Le soleil était couché depuis plusieurs heures déjà. La nuit tombée, le crépuscule gagnait rapidement les rues du village. Suna sombrait peu à peu dans le noir. Dans le même temps, la température s'était rafraichit, un thermomètre annoncerait sûrement dix degrés tout au plus. Comme à son habitude et plus régulièrement depuis l'entrée en guerre du village, Satsuki vagabondait tranquillement dans les ruelles ténébreuses. D'abord parce qu'elle appréciait la sérénité nocturne mais aussi parce que la chaleur y était beaucoup moins pesante après vingt heures. Mais par dessus tout, la jeune femme passait son temps à sillonner les remparts du village. Si elle n'était que genin, sa présence pouvait tout de même avertir d'un ennemi et rameuter la garde.


Vêtue comme en journée de son imposante capuche hirsute reliée à sa longue cape beige, la marionnettiste marchait donc tranquillement ce soir-là, humant l'air frais et l'apaisante zénitude des lieux. Cela faisait près d'une heure qu'elle longeait les hautes murailles, l'heure de rentrer approchait. Elle s'engouffra rapidement dans le cœur du village au cas où une quelconque animation n'attire sa curiosité mais rien. Le jour était peut être mal choisit. Tout le monde ou presque se terrait chez soi. Seuls quelques riverains trainaient encore dehors, en amoureux ou entre amis. En chemin, l'Acajou du désert croisa quelques uns de ses frères d'arme. Les saluant silencieusement, elle se rapprochait de son habitation.


L'une de ses coutumes préférées en balade était d'emprunter un trajet différent chaque jour pour revenir. Après seulement un mois, le village lui fut familier. Elle connaissait chaque quartier. En revanche, nombre d'échoppes ou lieux de divertissement lui était inconnus, trop... festif, bondé à son goût. Cette-nuit là, la genin s'aventura dans une allée qu'elle n'avait parcourue qu'une fois auparavant. De petites fenêtres éclairaient en dehors, mêlées au lampadaires disséminés tous les dix mètres. Au détour d'un carrefour, un bâtiment éclairait plus que les autres. De la musique et des rires fulminaient à l'intérieur. Pour rien au monde Satsuki ne s'y hasarderai imagina t-elle d'emblée en dévisageant l'enseigne du bar. Pourtant, à hauteur de l'entrée, une certaine agitation indéniable se faisait sentir. Une voix plus haute qu'une autre gagna vite l'atmosphère. La tension grimpait là dedans ! Le tumulte à l'intérieur éveilla la curiosité de la promeneuse et la poussa à franchir le seuil des lieux. Elle tira son long capuchon et dévoila sa chevelure brune attelée de son bandeau frontal avant de soulever le drap qui faisait office de porte.




A cette question rhétorique, Satsuki se demanda s'il en était de même pour les femmes ninjas qui lui étaient égales de statut. La nuit ne faisait que commencer, l'heure de prendre un verre et de se distraire dans ce bar était venue. La kunoichi au teint sombre s'avança pour passer commande au serveur mais s'en alla d'abord aborder le jeune homme défenseur de la gente féminine.

Le règlement de compte dura moins de temps que l'assemblée de spectateurs ne l'aurait imaginée. Bien vite, chacun retrouva sa place. Lorsque le héros de la soirée reprit son siège pour s'asseoir, il découvrit la genin déjà assise, un verre de sake à la main. Satsuki n'avait pas pris la peine d'assister à la scène, l'issue étant trop prévisible. Au contraire, elle profita du chahut pour se servir son digestif préféré. Bien qu'elle n'ait que dix-sept ans, le serveur n'y vu que du feu.


La jeune femme se méfia des dires du jeune homme, trop beaux pour être vrais ou sincères... Son enfance lui avait démontré maintes fois qu'il était impossible de se fier aux hommes. Brutalités et trahies, une haine profonde l'animait. Alors que souvent les femmes se montrent plus sournoises qu'eux, elle préférait leur faire face...


Elle n'hésita pas à mettre Kibo dans le même sac en parlant des ninjas. Sa rancune avec ceux-ci étaient tellement forte que jamais plus elle ne se laissait entourlouper par l'un d'eux. Bien que cette fois, le genin semble différent...


Comme à son habitude, Satsuki cherchait la faille. Les discours trop gentils à l'égard des femmes ne la surprenaient plus et l'agaçaient. Le garçon allait devoir faire preuve de plus de détermination s'il désirait amadouer son homologue féminin. Au moins, il ne rechignait pas sur la violence et ca, ce ne fut pas pour déplaire à la genin. Plusieurs regards se posaient sur leur table. Si une prochaine bagarre devait éclater, elle ne resterai pas inactive cette fois. Elle but une petite gorgée de son sake préféré pour apaiser son esprit puis croisa les bras pour s'accouder sur la table et observer la salle. Cette ambiance lui était totalement inconnue et si elle préférait l'air frais du dehors, un petit écart en musique lui faisait le plus grand bien même si elle ne le montrait pas. L'agitation tumulteuse dans certains coins ressemblait à celle des marchands et clients débattant des prix, parfois prêt à en découdre pour une broutille. Le quotidien rythmé par le conflit et les coups plaisait à Satsuki.


