Une vraie plaie.

Pourquoi avait-il fallu que je me retrouve ici aujourd’hui, obligée de déambuler dans les rues de la ville pour trouver ce fameux dojo ? Le Dojo, oui le Dojo de je sais plus qui, Chine-chi, Chine ici, Shinini, bref, peu importe. Je devais me rendre là-bas, parce que je devais rendre visite au maitre des Epéistes, le grand et tout puissant Kitafé Chine-lessive. J’ai du mal avec les noms, et alors ? Je connais au moins le mien, c’est déjà ça. Il est loin d’être facile pourtant, Genryuushimagahara, pas loin d’être l’un des plus grands noms jamais prononcés dans ce village. Pour En, c’était différent, vous le voyez d’ailleurs, pourquoi j’arrive à retenir son prénom. En. Rien de plus simple. Quoiqu’il en soit, la raison de ma venue en ces lieux résidait dans la recherche d’un nouvel appartement. En tant que kunoichi chevronnée du Village Caché de la Brume, on me somma d’en parler à l’ex-Mizukage. Une tâche que je n’aimais pas particulièrement, mais qui demeurait nécessaire pour ma survie. Je ne pouvais squatter la chambre de ma meilleure amie toute ma vie, il fallait que ça change.

Bon, c’était bien tout ça, mais on fait quoi maintenant ? Je n’étais pas venue seule, évidemment, puisque ma grande amie m’avait suivi jusqu’ici. Cela ne me dérangeait pas, mais cela me gênait de la déranger pour si peu. Elle avait insisté pour venir, clamant le fait que si elle n’était pas là, j’étais capable d’insulter l’une des plus grandes figures du monde shinobi et d’en payer le prix fort. Je n’avais guère peur de telles conséquences, la peur ne servait à rien. Avancer, c’est tout ce qui compte. Scrutant l’horizon de mon seul véritable œil, je tapais du pied pour montrer mon impatience. Comment un être aussi puissant qu’on le dit pouvait arriver en retard ? Mes yeux finirent par tomber sur la figure exaspérée de ma partenaire, qui avait les mains dans les poches.

-"Je t’avais dit que tu étais venue trop tôt. Tu n’m’écoutes jamais."
-"Comment veux-tu que j’écoute une personne qui a le buste d’un hom… Ittatatatatata !!"

A peine eus-je le temps de terminer ma phrase qu’En vint me tirer les cheveux. Elle ne supportait pas que je mette l’accent sur son absence de forme féminine, mais cela m’importait peu aussi. Elle était ce qu’elle était, et cela ne changerait pas notre amitié de longue date. Cependant, elle marquait un point. L’heure du rendez-vous n’était pas encore arrivé, on était arrivées trop tôt. Mes valises me regardaient avec un dédain prononcé, comme si elles en avaient marre d’être là. Un regard qui me semblait familier, puisque j’étais capable de lancer le même type de fixation, assez souvent d’ailleurs. Non, je ne parle pas à mes valises, mais bon, il n’y avait pas grand-chose à faire, et continuer de converser avec mon interlocutrice me couterait plusieurs poils de têtes. C’était un fait, je ne savais pas tenir ma langue. Cet excès de confiance en moi me faisait dire des choses totalement déplacées, j’avais failli me retrouver dans de sacrés pétrins, si ce n’était pas pour la présence de cette fille aux cheveux bruns. Elle était sympathique, mais jamais je le lui dirai en face, cela ne me ressemblait mais alors pas du tout. Ah, mais que vois-je ? Une ombre ? Une silhouette ? Qui approchait de notre direction ? Nous allions vite le savoir.

Quoi ?

Un jeune homme au faciès étrange se dressa devant nous. Il semblait vraiment hors du décor, puisqu’il était vêtu d’une façon assez inexpliquée et bien sûr pas du tout dans l’esprit japonais. Qui était-ce ? Bien sûr, suis-je bête. Il s’agissait de Nichie-Nichie ! C’était sa maison après tout. Suivant les conseils de ma subalterne, je restais droite et enjouée, sans vraiment trop ouvrir la bouche pour éviter de dire une bêtise. Le sourire forcé, je m’inclinais pour montrer tout le respect dont je pouvais faire preuve face à une personne de son envergure. Cependant, j’entendis un pouf de rire derrière moi, ce qui me fit me retourner, avant de voir En les larmes aux yeux, tentant de se retenir à fond pour ne pas éclater de rire. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi elle s’était retrouvée dans cet état, peut-être que c’était ma posture qui était mauvaise, pas assez bas, ou alors trop bas. Elle pourrait me le dire au lieu de s’étouffer dans son rire ! Soucieuse de la bonne chose à faire, je me penchais un peu plus en ajoutant des mots qui étaient tout droit sortis des plus grandes cérémonies officielles entre dirigeants de plusieurs pays.

-"Je suis honorée de faire votre connaissance, je m’excuse de vous importuner ainsi alors que je sais pertinement que vous avez sans doute beaucoup mieux à faire et vous remercie de votre te…"
-"…..MOUHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA !!!!"

