Je regardais distraitement l’individu aux cheveux blancs s’en aller. Mes pensées étaient ailleurs, tout en observant celui qui était devenu une espèce de client pour nous, je tentais de détailler son attitude. Calme, décontracté, le shinobi, à l’évidence se pensait, ou se savait en situation de force par rapport à nous deux. Qu’étions-nous donc pour lui ? Certainement rien d’autre qu’une vermine à qui il déléguait le sale boulot qui lui avait été confié. Bien souvent, dans ce genre de business douteux, le commanditaire usait de quelques malfrats de bas étage, les laissait se salir les mains à sa place avant de tenter de les éliminer. Pour sûr, ce gars aux cheveux blancs tenterait de faire pareil. Il tenterait à un moment ou à une autre de nous la mettre à l’envers. Dès lors, il importait pour nous autre, de prendre un temps d’avance.
_ Hiro, nous allons nous séparer le temps de chercher de plus amples informations sur ce gars et sur ce qui se trame dans ces contrées. C’est nécessaire. On se retrouve demain, à la tombée de la nuit au bourg est de Johoto à la frontière avec Taki no Kuni. Nos plans sont changés. Nous qui souhaitions aller à Ame…
Après avoir adressé un dernier regard à mon compère, je m’avançais afin de suivre le plus discrètement possible l’homme aux cheveux blancs. De loin en loin, avec le maximum de précautions, je filais ma cible, m’enfonçant toujours plus en avant vers les terres de ce qui était le Shûkai. Bien entendu, je ne le savais pas encore, mais très vite, je l’allais l’apprendre. Au fur et à mesure que je m’enfonçais vers le QG de ma cible, je sentais, à ses réactions et à celles de ceux qu’il croisait, que l’individu avait quelque importance en ces terres. Au bout d’un moment je décidais de limiter les risques et d’arrêter cette traque avant qu’il ne soit trop tard. Je comprenais bien que plus je m’avançais, plus grandes seraient mes chances de me faire capturer ou pis, me faire remarquer. Subitement, au détour d’une ruelle déserte, je choisissais de m’arrêter. Je m’introduisis alors dans une impasse sur laquelle ne donnait aucune fenêtre avant d’exécuter quelques mudra et via un jutsu de téléportation bien à nous, je parvenais à rejoindre un endroit que j’avais passé peu avant.
Je me téléportais et arrivais non loin d’une caserne que nous avions tous deux dépassé tantôt. Si ma cible était un soldat, j’allais très vite le savoir. S’il était un quelconque dignitaire du coin, il serait bien vite démasqué. À l’ombre d’un endroit caché, j’exécutais quelques mudra pour prendre l’apparence du quidam qui nous avait abordé dans le bar. Marchant calmement, je me dirigeai alors tout droit vers l’entrée de la caserne. Le Henge no jutsu. Merveille de trouvaille qui fonctionne à la perfection tant qu’un senseur attentif ne démasque pas la supercherie. Et ce coup de chance, j’avoue l’avoir eu !
À peine mettre montré sur le chemin menant à la caserne en question que les gardes me saluaient respectueusement d’un honorable « Kamejiro-sama ! » Je m’arrêtais alors conscient qu’il était parfaitement inutile d’aller plus loin. Connaître l’identité de notre principal interlocuteur… Ce premier point de la mission était réussie. Restait à passer à la seconde, savoir exactement qui il est dans l’échiquier politique de Kusa no Kuni.
D’un air supérieur, hautain, je me tournais alors vers le soldat le plus proche. Le dévisageant un moment je lui adressait froidement quelques remarques désobligeantes sur le niveau de surveillance de la caserne. Était-je dans mon rôle ? Je n’en savais encore rien. Je profitais alors du fait que le shinobi balbutiait quelques réponses hasardeuses pour lui demander de me rappeler un peu qui il était… Vous l'avez compris, un coup de pression. Il allait en prendre pour son grade.
_ Ton nom et ton grade shinobi !
_ Zuruka… Hashi Zuruka sempaï !
_ Et moi qui suis-je ? Rappelle le moi !
Le ton que j’utilisais alors pour glisser cette demande, subrepticement, était proche de l’engueulade, de la menace. Vu la tension maximale que j’exerçai sur l’individu, il ne pouvait se rendre compte qu’il n’était autre que la victime d’une douteuse scène de théâtre.
_ Vous… Vous êtes le bras droit du chef du Buki, le Capitaine Kaguya Shio !
L’air qu’affichait le shinobi était empreint de doute sur la démarche de son supérieur, mais aussi de profonde crainte. Il redoutait la suite de cette histoire, lui qui au fond se savait parfaitement innocent. N’était-il pas qu’un simple soldat obéissant aux ordres du chef de la caserne ?
_ OK Zuruka… Tu diras de ma part, au chef de caserne de doubler la garde aux portes. En passant tout à l’heure j’ai décelé quelques failles dans le système de surveillance extérieur, raison pour laquelle je m’emporte ainsi. Rompez !
Me retournant alors, je pris le chemin me menant à l’endroit où j’avais laissé Hiro. Je possédais déjà quelques informations cruciales. En faire trop d’un coup, à cet endroit serait préjudiciable pour ma couverture. Restait à présent à savoir ce qu’était réellement le Buki. Je comprenais bien que tout ceci avait un lien direct avec l’armée. Mais était-ce tout ? Puis il me faudrait farfouiller un peu plus dans le passé de ce Kamejiro. Un iota seulement, car assurément, s'il était bien le chef militaire que j'ai découvert qu'il était, s'il nous a recruté Hiro et moi pour une aussi délicate mission, il tenterait probablement de la nous la faire à l’envers.
