HRP:

Effrayée par l'apparition du Mitsuto et je ne sais pas quel moyen, j'avais réussi à profiter du combat qui se tramait pour me fondre dans le noir de la grotte et m'enfuir. À présent que j'étais sortie des tunnels, je fonçais droit devant moi, courant à tue-tête à travers la forêt humide de Mizu no Kuni, je fuyais comme la peste le village de la brume, désireuse de mettre le plus de distance possible entre moi et les gardes ténébreux.

Ma course me fit traverser plusieurs marécages, mes vêtements étaient par conséquent trempes et couvert de boue et pourtant, cela ne m'empêchait pourtant pas de continuer à courir. Cependant, au bout d'un moment, je commençais à m'épuiser et d'un geste rapide de la main, je défis l'attache de ma lourde cape noire, la laissant se perdre dans les bosquets alors que je continuais à braver la nature.

Mon corps fendait l'air et dans ma tête des images se bousculait. Cet emprisonnement dont nous étions victimes à Kiri. Cette envie sans arête de fuir, mais qui était impossible, car nous étions toujours rattachés par notre pays.

Oui, j'aimais kiri. Après deux ans passés dans le village, je commençais à vraiment l'aimer. Lui ses habitants, ses coutumes étranges ... Mais je le détestais aussi ... Un village froid et sanglant. Un village ou l'erreur n'était pas permise. Je voulais partir loin d'ici, loin de tous ses bandits et de tous ses pirates. Loin de toutes ses missions sans queue n'y tête, loin de mes ... Compagnons.

Les évènements de ce soir venaient de faire remonter en mois de très mauvais souvenir. Le départ de kiri, la disparition de ma tante, la perte de ma maison, de mon village natal ... L'exode vers le pays des brumes...

Des larmes se perdirent dans les gouttes de pluie qui commençaient à pleuvoir du ciel. Et alors que je continuais à courir toujours aussi droit, je ne vis pas le tronc d'arbre écroulé devant moi. Ma jambe le heurta durement et je fis un long et lent vol plané avant de glisser sur la boue en essayant de me rattraper. Finissant les fesses la première dans la boue, une longue et pénible glissade commença m'entrainant vers une pente où je poussais un cri de terreur en me voyant m'engouffrer dans une faille dans la roche. J'essayais de m'agripper comme je pouvais à cette dernière, mais mes ongles se cassèrent et je tombais à présent dans le chaos.

Ma tête heurta violemment un rocher dans ma chute et je heurtais enfin le sol mou et couvert de feuille, inconsciente.

De manière générale, mon voyage au village caché de la Brume s’était déroulé d’une meilleure manière que celui du Sable. Il était pour moi curieux de voir à quel point des personnes si semblables, j’entends par là les shinobis, pouvais avoir une conception du monde qui les entourait à la fois si proche et si différente. Il n’y avait qu’à voir l’accueil qu’ils réservaient aux étrangers. Je n’en oubliais cependant pas une chose, c’est que je ne pouvais émettre le moindre jugement en me basant uniquement sur la rencontre avec un représentant de chaque nation. J’étais peut être tombé sur l’unique personne antipathique d’un côté et chaleureuse de l’autre. En effet, je ne devais pas oublier ma rencontre avec cet homme sur l’île des vagues, c’était un bon exemple à prendre en compte. L’individualité était donc de mise pour les ninjas. C’était quelque chose de relativement nouveau compte tenu de l’autarcie dans laquelle j’avais vécu jusque-là où chaque moine est un frère, où tout le monde est l’égal de l’autre aux yeux de Maskine. Ce n’était pourtant pas le temps de m’inquiéter. Mon voyage en était encore à ses prémices, nul doute qu’il me serait amené à découvrir bon nombre de curiosité dans la suite de mon pèlerinage.

Pour l’heure, j’empruntais une nouvelle fois les Longs Tunnels dans l’autre sens, grande œuvre architecturale à mes yeux. Contrairement à l’aller, je n’eus aucun mal à ressortir et bien que plusieurs regards me surveillèrent du coin de l’œil, je pus à nouveau voir la lueur du jour sans la moindre complication.

Le ciel se couvrait petit à petit, rafraichissant l’air ambiant de son crachin qui commençait à perler. L’ombrelle au motif de cerisier m’enchanta. Grace à elle, nulle doute que je pourrais voyager sans être trempé jusqu’aux os. Non pas que la pluie me procurait une quelconque gêne – au contraire j’aimais cet aspect naturel de la Vie – mais c’était plutôt le côté pratique qui me portait peine. Compte tenu de ma condition de voyageur, il n’était pas aisé pour moi de mettre à sécher mes vêtements, d’autant plus dans une région aussi humine que Mizu no kuni. Protégé sous le papier laqué, j’avançais tranquillement sur la route qui commençait à se détremper. Malgré la situation, j’en profitais pour admirer le paysage environnant, chose que je n’avais pu faire à aller étant donné mes échanges avec le marchand. Il m’était donc permis d’admirer tout autour de moi une forêt plus ou moins dense, des étendus d’eau et des marécages à perte de vue. Là encore, l’analogie avec Suna était flagrante. Le village caché du Sable avait pour lui le désert aride et chaud en guise de protection, le village caché de la Brume avait ces marécages surement près à engloutir ceux qui n’étaient pas au fait des chemins à travers ces bourbiers.

Progressant d’un pas calme et assuré, une forme se détachait du bas-côté du chemin. Il me fallut quelques mètres afin de distinguer la masse qui gisait là. C’était une jeune fille à priori inconsciente. Encore une fois, j’avais la certitude que le monde était en perpétuel Renouveau. Après avoir quitté Sunagakure no Sato, j’avais fait la rencontre de Goren, un sunajin, blessé et évanoui au bord de l’eau. Aujourd’hui, il m’était donné de rencontrer une demoiselle, surement une villageoise de Kiri, elle aussi assommée. Elle semblait aller bien, pourtant compte tenu du dévers et des rochers en contrebas, le choc avait dû être relativement rude. Par chance, la fin de sa chute avait été amortie par un tapis de feuilles. La première chose venant à l’esprit serait de l’emmener directement à Kiri, mais ne connaissant la gravité de ses blessures, je préférais la laisser en l’état, attendant son réveil avant de prendre une quelconque décision.