Ca y est, elle s’était lâchée. Dans une exclamation prononcée, ma meilleure amie se roulait par terre, ne pouvant plus supporter son propre rire. Irritée, je me dirigeai vers elle pour savoir de quoi il en retournait.

-"Tu pourrais t’arrêter de te moquer de moi ? En face de lui en plus !!"
-"Mais…Mais… J’peux pas m’en empêcheeeeeeeeeeer ! HAHAHAHAHA !"
-"Mais qu’est-ce qu’il y a à la fin ?!"
-"Ce…Ce…Ce n’est pas….’nichi !... Ce n’est pas Kitase Shinichi ! HIHIHIHIHAHAHAHA !!"

Quoi ? Alors que En retourna mourir, je me retournais vers celui qui nous avait ouvert la porte, son hochement de tête montrait que ce qu’avait dit ma coéquipière était vraie. Je comprenais désormais pourquoi elle était morte de rire, pourquoi elle se moquait de moi. Par pure vengeance, j’allai écraser son ventre avec mon pied, avant de suivre le portier du dojo. D’ailleurs, j’avais remarqué que quelques secondes plus tard qu’il m’avait fait entré toute seule, laissant mon interlocutrice à la porte. Un silence monstrueux régnait dans les couloirs de l’endroit, on n’entendait même pas le bruit de nos propres pas. Je ne savais ce qu’il avait fait, mais cet homme devait posséder une fortune démesurée pour rester dans un tel endroit. Une fois arrivés dans la chambre, je le vis. Son visage presque enfantin, sa nonchalance en étant allongée, mais surtout sa silhouette taillée dans un arbre, dure et douce en même temps. Il connaissait la raison de ma vue, il me demanda ce qui m’intéressait. Je n’avais plus d’autre choix, j’allais jouer cartes sur table !

-"Je veux, avec tout le respect que je vous dois, habiter ici, dans votre dojo !"

Non, pas prendre la place de cet être mondialement, mais résider dans cet ensemble de bâtiments sans doute trop grand pour lui seul – ou 2 avec ce portier. Mon ambition visait les étoiles, en dépit de ne pas pouvoir me rappeler de son nom, je me rappelais très bien qu’il était l’un des meilleurs Epéistes du monde. Une arme secrète pour Kiri, un monument historique que tout le monde adulait, une véritable légende. J’espérais quand même qu’il ne me mettrait pas à la porte, je n’imaginais pas retourner chez l’oncle de En en disant que je n’avais pas trouvé où loger.

-"Je peux faire la cuisine, le ménage, nettoyer la cour, ouvrir les portes mais aussi virer les ivrognes rodant près d’ici. Je peux me montrer très utile, je vous en supplie !"

C’était là que ma véritable identité se montrait. Derrière ce masque hautain et dérisoire se cachait une jeune fille capable de tout et au cœur pur. Pour accentuer mon envie de rester, je posais mes affaires, me mis à genoux et colla mon front au sol. Le dogeiza, la forme ultime de pardon et d’imploration. Une complète humiliation qui reflétait le désir immense de quémander ou de s’excuser auprès d’une personne ou d’un groupe de personnes. Faites qu’il dise oui !

Mes oreilles ne m’ont pas joué de vilains tours. Il venait d’accepter ! Youhou ! Hum, enfin, je voulais dire, je le savais.

Vivre dans un pensionnat ne me posait pas de problèmes, par contre, j’espérais que les résidents ne viennent pas directement me parler, histoire qu’ils ne soient pas traumatisés par mon comportement empli de piquants. Ce serait problématique s’ils venaient pleurer au chevet du maitre des lieux. Un défi de plus que je devais m’imposer pour éviter que mon séjour ne dure moins de temps qu’il n’en faut pour le constater. L’autre partie de la bonne nouvelle concernait le fait que je me fasse passer pour une élève, que je fasse bonne impression, que je joue mon rôle. Pas très compliqué jusque-là, je me rappelais que En’ m’avait parlé du prestige de Sabreur de l’homme qui se trouvait devant moi. Dans ce cas, il valait mieux pour moi, propriétaire d’un sabre hors du commun, de suivre ces mêmes cours avec assiduité. Une pierre deux coups ! Mais, ces cours, étaient-ils payants ? Vraisemblablement de toute manière je n’aurai pas à les payer, puisque le noble ne m’a rien dit. Quoiqu’il en soit, c’était une aubaine à ne pas manquer.

Juste après, celui qui nous avait ouvert la porte me conduisit dans ma chambre. En y repensant, ce pensionnat était-il mixte ? Que se passerait-il si je m’endormais paisiblement dans mon futon et que je me faisais attaquer dans mon sommeil par un adolescent frustré et assoiffé de désir et de chair féminine ? Mon intégrité et ma pureté seraient en danger, je suis une véritable pierre tombale quand je dors. Hm, elle avait l’air jolie cette chambre, il y avait assez d’espace pour que j’étale mes lourdes affaires de jeune fille dans toute la pièce. La vue portait sur l’intérieur de la cour, une porte glissante des deux côtés, une bâtisse des plus traditionnelles qui soient. J’aurai du demander au propriétaire du dojo si je pouvais inviter quelques personnes, plutôt une seule. Pour une raison que j’ignorais encore, En’ ne dormait jamais la nuit, cela devait d’ailleurs être pour ça que je pouvais dormir sur mes deux oreilles.

