La mélodie de la pluie, Ame n'avait pas son pareil pour offrir cette symphonie musicale des plus authentiques, l’ouïe de la belle se perdait dans ce chemin de son accentué et variant au fil de ses pas, les mêmes qu'elle stoppait parfois pour mieux profiter, quitte à être plus trempée encore. Mais on était plus à cela prêt pas vrai ?

-Hum ?...

Un clinquement métallique au loin, avec lui un souvenir et surtout une affection qui se réveillait, quelque chose qu'elle connaissait bien, pour laquelle elle avait souvent tendu l'oreille pour la poursuivre cette musique là. Celle de deux lames qui chantent. Malheureusement, elle avait toujours été une musicienne pitoyable, encore plus avec ses instruments là, le seul qu'elle avait manié craquait et son seul sifflement était son allonge dans l'air, avant le choc fait de fracas....

Sa main se portait à sa nuque, un manque soudain dans cette paume qui restait vide à demi ouverte en l'attente de son fidèle jouet... Disparu à jamais, comme son ancien elle. Un long soupire en reprenant sa marche et ignorant la source de son malaise soudain, il fallait croire que le deuil était plus dur à faire que dans le plan initial. Un grognement et son choix d'itinéraire s'annonçait mauvais face à des individus s'exerçant à l'escrime. C'était-elle vraiment trompée ? Après tout, on ne l'attendait nulle part, la fille tuait le temps en errant non, patientant son heure où son essence du chaos s'étalerait encore un peu. Plus fort qu'elle.

Rapprochée avant même d'y avoir pensé, son regard se fixait sur les débutants en exercice, c'était flagrant. Un sourire moqueur s'installait et à sa droite quelques sabres d’entraînements attendant sagement d'être adopté pour un instant. Difficile de ne pas repenser à ses mauvaises expériences en la matière face à un sabreur... Mizukage de surcroît. Voire deux même, n'avait-elle pas été la disciple d'un lutin fou après tout. Ceci dit, la technique d'Hattan était meilleure et Saîtan surtout monstrueuse. Un petit rire à la pensée de cette lame qui était sa favorite parmi toute et déjà un katana roulait entres ses mains pour être testé dans son utilisation.

L'agilité n'était plus la même, mais si elle avait sa mémoire pour elle, quand était-il de la dextérité de son nouveau corps ? Qu'une seule façon de le tester. Du regard elle guettait un volontaire pour tâter de son bilan à l'épée et quand ce dernier trouvait un arrêt dans une iris bleuté, la femme esquissait un sourire sous son air malicieux quand sa vue glissait sur son reflet dans la lame soignée d'un blond qui semblait plus expérimenté.

-Vous m'offrirez une danse monsieur ?

Murmurait-elle presque en s'inclinant amusée dans son nouveau jeu de théatre.

Après la visite de Miko, j’ai pris deux décisions. Premièrement, je me dois de terminer l’entraînement au Katana d’au moins quelques membres pour qu’ils puissent convenablement enseigner. Deuxièmement, je dois construire un Dojo, ici, et y mettre le sceau du Zen’Ryou pour signifier que cette nation est sous ma protection.

Je sais que le Zen’Ryou a besoin de moi, c’est pourquoi le choix est difficile, mais je me dois de prioriser cette cité. Ce petit agglomérat ne demande que de vivre en paix, loin des dangers et des brigands. Le village de Gio ne demande rien, en fait, que de vivre de leur agriculture et de leurs bonnes bières. C’est la raison pour laquelle Eden et moi avions décidé d’aider cette minuscule ville lors de cette tempête fatidique que m’obligea à m’y arrêter et à rencontrer cette Kaguya. Froideur, son sabre, restera toujours à ma ceinture. Cette femme, ma seconde protégée, celle que j’ai ratée.

À l’aube, avec les vingt jeunes apprentis qui m’avaient suivi la première fois, je recommence l’entraînement du début. Cette fois-ci, je compte rester environ deux semaines de plus et, ensuite, d’offrir le Dojo au maître. Il devra me défier et pouvoir me tenir tête, ce que je pense être impossible pour eux. Cette idée, cet objectif, devra tout de même les tenir motivés. Je devrais venir dans l’établissement d’entraînement relativement souvent pour accepter les défis des membres. L’Art du Sabre se répandra dans les parages.