Pour autant, je ne comptais pas la laisser dans cet état. Planté dans le sol, mon ombrelle la protégeait de la pluie. Les quelques blessures apparentes ne présentaient que des contusions et de légères égratignures, un miracle en quelque sorte. Celles qui semblaient les plus importantes concernaient ses doigts fins aux ongles arrachés. Un bandage de fortune ferait l’affaire pour l’heure. Dernière chose avant d’attendre sagement son réveil et comprendre la situation, je la couvrais de ma tunique, la température corporelle chutant rapidement dans ce genre de cas, tout en allumant un feu de fortune. Bois et feuilles étant bien humides, plus que des flammes, c’était de la fumée qui s’échappait de ma petite flambée précaire. Elle réchauffait tant bien que mal c’était le principal. Assis sous la pluie, protégé à mon tour par un petit tas de feuille, j’attendais le réveil de l’adolescente, restant sur mes gardes ne sachant si elle devait sa condition actuelle à une mauvaise chute ou à l’action d’une tierce personne.

Le noir total. Il me semblait apercevoir une lueur au fond de cette immense noirceur et je me rapprochais doucement d'elle quand petit à petit, elle-même, après avoir été immobile un moment, se mit à reculer. Alors je me mis à courir après elle, espérant la rattraper. Mais ce fut vite sans succès, car la lumière semblait plus rapide que moi pour prendre la fuite. Je m'arrêtais donc et me retrouver seule ... Dans le néant.

Une chaleur se rapprochait pourtant de moi, je la sentais sur mon visage. Odeur de fumée, je me mis à tousser et ma tête me fit alors rudement mal. Je revenais petit à petit à la réalité, sortant doucement du chaos. Mes paupières s'entrouvrirent avec difficulté et la scène m'apparut floue à la seule lueur de la lune. Je voyais une flamme et de la fumée... Je percevais le son de la pluie qui tombait. J'avais froid et mal et la fumée était toujours plus présente. Ma bouche s'ouvrit et dans un relent de mon corps, je toussais à plusieurs reprises avant de gémir de douleur sous l'effort. Ma tête me faisait si mal. Je ne parvenais pas à bouger.

J'aperçus alors cet homme à la peau noire et aux cheveux quasi-inexistant. Mais il restait flou dans mon esprit embrumé. J'essayais de bouger sans y parvenir, j'avais tellement mal. Pourtant, dans un ultime effort venu du plus profond de mon esprit, je parvins à ouvrir doucement la bouche pour essayer de parler.

Sans y parvenir dans un premier temps, je dus attendre quelques minutes pour retrouver la concentration nécessaire à cet exercice avant de tenter une nouvelle fois la chose :


"Qui ... Êtes ... Vous ..."


L'effort m'avait crevée et déjà, je fermais une nouvelle fois les yeux en faisant la grimace. Je parvins bientôt à porter ma main à ma tête et maladroitement, je tâtais l'arrière de mon crâne avant de retirer ma main pour la porter devant mes yeux. Elle était rouge ... Rouge de mon sang. J'ouvris grand les yeux effrayés et j'essayais de crier, mais aucun son ne sortait de ma bouche, pourtant, je parvenais petit à petit à faire le point. Pourquoi je saignais. Qui était cet inconnu. Pour j'avais si mal partout ... Je ne parvenais pas du tout à bouger autre chose que ma main. Pire encore, je ne sentais pratiquement plus mes pieds. Mais que m'était-il donc arrivé.

Attendant que la demoiselle se réveille, je n’avais pas grand-chose à faire mis à part songer à la situation. Qui avait bien pu provoquer tout cela ? L’adolescente ne semblait pas avoir plus de douze ou treize ans. Que faisait quelqu’un de si jeune en dehors de son village, en supposant qu’elle vienne bien de Kiri, et pourquoi je n’avais encore vu personne. Personne n’était-il donc inquiet de ne pas voir cet enfant ? Etait-elle plus qu’une simple villageoise, était-elle une kunoichi du village de la Brume, d’un autre village peut être ? Tant de questions qui restaient sans réponses et qui le resteraient tant qu’elle n’aurait pas reprise conscience.

Encore sous les effets du choc reçu, elle commençait à gesticuler légèrement, lâchant ici et là quelques bribes de mots d’une petite voix. Mais alors que je comptais m’approcher pour écouter ses divagations, espérant en apprendre d’avantage sur elle, elle émergea de son brouillard, avec certaines difficultés. Ses yeux étaient encore à demi clos. Elle essayait désespérément de me dire quelque chose, mais malgré ses lèvres qui s’articulaient, aucun son ne sortait de sa bouche. Elle était encore sous l’emprise d’une grande faiblesse et n’arrivait pas à se démarquer d’elle. Dans un dernier sursaut, elle parvint tout de même à me demander qui j’étais. Drôle de question. Plutôt que de savoir comment elle allait, si son état n’était pas trop grave, elle préférait s’enquérir de mon identité.