Elle découvrait en même temps un nouveau camarade, possiblement coéquipier lors d'une mission future. Ses cheveux blancs lui rappelait Eichi, son équipier expert en taïjutsu. Ses vêtements n'étaient en rien troublant. Comment l'être comparé à ce que portait Satsuki... Mais ce qui retint particulièrement son attention fut son bandeau neutre. Si elle ne l'avait pas remarqué de prime abord, cette fois, assis et posé, elle put l'apercevoir tout de suite.

Satsuki, intriguée, fixait toujours le bandeau neutre du genin en face d'elle. Indignée par le ton que prit Kibo, elle répliqua plus sévèrement encore en tapant de la main sur la table :


La kunoichi marqua une pause dans sa colère. La pression était énorme désormais à la tablée mais le ton ne montait pas, pas une voix plus haute que l'autre. Personne autour ne les regardait débattre oralement.


A ces mots, elle claqua une seconde main sur la table. Cette fois, le fracas attira l'attention des clients alentours. La genin s'offrait en spectacle mais n'en avait rien à faire. La deuxième question résonna dans son esprit d'une violence extrême. La marionnettiste dévisagea le jeune homme pendant près de trente secondes puis recula brusquement en arrière sur sa chaise. Voilà un shinobi bien pacifique mais ce n'était pas ce défaut auquel elle tenait rigueur. Ici, par le port de son bandeau, il se revendiquait ninja et la neutralité lui assurait certainement une porte ouverte dans n’importe quel village. Informateur, espion, tout était possible. Sa tasse sur la table était encore emplie mais le parchemin au dessous éclata et, dans un nuage de fumée, le sake disparut. Elle enroula le sceau puis se leva. Dans un dernier regard froid, elle esquiva le coin de la table puis se déroba jusque dehors.


Terminant sa phrase, elle souleva le drap d'entrée puis s'évapora dans la ruelle aussi vite qu'elle y était entrée. Une envie de pleurer, décompresser ou alerter les gardes ? Assurément rien de tel mais la suite s'annonçait explosive.

Il faisait nuit noir sur Hassan. Le désert, plongé dans le crépuscule envahissant, se montrait plus dangereux encore. La ruelle du pub agitée était sûrement la moins déserte du village à l'heure qu'il était. A moitié plongée dans l'obscurité, on pouvait y voir quelques soulards décuver tranquillement adossés contre un mur tandis que d'autres quittaient tranquillement le bar. Et puis, il y avait Kibo et Satsuki. Le défenseur moral de la paix la suivit jusque dehors pour l'asséner de quelques morales supplémentaires et de charabia rêveur.


Finalement, aux derniers mots du garçon, la marionnettiste ralentit le pas jusqu'à s'arrêter en lui tournant le dos. Elle pivota simplement la tête pour tendre l'oreille. Un battement de cape plus tard, un kunaï fusa droit sur lui à pleine vitesse dans une murmure silencieux. Il traversa rapidement l'allée jusqu'au genin en scintillant sous les lampadaires lumineux et à hauteur de ses omoplates. Qu'il l'évite ou non, les hostilités se poursuivaient de plus belle en grimpant en intensité. Il aurait mieux valu pour lui s'identifier immédiatement. La kunoichi ne rigolait plus depuis bien longtemps et là rien n'allait plus. Le ''foutu village'' était de trop.


Là, l'Acajou du désert émit une rotation rapide sur elle-même dans un crissement de sable broyé sous ses pieds et s'élança vers lui. Dans sa course, son long manteau beige voleta derrière elle. Un second kunaï fila dans la trajectoire du jeune homme. Dans le même temps, une voix masculine plus proche qu'il ne l'aurait cru résonna à ses oreilles.


Soudain, l'étrange voix s'extirpa des ombres de la ruelle et surgit sur son flanc gauche. Alors que Satsuki sprintait vers lui avec de mauvaises intentions, son épouvantail articulé passait à l'offensive sans tarder. A s'y méprendre dans la nuit, avec sa capuche entièrement rabattue sur le visage, le pantin avait tout d'un lutin ou d'un assassin piètrement vêtu mais... l'habit ne fait pas le moine comme on dit. Le poing serré, la marionnettiste vacilla habilement vers sa cible. L'assaut était lancé, il allait falloir riposter. Si l'apparat de la kunoichi paraissait ridicule, il voilait bien des choses. A commencer par l'aptitude à ne rien laisser au hasard. Qui du pantin ou de la genin bloquerait-il la prochaine attaque ? A y réfléchir de plus près, le dilemme était de mise. Abattre la marionnette n'avait de rien compliquer mais le kunaï de la kunoichi ferait mouche avant qu'il ne répète qu'il ne se laisserait pas tuer par une femme. En revanche, parer le double jet de la genin assurerait l'avantage à l'épouvantail, taillé pour le combat et manipulé tout de même par une femme. Quoi qu'il advienne, l'issue porterait un coup physique ou moral au genin, Satsuki était décidée à lui laisser une cicatrice personnelle qu'il n'oublierait pas.

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