Le bras pendant dans le vide, la bouche ouverte, affalé sur le ventre, c’est dans cette position que commença la journée de Namiko. Timidement il ouvrit un œil lorsque le réveil sonna. Machinalement, il prit son habillement habituel de ninja et l’enfila. Aujourd’hui, il effectuait sa première mission en groupe. Enfin, en groupe de deux, en duo quoi. On l’avait assigné à un rôle de garde la porte du village. Pendant quelques heures, en l’absence de ninjas plus gradés pour le faire, lui et un autre genin devaient s’assurer que personne n’entre et sort sans autorisation. Une tâche à priori simple, en espérant qu’il n’y ait pas trop de grabuges. Cependant, c’était une mission très importante pour lui car il devait prouver qu’il était capable de travailler en équipe et d’assumer des responsabilités. Or, pour cela ils étaient deux, un certain Dentô Shuuya l’accompagnait. Quand on lui avait annoncé cela, il eut beau se creuser les méninges pour tenter de se rappeler de ce nom mais rien. Apparemment, il n’était pas allé à l’académie car Namiko faisait parti des premières générations d’aspirants et il connaissait une bonne partie des promus.

Habillé et bien réveillé, le jeune médecin prépara son outillage. Un lot de seringues, fioles, pilules et autres objets médicinaux prirent place dans les sacoches qu’il portait un peu partout sur lui. Pour un eisei-nin il était nécessaire d’être toujours bien équipé et d’avoir du matériel au point ! Même si l’hôpital était proche, il fallait être sur ses gardes. Façon express, Namiko prit son déjeuner et quitta le domaine familial.
Le temps était au beau fixe, c’était agréable de travailler dans des conditions comme celles-ci. Les mains dans les poches, d’un pas lent, il avançait vers la grande porte. Le seul chemin menant au village était le sentier perdu. De ce fait, il était très fréquenté et extrêmement bien surveillé. C’était un lieu stratégique pour Kumo. Au loin, il put apercevoir un jeune homme qui semblait attendre quelqu’un, c’était sûrement Shuuya. Ce qui frappa Namiko en premier, c’était sa chevelure argenté, peu commune par ici. En tant que médecin, le garçon était très observateur. Ainsi, il aperçut très vite, un beau collier doré flotter autour de son cou de la même couleur que ses yeux étranges. Son teint foncé lui fit penser qu’il devait venir d’une ancienne famille du pays de la Foudre. A peine arrivé, celui-ci se présenta. Une présentation normale, à en croire le ton de sa voix et le choix de ses mots, ce n’était pas un personnage arrogant ni en manque de confiance. Le sourire accompagnant le tout fit déduire à Namiko que c’était un jeune homme attrayant qui semblait content de faire la mission avec lui. Bref, tout à fait le genre de personne que Namiko appréciait, quelqu’un de simple. Ce cheminement intellectuel, le garçon le faisait constamment. C’était sa marque, son adage : observer avant d’agir. Sentant que leur relation pouvait bien évoluer, il releva un peu sa défense et se présenta à son tour. Son signe de tête accompagnait ses mots.

- C’est bien moi. Je vois que tu es motivé Dentô Shuuya et j’ai bien l’intention faire de cette mission un succès aussi.

Rapidement, il repéra les lieux afin de réfléchir à la façon dont ils allaient coopérer. Les chuunins normalement de garde étaient partis sans même leur donner de directive. Soit, ils allaient improviser.

- Je suis eisei-nin, je te propose donc de surveiller devant tandis que moi je resterai un peu en retrait à l’intérieur afin de couvrir tes arrières.