- Ne vous inquiétez pas. Tout ira bien. Reposez-vous …

Elle m’avait posé la question mais je n’étais pas vraiment certain qu’elle m’écoutait ma réponse. Alors que je lui répondais, elle prit soin de tâter l’arrière de sa tête. J’arrêtais net mon discours lorsque je pris conscience que la couleur pourpre sur sa main était du sang, provenant d’une blessure à l’arrière de sa boite crânienne. Par soucis de ne pas empirer la situation, j’avais décidé de ne pas la bouger d’avantage. Dès lors, il m’était impossible de voir qu’elle était blessée de manière plus sérieuse que ce que je pensais. Son regard était assez équivoque, un mélange d’inquiétude, de peur, de désarroi face à son impuissance. Elle essayait de se bouger mais sans résultats. Pour moi, l’heure n’était plus à la réflexion. Il n’était plus possible d’attendre. Cette petite était blessée et devait être soignée rapidement.

Avec d’infimes précautions, je soulevais la jeune fille, mon bras droit soutenant ses genoux, le gauche ses épaules et son torse, laissant reposer sa tête sur mon omoplate. Pleuvant toujours, je callais du mieux que possible le parapluie qui nous servirait d’abri de fortune pendant notre marche entre mon épaule droite et la ceinture de ma tunique. Tout en faisant attention de ne pas glisser sur le chemin boueux, espérant éviter d’aggraver une situation qui m’inquiétait déjà, je reprenais donc la route afin de me rendre au village le plus proche, celui où j'avais pour la première fois accosté.

Une fois sur place, je me dirigeais directement vers le marché bondé de monde. Je n'étais pas familier des lieux, mais j'espérais y trouver quelqu'un susceptible de venir en aide à la jeune fille. Au milieu de la foule, je leur criais d’une voix inquiète et légèrement suppliante …

- VENEZ M’AIDER ! J’AI TROUVE CETTE JEUNE FILLE INSCONCIENTE SUR LE BORD DE LA ROUTE ! ELLE EST BLESSEE A LA TETE, ELLE A BESOIN DE SOINS !

Je fermais les yeux au premier mot de l'homme et replongeais aussitôt dans une semi-inconscience. Je ressentais encore la douleur, j'entendais les voix et je sentais quand on me touchait. Pourtant, tout mouvement m'était impossible. Une grimace fendit mon visage lorsque le moine me prit dans ses bras avec délicatesse avant de m'emporter au lieu de villégiature le plus proche. Un petit village côtier. Je ressentais le souffle de l'homme sur mon visage et les bruits de son corps s'accélérant au fur et à mesure qu'il accélérait le pas de sa course pour me transporter je ne sais où.

La douleur à ma tête était plus forte, mais mon état de transe m'empêchait de la ressentir pleinement. Mes yeux étaient à demi ouverts à présent et je suivais à peine ce qui se passait autour de moi. La couleur terne du parapluie nous protégeant, les muscles saillants du bonze.

Finalement, nous sommes arrivés dans un village et le moine s'est mis à crier fort. Si fort que j'avais l'impression que ma tête allait exploser alors j'ai doucement appuyé ma main sur ses pectoraux :


" Ça va ... Je vais bien ..."


J'avais des difficultés à parler, mais je voulais qu'il me lâche à présent et je me suis légèrement débattu afin qu'il me repose à terre. Bien entendu, mes demandes pour le convaincre de me reposer à terre n'avaient rien de franchement convaincant et je m'arrêtais vite de bouger, le mal revenant rapidement. Ma main se porta une nouvelle fois à mon crâne alors que je poussais un nouveau petit cri de douleur.
C'est ce moment que choisi l'un des habitants pour se rapprocher de nous et attraper le jeune homme par le bras :


"Venez suivez-moi ! Je vous amène à notre médecin !"


Je n'étais toujours pas réellement consciente de la suite des évènements toujours étant que mon sauveur me transporta dans un endroit plus sombre où je fus déposé sur quelques choses de dur alors que des mains vaquaient sur mon corps et ma tête, m'examinant avec attention. J'entendis à peine le verdict, mais le mot fracture me parvint cependant aux oreilles. Mon corps fut parcouru d'un frisson alors qu'il m'ouvrait les yeux pour vérifier la réactivité de mes pupilles. La lumière m'aveugla, mais bien qu'a moitié consciente, je restais sans réaction. Cependant, cela fini par rassurer le médecin :


"Ça devrait aller ! Mais je vais la garder en observation quelque temps ici ! On va l'emmener en salle de soin pour la recoudre et panser sa plaie, puis nous l'installerons en chambre.


Puis j'entendis un chariot rouler, puis une piqure dans mon bras. Je sombrais alors dans le néant et j'émergeais, je ne sais combien de temps après dans un pièce entièrement blanche, emmitouflé sous des draps de la même couleur. Un homme se tenait dans un coin de la pièce et malgré ma fatigue, je le regardais d'un œil interrogateur :


"Qui ... Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que je fais ici ?"

- S’IL VOUS PLAIT ! CETTE PETITE A BESOIN D'AIDE !

Mes cris avaient d’avantage surpris les villageois plutôt que les inciter à me porter secours. Pourtant parmi les personnes présentes, seul un marchand de navets et de blettes était venu à ma rencontre voyant l’état de la jeune fille. Comprenant la situation dans laquelle je me trouvais, il m’invita à le suivre jusqu’au médecin du village. D’un pas rapide, nous traversions la rue principale pour nous engouffrer dans une petite artère qui rejoignait le port. Au bout de quelques minutes qui me parurent des heures, nous nous retrouvâmes devant un vieil homme fumant sa pipe, le regard tourné vers la mer d’un air satisfait. L’adolescente continuait tant bien que mal à se débattre, ou plutôt à tenter de le faire. Elle était encore bien trop faible pour parvenir à faire quoi que ce soit.

Le cabinet était de simple facture, surement suffisant pour traiter les bobologies des villageois. Je n’espérais qu’une seule chose, que cela soit suffisant pour soigner la jeune fille. Nous étions dans une petite salle d’auscultation où trônait en son centre une table en bois usée par des années de pratiques. En entrant, dans le coin à gauche, un bureau où étaient amassés papiers et livres médicaux faisait face au port et à ses bateaux amarrés. A l’opposé une étagère avec quelques instruments donc je n’avais aucune idée de leurs utilisation et en face de la porte deux grosses armoires vitrées remplis d’ossements et de bocaux remplis de produits dont je ne préférais pas connaitre la provenance.