-"Oui, j’en ai des questions. Comment et où se lave-t-on ? Douches communes ou bien il faut directement aller à la source la plus proche ? Les garçons dorment dans le même bâtiment que les filles ? Peut-on inviter une autre personne à dormir dans sa chambre ? AH ! Euh… Ce que je veux dire par là, une amie… Enfin, vous comprenez n’est-ce pas ?"

J'avais gaffé dans mes mots, c’était vraiment embarrassant. Je ne voulais surtout pas montrer cette facette de ma personnalité, une partie fragile de mon âme, une partie qui menait irrémédiablement à ce vide dans ma mémoire, un vide sidéral sur une grande partie de mon existence, notamment celle de mon existence. Déposant ma valise dans un coin de la chambre, je tentais d’ignorer les nombreux regards portés sur moi, des regards provenant de petits curieux agglutinés les uns contre les autres, tentant de se cacher dans les recoins de la porte. Ce séjour s’annonçait palpitant, bourré de rebondissement, mais surtout dangereux. Une fois tout ceci fait, je me retourne vers le second du Lutin Noble.

-"Pourrais-je reparler avec votre maitre ? J’ai des questions à lui poser également."

Des réponses satisfaisantes, sur tous les points.

Cet homme savait ce qu’il faisait. Il était habitué à interagir avec des élèves bourrés de questions, d’incertitude et d’angoisse, j’éprouvais ainsi un certain respect en son égard. Je saurai à qui m’adresser si j’ai un problème ici à l’avenir. Ma dernière requête portait malgré tout sur un sujet plus sérieux, plus personnel, mais surtout qui concernait directement le plus grand des Sabreurs actuel du village. A petits pas, je suivais rigoureusement la direction de cet homme de main, jusque dans la chambre du souverain, où nous avions discuté au préalable. Il se trouvait toujours là, au même endroit où il nous avait laissé, comme s’il avait prévu de ne pas bouger de la journée. Mon guide s’en alla, refermant la porte derrière lui, je me trouvais ainsi seule face à une légende vivante de la Brume. Instinctivement, je pris en main mon sabre dans son fourreau, un fourreau enveloppé de bandages de tout son long. Je le posais devant moi, avant de placer mes genoux correctement au sol afin d’exécuter un seiza bien droit. Mon regard restait fixe, le stress commençait à monter, il fallait que je parle, et vite, sinon je risquais d’oublier ce pourquoi j’étais revenue.

-"Ki-Kitase-sama, je sais que je dois vous déranger et que j’abuse certainement de votre temps, mais je voulais ab-absolument vous parler de quelque chose. C-Cela concerne mon savre… sabre ! Il n’est pas comme les autres…"

Ouah ! J’en pouvais plus, ma nervosité m’empêchait de respirer correctement. C’était la première fois que je parlais de mon sabre à quelqu’un d’autre que ma grande amie En’. Qui plus est, je me demandais quelle aurait été la réaction de cet homme à la prestance et l’assurance prodigieuse, se moquerait-il de moi ? Ignorerait-il ma requête ? Me jetterait-il dans la mer pour ne plus avoir à faire à pareille disgrâce ? Tant de doutes qui me bouleversaient l’esprit. Malgré tout, en regardant de nouveau mon sabre, mon calme revenait petit à petit, ma détermination suivait de près, je reprenais mes esprits. Si j’étais venue ici, c’était pour une raison, et ma fierté m’interdisait de rester là sans rien faire !

-"Kitase-sama, je veux devenir votre élève !", dis-je en reprenant le sabre dans mes mains, "Ce katana s’appelle Seiryōshi. Un homme mourant me l’a confié, en me disant que j’étais la seule à pouvoir l’utiliser… Connaissez-vous l’origine de ce sabre ?"

Tout me revenait. L’incendie, il avait brûlé toute l’auberge. Je revoyais le visage de mon père adoptif, pris sous les décombres, qui me tendait ce sabre. Durant tout ce temps, il savait qui j’étais réellement, mais son silence me laissait dans l’ignorance la plus totale. Je ne comprenais pas pourquoi je possédais un nom différent du sien, mais avec du recul tout devenait clair. Je n’étais pas sa fille. Mais pourquoi ce sabre ? Pourquoi moi ? Qu’avais-je de si spécial pour me balader avec un des sabres sacrés du Village Caché de la Brume Sanglante ? Il fallait que je sache, il fallait que j’avance. Si l’histoire de ce sabre était liée à la mienne, alors c’était sur le champ de bataille que je trouverais mes réponses. Le regard sérieux, la main pendant en face du Lutin Noble, j’attendais une réponse de sa part, peu importe sa nature.