Namiko n’attendait pas vraiment de réponse, il savait que c’était une bonne idée. Ainsi, il prit place à son poste et la mission commença…

Tandis qu’il faisait des rondes et contrôlait les entrées et sorties, le temps passait, lentement. De son côté, il n’y avait rien eu de très excitant. Hormis un autre genin tentant de le soudoyer pour le laisser sortir prônant leur longue amitié comme argument, l’ambiance était calme. De temps à autre, il jetait un coup d’œil vers Shuuya mais il n’avait pas l’air d’avoir plus de soucis. A cet instant, il se jura de ne pas finir comme garde la porte. En fait, il était partagé. Autant il espérait que tout aille vite sans aucune embûche, autant il imaginait secrètement que quelque chose vienne perturber le calme plat de cette mission. Et là, alors qu’il regardait sa montre pour la énième fois. Une calèche conduit par un homme d’un certain âge s’approcha. Ce que les chevaux tiraient était recouvert par un tissu noir complètement opaque. Par obligation, les deux genins devaient absolument savoir ce qu’il transportait. Poliment, Namiko lui demanda de s’arrêter et lui demanda la raison de sa venue.

- Je suis un marchand d’un pays lointain et ce que je vends ne regarde pas des genins. Je ne traite qu’avec des juunins.

Bon, ça commençait bien, pensa Namiko. Il jeta un regard interrogateur vers Shuuya. Est-ce qu’ils devaient l’arrêter ?

Beau subterfuge que venait d’utiliser Shuuya pour tenter de déstabilise le marchand. Ils les avaient tout simplement fait passer pour des jonins. Pas bête, quand on sait que les protagonistes ne se sont jamais croisés avant, il fallait y penser. L’insistance du genin n’avait cependant pas fonctionné et le vieillard campait toujours sur ses positions. Or, il n’y avait pas d’autres alternatives et ils devaient absolument fouiller la marchandise. Namiko n’était pas un partisan de la méthode brute mais à priori c’était dans les cordes de son compagnon qui ne mit pas longtemps à passer au-dessus des menaces pour aller vérifier lui-même. Le médecin n’avait pas bougé d’un poil et surveillait du coin de l’œil les autres passants. Il était tout de même curieux de voir ce que cachait si farouchement le transporteur. Et là, consternation : des pastèques. Ce détail fit instantanément tilter Namiko qui comprit que quelque chose ne tournait pas rond. Il attendit de voir si son compagnon allait en déduire la même chose mais à en croire son regard interrogateur il comprit que non.
Pendant ce temps, le marchand continuait de grommeler.

- Surveille-le, quelque chose ne tourne pas rond.

A la prononciation de ces mots, le vieillard tressaillit. Il savait que son petit manège allait être découvert. Sérieusement, des pastèques fraiches en automne ? Il n’y avait plus de pastèques à Kumo depuis deux mois déjà. Il cachait quelque chose. Pas de chance pour lui, il était tombé sur un eisei-in, par conséquent un ninja dont l’observation était une des qualités principales. Namiko fit le tour de la calèche et monta à l’arrière. Il commença à écarter les pastèques, sortit son kunaï et le planta dans le bois. Brusquement, il arracha une planche de bois. Bingo ! La calèche contenait un faux-plancher qui servait à son possesseur à cacher diverses choses. En l’occurrence, il venait de tenter de rentrer dans le village avec des dizaines de fioles en verre remplies d’un liquide verdâtre étrange. En tout cas, à la vue de la tête de mort dessinée sur les étiquettes collées dessus, cela n’était pas du jus de pastèque ! Pas très malin ce marchand, pensa le garçon. Comme ils s’en doutaient depuis le début, son insistance pour ne pas se laisser fouiller était bien trop louche. Ces preuves étaient assez accablantes pour l’arrêter et intercepter la marchandise. Il avait laissé un détail au hasard et cela l’avait trahi. Namiko descendit de la calèche.

- Descendez, on vous arrête et votre marchandise est confisquée.