Après avoir examiné la demoiselle, le diagnostique de l’homme en blouse blanche se voulait rassurant. Pas de fractures, plus de peurs que de mal en somme. Sa blessure à la tête n’était qu’une vilaine plaie qu’il suffisait de recoudre. Il m’expliqua que le cuir chevelu pour une plaie équivalente avait tendance à saigner d’avantage que la majorité des autres parties du corps. Voilà qui était rassura. Les pertes de connaissances étaient liées au choc qu’elle avait reçu et pour le reste de ses blessures, quelques égratignures et quelques bleus qui se soigneront d’eux même.

Pendant qu’elle se faisait recoudre, on m’accompagna à sa future chambre, une salle d’un confort modeste mais suffisant. Le blanc immaculé des murs m’aida à m’apaiser, à me remettre de mes émotions. Je m’asseyais par terre, adossé dans un coin. Les lueurs de la fenêtre proche me parvenaient. Les premiers rayons de soleil de la journée pointaient enfin. La pluie avait cessé comme pour nous rappeler que tout comme les blessures de la jeune fille, les maux de la Vie sont éphémères. Bordés par la chaleur de l’astre diurne qui me couvrait telle une couverture je m’assoupis doucement, me laissant bercer par l’atmosphère reposant de la pièce.

Plongé dans un sommeil réparateur, le retour de la blessée ne me réveilla pas, pas plus que les mots qu’elle tint à mon encontre à son réveil. J’étais assoupi et profitais de ce court moment de répit avant de reprendre ma route.

Le bonze semblait dormir à la vue de son manque de réaction, aussi, je laissais ma tête se reposer dans l'oreiller tout en continuant à l'observer et à le détailler. Les tatouages sur sa peau me revinrent en mémoire. Ainsi donc c'est lui qui m'avait ramené ici. Il ne semblait pas hostile. Je me demandais si c'était un shinobi ? Il n'en avait pas l'air malgré sa musculature prononcée ? Mais après tout un physique ne veut pas forcément dire grand chose. Aussi, je me contente à présent de détailler ses tatouages avec attention. Ils sont très beaux, très précis, mais ils ne m'en disent pas plus sur l'origine de notre inconnu. Finalement, je finis par me redresser du mieux que j'y peux. Très lentement, car ma tête m'élance énormément et la position que je prends fait tendre la peau de mon crâne. Un petit gémissement s'échappe malgré tout de ma bouche alors que je touche délicatement la cuisse de l'homme à côté de moi, la secouant un peu jusqu'à ce qu'il se réveille avant de me laisser tout doucement revenir dans ma position initiale avec une grimace.
Je pousse alors un long soupir et mon regard de cristal se tourne vers mon inconnu :


"Excusez-moi de vous sortir de vos songes monsieur..."


J'essaye d'afficher un petit sourire d'excuse en disant cela, mais mon air fatigué doit me donner plus l'air d'une idiote ou d'une fille shooté qu'autre chose, malgré tout, je continue à regarder le bonze longuement, sans dire un mot avant de demander :


"Je ne me souviens pas de grand chose ... Vous savez pourquoi je suis ici monsieur ? Et pourquoi j'ai aussi mal à la tête ?"


Tout s'embrouillait une nouvelle fois dans ma tête et alors que je faisais une grimace sous l'effet de la douleur regardant la perfusion d'antidouleur dans mon bras et le tuyau qui s'en échappait. Mes yeux se fermèrent quelques secondes durant lesquelles je me mordis la lèvre avant de rouvrir les yeux et de regarder une nouvelle fois en silence le moine, le détaillant une nouvelle fois du regard avant de finalement demander :


"Ça à du vous faire mal de vous faire tatouer tous ses tatouages sur le corps ..."


Qu'est-ce que je pouvais être naïve parfois, cependant ça ne m'empêchait pas de continuer à détailler le bonze dans les moindres détails tout en continuant à lui sourire.

Un immense champ de fleurs se profilant à l’horizon sous la coupole azurée, l’astre du jour suspendu sous les cirrus ballotés par le vent transportant un doux parfum sirupeux. Seul au milieu de cette prairie colorée se perdant à l’horizon, trônait sur une petite butte un arbre de la Bodhi. Couché à son tronc, les yeux clos, j’écoutais avec attention sur bruit de la brise virevoltant dans les grandes feuilles. Une harmonieuse mélodie se dégageait de ce ballet arboricole. Un moment de repos, de plaisir sans que les soucis du quotidien ne vienne perturber un moment pareil, un moment trop rare que je n’avais eu la chance de vivre depuis trop longtemps.

Une voix parlait au loin, un son diffus, parcellé çà et là par le vent. Elle se faisait de plus en plus proche, une douce voix féminine, une voix enfantine que j’avais déjà entendue par le passé. Où était-ce ? Aucune importance, les rayons de soleil perçant à travers la canopée de l’arbre réchauffait mon visage, cette sensation agréable ne me donnais pas la moindre envie de répondre à cette inspiration chaleureuse qui demandait mon attention.

Mais alors que je commençais à ouvrir doucement les yeux, ma main me protégeant des brûlures de l’astre du jour, le champ fleuri se mis à tanguer, doucement à droite, doucement à gauche, ici et là, un peu plus encore. Et puis d’un coup, la réalité, la fin d’un songe, la fin d’un doux rêve. Cette réalité était tout autre. Je remettais la situation dans son contexte, cette pièce blanche, cette pluie, et puis, bien sur, cette fillette allongée dans son lit. C’est à elle que je devais le ballotement de mon doucereux monde fantasmagorique.

