays des Rizières. Un pays que l’ancien Kiezan connaissait par cœur. Personne ne pouvait se cacher ici sans qu’il puisse le retrouver. Si le Gekei aspirait à quelque-chose de plus grand, il était déjà devenu une sorte de « gardien » ici. La question qui pouvait alors se poser était la suivante : arriverait-il à l’être dans d’autres contrées ?

« Les shinobis, les moines, les samouraïs… ils ne sont pas si différents au fond. Tous apprennent les arts du combat et beaucoup s’entrecroisent. Tous ont ou connaîtront les batailles. »

Il décida de s’arrêter auprès d’un grand arbre. Ils avaient marché au moins cinq minutes et à leur rythme c’était assez pour prendre encore de la distance avec le Temple de Maskine. Howaito regarda autour de lui, et rechercha d’éventuels voyageurs. Mais apparemment ils étaient seuls. Le reste du terrain était plutôt dégagé. C’était un bon cadre.

« Mais pourquoi les moines sont les seuls à pouvoir garder un sang-froid et un calme absolus même en plein combat ? Tu me diras probablement que c’est à cause d’années de prières et de repos et tu n’auras pas totalement tort. Mais la réponse est plus profonde… »

Le Gekei déposa ses quelques affaires au pied de l’arbre, puis s’avança de quelques mètres avant de s’immobiliser totalement.

« Utilise n’importe quelle arme ou n’importe quelle technique sur moi, et surtout ne te retiens pas. »

Son immobilité semblait aussi inébranlable que sa sérénité.