Namiko comptait sur son compagnon pour s’occuper de lui en attendant qu’un gradé arrive pour l’emmener, il était bien mieux placé que le médecin. Un vieillard comme lui, il ne devait pas être très turbulent…

Evènement plutôt imprévu, le vieillard ne se laissa pas faire. Les vieux, c’est plus ce que c’était ! Alors que Shuuya allait le faire descendre, celui-ci tenta de fuir. Evidemment, son âge avancé l’empêchait de rivaliser avec la fougue des deux jeunes genins et il se résigna finalement. Namiko ne comprenait pas tout à fait ses intentions. Celui-ci se tenait face à eux et le médecin lut dans son regard qu’il ne comptait pas se laisser arrêter comme ça. Ses capacités de psychologie le menèrent à conclure qu’il manigançait quelque chose. Sur ses gardes, il put esquiver le jet de fiole qui arriva sur lui. En effet, le marchand, tel un cow-bow, avait dégainé deux fioles identiques à celles dans le faux-plancher et les avait lancées sur eux. Pas de doute, ces objets étaient bien nocifs. Instinctivement l’esprit protecteur de Namiko l’avait poussé à garder un œil sur Shuuya qui se tira de l’assaut par une technique d’accélération. Bien joué, l’eisei-nin espérait ne pas avoir à utiliser ses talents de guérisseur aujourd’hui. Néanmoins, son attention se porta sur quelque chose de bien plus préoccupant. En explosant au sol, le liquide contenu dans les récipients avaient complètement fait fondre la surface touchée. Le mélange était une sorte d’acide extrêmement corrosif et très rapide. Si l’un d’elles avait touché les genins, ils auraient probablement perdu un membre en quelques secondes. La terre avait perdu sa solidité et un tas de boue l’avait remplacé, on pouvait imaginer les résultats sur la peau.

Shuuya lança une phrase que Namiko jugea un peu précipité. Certes, leur adversaire était âgé mais il possédait un atout très dangereux. Il ne fallait absolument pas se faire toucher. Son compagnon était un peu trop confiant et le médecin jugea bon de calmer un peu le jeu.

- Fais très attention, je ne veux pas me retrouver à l’état de liquide et je ne tiens pas à te ramasser avec une éponge non plus.

Là, le jeune homme, tout en ne quittant pas des yeux son opposant, fouilla dans sa sacoche. Il contenait toute sorte d’objets à l’intérieur. Quand il ressortit sa main, c’est deux pilules bleues qu’il tenait dans le creux de celle-ci. Il en ingurgita une et tendit l’autre à son coéquipier. C’était des pilules de sa propre composition, elles contenaient une forte dose d’adrénaline. Une fois avalé, elle augmentait de façon momentanée la vitesse et les réflexes. Depuis qu’il avait quitté l’académie et qu’il se spécialisait dans la médecine, il profitait des labos du village pour tenter plusieurs expériences et fabriquer ses produits. Bien qu’il utilise aussi des médicaments communs, il aime bien apporter une touche personnelle à son attirail et sait faire preuve de beaucoup d’ingéniosité. Ainsi, sa pilule d’adrénaline était un objet qu’il utilisait régulièrement. Même si à forte dose elle pouvait provoquer la mort.

- Prends ça, ce sera utile je pense.

Pour lui montrer l’utilité de l’objet, Namiko attira volontairement l’attention du vieux qui ne tarda pas à lui balancer une autre fiole. Cette fois, il esquiva le projectile au dernier moment sans aucun problème. Avec une grande célérité, il attacha un fil ninja autour d’un kunai. Le but était d’immobiliser la cible et non pas de la tuer ni de la blesser. Il commença à s’éloigner de Shuuya pour que les deux genins ne soient pas des cibles faciles. Après, lui c’était un médecin, il savait se battre mais son acolyte était sûrement meilleur que lui, il ne lança donc pas le premier assaut et préféra laisser Shuuya le faire. A moins que le marchand, qui semblait étonné par le mouvement de Namiko, n’entre dans un mouvement de panique et les attaque de front…