- Ne bougez pas, vous êtes encore faible. Je vous ai trouvé sur le bord de la route, vous sembliez avoir fait une chute. Je vous ai ramené dans ce village pour que vous puissiez y être soignée. Vous ne souffrez que de quelques contusion et d’une plaie à la tête. Cela ne devrait pas durer longtemps selon les docteurs.

La jeune fille semblait perdue. Je peux facilement le comprendre. Elle était dans une forêt humide sous la pluie et après une chute se retrouvait l’instant suivant dans un lit douillet, un beau soleil resplendissant à travers la fenêtre de la chambre. Je m’attendais à tout de la part de la demoiselle mais pas à cette question sur mes tatouages, du moins pas dans les circonstances actuelles. Je lui souriais doucement et lui répondais à la rigolade.

- Bien plus mal que ta douleur à la tête, ce fut une épreuve horrible, douloureuse, certaines personnes en deviennes folles.

Une simple boutade histoire de détendre l’atmosphère, une blague pour rassurer la demoiselle avant de reprendre de manière plus solennelle de mon ton de voix posé et serein.

- Non, je plaisantais. Cela reste douloureux certes, mais c’est une douleur consenti pour démontrer ma ferveur envers Maskine, la divinité en laquelle je crois. Je suis un moine, je viens du Pays des Rizières, je suis en voyage ici afin de découvrir les cultures locales et comprendre la philosophie de pensée des shinobis.

J’étais en train de m’apercevoir que mon discours n’était surement pas approprié pour une si jeune personne. Ainsi, avant qu’elle ne puisse me prendre pour un fou, je préférais rebondir et passer à quelque chose de plus serein.

- Et vous quel est votre nom ? Je me nomme Kiezan Fumei, ravi de vous rencontrer. Mais dites moi, comment vous êtes vous fais cela ? Vous avez des problèmes peut être ? Est-ce que vous avez besoin d’aide ? Vos parents doivent être inquiets ? Voulez vous que je les appelle.

Que de questions mais je me sentais obligé de les poser. Il m’était impossible de quitter la jeune fille sans savoir ce qui lui était arrivé et sans savoir si elle irait bien par la suite.

Je le sens un peu affolée lorsqu'il s'adresse pour la première fois à moi, aussi, je me calme d'instinct et me remets confortablement dans le lit, adossé contre un gros oreiller. Dans cette position, je peux continuer à l'observer sans forcer tout en le détaillant encore et encore. Il me parle alors de ses tatouages, de leurs origines, de ses croyances ainsi que de sa religion. Quelle belle histoire en soit, un petit sourire fini par se dessiner sur mon visage alors qu'il continue son long discours d'explications.
Ainsi donc c'est un étranger. Mon regard se fait plus curieux :


"Le pays des rizières ... "


Je relève alors mon regard cristallin vers lui et un mon sourire se fait plus timide, mais plus profond également :


"J'ai visité ce pays il y a peu de temps au cours d'une mission, mais je n'ai pas eu l'occasion d'y faire du tourisme ... Vous me faites regretter maintenant !!"


Je rigole faiblement avant de porter ma main à mon visage pour y écarter une mèche de cheveux s'étant égarer devant mes yeux :


"Vous devez beaucoup aimé votre divinité quand même ! C'est bien, je trouve d'avoir des croyances !"


Je fermais les yeux alors quelques secondes pour réfléchir et un long soupir s'échappa d'entre mes lèvres alors qu'il me demandait s'il devait prévenir quelqu'un de ma famille et les raisons de ma folle course en forêt. Lorsque je rouvris les yeux, mon visage prit une teinte rosée de honte et je détournais le regard :


"J'es... J'essayais de fuir quelques choses ... Des hommes en noirs ... Les unités spéciales de Kiri. Ils nous sont tombés dessus avec une amie alors que nous attendions deux autres camarades pour discuter d'un projet que nous avions ... Mais je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé ... J'ai juste eu très peur et je ne sais pas comment, j'ai réussi à m'enfuir. J'ai énormément couru et je me souviens d'avoir glissé et d'être tombé ... Puis après, c'est un peu flou ..."


Je poussais un long soupir en regardant ce coup-ci ailleurs. Que c'était bête de ma part de s'être blessé ainsi. Je préférais immédiatement changer de sujet et tripotant machinalement le pendentif que je tenais autour du cou, je finis par en regarder la forme d'ours qui se dessiner dans l'or avant de relever la tête et de regarder le bonze devant moi :


"Vous m'avez parlé de votre divinité ! Moi, je ne crois pas en dieu, par contre, voici la croyance de ma famille paternelle !!!"


Je retirais alors mon pendentif et lui tendis :


"Nous sommes depuis longtemps rattachés au croyance ancestrale du temple Kuma à Yuki no Kuni ! Voici ma protectrice ! Sunilda !"


Mon regard se fit alors plus doux, plus calme en parlant d'elle et alors qu'il prenait le pendantif entre ses mains, je profitais de l'instant pour respirer plus calmement :


"Au fait ! Je m'appelle Yuki ! Yuki Samui !"

Assis sur l'une des chaises de la pièce je racontais brièvement mon histoire à la jeune fille qui semblait absorbée par mes paroles. Comme quoi chacun est différent des autres. Ce n'était pas la première personne à se faire appeler "Samui" mais leurs caractères n'avaient strictement rien à voir. Etaient-ils de la même famille. Mais pour l'heure, mes interrogations attendraient, préférant écouter la jeune fille. Dans ses palabres, le mot mission fit son apparition. Ce que je supposais sur le bord de la route boueuse s'avérait exacte. Elle était une shinobi. Qui plus est, le fait qu'elle soit elle aussi une Samui me faisait songer sans l'ombre d'un doute à une kunoichi de Kiri Gakure no Sato.