La pluie commence à tomber alors que j’offre les sabres des Héros à mes élèves. Malgré le fait que Miko a mis fin à la guerre contre les bandits, les habitants de Gio ont tout de même réussi à repousser l’ennemi, voire à le combattre, jusqu’à ce qu’ils tentent une charge à plusieurs groupes contre le village. Je suis fier d’eux. Ils méritent ces armes nobles. Ils les méritent plus que moi. Il est temps que je rompe avec le passé et que je devienne qui je désire être, cette entité qui apporte la paix, la chaleur et la joie partout où elle se dirige.

La journée est bien sombre en comparaison avec le bonheur qui règne lors de la pratique. Toutefois, malgré le manque de luminosité, la chaleur et l’humidité sont au rendez-vous. Tous les membres de l’école sans quartier général s’entraînement avec un grand sourire aux lèvres et une motivation de fer. Je me tiens un peu à l’écart, laissant celui que j’avais nommé à mon départ prendre le rôle d’enseignant alors que je range les autres lames que j’avais directement envoyé du magasin de Kumo jusqu’à Gio.

Toujours en regardant la facilité avec laquelle mon élève est apte à démontrer son savoir, je retire mon chandail montrant ainsi mes trois grands tatouages : l’araignée et sa toile sur mon bras droit, la vipère tournant autour de mon autre bras et le hibou se faisant dévorer par les loups dans mon dos. Heureux, je glisse Déshonneur hors de son fourreau avec l’intention de faire quelques mouvements de mon côté en tant que méditation.

En me retournant, je découvre une dame tenant une lame qui me semble être Rage dans sa main. Elle l’observe pendant un moment avant de porter son attention autour d’elle jusqu’à moi. Ses yeux se plongent dans les miens sans aucune gêne, ce qui produit, en moi, un petit rictus à la fois intrigué et surpris.

« Vous m'offrirez une danse monsieur ? »

Très théâtrale, je vois son faux mouvement de salut alors. Souriant, j’hoche de la tête rapidement. Je rengaine et, toujours le regard joueur, attache mes cheveux, tournant dos à cette damoiselle. Je marche très lentement en direction opposée de la dame.

« Appelez-moi Taku. Ceci est mon école. Allez-y doucement avec moi! »

Cinq pas plus loin, ma tresse maladroite est complétée. Je me retourne et la fixe pendant une seconde. Je fonce directement vers elle, retirant Froideur de son fourreau très rapidement.

A bon entendeur, le rictus était parlant, un accord presque sans mot dès lors qui signait un début de jeu, c'était prometteur comme rencontre. La femme l'observa s'éloigne pour ses préparatifs et quand il nouait ses cheveux, c'était sa propre démarche d'antan qu'elle revoyait, tellement elle de tourner le dos face à quelqu'un qui la défiait tout en continuant de papoter point inquiète. Créateur intéressante qu'il était subitement, jusqu'où saurait-il captiver son attention ?

-Salut Taku' !

Voilà qu'on en était au présentation, alors elle devait faire de même ? Ah non, ce n'était pas franchement le style de demoiselle.

-Je me présenterais bien aussi mais...

La phrase n'avait pas de suite avant la première rencontre des lames, comme si elle avait fait patienter ses mots et l'échange jusqu'à cet instant où, non seulement il l'avait presque surprise, mais aussi surtout faite reculer, ses pieds pourtant bien ancrés dans le sol mouillé. Ce paramètre là qui devait rendre la chose unique et hostile pour elle non ? Un fou, un imprévisible. Elle adorait ça. Le sourire carnassier de la brune s'étirait quand ses nouveaux bras peinaient dans leur force à retenir l'échange pourtant calculé en face.

-J'ai trop de noms selon les gens et l'original est trop compliqué, tu trouveras bien une façon de me nommer, non ?

