Manteau et tenue sombre,  amusant quand on savait que j'allais rejoindre le pays du blanc, Yuki no kuni, à la neige éternelle. Justement, ça lui permettrait de ne pas me perdre... Qui ? Rei.

Nul besoin de passer par la porte, une fenêtre manipulée et me voilà directement sous son nez pour poser une tasse fumante et une poche de pâtisserie, avant de m'asseoir sans ménagement sur le bord de ce lit, secouant par la même occasion son endormi. Ma visite n'était pas prévu, mais un coup d'oeil et il pouvait aisément deviner qu'il ne m’échapperait pas.

~ Bonjour Rei ! Tu vas bien ? Bien dormi ? La forme ? Oui oui ! Ah tant mieux, parce que tu vas en avoir besoin, notre bateau part dans trois minutes, si nous ne sommes pas à son bord, je te ferais traverser l'océan à la nage ou pire encore, tu sais à quel point j'ai horreur de me mouiller hein ?! A tout de suite.

Sourire carnassier, langue qui se tirait et nuage de fumée, la clone s'était effacée et moi agitant les pieds dans le vide, tranquillement installé à la pointe du bateau, je pouffais de rire. Voilà une journée qui commençait bien, alors qu'en vile tricheuse...

~ Capitaine ! Commencez à faire partir le bateau maintenant !

Eh ouais, à mes côtés un homme blond un peu plus âgé secouait la tête, Shin, un manieur de Kinton, le plus vieux de mes camarades au Misuto, un des rares sur qui je pouvais encore compter, l’émeraude de ses yeux m'assassinait déjà. Ça ne faisait que me faire rire davantage, il avait été mon mentor, il l'était toujours en fait...

~ Hum... Il t'arrive de prendre quelque chose au sérieux ?

Simple sourire en guise de réponse, il n'insistait pas plus, même pire le rat signait mon forfait en faisant se lever le vent, aucune silhouette à l'horizon alors que l'embarcation était détachée et commencer à voguer. Une petite pointe dans mon cœur cependant, j'avais au fond espérer qu'il n'échoue pas si vite, qu'il fasse le trajet avec moi et dans un élan, l'écho de ma voix perçait dans tout le port aisément, peut-être même plus...

~ REI !!!! COURS REI COURS !!!!

Éclat de rire, mais pas le mien et une remarque très intelligente...

~ C'est toi que je bizute si on se retrouve paumer tout les deux à Yuki... Pour rien.
~ T'as oublié qui était devenu le patron?!
~ Re-devenu tu veux dire? Mon petit doigt me dit que ça va vite rebouger...De plus tu n'es pas encore très officielle...

Même pas en rêve, j'avais confiance dans le Samui, sinon je n'aurais pas été aussi vache...

Quotidien. Une matinée paisible, calme. Un sommeil, comme les autres. Une journée des plus agréables se profilant. La vie de Rei devenu monotone, fatiguante. Enchainant les missions les unes après les autres, le jeune homme appréciait une vie comme une autre.

Tourment. Etait-ce là la vie qu’il désirait tant ? Une vie banale, sans qu’il n’y ait aucun événement sorti de l’ordinaire ?

Impression. La dérangeante sensation de stagner. Avide de connaissance et de puissance. Rei ne pouvait se satisfaire de celle qu’il possédait alors.

Ses rêves si calmes, redevenus sombres. Loin de s’apitoyer sur soi-même, naquit une colère. Etouffée, Kenshi conservait son impatiente en lui. Il devait attendre, attendre jusqu’à ce que l’occasion propice se montre. Etait-ce là les conséquences d’une vie brisée puis reconstruite ? Une obsession naquit des tréfonds de son âme et de sa souffrance. Une volonté puissante, immuable. Un trait de caractère de ceux qui ne pouvaient être changés, adaptés. Un de ceux avec qui il fallait cohabiter, s’adapter, satisfaire.

Ce matin-là, ce ne fut pas l’agréable touchée des fils de soies du soleil qui vinrent le tirer de ses terreurs nocturnes. Aoji’, elle avec qui il avait combattu aux côtés du Samidare. Un combat titanesque, source de son impatiente. Un pouvoir sans limite. Une excitation jaillissante du combat sans pareille. Une soif d’apprendre, de progresser, d’avancer. La sensation d’être vivant, utile. Parvenir à ses objectifs, protéger ceux qu’il aimait, la fierté de décliner son identité.