En revanche j'étais surpris par une partie de son discours qui m'intriguait de plus en plus. Pourquoi les unités spéciales, ce que je pensais être une unité d'élites des ninjas du village de la Brume s'occupait du cas d'une petite fille ? Avait-elle quelque chose qui faisait d'elle un être si particulier qu'il faille sauvegarder sa personnes et prévenir le moindre de ses mouvements "étranges" ? Je n'étais pas certains d'avoir une réponse. La petite fille était-elle en mesure de m'en apporter elle même d'ailleurs ? La peur, une vraie peur se lisait sur ses traits fins et blanchâtres.

Pendant qu'elle continuait à parler, j'en profitais pour ouvrir la fenêtre à proximité afin des profiter à la fois des rayons de l'astre du jour éclairant d'avantage la pièce et de la brise extérieure renouvelant cet air aux senteurs d'hôpital et médicamenteuses ...

Me rasseyant après avoir regardé attentivement son pendentif je m'attelais à chercher des réponses à mes interrogations avant de la laisser se reposer. En somme être sur qu'elle n'avait plus rien à craindre désormais et qu'elle serait en mesure de rejoindre son village.

- J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer une personne portant le nom Samui. Samui Kakeshuou est-il quelqu'un de votre famille ? Ce fut une rencontre des plus surprenante je dois avouer. Mais là n'est pas le sujet. Vous permettez que je me mette à mon aise ? Je suis peu familier de vos chaises.

Et c'était vrai. Depuis toujours j'avais connu la rigueur du temple et son confort sommaire. Un simple futon rembourré grossièrement pour dormir et de simples tatamis voire même le plancher vernis en guise d'assise. Je n'étais pas à mon aise sur les chaises et autres fauteuils, c'est pourquoi, je préférais m'installer sur le sol carrelé et froid, les jambes repliées les unes sur les autres en position zen, les mains jointes au niveau des pouces se touchant à peine.

- Sinon, en effet le pays des Rizières est un lieu agréable pourvu de paysages divers, je vous conseille vraiment de prendre le temps d'y séjourner quelques temps si l'occasion se présente. Vous pourriez même prévoir une retraite dans l'un de nos temples, y retrouver une certaine Paix intérieure et une Harmonie avec la nature ou encore vous familiariser avec nos préceptes, découvrir la voie que Maskine a tracé pour nous il y a plusieurs siècles de cela. Cela pourrait également être l'occasion de resserrer ces liens privilégiés avec celle que vous appelez Sunilda.

Et comme pour rassurer la demoiselle, je continuais à parler posément et calmement afin de ne pas la brusquer sur le reste de mon discours.

- Pour en revenir à un tout autre sujet, bien plus important, comment se fait-il qu'une si jeune personne soit recherchée par les services spéciaux de son propres village et surtout comment avez vous réussi à vous enfuir sous leurs yeux ? N'est-il pas surprenant qu'ils n'aient pas cherché à vous retrouver ? Êtes-vous certaines de ce que vous avez vu ? La peur est un ennemi de la raison qui nous fait agir de manière déraisonnée et dangereuse. Mais je m'immisce là dans votre vie, je comprendrais que vous n'ayez pas envie d'en dévoiler d'avantage. Après tout, je ne suis qu'un étrange étranger à vos yeux. Quoi qu'il en soit soyez rassurée, le médecin qui vous a soigné m'a affirmé qu'il vous serait possible de quitter les lieux demain dans la mâtiné. Souhaiteriez vous que je vous aide à retourner chez vous afin de prévenir toute fatigue impromptue durant votre court voyage ?

Mon regard se fit plus intriguer qu'auparavant par ce curieux moine dont le corps était recouvert de tatouages. Prêtant à présent une oreille attentive à chacune de ses paroles, je m'étais légèrement redressée dans ma couche et j'en avais presque oublié le mal qui me rongeait la tête. J'observais à présent le bonze avec une lueur nouvelle, un réel intérêt :


"Kakeshuou est un ami très proche de ma famille, j'ai eu l'occasion de le rencontrer il y a peu de temps ... C'est quelqu'un d'assez particulier, je dois dire ..."


Puis il me demanda s'il pouvait se mettre à son aise, alors d'un geste évasif de la main, je lui montré qu'il pouvait faire ce qu'il voulait. Je n'étais qu'une gamine après tout ce n'était pas à moi de donner des ordres ou des conseils à un homme mûr.
Je le regardais donc quitter son siège de bois et s'installer à même le sol pavé, prendre une position zen et continuer aussi naturellement que possible la discussion avec moi. Voila qui était des plus curieux. J'admirais la sérénité que je parvenais à lire dans ses traits. Cette tranquillité d'esprit. Je ne pus retenir un petit :


"Il faudra que je retourne au pays des rizières oui ... Peut-être que cela me permettra d'y voir plus clair pour mon avenir et ma tranquillité d'esprit !"


Mais quelques choses m'avaient interpellé dans son discours :


"Qui est Maskine ? Vous pouvez me parler de lui ? Cela m'intrigue !"


Bah quoi j'étais une gamine curieuse. On avait tous nos petits défauts. Le mien, c'était la curiosité. Pourtant, je finis bien vite pas oublier ma curiosité quand l'homme au teint basané me demanda la raison de mon échappée du village de l'eau ... Je rougis et détournais aussitôt le regard. Je n'avais pas de réelle réponse à cette question. Tout ce que je savais, c'est qu'il m'avait flanqué la peur de ma vie. J'hésitais à répondre à la question du sage et ma bouche s'ouvrit après quelques minutes sans qu'aucun son n'en sorte dans un premier temps, avant de finalement me mettre à débiter un nombre impressionnant de parole :