Et l'escrimeuse n'était pas bonne joueuse, ou trop joueuse justement, elle tentait d'amocher le bout du pied du blond avec son talon fermement dirigé. Sa première impression était à la hauteur de ce qu'elle attendait, un manque de répondant de la part du corps de la Kumojins. Ah si elle avait pu être dans sa chair Kaguya. Le bruit du métal rappelant ses pères sabreurs la consolait un peu et qu'importe le manque de maîtrise devenue un poil maladroite, elle répondait à l'approche de son compagnon de jeu en faisant tourner sa lame autour de la sienne dans l'idée de s'en dégager pour un coup de coude. La fille était véloce, son art plus sauvage que technique et très vite son réflexe revenait vers l'enseignement du Godaime qui lui reprochait tant sa fougue. Le sourire évoluait, car en face le talent était une évidence, aucune chance pour elle de faire face et pourtant il s'adaptait avec patience de toute évidence. Preuve de plus de l'étrangeté du personnage...

-Si tu me disais plutôt le nom de la prolongation de mon bras aujourd'hui... Je pense qu'elle se sent insulter, elle va me mettre en échec exprès ! C'est ça ta stratégie... ?

Lui soufflait-elle à peine entre deux souffles rapidement devenu court. Le jeu n'était plus ce qu'il avait été ! Combien même on s'amusait à agiter cette lame, la fatigue n'en restait pas moins un facteur désagréable, survenue trop tôt sûrement. Ceci dit, ça ne l'empêchait pas de rire, cette fille n'avait jamais eu beaucoup de talent pour rester sérieuse de toute façon. Les saluts stridents avant la leçon ? Probablement.

-Quel genre d'escrimeur es-tu ?

Question un peu déplacée et très flou ! Mais tout à fait son genre après tout...

*Cette damoiselle est bavarde!*

Déshonneur et Rage s’entrechoquent pour la première fois. Jamais le sabre d’un des fondateurs d’Osai, petite ville du Pays du Fer maintenant cendres et neige, n’avait rencontré le mien. Cette femme rieuse et joueuse s’en est emparée sans songer pour une seule seconde à ce que son propriétaire pourrait penser. Chanceuse, je suis du genre à croire qu’une lame résonne pour un seul maître et Rage chante d’un ton majestueux entre ses mains.

Qui suis-je pour décider à qui devrait appartenir des Katanas que j’ai moi-même volé!

« Cette lame se nomme Rage! Et, fougueuse comme vous l’êtes, » dis-je en évitant de justesse un coup de talon dirigé vers mes orteils, « ce sabre vous sied à la perfection! »

Je sens ses respirations, plus rapides et courtes. Sourire en coin, mon invitée rassemble ses forces et, me posant une question par la même occasion, lance un assaut imprécis. Je me glisse sous un coup trop téméraire et m’approche très près de la dame. Entrant dans sa défense et repoussant de la main son avant-bras.
Je souris et recule d’un pas, affichant une certaine timidité.

« Je suis un Bushi, un Samuraï. Bien, en fait, n’ayant aucun maître, je suis plutôt Ronin, mais le principe reste le même. »

Prenant plusieurs pas de distance, je conserve le contact visuel avec elle. Un rayon solaire traverse les nuages pendant quelques secondes, frappant le terrain sur lequel nous nous trouvons. Entouré d’une ambiance chaleureuse causée par l’entraînement de ma classe et par l’humidité et notre nonchalance, je rengaine lentement mon arme.

« Si j’avais à vous nommer comme je le fais avec mes lames, votre nom serait Mystère ou Jeu. Néanmoins, vous n’êtes pas une arme, non? »

Je prends une seconde pour souffler et laisser ma partenaire faire de même.

« Vous ne semblez pas complètement néophyte dans le domaine, je me trompe? »

Je sens la lumière frapper directement mon visage. Cette percé lumineuse m’aveugle pendant une seconde, faisant sûrement éclater la teinte dorée qui se cache derrière le brun habituel de mes yeux. J’attends sa réponse et sa réaction avant de lui proposer une seconde joute.