Secouant sans vergogne le Chūnin, une suite de question précéda une invitation à la rejoindre. Un navire qui devait partir dans les trois minutes qui suivirent le nuage de fumée. Un sourire, carnassier comme à son habitude. S’il ne parvenait pas à la rattraper, une lourde punition l’attendait, Rei savait qu’elle tiendrait parole. Sadisme sans limite, surtout envers ceux qui lui étaient chers. N’était-ce pas lui qui avait demandé à ne recevoir aucun traitement de faveur ?

Il saisit la tasse de thé fumante posée sur sa table de chevet, la but d’une gorgée, puis avala la pâtisserie qu’elle venait de déposer là. Dans les yeux de la Kaguya brillait une étincelle particulière. Ce n’était pas là une simple blague entre fratrie, mais un défi bien sérieux. Il prit en tout cinq minutes à se préparer. Sans oublier son katana ainsi que sa sacoche, Rei se dirigea à toute vitesse vers le port.

« Trop lent…. »

Se concentrant pendant quelques secondes, le Samui augmenta sa vitesse par cinq, traversant le village à une allure prodigieuse. En quelques minutes seulement, il parvint jusqu’aux quais. Aucun bateau ne semblait l’attendre, seulement un navire voguant non loi, ainsi qu’une voix familière.

« REI !!!! COURS REI COURS !!!! »

Sans perdre plus de temps, il sauta sur la berge, puis courut sur la mer afin de rattraper le bateau. Une fois arrivé à son niveau, il monta à bord puis se plaça face à sa sœur. Essoufflé, il prit un court temps de pause avant de parler.

« Je te préviens, si c’est une blague tu vas me le payer cher… »

Il remarqua alors la personne se tenant à ses côtés, puis la salua respectueusement.

« Bonjour. Excusez-moi, je ne vous avais pas remarqué. Je me nomme Samui Rei, bien que vous le sachiez surement déjà. »

Son regard se fixa sur la Kaguya, l’invitant à lui expliquait ce que signifiait tout cela.

Il arrivait à bord et c'était un sourire carnassier qui l’accueillait, son petit air essoufflé me faisait pouffer de rire, c'était amusant. Comme sa menace qui laissait perplexe Shin dont la main venait plaquer son visage.

~ Qu'est-ce que je fou là moi déjà ?...

Il tendit son autre main en dégageant la première.

~ Shin Chin, enchanté, je suis un collègue de la Kaguya.

Sans plus de précisions, mais assez de détails pour se faire comprendre et il lançait un regard mauvais dans ma direction, comme pour ne pas avoir à subir mes commentaires, il faut dire, que je ricanais déjà, assez perdu de temps, il fallait exposer les faits.

~ Nous partons à Yuki no kuni, la mission est simple, retourner à l'endroit où tu étais captif. Nous avons un rapport détaillé à faire là-dessus pour s'assurer de la véracité de tes propos, simple formule de routine, ne t’inquiète pas. Cependant, par la même occasion, les autorités ont décidés de rouvrir le dossier qui nous avait amené pour la première fois là-bas. Ce groupe, comme par le passé refait parler de lui, il faut le faire taire, enfin.
~ Tu es un élément atout non négligeable pour cette tâche, enfin, si tu es capable de faire face à tes vieux démons... Je te donnerai ton package une fois arrivée là-bas.

Je ne relevais pas la provocation, ça avait déjà commencé et il n'était pas question de couver le Samui cette fois, bien au contraire. Regard complice entre les anciens du Misuto, Shin avait plus de huit années à son service... De la méchanceté gratuite dans le bizutage, il n'y avait que ça de vrai, que ça de joviale dans cette unité de toute façon... Une chose bluffante, le Samui avait progressé, gardé son calme comme toujours, mais surtout repris en assurance, un petit geste de la main et le voilà laissé en plan, pas de contact avant d'arriver histoire de le laisser cogiter.... Vieille tactique.

Le petit matin était-là quand les kirijins refaisaient surface sur le pont gelé du bateau, manteau polaire pour la Kaguya et le Chin, en bonus leurs airs mesquins en tendant son sac de mission au Samui alors que je l'attrapais mon frère sans le laisser souffler pour le traîner vers le port. Son sac pesait une tonne, pour cause, le Chin trichait avec son kinton à l'intérieur et alors que je tendais son manteau au Samui...

~ Package réglementaire, ça va aller tu vas suivre, tu ne m'as pas l'air rudement entraîner...
~ La ferme Shin ! Rei ne va pas s'essouffler pour si peu, n'est-ce pas ?

Oui enfin, au moins son poids sur le dos... Honte sur nous en y repensant.

~ Nous avons vingt-quatre heures, alors le Samui, conduis nous.

Puis le silence et ses regards perçants posés sur lui alors que le vent glacial se levait, le début du jeu.