"En fait ... Nous avions prévu une réunion en pleine nuit avec des amis ... Et je crois que les services spéciaux ont cru qu'on préparait quelques choses contre le village ... Ils nous sont tombés dessus à au moins dix alors que nous étions que deux moi et ma copine ... Puis nos deux autres camarades sont arrivés ... J'ai eu très peur, je ne sais même pas comment j'ai réussi à échapper à leur vigilance ! Tout ce dont je me souviens, c'est que j'ai couru droit devant moi sans me poser de question ... Ils sont effrayants les services spéciaux de Kiri ... Même pour nous les habitants ... "


Mon discours s'arrêta là et je baissais la tête honteuse. Mais une autre phrase du moine m'avait interpellé. Ils n'avaient même pas cherché à me retrouver. C'est dire l'importance que Kiri apportait à ses genins. Aucune. De toute façon, ils avaient raison. Je n'étais pas celle qui semblait les intéresser le plus dans notre petit groupe et pour cause. Non-comptant d'être la plus jeune, j'étais aussi la plus inexpérimentée, la plus trouillarde, la plus faible ... Je ne représentais rien aux yeux de mon village et j'exprimais ma pensée ainsi :


"Je ne dois pas représenter grand-chose à leurs yeux ... Sélection naturelle, vous savez ... On se débarrasse des plus faibles comme on peut ..."


Ma voix, c'était légèrement éteinte sur la fin de mon discours et je me mis aussitôt à regarder par la fenêtre.

- Avant de continuer, reposez-vous, vous êtes encore en convalescence. Je vais vous laisser, je repasserai demain, je ne peux vous laisser seule ici.

Sans un mot de plus, je me levais de ce carrelage froid et la saluais simplement avant de la laisser seul, lui laissant le temps de réaliser tout ce qui avait pu se passer depuis qu'elle avait perdu connaissance et se rendre compte dans quelle situation elle était. Je ne connaissais pas cette jeune kunoichi, mais il était probable qu'elle ait besoin d'un temps de réflexion personnel pour assimiler tout cela comme le contraire. Bref, le temps que tout cela se dissipe, je prenais du recul la laissant avec elle mêmes, ses pensées et ses démons.

En attendant le lendemain, je décidais de profiter pleinement de la journée qu'il me restait pour m'occuper. Le petit village où nous nous trouvions était le même que celui où j'avais accosté quelques temps plus tôt. Sur le port je reconnu les mêmes pécheurs sur leurs bateau. L'un d'eux me reconnu de loin, rien d'étonnant compte tenu de mon physique si atypique et me salua chaleureusement. Je le lui rendis en m'inclinant respectueusement.

Alors que j'approchais du ponton, ce même pécheur s'approcha tout souriant en me tendant sa canne à pêche. Pourquoi pas après tout, c'était un moyen comme un autre de passer le temps. Je m'installais donc en tailleur sur les planches de bois humide. Au bout de trois heures sans aucune prise, un jeune enfant, surement fils de pécheur et futur lui aussi, et après m'avoir observé pendant de longue minutes m'interpella d'une manière franche et naturelle qui laissa un sourire sur mon visage.

- T'attrapera rien si tu mets pas d'hameçon et d'appât. Les poissons il mangent pas que le fil tu sais.
- En effet. Mais le plaisir n'est pas de prendre ou non un poisson mais de se retrouver dans une situation plaisante pleine de calme où le bonheur est de profiter de l'instant présent. Mais cela peut être difficile à comprendre aujourd'hui. Mais sachez que cela me convient très bien comme ça, je n'ai pas le droit de prendre la vie d'un autre être vivant.

Le regard dubitatif de l'enfant ne laissait aucune doute sur la nature totalement abscond de mes paroles. Je comprends. Difficile concept que voilà, mais je ne m'en offusquais point. Quoi qu'il en soit, je restais là toute la nuit, dans une transe méditative équivalente à une bonne nuit de sommeil, la canne toujours à la main.

Le lendemain sous un soleil brumeux, la petite Yuki quitta enfin l'hôpital. Avec son autorisation, je la raccompagnais jusqu'aux portes de son village, d'avantage pour me rassurer de la savoir en sécurité. Alors que nous marchions tranquillement, jetant un coup d'œil de temps en temps, m'assurant que tout se passait pour le mieux, je décidais de reprendre là où nous nous en étions arrêté la veille.

- Maskine ... est la divinité qui nous a enseigné son culte. Pour faire simple, je dirais que c'est là notre religion, mais il serait plus exact de dire qu'Il nous a donné des préceptes de vie que nous nous efforçons de respecter. C'est bien plus un mode de vie qu'un culte centré sur des règles strictes à appliquer à la lettre.

Puis après quelques minutes de silence, je décidais de rebondir sur son étrange discours concernant sa tentative de fugue.

- En revanche, pour ce qui est de vos déboires avec les shinobis de votre village je ne saurais être de bon conseil, n'étant moi même pas l'un de vous. J'ai encore du mal à être familier de vos modes de vie et ne saurais comment aborder la chose, d'autant plus que compte tenu de ma situation actuelle, l'intervention d'un étranger n'est surement pas la chose la plus raisonnable qu'il soit.

Puis d'un coup, je m'arrêtais brutalement au milieu du chemin, ouvrant mon ombrelle pour nous protéger du soleil qui commençait à pointer au delà des nuages.

- En revanche, je suis convaincu que vous n'êtes pas quelqu'un de faible comme vous le pensez. La volonté et la force dont vous avez fait preuve ces derniers jours en est un parfait exemple. Cependant, si il vous prenait l'envie de découvrir le monde autour de vous, je ne saurais vous conseiller que de vous lancer. Il est vaste et offre de magnifiques choses à voir et de nombreuses autres cultures à découvrir.

Alors que je terminais ma tirade, les longs tunnels commençaient à apparaitre au loin ...

Mes paroles furent bien vite interrompues par l'intervention du bonze qui préféra me laisser seule à mes pensées en quittant rapidement la pièce.
Du repos ... Selon lui, j'avais besoin de repos. Selon moi, c'était tout autre chose. J'avais un besoin pressant de faire le point sur ma situation au sein du village, dans mon évolution en tant que shinobi.
Voilà bientôt un an que j'étais genin au sein du village caché de la brume et pourtant, je n'avais pas franchement l'impression de me sentir plus mature, ou encore plus forte qu'avant. Je ne comprenais pas vraiment même que j'ai pu me lancer dans cette idée folle de retrouver Azuko.

Que c'était-il dont passé depuis un an que j'étais genin ...

J'avais enchainé les missions ... Plus ou moins périlleuse ... Surtout moins en y réfléchissant bien ... Je n'avais pas souvent était la pièce maitresse qui avait d'ailleurs permit de résoudre ses missions, justes un pion sur l'échiquier qui contribuer à la réussite de ses dernières. Enfin comme on dit, il faut des petites mains dans tous les travaux, même les plus importants. Je n'étais qu'une de ses pièces. Serais-je un jour plus ... C'était ça au final la vraie question que je devais me poser.

Mes interrogations silencieuses finirent par m'entraîner dans le sommeil dont j'avais tant besoin et à mon réveil, je me sentais reposée. Un médecin vint m'examiner et me donna l'autorisation de sortir de l'hôpital, aussi, je m'empressais de quitter ce dernier dont l'odeur me donnait toujours autant la nausée.

À l'entrée, je retrouvais l'étrange moine qui m'avait conduit jusqu'ici et je m'avançais donc timidement vers lui ou il me proposa de me raccompagner jusqu'aux portes du village.
Je n'étais pas encore certaine de vouloir rentrer, mais avais-je vraiment le choix au final.
C'est donc d'un pas trainant, sans entrain que je le suivis au travers de la forêt de la brume.
Nous avons marchés un moment sans nous adresser la moindre parole jusqu'à ce que soudainement, il me parle de sa divinité.
Ainsi donc avec ses quelques explications, j'en apprenais un peu plus sur sa "religion". Mais, j'étais toujours aussi avide d'en savoir plus encore :


"En quoi consiste votre mode de vie ? Qu'est-ce qui diffère des gens normaux ?"


Puis me rendant compte de mon impolitesse en le qualifiant d'anormal, je m'empressais de me corriger :


"Excusez-moi ... Je veux dire qu'est-ce qui diffère de la façon dont vivent les gens dans les villages par rapport à votre mode de vie ?"


Ma maladresse était vite rattrapée, mais je devais faire attention quand même quand je parlais avec une personne ainsi. Je pouvais parfois blesser sans m'en rendre compte.
Pourtant, je lançais au bonze un regard plein d'admiration et de curiosité nouvelle alors que nous nous rapprochions déjà des remparts de Kiri. Quel dommage, j'aurais tant aimé continuer cette conversation bien que la fin prenne une tournure qui ne me plaisait pas trop :


"Monsieur ... On ne va pas tarder à devoir se séparer ... Vous accepteriez que je vous écrive ? J'aimerai vraiment en savoir plus au sujet de votre culte s'il vous plait !!! Et puis peut être que cela me donnera envie de voir du pays ... Quand je serais plus grande ... Comme vous ! Une sorte de voyage !"


J'étais enthousiasme et j'étais encore loin de me douter que cette idée n'était pas un flot de paroles jetées en l'air.

L'échange entre nous deux avait duré jusqu'à ce que les longs tunnels soient en vue. A une distance encore raisonnable de l'entrée, préférant ne pas tenter mon entrée tout de suite j'arrêtais notre marche, restant debout au milieu du chemin. J'avais pris le temps d'écouter attentivement la demoiselle avant de lui répondre, préférant ne pas lui couper la parole, d'une part, simple règle de politesse et d'autre part ne pas interrompre son élan. Son lapsus sur la normalité des individus et sa tentative de correction me firent sourire. Bien qu'elle soit jeune, elle faisait preuve d'une certaine maturité. Une fois de plus une question que je poserais pas me trottait dans la tête. Sa maturité était-elle un trait de caractère personnel ou le résultat de sa jeune vie de kunoichi. Malgré tout, elle restait curieuse, preuve de son envie de vivre, de découvrir d'autres univers. Dans un sens, elle me rappelait moi au moment de mon départ.

En revanche, la surprise fut totale quand la jeune fille au moment de se séparer lui demanda si cette dernière pouvais lui écrire. Etrange demande qui réussir à me faire sourire, d'autant plus que sa démarche était similaire à la mienne, en apprendre plus sur des cultures dont elle ignorait tout. C'était une bonne chose, comment refuser à une personne désireuse de s'ouvrir aux autres de répondre à ses attentes.

- Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas offusqué par votre petit lapsus. Mais vous soulevez un point intéressant tout de même. Qu'est-ce que la normalité en fait ? Qui ne nous dit pas qu'être normal c'est adopter un mode de vie similaire au mien, ou être en Harmonie avec la nature comme le sont les animaux sauvages. Et pour vous répondre de manière simple, tout nous diffère. En revanche n'allez pas croire que je considère mon mode de vie meilleur que celui des shinobis. Nos cultures sont bien trop différentes pour que je puisse émettre un tel jugement. C'est là le but de mon voyage, découvrir les autres.

Au loin, plusieurs personnes commençaient à bouger au niveau des longs tunnels. Préférant ne pas m'éterniser au milieu du chemin, ce qui pourrait m'amener à paraitre étrange aux yeux des gardes du village je reprenais ma tirade.

- Je suis étonné par votre demande d'entretenir une relation épistolaire, mais je ne peux vous refuser cela. J'espère ainsi avoir la chance de vous faire découvrir d'autres chose, vous monter à quel point le monde est beau à voir. Et qui sait, comme vous le dites si bien vous même, nos chemins futurs seront peut être amenés à se croiser à nouveau un jour.

Puis, je la saluais en joignant mes mains et en m'inclinant honorablement avant de continuer ma route.